Woody Allen est un réalisateur américain singulier, amoureux des actrices et de New-York, sa ville natale. Les inconditionnels de ses films, comme moi, ne se lassent pas de revoir « Manhattan », « Annie Hall » , « Match Point » ou, plus récemment, « Un jour de pluie à New-York ». Les premières pages de ses mémoires évoquent une enfance heureuse à Brooklyn dans une famille juive atypique avec une mère autoritaire et un père mafieux. Une certaine passion pour le cinéma se confirme à l’adolescence tout comme son intérêt pour la musique, les matchs de Baseball et les filles. Âgé de 84 ans aujourd’hui, Woody Allen est, tout d’abord, l’un des derniers témoins de la vie artistique new-yorkaise des années cinquante, soixante… Le nombre d’acteurs et actrices qu’il a côtoyé est véritablement impressionnant. Auteur de gags, humoriste, comédien puis réalisateur, il a débuté sa carrière à l’âge de 16 ans en se faisant remarquer du côté de Broadway. Après deux mariages et une histoire d’amour avec Diane Keaton, Woody Allen rencontre sa muse pour le meilleur et pour le pire : Mia Farrow. Traité en paria depuis les accusations d’attouchements sur sa fille adoptive Dylan, Woody Allen tient à donner, ici, sa version des faits et il a raison (la vengeance est malheureusement le moteur de beaucoup de femmes malheureuses). Cependant, au fil des justifications, le livre se transforme parfois en plaidoyer. Finalement, Woody Allen a épousé une autre fille adoptive de sa compagne, Soon-Yi, son épouse depuis 22 ans. Le cinéaste se dévoile tout au long de cette passionnante autobiographie qui lui ressemble, à la fois drôle et cynique. Même si son manque de confiance agace, Woody Allen paraît sincère tout au long du livre. Nous connaissions le travail du cinéaste, nous connaissons maintenant l’homme. Bon moment de lecture.
Archives mensuelles : juillet 2020
Sous le charme de Lillian Dawes. K. Mosby
J’ai découvert ce joli roman pendant le confinement alors qu’il a été publié il y a plusieurs années. Katherine Mosby nous présente Gabriel, un jeune homme renvoyé de son pensionnat au moment du décès de son père. Installé chez son frère Spencer, Gabriel va découvrir la vie d’adulte bohème à Manhattan et tomber sous le charme d’une femme belle et indépendante dans le New-York des années 50. Katherine Mosby nous embarque totalement dans cette fiction attachante, en décrivant parfaitement les codes et les règles d’un milieu bourgeois américain à cette époque ( la tante Lavinia est un personnage particulièrement irrésistible). Suivre les pensées de Gabriel, son obsession et ses sentiments naissants pour cette femme mystérieuse a été un réel plaisir de lecture. Qui est Lillian ? Pourquoi utilise t-elle plusieurs identités ? Humour, cynisme et suspense sont au rendez-vous. A la fois chic et rétro, ce roman coup de cœur est réellement divertissant.
Il est à toi ce beau pays. J. Richard
Il faut d’abord saluer le formidable travail de documentation réalisé par l’auteure de cette fresque historique. Archives et documents illustrent abondamment cette fiction dense dont le thème principal est la colonisation. Tout commence par l’histoire vraie d’un pygmée nommé Ota Benga. Originaire du Congo, l’homme a été exposé dans la cage du zoo du Bronx. Jennifer Richard nous embarque sur trois continents pour revivre le pillage ordonné par Léopold II au Congo et l’instauration de la ségrégation aux Etats-Unis d’Amérique à la fin du XIXème siècle. Avec brio, l’écrivaine franco-américaine revient sur cette période méconnue, douloureuse, incroyablement cruelle et violente avec une lucidité qui touche au cœur. Sans rien édulcorer, Jennifer Richard raconte les ravages, les tueries, l’orgueil des conquérants : la bêtise humaine à l’état brut. Pourquoi la statue de Léopold II a-t-elle été récemment déboulonnée à Anvers ? Si vous voulez le comprendre, je vous conseille de lire ce roman époustouflant qui renseigne à propos de notre passé de conquérants. Au fil de la lecture, vous partirez en compagnie des explorateurs Stanley et Brazza en pleine jungle africaine mais aussi à Paris ou à Londres avec Jules Ferry et, enfin, aux Etats-Unis aux côtés de ceux qui ont lutté contre la ségrégation raciale. Après la mort de Georges Floyd, ce roman est encore, et plus que jamais, d’actualité. Excellent moment de lecture.
Terra Incognita. A. Corbin
Dans cet essai, Alain Corbin retrace l’histoire de l’ignorance des hommes autour des questions scientifiques. Au XIXème siècle, par exemple, les fonds marins étaient encore silencieux, mystérieux et dangereux. Heureusement, les abysses sous-marines stimulaient le rêve et la littérature (Jules Verne, Victor Hugo…). Pour bien comprendre notre passé, il faut comprendre l’état de l’ignorance de nos ancêtres et des savants. Longtemps, les événements météorologiques sont restés énigmatiques. Un ouragan, l’explosion d’un volcan ou un tremblement de terre signifiaient un signe de Dieu. Avant l’ascension du Mont Blanc, les montagnes représentaient principalement des obstacles et personne n’est allé aux pôles ou a atteint la stratosphère avant le 20ème siècle. Le savoir évolue dans le temps grâce aux découvertes. Aujourd’hui, nous sommes loin de tout connaître. L’émergence de la Covid-19 n’est-elle pas la meilleure preuve de cette ignorance ? Historien du sensible, Alain Corbin nous renseigne, ici, à propos de différentes questions scientifiques comme l’importance des pôles qui s’impose dans cet essai savant. Bon moment de lecture.
Rivage de la colère. C. Laurent
1968, Maurice vient de déclarer son indépendance aux Britanniques. Ceux-ci retiennent dans leur escarcelle les îles Chagos, un chapelet de petites îles exotiques habitées par un peuple analphabète et pauvre. Diego Garcia, atoll de sable blanc, se transforme illico en base militaire américaine, en pleine guerre froide ; certaines prisons ont des allures de paradis. Expulsés dans un bidonville de Port-Louis, les chagossiens décident de partir en délégation pour faire valoir leurs droits. Cette fiction est, avant tout, une déclaration d’amour d’un fils à sa mère, une voix criante de vérité : Joséphin raconte la lutte incessante de sa Mamita pour récupérer son île natale. Au fil des pages, le narrateur ravive la passionnante histoire d’amour qui unissait ses parents. L’auteure nous embarque totalement dans cette fiction exotique, poétique, où l’intime se mêle subtilement à l’histoire. Il y est question d’injustice, de doute, d’amour filial, d’amitié et du grand amour. En puisant dans ses racines mauriciennes, Caroline Laurent fait rejaillir l’histoire d’un territoire et ses coutumes. Lecture idéale pour cet été singulier, ce roman permet de voyager au large des Seychelles tout en restant chez soi ; pêcher le poulpe ou ramasser des coquillages « porte-bonheur » sur le rivage. La chaleur de l’été se confondra à la chaleur tropicale du roman. A l’ombre des banians centenaires, deux êtres singuliers, Marie et Gabriel, vont s’aimer éperdument. Bon moment de lecture.