Récemment, un garde forestier allemand, Peter Wohlleben, a dévoilé la part cachée des forêts dans son best-seller : « La vie secrète des arbres. » Didier Van Cauwelaert, fils d’une horticultrice et Prix Goncourt (1994), nous propose de découvrir les émotions des plantes. Après la lecture de son livre, vous ne regarderez plus votre plante verte de la même manière (et elle non plus). D’après les chercheurs, les plantes sont sensibles, capables d’émotions. Preuves à l’appui, l’auteur vulgarise toutes sortes de données scientifiques impressionnantes pour mieux nous renseigner sur le sujet. Ainsi, une plante serait capable de modifier sa structure, sa composition chimique et son apparence en vue de se défendre ou de séduire. D’après la revue « Science », le mécanisme de communication des végétaux s’apparente à notre système nerveux. Pour s’exprimer, les plantes disposeraient de différents niveaux de langage : odeurs, couleurs, molécules volatiles, signaux chimiques, signaux écho-acoustiques…Le chapitre consacré à l’influence de la musique sur les plantes est passionnant. D’après les chercheurs, la musique classique stimule non seulement la croissance mais aussi la résistance et la floraison de plantes qui réagissent aux vibrations. À l’heure où l’homme paie cher les dégâts causés par les pesticides, il est question de développer des engrais sonores ; mélodies thérapeutiques. Dans ce formidable plaidoyer pour le règne végétal, Didier Van Cauwelaert propose de restaurer une certaine harmonie, de bousculer nos repères et de cesser de trahir le règne végétal avant qu’il ne se retourne contre nous en nous privant d’oxygène. Bon moment de lecture.
Archives mensuelles : novembre 2018
Leurs enfants après eux. N. Mathieu
Nicolas Mathieu vient d’obtenir le Prix Goncourt pour ce roman français réaliste, fresque sociale d’une époque désillusionnée. Nous sommes en 1992, en Lorraine, dans une ville ouvrière en pleine désindustrialisation. Anthony est un adolescent de quatorze ans qui traîne avec son cousin. Ensemble, ils tuent l’ennui, fument, boivent et transgressent quelques interdits. Au cours de leurs virées, ils croisent d’autres jeunes comme Hacine, Clem, Romain, Sonia et Steph. Durant quatre étés, la lectrice va suivre ces enfants de milieux sociaux différents, le temps des premiers émois : Steph couche avec Simon qui couche avec Clem. Anthony aime Steph et espère secrètement. Hacine se met en couple avec Coralie… Heureusement, le style de Nicolas Mathieu est fluide. L’auteur ressuscite, avec justesse, les sensations, les états d’âme, les sentiments de ces jeunes qui rêvent d’un ailleurs. Dès les premières pages, la lectrice embarque dans cette fiction glauque, chargée de dialogues. Finalement, le désespoir de cette jeunesse française désespère totalement. L’alcool, la misère, la résignation et le désœuvrement finissent par plomber la lecture de ce long roman désenchanté. Prix Goncourt 2018.
Les huit montagnes. P. Cognetti
Dans ce roman d’évasion, Paolo Cognetti nous invite à découvrir la force de la montagne. Inspiré, l’auteur italien raconte l’initiation d’un jeune garçon et son amitié pour Bruno, un montagnard taiseux. Citadin, Pietro découvre la région du Val d’Aoste lors de vacances en famille. L’été de ses onze ans, il parcourt les alpages en compagnie de Bruno et découvre une nature sauvage, un autre monde, une certaine liberté. Ā la recherche de lui même, Pietro va, ensuite, parcourir le monde pour finalement revenir sur les chemins escarpés de la montagne. Avec talent, Paolo Cognetti décrit les paysages de son enfance et les premières sensations d’un garçon face à la beauté de la nature. Il est également question d’amour filial dans ce roman bucolique récompensé par le Prix Strega, Prix Médicis Etranger. Bon moment de lecture.
Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil. H. Murakami
Grâce aux conseils de mon libraire, j’ai choisi ce roman d’amour pour, enfin, découvrir l’écrivain japonais Haruki Murakami. La fiction se déroule à Tokyo vers la fin des années soixante. Hajime est un enfant unique, réputé égoïste et capricieux par les japonais. Ā douze ans, il fait la connaissance de sa voisine, Shimamoto-san, elle aussi enfant unique. Entre eux, une tendre complicité se forge ; le temps des premiers émois. Comme dans beaucoup d’histoires, la vie va naturellement séparer les deux jeunes complices. Chacun va vivre sa vie d’adulte sans jamais oublier l’autre. De son côté, Hajime rencontre quelques femmes puis se marie. Ā quarante ans, le voici père de deux petites filles, serein dans son couple. Professionnellement, Hajime est l’heureux propriétaire de deux clubs de Jazz. Tout lui sourit. Un jour de pluie, une jolie femme s’installe au bar de son club….les retrouvailles avec Shimamoto-san bouleverse profondément Hajime qui plonge dans la quête d’un inaccessible absolu. Faut-il vivre loin de son premier amour ou chercher à le retrouver ? Excellent moment de lecture.
Fils du feu. G. Boley
C’est un fait : nos ados lisent de moins en moins. Heureusement, certaines lectures sont obligatoires au cours de français (merci !). Et voici le parfait exemple d’un roman qui peut réconcilier les plus de quinze ans avec la lecture. Guy Boley est l’auteur de ce roman poétique qui raconte une vie dans un microcosme, un quartier de Besançon, à la fin des années cinquante. Un enfant, Jérôme, décrit son quotidien entre l’école, la forge et la maison familiale où il retrouve ses voisins, sa grand-mère, ses parents, son petit-frère et sa sœur. Le narrateur est émerveillé par cette forge où il voit son père travailler avec Jacky dans un univers de feu, de fer et de mythologie. Puis, surgit un drame qui va laisser place au vide ; un vide à combler. Guy Boley nous offre un roman singulier constellé d’univers, de mots, de métaphores et d’images. La lectrice se laisse emporter par la vie paisible de ce quartier populaire ; un monde artisanal qui va finir par basculer dans la modernité. Comment se construire malgré son passé ? Un roman bouleversant d’intelligence, écrit dans un style incandescent ; une leçon de vie bien utile aux ados d’aujourd’hui. Excellent moment de lecture.
Le jeune homme de Crawley. J. Wulc
Jérémy Wulc est un scénariste, fan inconditionnel du groupe anglais « The Cure ». En voulant rendre hommage à Robert Smith (le leader du groupe), Jérémy Wulc signe une oeuvre de fiction originale, largement inspirée de la vie du chanteur punk. Si vous avez adoré les albums du groupe, vous aimerez cette étonnante histoire qui dévoile la part obscure du chanteur anglais ; le jeune homme de Crawley. Ā vrai dire, ce n’est pas le style de l’auteur qui captive la lectrice mais la construction qui se révèle singulière et judicieuse. Tout au long de l’intrigue, les mots défilent aisément comme les souvenirs. L’auteur raconte comment l’amitié, l’amour, le succès mais aussi les doutes, l’alcool et les drogues ont jalonné la vie du musicien. Grâce à sa relation privilégiée avec Robert Smith, Jérémy Wulc signe un récit atypique qui traduit son admiration. Bon moment de lecture.
L’échange des princesses. C. Thomas
Chantal Thomas nous propose un livre qui s’apparente à un document et non pas à un roman. En s’appuyant sur de nombreuses archives et correspondances, la romancière nous raconte le véritable échange qui s’est déroulé, en 1722, entre les royaumes de France et d’Espagne. Conformément à une stratégie politique, la princesse de Montpensier se fiance, à douze ans, à Don Luis (futur roi d’Espagne) et l’infante d’Espagne, âgée de quatre ans seulement, est promise à Louis XV. Grâce à une profusion de détails et anecdotes, Chantal Thomas fait revivre ce chassé-croisé, tombé dans l’oubli. Le début du livre captive la lectrice, le récit historique est romancé à souhait et l’enfance sous la royauté est un thème passionnant. Pourtant, au fil des pages, l’auteure reproduit trop de documents illisibles qui finissent par hacher la lecture. « L’échange des princesses » a été adapté au cinéma, par Marc Dugain, en 2017.