Gertrude Bell était une héritière anglaise qui a vécu selon les codes de l’époque victorienne. Dès l’enfance, Gertrude se révèle curieuse et douée. Après ses études et avant la première guerre mondiale, la jolie héritière choisit de voyager dans l’Empire Ottoman, loin de l’Angleterre. Au fil de ses expéditions, elle côtoie de nombreux chefs de tribus mais aussi des personnages célèbres comme Lawrence d’Arabie et Winston Churchill. Au milieu du désert, la reine sans couronne devient à la fois archéologue, diplomate polyglotte et agent secret. Finalement, Gertrude Bell est à l’origine du nouvel Etat d’Irak. Entre les lignes de sa longue correspondance, la lectrice décèle pourtant ses failles, ses incohérences, ses souffrances de Lady célibataire. Rigoureuse, Christel Mouchard détaille la vie de cette aventurière qui restera libre de ses choix jusqu’au dernier jour. Ce livre est la biographie d’une femme aux blessures secrètes. Bon moment de lecture.
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Ma vie. I. Duncan
Depuis l’enfance, la lectrice a entendu parler d’Isadora Duncan et de sa fin tragique : étranglée par son écharpe, prise dans les roues de sa voiture (1927). Mais qu’en est-il de sa vie ? De son art ? Cette autobiographie dévoile la destinée d’une femme américaine, passionnée par la danse du mouvement, le rythme et les sons. Inspirée par la Grèce antique, Isadora bouscule les codes du ballet classique qu’elle compare à une prison ; un carcan. Longtemps miséreuse, la célèbre danseuse va s’affranchir de sa famille et voler de ses propres ailes à travers le monde. En femme libre et déterminée, elle enseigne son art et ouvre une école de jeunes danseuses, en Grèce. Au fil des pages, le récit offre un regard sur la ville de Paris et les célébrités de la Belle époque : le grand Sardou, Rodin, Henry Bataille, Berthe Bady, Roland Garros…Avec sincérité, Isadora Duncan détaille ses liaisons amoureuses, sa maternité, ses drames mais aussi ses joies et ses succès. Finalement, l’ombre de la mort semble toujours planer autour de cette danseuse iconique. Bon moment de lecture.
La prochaine fois que tu mordras la poussière. P. Pascot
Derrière le chroniqueur bobo de la télévision française, se cache un garçon hypersensible. Dans ce roman autobiographique, Panayotis dévoile des fragments de sa vie sous forme d’écriture automatique. Car si le livre a été vendu à plus d’un million d’exemplaires, ce n’est certainement pas pour ses qualités littéraires. Tiraillée entre la tentation du rejet ou l’empathie, la lectrice découvre des périodes de vie, des passages impudiques mais touchants qui concernent différents sujets : le sexe, la dépression, le coming-out, la mélancolie…Finalement, le thème central du récit repose sur ses liens œdipiens au père alors que sa mère « mérite un livre a elle toute seule » . La sincérité est définitivement la première qualité du récit. Panayotis livre toute son intimité sans peur du ridicule. Mais cette crise existentielle n’est-elle pas propre à sa génération ? Bon moment de lecture.
La position de la cuillère. D. Levy
Après avoir lu le roman « Hot Milk », j’ai voulu en savoir plus à propos de Deborah Levy. Dans ce livre autobiographique, la lectrice découvre l’intimité de l’auteure et dramaturge britannique. En ouvrant les portes de sa bibliothèque personnelle, Deborah Levy nous livre des états d’âme, des anecdotes et ses préférences artistiques : Marguerite Duras, Simone de Beauvoir, Lee Miller…Toutefois, ce livre s’adresse aux lecteurs et lectrices assidus qui découvriront peut-être des artistes comme Paula Rego. Au fil des réflexions, chacun, chacune, y trouvera à boire et à manger. D’ailleurs « Des citrons à ma table » est une jolie anecdote à la fois intime et touchante. Il n’y a pas de cohérence entre les textes, juste un amour de l’art exprimé avec intelligence. Bon moment de lecture.
Paul Newman.
Si vous aimez l’acteur américain, Paul Newman, vous aimerez découvrir son incroyable parcours cinématographique, sa vie familiale et amoureuse, ses combats politiques, sa passion pour le sport automobile etc….En 1986, l’année de son Oscar d’honneur, Paul Newman enregistre les souvenirs heureux et malheureux de son extraordinaire destinée. Après sa mort, son ami Stewart Stern rassemble les enregistrements pour construire cette touchante biographie dont la postface est signée par une de ses filles. Au fil des pages, la lectrice découvre la sincérité et la vulnérabilité de la star hollywoodienne à la beauté stupéfiante. Derrière son physique et ses yeux bleus, Paul Newman était aussi un fils, un mari, un père ; un homme ordinaire qui était alcoolique, impulsif et hypersensible. Riche, cette biographie illustrée comporte les nombreux témoignages de proches, camarades d’université, metteurs en scène mais aussi d’acteurs dont Tom Cruise. La lectrice découvre qu’au cours de sa carrière, Paul Newman a participé à une soixantaine de films et a obtenu la récompense du meilleur acteur pour « La couleur de l’argent » (1987). D’ailleurs, dans sa générosité, l’acteur aurait récolté près d’un milliard de dollars pour des œuvres caritatives. Au moment de refermer la biographie, l’envie de visionner ses films l’emporte. Bon moment de lecture.
