Le premier roman de Grégoire Delacourt figurait dans la liste de mes lectures. L’histoire d’une famille, originaire du Nord de la France, racontée par Edouard, fils déclaré « écrivain de la famille » et narrateur de ce roman. En partant des années soixante-dix jusqu’aux années quatre-vingt dix, l’auteur nous replonge avec justesse dans un contexte musical, littéraire, médical et audio-visuel. Edouard raconte, avec sensibilité, ses failles, ses doutes et ses émotions, au fil des pages de ce premier roman clairvoyant. Nous faisons connaissance avec chaque membre de la famille exposé au destin, « c’est la vie qui choisit « . De Paris à Bruxelles, la lectrice retrouve, grâce à ce roman, ses propres émotions entre rires et larmes. Grégoire Delacourt manie les mots mieux que personne en ne prenant jamais de gants. Il donne, à cette histoire familiale, un ton universel qui lui est propre et qui plaît à un grand nombre de lecteurs. Ce premier roman révèle, sans aucun doute, la genèse de son parcours professionnel d’écrivain et d’homme (enfin) heureux. Bon moment de lecture.
Archives mensuelles : mars 2013
De tempête et d’espoir. M. Dédéyan
Un très beau roman breton qui évoque l’univers des grands navigateurs et des expéditions, entre St Malo et Pondichéry, au XVIIIème siècle. Anne de Montfort, jeune femme orpheline, noble de naissance, cherche désespérément son frère Jean, disparu aux Indes. Commence alors une véritable aventure pour notre héroïne, entrecoupée de pages de son journal intime où elle évoque son voyage à bord d’un navire en partance pour les Indes. Anne est le personnage miroir de cette intrigue qui évoque la place de la femme dans la cité corsaire de St Malo au siècle des Lumières. Beaucoup de personnages secondaires comme Corentin, mère Saint-Yves, Jean-Baptiste ou Soizic sont particulièrement attachants. Ce livre est, avant tout, un véritable hymne à la mer et aux marins: « Il est des couchers de soleil sur les flots infinis plus beaux que le paradis. Le camarade qui veille sur toi mieux qu’un frère et vient te donner à boire quand tu délires de fièvre, une baleine immense qui plonge et tu te sens si heureux d’être tout petit. La liberté, le vent qui siffle à tes oreilles, la fierté de ma famille. Un jour, je commanderai mon propre navire… » Ecrite dans un style ciselé et empreinte de poésie, cette invitation au voyage est fidèle à l’histoire. Ce véritable petit bijou, pour les amoureux de la mer et de la Bretagne, nous renseigne formidablement et nous apparaît telle une peinture marine. La dernière page ne signe pas la fin mais nous invite à lire la suite de l’aventure dans son prochain roman: « Pondichéry « . A suivre…
Chuuut! J. Boissard
Un roman grand public qui nous infiltre dans une famille de châtelains français. Producteur de Cognac en Charentes, Edmond de Saint Junien règne, avec élégance, sur sa tribu comme sur ses chais. Le roman est construit en chapitres à deux voix. La première voix est celle de Fine (petite fille d’Edmond et Delphine) qui nous raconte ses états d’âme et sa famille. D’autre part, le parcours de Nils (petit fils d’Edmond et Delphine) nous est conté à la troisième personne du singulier. L’auteure manie parfaitement la plume et l’art de l’intrigue: la fille des gardiens est retrouvée assassinée dans le domaine. Même si le suspense est léger, Janine Boissard arrive à capter notre attention. Les thèmes de l’identité, la famille, le secret, l’amour, la maladie, la trahison sont abordés avec finesse. La lectrice entrevoit, à travers ce roman familial, un milieu aristocratique empêtré dans ses valeurs ancestrales et ses secrets les plus lourds. L’arbre généalogique des Saint Junien, page 8, présente cette descendance constituée de personnages attachants et complexes. L’enquête pour retrouver l’assassin de la petite Maria réserve assurément bien des surprises mais « chuuut! »…
Le Cercle. B. Minier
