Métamorphoses. E. Coccia

Métamorphoses par Coccia

Emanuele Coccia est un brillant philosophe italien. Sa réflexion sur les Métamorphoses se nourrit des œuvres de biologistes dont Darwin. Publié pendant la pandémie de Covid-19, cet essai a résonné d’une manière particulière. Construit en courts chapitres, le livre part de la fascination d’Emanuele Coccia pour la métamorphose d’une chenille en papillon : deux êtres apparemment disparates. Pourtant, malgré leurs différences, la chenille et le papillon partagent bien une même vie. La vie est ce qui passe d’un monde à l’autre, ce qui nous anime tous. Toute espèce naît d’une métamorphose, la relation qui unit le vivant au minéral mais aussi les bactéries, virus, plantes et animaux ; un phénomène de continuité de l’espèce. L’exemple de la naissance vient magnifiquement illustrer sa théorie. Pendant neuf mois, l’enfant est le corps et le même souffle que sa mère. Donner naissance à un enfant, transforme notre expérience en potentiel d’un point de vue anatomique et culturel. Au fil de la lecture, Emanuele Coccia nous invite à regarder le rapport entre les individus, les espèces et Gaia, la terre ; suivre le vivant dans sa continuité. D’après le philosophe, nous sommes tous une même vie, la métamorphose de la chair infinie du monde. Bien qu’enrichissant, cet essai nécessite une certaine concentration afin d’en saisir tout le sens. Bon moment de lecture.

125 et des milliers. S. Barukh

125 et des milliers : 125 personnalités racontent 125 victimes de féminicides par Barukh

Au fil des pages de ce livre imposant, 125 personnalités racontent 125 féminicides : des femmes assassinées par un conjoint violent. En France, un féminicide a lieu tous les deux jours et demi soit 125 victimes par an. Dans le monde, une femme est tuée toutes les 11 minutes par un proche ; une pandémie de l’ombre. Afin de construire la trame du livre, l’écrivaine Sarah Barukh a retrouvé les familles de victimes pour récolter leurs précieux témoignages. Grâce à leur talent, 125 personnalités ont ensuite esquissé un portrait, tenté de donner un visage à chaque victime. Delphine Horvilleur, Julie Gayet, Andréa Bescond, Isabelle Carré, Leïla Slimani et d’autres célébrités ont accepté d’écrire des textes souvent déchirants, à propos de ces femmes si joyeuses, dévouées et généreuses avant leur mort. A travers ces textes, la lectrice imagine la vie de ces filles, de ces femmes, de ces mères. Elle ressent aussi la douleur, l’impossible deuil et la souffrance des familles. Il existe des points communs à ces féminicides dont le crime de possession. Le nombre de féminicides qui sont commis dans les territoires d’outre-mer est vraiment inquiétant. Sous emprise, Sarah Barukh a elle-même quitté un conjoint violent. Son parcours nous éclaire et nous permet de mieux comprendre les conditions de l’emprise. Au fil des pages, Sarah Barukh questionne des experts comme des avocats, des médecins, une philosophe mais aussi sa propre mère pour essayer de comprendre le mécanisme de l’emprise dans notre culture, la violence envers les femmes et les moyens qui sont mis en place dans notre société patriarcale. Grâce à l’aide d’une association, Sarah Barukh détaille comment et quand quitter un conjoint violent. Incontournable en ce qui concerne les féminicides, ce livre offre des pistes de compréhension et fait l’effet d’un miroir lorsque des femmes racontent le terrible destin d’autres femmes. Excellent moment de lecture.

Blizzard. M. Vingtras

Blizzard par Vingtras

Marie Vingtras a reçu une multitude de prix littéraires pour ce premier roman choral efficace. Nous sommes en Alaska, la tempête de neige se prépare. Benedict a allumé un feu dans la  cheminée, il est seul dans la maison qui craque et gémit. La femme qui s’occupe de son fils, Bess, est sortie avec le petit. Mais Bess a lâché sa main quelques instants et l’enfant a disparu dans le blizzard. L’alerte est vite donnée et les proches de Benedict se lancent à la recherche du garçon en raquettes et motoneige. Rapidement, une course contre la mort s’engage. Alors que le blizzard souffle, quatre personnages s’expriment à tour de rôle. Chacun dévoile son passé, sa vérité et quelques secrets. Le style de la fiction est incisif et maîtrisé. Les phrases sont courtes car l’auteure cherche d’abord à raconter. Puis, au fil de courts chapitres, le rythme s’accélère. Le suspens est pourtant maintenu jusqu’à la fin même si les éléments distillés, tout au long de l’intrigue, sont abondants. Ce huis clos à ciel ouvert se révèle digne d’un thriller nord-américain où les thèmes de la culpabilité et de la paternité émergent. Bon moment de lecture.

Cerveau et Nature. M. Le Van Quyen

Cerveau et nature

Directeur de recherche à l’Inserm, Michel Le Van Quyen a déjà publié des ouvrages qui traitent du cerveau. Le neuroscientifique s’interroge, ici, à propos de l’impact de la nature et de sa beauté sur le fonctionnement de notre cerveau. En effet, l’auteur démontre à quel point nous avons besoin de la beauté du monde, au sein d’environnements naturels différents, pour bénéficier d’une bonne santé mentale. Au moment des confinements, liés au Covid, l’auteur a mis en évidence le fait que les populations urbaines étaient plus souvent exposées aux troubles de l’humeur comme l’anxiété et la dépression. Pouvoir regarder un arbre ou un jardin depuis une fenêtre d’hôpital, augmenterait la rapidité de guérison. D’après l’auteur, la nature est une source continuelle de joie et de fascination ; une expérience polysensorielle (odeur, vision…) qui augmente notre immunité. Par sa beauté et son calme, le vivant a de nombreuses vertus dont le pouvoir d’accaparer notre attention en bloquant nos pensées négatives et les ruminations inutiles. Depuis quarante ans, les Japonais préconisent « les bains de forêt » car se promener dans les bois permet de lutter contre le stress, apaise notre cerveau et regénère notre corps grâce à des effets anti-inflammatoires. La vue et l’expérience de la mer nous permettent également de nous connecter au vivant. Ecouter les sons marins et flotter à la surface de l’eau relaxent notre cerveau en nous renvoyant à des souvenirs in utéro. Loin d’un simple décor, la nature réside au plus profond de nous. Sortons, il est encore temps d’en profiter ! Bon moment de lecture.