Triste tigre. N. Sinno
En France, 160.000 enfants sont agressés sexuellement, chaque année. Dans 81% des cas, ces violences se déroulent dans le milieu familial. Huit victimes sur dix sont de sexe féminin. Neige Sinno a été violée par son beau père, de l’âge de sept ans à ses quatorze ans. Après un procès où il a été condamné, la jeune femme a rédigé ce bouleversant témoignage. Mais elle prévient d’emblée qu’elle n’est pas sauvée et que son écriture n’est pas thérapeutique. Indispensable, son récit contribue largement à lever le voile sur cet insoutenable tabou de notre société. Au fil des pages, la lectrice découvre une fine analyse du mécanisme des violences sexuelles intrafamiliales. La richesse de ce récit repose notamment sur de nombreuses références littéraires : Nabokov, Toni Morrison Virginie Despentes ou Christine Angot. Le titre fait allusion à l’ouvrage américain « Tiger Tiger » de Margaux Fragoso qui raconte les viols d’une enfant par un pervers. Neige Sinno signe, ici, une confession poignante, intelligente et nécessaire ; une réflexion sur le mal. Excellent moment de lecture. Prix Femina. Prix Goncourt des Lycéens. Prix littéraire du Monde. Prix des Inrockuptibles 23.
Joseph Kessel. Y. Courrière
Cette biographie mythique est à nouveau disponible en librairie. Ami et confident du grand écrivain, Yves Courrière y décrit l’itinéraire compliqué de Joseph Kessel, né dans une famille juive russe. Au début du XXème siècle, la famille de Joseph s’installe en France, à Nice puis à Paris. Au cours de son enfance, le futur écrivain se passionne pour un grand roman français : « Les trois Mousquetaires ». Adolescent, Joseph se fait appeler « Jef » et arpente les rues d’un Paris qui éveille sa curiosité. Elève à la Sorbonne, il s’affirme comme acteur de théâtre et auteur au moment où le premier conflit mondial éclate. Une première œuvre littéraire, écrite à seize ans, révèle sa sensibilité d’écrivain. Mais en pleine guerre des Balkans, Joseph se passionne pour les grands reportages de presse. Trop jeune pour pouvoir s’engager, il devient brancardier dans un hôpital de guerre. Parmi les soldats blessés, Joseph découvre la souffrance, la mort mais aussi l’amour dans les bras d’une infirmière… En partant sur les traces du lion, Yves Courrière raconte la vie trépidante, riche et mouvementée de Joseph Kessel. Dans le détail, il retrace le parcours exceptionnel du romancier prodige au fil de l’histoire du XXème siècle. Bon moment de lecture.
Je suis née au son du violon. B. Flye Sainte Marie
Cette biographie romancée nous invite à découvrir le portrait d’une violoniste française méconnue, pourtant célèbre au 19ème siècle : Camille Urso. Avec talent, Bénédicte Flye Sainte Marie nous raconte la vie de cette musicienne et sa brillante carrière aux Etats-Unis. Grâce à une riche documentation, la lectrice découvre les mœurs d’une époque, son univers musical et quelques artistes dont certains belges. Mais l’auteure a l’intelligence d’évoquer la condition des femmes et les nombreux obstacles rencontrés par Camille, à son époque. En choisissant le violon, la virtuose a fait face aux préjugés de certains hommes pour qui cet instrument était trop « viril ». Féministe et femme de caractère, la musicienne a ensuite mené un combat pour faire embaucher les femmes artistes dans les orchestres au même titre que les hommes. Finalement, grâce à ses convictions, Camille Urso a facilité l’accès à des générations de jeunes femmes aux Conservatoires et dans les écoles de musique. La lectrice se demande alors pourquoi Camille Urso a été si vite oubliée ? D’après l’auteure, la musicienne féministe a été victime de « mentrification », ce phénomène qui tend à rendre invisible les femmes à travers l’Histoire. Au fil de son ouvrage, Bénédicte Flye Sainte Marie redonne une place à la musicienne prodige, la sort de son anonymat pour notre plaisir de lecture. Avant de signer cette biographie, Bénédicte Flye Sainte Marie dénonce certains archaïsmes qui persistent dans le monde musical français (seulement 6% des chefs d’orchestre et un quart des solistes sont des femmes). Finalement, à la manière de Camille Urso, Bénédicte Flye Sainte Marie s’indigne, dénonce et mène son combat de féministe pour une meilleure parité. Bon moment de lecture.
Etienne Daho, A Secret Book. S. Coma
Sous les branches du sapin de Noël, j’ai trouvé cette magnifique biographie d’Etienne Daho. L’auteure, Sylvie Coma, est une journaliste et amie du chanteur pop depuis leurs années de lycée à Rennes. La lectrice est conquise par ce livre grand format, son joyeux graphisme, le choix de la typographie et les innombrables illustrations. Sur les airs de « la notte », les pages se tournent avec l’envie d’en savoir plus à propos de ce garçon discret qui a grandi devant un juke-box en Algérie avant d’atterrir brutalement en France. En 1985, le succès éclate puis se poursuit avec « Pop Satori » qui le propulse chef de file de la pop française. De photos personnelles aux photos officielles en passant par des documents privés et des télégrammes colorés, la lectrice plonge un peu plus profondément dans l’univers particulier de l’artiste dont elle découvre l’histoire personnelle et les thèmes de prédilection. Fan inconditionnelle, la lectrice aime tourner les pages de cette biographie avant d’écouter les albums de son adolescence, sans jamais se lasser. Excellent moment de lecture.