Un polar français épais, doté d’un vrai suspense. Une histoire riche, compliquée, glauque, où nombre de personnages s’entrecroisent. Juin 2010, Martin Servaz (policier) reçoit un e-mail énigmatique pendant que Claire Diemar est sauvagement assassinée à Marsac. L’enquête va alors débuter, pleine de rebondissements, prenante. Bernard Minier présente ses chapitres tels des scénarios (scénarii) en mettant en scène ses personnages dans un style caractéristique du polar. On peut d’ailleurs se demander si un polar, comme celui -ci, doit obligatoirement être écrit dans un style cru, familier et grossier? L’abondance des thèmes impressionne et implique certaines longueurs dans le texte: désir, amour, dépression, mensonge, trahison, littérature, homosexualité, viol, drogue, musique, politique, maladie, accident etc… La lectrice va, peu à peu, s’approcher du « Cercle » grâce à une quantité d’indices et d’éléments distillés par l’auteur. Lorsque Martin Servaz renoue avec son ex, qui n’est autre que la mère du principal suspect, l’affaire se complique. Moment de lecture mouvementé. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Notre force est infinie. L. Gbowee
Après le magnifique témoignage d’ Hélène Cooper dans » la maison de Sugar Beach » (meilleur document, Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2012) voici un autre document sur le Liberia. Leymah Gbowee a reçu le Prix Nobel de la paix en 2011 pour l’ensemble de son travail. Cette Libérienne, née en 1972, perd sa joie de vivre lorsque la guerre civile éclate au tout début des années 1990. Soumise et fataliste, elle assiste dépressive et alcoolique aux combats menés par les troupes du dictateur Charles Taylor. La violence subie, au sein de sa famille et à l’extérieur, l’incite à renforcer sa foi. Au prix d’une incroyable volonté, d’une ténacité exceptionnelle, cette femme africaine relève la tête et mène de front une armée de femmes afin de ramener la paix au Liberia. Mère de cinq enfants, chef de file du WIPSEN (réseau des femmes pour la sécurité et la paix), Leymah Gbowee raconte son incroyable lutte pour la dignité féminine ou comment elle est devenue un formidable symbole d’espoir. Dans ce document bouleversant, la lectrice appréhende la cruauté, la bestialité des hommes en guerre et se familiarise avec la culture libérienne où règne l’entraide au sein même d’une société pauvre. Beaucoup de témoignages et de faits accablants livrés par des participantes de groupes de paroles. Sans titre, sans religion, sans ethnie, un mouvement féminin lutte en permanence pour la paix au Liberia. Leymah Gbowee a réussi à sortir de sa situation familiale pour devenir une femme libre et entraîner avec elle une foule de femmes à qui elle crie: « n’arrêtez jamais« . Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
L’Embellie. A. A. Olafsdottir
Une auteure islandaise qui nous dépayse totalement en nous emmenant à la découverte de son pays, toile de fond de ce roman. L’histoire d’une jeune femme, quittée par son mari, qui part à la recherche d’elle même avec le fils de quatre ans de sa meilleure amie. En voiture, ils vont sillonner cette île noire, et ses paysages lunaires, pour y faire des rencontres improbables. Roman fantasque et drôle abordant des thèmes très actuels: la maternité, le divorce, le désir, la crise, l’enfance, l’amour, l’amitié, le réchauffement climatique etc… La narratrice soumise à la chance, à la malchance et au hasard découvre un nouvel aspect de sa vie près de cet enfant sourd et presque aveugle. Quelques bribes de souvenirs nous éclairent sur son parcours d’enfant, de jeune fille, de femme libre. Beaucoup de fantaisie, d’humour, de poésie définissent un style d’écriture à part. La relation qui se développe, au fil des pages, entre cette femme et le petit Tumi, dans ce contexte naturel si particulier, nous émeut. La publication des recettes du roman, à la fin du livre, démontre la singularité de l’auteure déjà connue pour son premier roman « Rosa Candida ». Bon moment de lecture. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.