Au tout début du roman, un doute s’installe. De quoi s’agit-il exactement ? Jean, le narrateur, vit seul dans un petit appartement de la Porte de Bagnolet, à Paris. Il tente de convaincre des producteurs du génie de son scénario « The Great Melville ». Mais, Jean ne persuade personne lorsqu’il explique qu’il y visite « l’intérieur mystiquement alvéolé de la tête de Melville » ; pas même la lectrice. Alors, Jean se met en tête de présenter son scénario à Michael Cimino, le grand réalisateur. Par chance, il arrive à le rencontrer à New-York. A cet instant, le roman de Yannick Haenel se métamorphose en une comédie féroce ; la lectrice ne le lâche plus. L’auteur nous parle avec justesse de la recherche de notre vérité avec une obsession pour le cinéma. Sur le point d’être expulsé, Jean passe ses journées à regarder, en boucle, le film « Apocalypse Now » en se grisant de vodka. Derrière ce profil de « loser », le narrateur se révèle touchant, intelligent, sentimental. Indéniablement, Yannick Haenel séduit par son humour, sa poésie, son audace. Excellent moment de lecture. Prix Médicis 2017.
Archives mensuelles : novembre 2017
Sapiens, une brève histoire de l’humanité. Y. N. Harari
Le premier « best-seller » de l’auteur israélien, Yuval Noah Harari, a des allures d’encyclopédie. Bill Gates, Barack Obama et Marc Zuckerberg ont déjà fait l’éloge de ce phénomène littéraire. Il est vrai que l’historien vulgarise l’histoire de l’humanité avec ambition, humour et cynisme. En partant du « Big Bang », il retrace notre épopée à travers trois révolutions : cognitive, agricole et scientifique. D’animal insignifiant, Homo sapiens serait devenu un demi-dieu insatisfait doté des capacités divines : créer et détruire. Yuval Noah Harari pousse parfois très loin ses prophéties et ses théories notamment lorsqu’il affirme que la liberté est une invention de l’homme et que le bonheur est chimique. Les études sur le règne animal passionnent mais, si certains chapitres captivent la lectrice, d’autres donnent l’impression de suivre un cours d’histoire fastidieux. Bon Moment de lecture.
Souvenirs Dormants. P. Modiano
Patrick Modiano (prix Nobel de littérature, 2014) publie un nouveau roman qui pourrait s’intituler « Le temps des rencontres ». Cependant, si vous n’êtes pas adepte de l’auteur, je vous conseille de lire, d’abord, un roman plus ancien (« Un Pedigree » ou « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier ») afin de comprendre son écriture. Patrick Modiano poursuit, ici, son travail de topographe en puisant dans ses « souvenirs dormants ». Jean, le narrateur, a quatorze ans lorsqu’il fugue. Il fréquente des individus bizarres et suit la trace de six femmes dans le Paris d’antan. D’ailleurs, tout au long du roman, Jean se remémore des noms, des lieux, des voix, des événements…Les inconditionnels de l’auteur retrouveront, avec plaisir, l’atmosphère singulière de son oeuvre dont l’axe central est la mémoire. Grâce à des fragments de souvenirs, Patrick Modiano compose le puzzle de sa vie en y ajoutant quelques pièces supplémentaires. Excellent moment de lecture.
Les Réponses. E. Little
Le titre n’est pas très accrocheur mais voici un roman différent des autres. Une riche américaine a été sauvagement assassinée dans sa villa de Los Angeles. Janie Jenkis, sa propre fille, a rapidement été reconnue coupable du crime. Ivre la nuit du meurtre, elle ne se souvenait de rien pour sa défense. Dix ans plus tard, remise en liberté en raison d’un vice de procédure, Janie change d’identité et débute sa propre enquête dans le Middle West afin de trouver des « réponses ». Elizabeth Little nous entraîne dans une cavale singulière pleine de rebondissements. La narratrice, aux allures de Paris Hilton, possède une forte personnalité ; drôle et attachante. Difficile de lâcher ce thriller psychologique très actuel, entrecoupé de documents, reproduction de « sms », articles Wikipédia… Bon moment de lecture.
Stupeur et tremblements. A. Nothomb
A la veille du stage en entreprise des élèves de troisième (France), ce roman insolite tombe à pic. Voici l’histoire d’une jeune Belge en stage dans une multinationale au Japon. Rapidement, ce stage vire au cauchemar. La jeune « Amélie-san » passe de services en services en accumulant les maladresses. Finalement sous les ordres de la jolie « Fubuki », « Amélie-san » va vivre un véritable enfer. L’auteure dépeint, avec humour et cynisme, le système japonais du monde du travail. Elle dénonce la vie difficile des japonaises et souligne les différences culturelles. Le titre fait référence au protocole : en présence de l’Empereur, il faut manifester « stupeur et tremblements ». Grand Prix du roman de l’Académie française, 1999. Excellent moment de lecture.
Bakhita. V. Olmi
Véronique Olmi raconte, dans cette biographie romancée, le parcours exceptionnel d’une femme noire qui sera, finalement, déclarée sainte par Jean-Paul II. Enlevée à l’âge de sept ans dans son village du Darfour, Bakhita subit toutes les humiliations et les souffrances d’une esclave : battue, violée, assoiffée, tatouée, marchandée… Finalement, la jeune femme est vendue au Consul d’Italie à Khartoum et sa vie change radicalement. En Italie, Bakhita découvre la foi et la liberté. Particulièrement inspirée par son personnage, Véronique Olmi restitue, avec talent, un destin en nous éclairant sur une époque. Le chemin de croix de la religieuse, son amour pour la vie et ses lointains souvenirs rendent cette lecture émouvante. Excellent moment de lecture. Prix Fnac 2017.