Petite femme montagne. T. M. Mailhot
Terese Marie Mailhot a participé à de nombreuses conférences au « Festival America » de Vincennes. Journaliste canadienne, elle enseigne la création littéraire en Colombie-Britannique. Son premier livre parle de sa souffrance de fille, de femme et de mère autochtone. Terese Marie Mailhot a grandit dans une réserve aux côtés d’une mère alcoolique, instable et violente. Pour ne rien arranger, son père, surnommé le serpent, abusait de sa femme et de ses enfants. A l’adolescence, Terese Marie Mailhot se marie pour « chercher une maison sûre ». Obligée de quitter la réserve, elle tombe follement amoureuse d’un homme qui ne cesse de la rejeter et la plonge dans les affres d’un passé douloureux : « La souffrance surgit plus vite que la lumière. » Le malheur la poursuit lorsqu’elle accouche de son second enfant et se retrouve séparée de son premier fils, en pleine dépression post-natale. Loin des guérisseurs de son enfance, Terese Marie Mailhot est internée dans un centre de santé mentale, à « mi- chemin entre la normalité et la folie » . En rentrant chez elle, elle obtient une bourse d’étude : « un territoire souverain pour écrire toutes les transgressions. » Au fil de la lecture, ce qui passionne la lectrice, c’est la symbolique de son enfance, les croyances de sa mère et le souvenir de sa grand-mère ; sa condition autochtone. Dans un style singulier, l’auteure nous livre ses états d’âme en faisant ressentir le monde à la manière de ses ancêtres, en relation constante avec la nature et les éléments ; le mysticisme de sa culture. Adressé à l’homme qu’elle aime d’un amour impossible, « Petite femme montagne » est un texte poétique bouleversant et puissant. Excellent moment de lecture.
Maid. S. Land
Le témoignage de Stéphanie Land nous éclaire sur la situation des femmes pauvres et célibataires aux Etats-Unis. La lectrice a aimé la série « Maid », inspirée du livre et diffusée sur Netflix, car elle rend parfaitement compte du combat quotidien de cette jeune mère pour survivre avec sa fille de trois ans. Après une séparation douloureuse et violente, Stéphanie, mère de Mia, se retrouve dans un foyer pour sans abri. Ne pouvant pas compter sur l’aide de sa famille, Stéphanie devient femme de ménage, place Mia en garderie et jongle avec les aides de l’Etat. Grâce à ce journal, la lectrice découvre son parcours, ses souffrances mais aussi son espoir de devenir écrivaine. Au fil du récit, Stéphanie donne des descriptions précises sur les maisons où elle travaille et qu’elle baptise de surnoms : la maison porno, la maison triste, la maison clown, la maison du chef…Ce qui frappe, au cours de la lecture, c’est l’hostilité, le mépris et l’incompréhension d’un grand nombre de personnes face à la pauvreté. La lectrice ressent de la compassion pour Stéphanie qui travaille dur, souffre physiquement et psychologiquement notamment en s’inquiétant pour la santé de Mia et pour leur avenir commun. L’amour entre Stéphanie et Mia est magnifique car inconditionnel. Finalement, la jeune écrivaine trouve les mots justes pour raconter sa vie quotidienne tout en libérant sa parole de mère célibataire vivant dans une situation précaire, loin du rêve américain. Bon moment de lecture.
Miss Julia Flisch. C. W. Flisch
Dans cette biographie, Christian W. Flisch s’est employé à réunir de nombreux documents et illustrations à propos de son aïeule : Julia Flisch. Née dans une famille d’émigrés suisses, en 1861 aux Etats-Unis, Julia grandit en Géorgie. Durant ses études, elle se distingue des autres élèves par son intelligence, son regard critique et sa personnalité. A l’âge de vingt-et-un ans, elle signe une lettre ouverte, dans un journal local, où elle appelle les autorités de Géorgie à émanciper les femmes en leur donnant accès aux études supérieures et au monde du travail. Au fil du temps, cette pionnière va gagner sa renommée de journaliste mais aussi d’écrivaine lors de la publication de son premier roman aux accents victoriens. La militante rédige également des nouvelles qui paraissent dans les périodiques de tout le pays. Parallèlement à une activité d’enseignante, Julia voyagera à travers l’Europe tout en publiant des articles en lien avec l’actualité. Afin de soutenir la cause des femmes, elle donnera de nombreuses conférences dans des organisations et cercles de lecture. Christian W. Flisch rend, ici, un vibrant hommage à cette pionnière du féminisme injustement tombée dans l’oubli et dont l’œuvre fournit un éclairage précieux sur l’histoire des Etats du Sud. A la fin du livre, la lectrice découvre une jolie nouvelle et un article de presse rédigés par cette femme d’exception, décédée en 1941. Bon moment de lecture.
