Hot Milk. D. Levy

Hot Milk par Levy

Deborah Levy pose le décor de sa nouvelle fiction dans un paysage aride. La narratrice est une jeune femme britannique vulnérable, Sofia. Depuis l’enfance, elle cherche à interpréter les maux de sa mère. Fille unique de parents divorcés, Sofia est en manque de son père. Anthropologue de formation, la jeune femme met sa vie entre parenthèses pour conduire sa mère, Rose, dans une clinique d’Alméria afin de soigner une mystérieuse maladie. Le Docteur Gomez prend Rose en charge mais il semble impuissant. Est-il un charlatan ou un génie ? Véritable figure paternelle pour Sofia, le docteur va chercher à la libérer de sa mère, l’inciter à être audacieuse et intrépide. Sur la plage, Sofia fait la rencontre de Juan qui soigne sa piqure de méduse ; la brûlure du désir. Cette créature marine n’a pas été choisie au hasard, par Deborah Levy, car la méduse représente un puissant symbole du féminin, une figure mythologique. L’importance du corps, l’eau et le soleil sont au centre de ce roman de bord de mer où il fait de plus en plus chaud. Le personnage d’Ingrid Bauer incarne également le désir, la séduction et une forme de toxicité. A travers le regard intense de Sofia sur les choses de la vie, l’auteure britannique nous parle de la complexité de la relation mère fille. Mais au fil des chapitres, il est surtout question de l’hypocondrie d’une mère qui cherche à attirer l’attention. Le style et le ton de Deborah Levy sont singuliers. L’univers du roman balance entre une ambiance onirique et la réalité. Finalement, ce roman initiatique, et profond, interpelle la lectrice par l’universalité de ses thèmes. Bon moment de lecture.

La vie intime. N. Ammaniti

La Vie intime par Ammaniti

Au fil du nouveau roman de Niccolo Ammaniti, il est question de la vie intime d’une femme de politicien. Maria Cristina Palma est l’épouse du président du Conseil italien. Désignée par les médias comme étant la plus belle femme du monde, Maria Cristina est malheureuse dans sa position de femme trophée. Un soir, elle retrouve un amour de jeunesse qu’elle avait oublié. Mais lorsque celui-ci lui envoie une vidéo de leurs ébats, la belle commence à paniquer. Parano, maladroite et frivole, Maria Cristina va tout faire pour éviter la diffusion de cette vidéo sur les réseaux. Judicieusement construite, cette fiction aux multiples rebondissements dépeint ironiquement une société du paraître et de l’image. En choisissant ses mots et ses métaphores savoureuses, Niccolo Ammaniti nous amuse sans laisser de place à l’ennui. Une comédie légère au rythme effréné qui a le pouvoir de nous faire voyager en Italie. Bon moment de lecture. Prix Viareggio.

Le Censeur. A. Tremblay

Le censeur

Dans la grande famille de la francophonie, voici un roman québécois qui interpelle la lectrice. En 2019, cinq mille livres ont été détruits par le conseil scolaire catholique de l’Ontario, au Canada. Face à ce type d’autodafé, et certains processus du système de l’édition, Alexandre Tremblay se rebiffe et défend sa liberté de pensée. Au fil des pages, la lectrice suit le parcours d’un jeune diplômé, sans estime pour lui-même, qui accède au marché du travail. Afin de s’intégrer socialement, le jeune homme renonce à ses convictions, renie son idole (Houellebecq) et entre au Ministère de l’Education du Québec comme « réviseurices-correcteurices ». En effet, avant de pouvoir diffuser des publications dans le système scolaire québécois, François-Xavier a la lourde tâche de relire et de censurer certaines formulations dans une optique inclusive ; la reconstruction d’un imaginaire collectif inoffensif. Mais jusqu’où se conformera t-il ? Grâce à son style empreint d’humour et de cynisme, Alexandre Tremblay dénonce astucieusement les dérives totalitaires du wokisme. Moment de lecture nécessaire.

Un animal sauvage. J. Dicker

Un animal sauvage par Dicker

Depuis sa première parution, la plume de Joël Dicker est toujours aussi bien aiguisée. Cette fois, l’auteur suisse nous plonge dans une haletante fiction, autour d’un braquage, qui nous entraîne de Saint Tropez aux bords du lac Léman. A la veille de ses quarante ans, Sophie Braun est belle et sexy. Mariée à Arpad, ils sont parents de deux enfants et propriétaires d’une incroyable maison de verre, à Genève. C’est, en tous cas, ce qu’imagine Greg, le voisin de la famille Braun. Obsédé par Sophie, Greg rôde dangereusement autour de la maison de verre. Karine, la femme de Greg ne se doute de rien et admire son amie, Sophie. Mais que cachent les apparences ? Comme à son habitude, Joël Dicker fait de multiples allers-retours dans le temps, minute chaque action (son côté suisse), argumente tout en calibrant adroitement l’intrigue de son polar. A son image et jusqu’à la dernière page, Joël Dicker ne laisse jamais tomber la lectrice. Mais qui est l’animal sauvage ?  Bon moment de lecture.

Celles qu’on tue. P. Melo

Celles qu'on tue par Melo

Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire cette fiction bouleversante. D’origine brésilienne, Patricia Melo est l’auteure de ce roman social et féministe qui se déroule dans le ventre de la jungle. En s’initiant aux rituels de cette région d’Amazonie, une jeune avocate suit le procès de trois hommes accusés d’avoir massacré et violé une jeune indienne. Fille d’une mère victime de féminicide et amoureuse d’un homme qui tente de la dominer, la jeune avocate s’engage dans une quête de justice afin de punir les responsables de féminicides. Au fil des pages, la lectrice découvre une société gangrenée par la violence envers les femmes blanches, noires, métisses, jaunes… « celles qu’on tue » . Plongée dans l’univers des peuples indigènes, la lectrice décèle aussi la beauté et la diversité d’une flore et une faune sauvages en danger ; une lueur dans les ténèbres. Un roman sombre, teinté de colère et d’injustice ; un texte nécessaire. Bon moment de lecture. Grand Prix de l’Héroïne Madame Figaro 24.