Kaiser Karl R. Bacqué
Grand reporter au journal « Le Monde » , Raphaëlle Bacqué retrace la vie de Karl Lagerfeld à travers cette biographie captivante. Pourtant, ce n’est pas facile de rassembler toutes les informations concernant le créateur de génie, disparu en 2019. Issu de la grande bourgeoisie allemande, cultivé et esthète, Karl Lagerfeld n’a jamais cessé de brouiller les pistes en ce qui concerne son passé. Le talent de Raphaëlle Bacqué se révèle dans le fait de donner la parole à ses collaborateurs mais aussi aux proches et intimes pour comprendre toutes les facettes du personnage. Par le biais de ses relations avec Inès de la Fressange, Yves Saint Laurent ou Caroline de Monaco, la lectrice découvre un homme paradoxal qui peut se révéler à la fois insupportable, cassant, capricieux mais aussi généreux et empathique. Pour notre plaisir de lecture, l’auteure fait revivre le créateur, analyse son enfance, ses amours et sa carrière de la fin des années cinquante à aujourd’hui en passant par les mortelles années « sida » . La lectrice retiendra l’humour caustique de Karl Lagerfeld, sa lucidité et ce fameux coup d’avance qu’il avait sur son temps. Bon moment de lecture.
Soit dit en passant. Woody Allen
Woody Allen est un réalisateur américain singulier, amoureux des actrices et de New-York, sa ville natale. Les inconditionnels de ses films, comme moi, ne se lassent pas de revoir « Manhattan », « Annie Hall » , « Match Point » ou, plus récemment, « Un jour de pluie à New-York ». Les premières pages de ses mémoires évoquent une enfance heureuse à Brooklyn dans une famille juive atypique avec une mère autoritaire et un père mafieux. Une certaine passion pour le cinéma se confirme à l’adolescence tout comme son intérêt pour la musique, les matchs de Baseball et les filles. Âgé de 84 ans aujourd’hui, Woody Allen est, tout d’abord, l’un des derniers témoins de la vie artistique new-yorkaise des années cinquante, soixante… Le nombre d’acteurs et actrices qu’il a côtoyé est véritablement impressionnant. Auteur de gags, humoriste, comédien puis réalisateur, il a débuté sa carrière à l’âge de 16 ans en se faisant remarquer du côté de Broadway. Après deux mariages et une histoire d’amour avec Diane Keaton, Woody Allen rencontre sa muse pour le meilleur et pour le pire : Mia Farrow. Traité en paria depuis les accusations d’attouchements sur sa fille adoptive Dylan, Woody Allen tient à donner, ici, sa version des faits et il a raison (la vengeance est malheureusement le moteur de beaucoup de femmes malheureuses). Cependant, au fil des justifications, le livre se transforme parfois en plaidoyer. Finalement, Woody Allen a épousé une autre fille adoptive de sa compagne, Soon-Yi, son épouse depuis 22 ans. Le cinéaste se dévoile tout au long de cette passionnante autobiographie qui lui ressemble, à la fois drôle et cynique. Même si son manque de confiance agace, Woody Allen paraît sincère tout au long du livre. Nous connaissions le travail du cinéaste, nous connaissons maintenant l’homme. Bon moment de lecture.
Le jeune homme de Crawley. J. Wulc
Jérémy Wulc est un scénariste, fan inconditionnel du groupe anglais « The Cure ». En voulant rendre hommage à Robert Smith (le leader du groupe), Jérémy Wulc signe une oeuvre de fiction originale, largement inspirée de la vie du chanteur punk. Si vous avez adoré les albums du groupe, vous aimerez cette étonnante histoire qui dévoile la part obscure du chanteur anglais ; le jeune homme de Crawley. Ā vrai dire, ce n’est pas le style de l’auteur qui captive la lectrice mais la construction qui se révèle singulière et judicieuse. Tout au long de l’intrigue, les mots défilent aisément comme les souvenirs. L’auteur raconte comment l’amitié, l’amour, le succès mais aussi les doutes, l’alcool et les drogues ont jalonné la vie du musicien. Grâce à sa relation privilégiée avec Robert Smith, Jérémy Wulc signe un récit atypique qui traduit son admiration. Bon moment de lecture.
Vie de David Hockney. C. Cusset
David Hockney est né en 1937 dans le nord de l’Angleterre. Petit garçon joyeux, artiste dans l’âme, il a toujours aimé dessiner. Son talent et son audace lui permettent de pousser les portes du Collège royal de Londres où David Hockney découvre l’Art et l’homosexualité. D’ailleurs, l’artiste ne cessera jamais de mêler sa vie privée à son oeuvre (Love paintings, Mr and Mrs Clark and Percy…). Influencé par le cubisme, admiratif de Picasso, David Hockney s’intéresse à la théorie de la perspective inversée. Ses tableaux rencontrent un succès grandissant et s’exposent entre Londres et les Etats-Unis où il réside fréquemment. En Californie, il se focalise sur les piscines (a bigger splash), et sa nature luxuriante loin des petits jardins anglais. Petit à petit, le style Hockney s’impose et se renouvelle malgré la critique qui ne le suit pas toujours. Confronté aux années sida et à la perte de nombreux proches, le peintre va donner une place de plus en plus importante à la lumière et aux couleurs dans ses œuvres. Curieusement, Catherine Cusset n’a jamais rencontré David Hockney et pourtant elle assure que « tous les faits sont vrais ». A partir d’archives, interviews, essais, catalogues, l’auteure a reconstitué le puzzle de la vie de l’artiste. Entre les lignes, l’écrivaine s’intéresse particulièrement à la question du désir et de la liberté. D’où vient le don de l’artiste ? Quel est le rôle de la critique ? En publiant un roman proche de la biographie, Catherine Cusset nous donne sa vision du célèbre peintre anglais. Prix Anaïs Nin 2018. Bon moment de lecture.
Gabriële. Anne et Claire Berest
En s’appuyant sur différentes archives, les deux arrière-petites-filles de Gabriële Buffet-Picabia font revivre leur ancêtre à travers ce travail de mémoire. Enfants, Anne et Claire Berest ignoraient tout de cette femme française si particulière, décédée à l’âge de 104 ans dans le silence complet. Théoricienne de l’art, muse et épouse du peintre Francis Picabia, Gabriële a vécu une vie romanesque, traversée par deux guerres, dans le tourbillon des mouvements artistiques du XXème siècle. Chaque chapitre du livre porte le titre d’une œuvre de Francis Picabia, peintre excessif et révolutionnaire. Ensorcelée par Francis, Gabriële renonce à son destin de compositrice mais certainement pas à son indépendance d’esprit et à sa liberté de femme. Le couple vivra une longue relation passionnée et destructrice. La bipolarité de Francis et les nombreuses grossesses seront les fardeaux de Gabriële qui devient la maîtresse de Marcel Duchamp et l’amie de Guillaume Appollinaire. En menant l’enquête, Anne et Claire Berest rendent hommage à une femme passionnée et amoureuse, une femme d’un autre siècle. Bon moment de lecture. Grand Prix de l’Héroïne 2018. Prix Grands Destins 2018.
Paradise. M. Cerrone
Il y a quelques années, en croisant Marc Cerrone, j’étais loin d’imaginer son incroyable parcours. Ce roi du disco, fils d’immigrés italiens, tient pourtant du génie. Né sous une bonne étoile, de nature optimiste, entouré par des parents qui l’ont encouragé à oser « rêver grand », l’homme n’a cependant pas toujours eu la belle vie. Du divorce de ses parents au sien en passant par les galères les plus improbables, Cerrone a néanmoins toujours trouvé la force de rebondir. « Right time, right place » comme dit sa maxime préférée, il rencontre à la fin des années soixante le patron du « Club Med », le premier à lui donner sa chance. Après la folie « Club Med » , Cerrone fonde « Kongas », son premier groupe, et part en tournée. Finalement, la vie de ce battant ressemble à des montagnes russes : du paradis à l’enfer en quelques minutes. A travers cette autobiographie rythmée, la lectrice découvre un artiste complet, international, têtu et provocateur. Aujourd’hui, Cerrone se sent « super vivant » et boucle la boucle en recomposant son premier groupe. Les meilleurs DJ de la planète placent ce père de la « French Touch » sur un piédestal et continuent de s’en inspirer. Cette autobiographie, qui paraît le 25 avril 2018, nous replonge avec plaisir et nostalgie dans les années disco et les tubes de ce pionnier de la dance music : « Paradise », « Supernature », « Give me love », « Love in C minor »…Bon moment de lecture.
Encore vivant. P. Souchon
A l’instar de Gérard Garouste, Pierre Souchon dévoile, dans ce roman autobiographique surprenant, les méandres de sa maladie. Diagnostiqué bipolaire à l’âge de vingt ans, Pierre Souchon est interné une première fois, se fait soigner et jure de ne jamais retourner à l’hôpital psychiatrique. Ardéchois, il déménage à Paris pour trouver un emploi de journaliste, rencontre Garance et l’épouse. Ces moments de plénitude vont alors l’inciter à arrêter son traitement médical. Malheureusement, quelques mois plus tard lors d’une crise maniaco-dépressive, Pierre Souchon se retrouve enfermé en asile psychiatrique, exposé une nouvelle fois au monde médical et à une panoplie de patients paranos, schizophrènes, suicidaires…des personnages hauts en couleur comme Lucas, Jim, Cédric, Mounarelle… Au cours des visites quotidiennes de son père, Pierre Souchon tente de reconstituer l’histoire de ses ancêtres sur la terre Cévenole; délires identitaires. Au fil des pages, c’est bien le regard lucide de Pierre Souchon sur sa maladie, et ses irrémédiables conséquences, qui bouleverse. Son style est plein de fureur, de démesure et d’humour. La lectrice assiste impuissante à la chute d’un homme, troublant d’intelligence, qui tente de s’accrocher: « Ecris. Une fois encore, et pour toujours, tu le sais bien, au fond que nous ne tenons qu’à coups de littérature. » Le titre du roman « Encore vivant » est inspiré par le nom d’un séquoia à feuillage persistant: « Sempervirens ». Parution: 16 août 17. Bon moment de lecture.
Mata Hari. La dernière danse de l’espionne. P. Collas
Mata Hari est entrée dans la légende, à l’aube du 15 octobre 1917, lorsqu’elle fut fusillée à Vincennes pour haute trahison. Mais qui était Mata Hari? Philippe Collas s’emploie à retracer le parcours de cette mystérieuse danseuse néerlandaise afin de mieux comprendre sa destinée. L’auteur de cette biographie est particulièrement bien placé pour faire revivre la reine du Paris de la Belle Epoque puisqu’il est l’arrière petit-fils de Pierre Bouchardon, juge d’instruction au procès. En nous faisant pénétrer dans les mécanismes de l’espionnage et du contre-espionnage français, l’auteur cherche à nous éclairer sur cette affaire qui s’est déroulée pendant la première guerre mondiale. Véritable plaidoyer pour la défense de cette icône sulfureuse, Philippe Collas fouille méticuleusement dans les archives familiales et les archives de l’armée française pour rétablir la vérité. Il nous présente une femme incroyable, mythomane, grande séductrice polyglotte et manipulatrice. Une femme qui aimait un peu trop l’uniforme. Bon moment de lecture.
PAMELA. Stéphanie des Horts
Inconnue du grand public, Pamela Digby avait pourtant toutes les qualités d’une héroïne de roman. Stéphanie des Horts s’attache à faire revivre cette charmante aristocrate anglaise, tant désirée par les hommes. Très jeune, Pamela épouse Randolph, le fils de Winston Churchill. Elle portera, tout au long de sa vie, le nom de cette illustre famille ; laissez-passer des cercles mondains. Après son divorce, Pamela Churchill collectionne les aventures: Ali Khan, Agnelli, Sinatra, Rothschild, Murrow, Druon, Harriman…et se forge une réputation sulfureuse. La vie est une fête pour cette femme libre qui s’installe notamment à Paris, dîne chez « Maxim’s » en robe « Dior » puis danse sur un rythme de jazz au « White Elephant ». L’amour est un jeu pour cette belle rousse insouciante qui se mariera trois fois. Avec beaucoup d’audace et de culot, l’auteure romance la vie de Pamela, décrit son quotidien, ses voyages, ses pensées, ses passions… La lectrice suit cette aristocrate singulière du Blitz, où elle espionne, jusqu’à Paris où elle sera l’Ambassadrice de Bill Clinton. Sans complexe, l’auteure nous la présente comme une courtisane, une femme qui donne tout: « son corps, son cul et même son cœur ». La lecture de cette biographie romancée est agréable même si certains passages s’attardent un peu trop sur des détails anecdotiques, des cancans et des ragots agaçants. Finalement, Stéphanie des Horts nous présente une femme enjouée, une grande amoureuse qui amuse et intrigue. Bon moment de lecture.
Weidmann, le tueur aux yeux de velours. P. Randa
Le 22 juin 1939, à Versailles, Eugène Weidmann est le dernier condamné guillotiné en place publique. Philippe Randa trace le portrait de cet assassin de nationalité allemande à la fois dandy et escroc désabusé. Sa beauté physique lui a valu le surnom de « tueur aux yeux de velours » . L’homme amadouait ses victimes en espérant les kidnapper pour demander une rançon. Mais sa première expérience tourne à la tragédie; Weidmann tombe inéluctablement dans la spirale du crime médiocre. L’auteur se penche, tout spécialement, sur l’enquête du juge Berry avant la condamnation finale pour six meurtres et vols qualifiés. Le magistrat cherche une vérité plus proche du contexte de l’époque: Weidmann était-il un agent nazi? Colette, la romancière et journaliste, suivra le procès de cet assassin sordide qui, pourtant, l’interpelle. Sommes nous face à un monstre, un malade ou un homme? En annexes, Philippe Randa a eu la bonne idée de glisser quelques lettres, des extraits du journal intime de Weidmann et quelques rapports d’experts afin de nous éclairer sur la personnalité de cet homme maudit. Bon moment de lecture.
Qui je suis. C. Rampling et C. Bataille
N’espérez pas découvrir Charlotte Rampling dans ce livre qui s’apparente à un recueil de souvenirs. Pas un mot sur son métier d’actrice, ni sur les hommes de sa vie ou ses enfants…Charlotte Rampling ne se livre pas facilement mais accepte d’évoquer ses parents et son enfance nomade entre l’Angleterre et la France. Pourtant, elle confie, ici, un lourd secret: le suicide de sa soeur Sarah, en 1967. Mariée en Argentine, Sarah est tombée dans le désespoir après la naissance de son fils (dépression périnatale?). L’onde de choc atteint la famille Rampling en Angleterre. Charlotte va s’affranchir pour ne pas sombrer comme ses parents. Elle deviendra la grande actrice que nous connaissons (« Le Portier de nuit » , « Max, mon amour » , « Sous le sable » , « Swimming pool » …) . C’est donc un livre émouvant, illustré de photos intimes, que nous présente cette mystérieuse actrice avec la complicité de Christophe Bataille. Charlotte Rampling cède une ou deux pièces du puzzle de sa vie…pour mieux la deviner. Bon moment de lecture.
Fairyland. A. Abbott
Cette biographie n’est pas un conte de fée. Alysia Abbott nous livre son histoire personnelle à la fois tragique et singulière: une enfant élevée par un père homosexuel à San Francisco dans les années 1970. Alysia n’a que deux ans lorsqu’elle perd sa mère dans un terrible accident de voiture. Le duo père-fille va alors se former: Steve Abbott déménage à San Francisco, avec sa fille, où il va mener librement sa vie de poète et de militant homosexuel. Aujourd’hui, Alysia a rassemblé tous ses souvenirs pour redevenir cette petite fille élevée dans la culture hippie. Vingt ans plus tard, la voici qui dresse, avec tendresse, un portrait de son père énigmatique. Avec intérêt, la lectrice découvre la scène intellectuelle de San Francisco (1970 à 1990) mais aussi le combat de la communauté gay décimée par le sida. Les annotations, photos, lettres et poèmes laissés par Steve Abbott donnent de la profondeur au récit. Alysia nous parle de sa difficulté à grandir et à trouver sa place de femme dans cette vie marginale où les rôles s’inversent de façon étonnante. Chef de file du mouvement New Narrative, Steve Abbott est mort du sida en 1992. Ce témoignage engagé a remporté le Grand Prix de l’Héroïne Madame Figaro 2015. Bon moment de lecture.
Manderley for ever. T. de Rosnay
Voici une biographie captivante de Daphné du Maurier signée par Tatiana de Rosnay, très inspirée par cette romancière anglaise disparue en 1989. Pour réaliser ce portrait, Tatiana de Rosnay fait le chemin à l’envers jusqu’aux Cornouailles et nous parle, avec passion, de son auteure fétiche. La lectrice découvre une femme d’un autre temps, une auteure prolixe (Rebecca, L’auberge de la Jamaïque, Ma cousine Rachel, Les oiseaux et autres nouvelles, La poupée etc…) mais aussi une épouse et une mère de famille complexe car Daphné du Maurier préférait parfois les murs de ses belles maisons à la compagnie des hommes. Très bien documentée, cette biographie se lit comme un roman et dévoile le côté sombre d’une auteure sensible et tourmentée. Bon moment de lecture.
Le roman de Louise. H. Gougaud
Ce livre est à la fois un roman et une biographie car il retrace chronologiquement la vie d’une figure emblématique de la Commune, Louise Michel, depuis sa naissance en 1830 jusqu’à sa mort en 1905. Dès les premières pages, l’auteur rend un vibrant hommage à « la vierge rouge », cette militante anarchiste, féministe indomptable. La plume pleine de verve, Henri Gougaud nous emmène sur les barricades de Paris au milieu des bannières et des airs de clairons. Petit bémol: la lectrice se perd parfois dans les cortèges des rues embrumées de poussière. Très tôt, Louise Michel joue à cache-cache avec la mort; elle rêve de tuer Napoléon et sera finalement emprisonnée en Nouvelle-Calédonie où elle enseignera le français aux Canaques. Derrière cet hommage, Henri Gougaud tente de nous présenter son héroïne au plus près de la réalité. Cette femme de conviction, assoiffée de justice sociale, toujours au service des autres, est aussi une femme complexe, sèche et intransigeante. Proche de Victor Hugo, lectrice de Baudelaire et amoureuse de Téophile Ferré, Louise Michel sera, tout au long de sa vie, une femme engagée qui luttera contre la misère du peuple. Grâce à Henri Gougaud, nous redécouvrons un personnage révolutionnaire hors du commun, une femme au destin romanesque. Bonus: les repères historiques, à la fin du livre. Grand Prix de l’Héroïne, Madame Figaro, 2014.
Avec une légère intimité. C. Malraux
Cette biographie originale de Madeleine Malraux, écrite par sa petite fille Céline, interpelle la lectrice. Sous la forme d’un journal, le livre retrace le parcours de la troisième femme d’André Malraux, sa vie de mère puis sa carrière de concertiste, de 1944 à 2011. La référence à André Malraux est presque constante au point de se demander s’il s’agit d’une biographie sommaire de l’homme illustre? Pour autant, l’ouvrage est joliment illustré de reproductions de lettres, dessins, photos… invitant la lectrice dans l’intimité de cette grande dame française qui a sacrifié sa carrière de pianiste pour sa famille avant d’être sauvée par la musique. En effet, Madeleine Malraux a malheureusement été rattrapée par des évènements familiaux tragiques. C’est donc le portrait d’une femme singulière et courageuse qui interpelle. Madeleine Malraux est une grande artiste qui a notamment travaillé aux côtés de Georges Balanchine et Isaac Stern. Elle est la témoin d’une époque où se mêlent l’histoire, l’art, la culture et la politique. Prix de l’Héroïne, Madame Figaro, 2013.
Joseph Anton. S. Rushdie
L’autobiographie de Salman Rushdie se lit comme un roman écrit à partir de faits réels. Ce grand auteur, d’origine indienne, avait été condamné à mort en 1989 par l’Ayatollah Khomeiny suite à la publication de son livre: « les versets sataniques ». Il raconte, ici, une décennie de sa vie sous protection policière, à la troisième personne du singulier. L’auteur justifie ce choix non pas par arrogance, mais afin de prendre de la distance avec son passé et l’homme qu’il a été. Très bonne traduction, à peine perceptible. Salman Rushdie a choisi le nom de « Joseph Anton » pour rendre hommage à deux illustres auteurs et à leurs univers: Joseph Conrad et Anton Tchekhov. En effet, pendant toutes ces années d’isolement, Salman Rushdie sera, malgré lui, un homme invisible condamné à gérer, avec intelligence, sa peur pour lui et pour ses proches. C’est un livre sur la liberté d’expression, la solitude, l’exil et l’aliénation d’un auteur qui continue à écrire et à publier malgré la Fatwa. Certains passages, notamment ceux relatant sa protection policière quotidienne, sont véritablement surréalistes. Beaucoup d’humour également, tout au long des sept cent pages comme dans l’épisode de la perruque qu’il part tester, un jour, dans les rues de Londres. Les thèmes de la honte et de l’humiliation ont une place d’importance, ici, et Salman Rushdie ne cache pas ses douleurs les plus profondes. La lectrice découvre, également, son rapport à la vie politique internationale. La France apparaît comme un soutien bénéfique à travers diverses personnalités comme Jack Lang, Isabelle Adjani ou BHL. La franchise et la sincérité rendent l’ autobiographie souvent touchante. Certaines pages semblent extraites d’un journal intime où l’on découvre l’homme, le mari, le séducteur mais aussi le fils, le frère et le père de deux garçons. A travers ces évènements, Salman Rushdie rencontre beaucoup de personnalités et relate beaucoup de faits importants et moins importants. Grâce à ses amis, l’auteur a réussi à vivre et à se cacher malgré l’épée de Damoclès qui persiste au dessus de sa tête. Une autobiographie qui ouvre les portes du microcosme de Salman Rushdie. A réserver aux initiés. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Michel Berger. Y. Bigot
Voici une biographie à l’américaine. Yves Bigot maîtrise parfaitement son sujet en tant que journaliste, ex patron de Mercury, directeur des programmes mais surtout comparse de Michel Berger, disparu il y a vingt ans. Au premier chapitre, l’auteur justifie ses choix par son amour pour la musique et sa volonté de ne pas prendre parti, ce qui se révèlera parfois intenable. Yves Bigot retrace chronologiquement la vie du chanteur meurtri par l’abandon. L’auteur fait intervenir les commentaires d’artistes et personnalités qui ont côtoyé Michel Berger, de la période yéyé à la controversée période rock pour aboutir à « Rock symphonique » et « Starmania ». Compositeur, parolier, réalisateur, producteur, chanteur, Michel Berger était un boulimique de travail, un intellectuel racé, exigeant, discret et ambitieux qui souffrait d’un manque de reconnaissance. La période Véronique Sanson est largement exposée et ses comportements erratiques nous laissent deviner la souffrance de Michel Berger. France Gall, sa femme et la mère de ses enfants, lui donnera une stabilité, une complicité durant de longues années même si une certaine Béatrice Grimm se glisse dans les dernières pages de la biographie. Ce que nous pouvons regretter ici, c’est cette impression parfois désagréable de nous trouver dans un dîner mondain où l’on se perd dans des détails futiles, trop intimes. Nous n’avons pas de mal à imaginer la malveillance et les rumeurs du show-biz de l’époque. Les longues listes de chansons parasitent la lecture de la biographie. Admettons cependant que ces détails permettent aussi de nous immerger totalement dans le paysage de Michel Berger. Pour finir, la postface de Bayon est malheureusement illisible pour une lectrice novice. Finalement, il faut bien reconnaître que nous avons tous en nous quelque chose de Michel Berger.
Sagan, un chagrin immobile. P. Louvrier
Pascal Louvrier retrace la vie de Françoise Sagan en analysant méthodiquement chaque période de sa vie. Françoise Quoirez est la cadette d’une famille bourgeoise française, une petite fille gâtée qui perdra son insouciance face aux images brutales de la seconde guerre mondiale. Vive et intelligente, elle se passionne très tôt pour Proust, Rimbaud, Stendhal et publie son premier roman, « Bonjour tristesse », à dix sept ans (1954). Cette androgyne athée, qui fait volontiers l’école buissonnière, va finalement donner un sens à sa vie en écrivant. La biographie décrit sa métamorphose dès son premier succès en librairie. Elle nous renvoie aussi au côté réactionnaire de Sagan, à ses excès, ses drogues, ses dettes, ses amants et ses accidents de voiture. Pascal Louvrier cherche une signification à son attitude et son perpétuel chagrin. Femme et mère, Sagan va lentement s’assagir. Mais, déçue par les hommes, elle cachera son homosexualité. L’auteur a recueilli des témoignages inédits de personnalités et de son fils, Denis. Au fil des pages, l’auteur fait constamment le parallèle entre l’époque de Sagan et la nôtre puis décortique les thèmes abordés dans l’ensemble de son œuvre. Cette biographie enrichissante fait suite au film de Diane Kurys en 2007: « Sagan ». Les biographies, parues précédemment, sont citées en fin d’ouvrage ainsi que « les essentiels » pour les passionnés de l’illustre écrivaine. La biographie a le grand mérite de nous éclairer un peu plus sur l’évolution fulgurante d’un petit génie de la littérature française. Bon moment de lecture.