Il est des hommes qui se perdront toujours. R. Lighieri

Il est des hommes qui se perdront toujours par Lighieri

Terminons l’année 2021 par un coup de cœur. Rebecca Lighieri (alias Emmanuelle Bayamack-Tan) publie un roman qui prend aux tripes. Nous voici dans les tours de la cité Artaud, à Marseille, au milieu des années 80. Entourés de parents drogués, Karel, Hendricka et leur petit frère Mohand vivent une enfance fracassée dans un appartement crasseux. En grandissant, et malgré la souffrance psychique et physique, les trois enfants vont tenter de vivre le plus « normalement » possible. Karel et Hendricka ont la beauté pour eux et comptent bien s’en servir. Auprès des gitans, Karel trouvera du réconfort, de l’amitié et Shayenne, son unique amour. Devenue une actrice célèbre, Hendricka vivra dans un milieu de paillettes, soutenant ses frères, loin de Marseille. Légèrement handicapé, Mohand a toujours été désigné comme le « gogol » de la famille par un père qui le rejette et sème la terreur autour de lui. Pendant ce temps, Loubna, la mère, reste impuissante face à la maltraitance de son mari ; incapable de protéger ses enfants. Peut-on vraiment échapper au schéma familial ? Dans un style fluide, l’auteure n’épargne pas son lectorat lorsqu’elle emploie un langage cru pour décrire de nombreuses scènes de sexe et de violence. Comment anticiper les séquelles d’une enfance traumatisée par le manque d’amour, les sévices et la misère ? « La seule chose qui dure toujours, c’est l’enfance quand elle s’est mal passée. » Truffé de références musicales, ce roman sombre n’est absolument pas destiné à « faire rêver ». Bien construite, la fiction comporte même une dose de suspense. Les personnages sont bouleversants de justesse et provoquent une avalanche d’émotions au cours de cette lecture coup de cœur.

La confiance en soi. C. Pépin

La confiance en soi, une philosophie par Pépin

Encore un livre au sujet de la confiance en soi ? Pourtant, il faut admettre qu’au fil de la lecture, Charles Pépin nous propose une philosophie de vie singulière, basée sur l’action : cultivez-vous, émerveillez-vous, passez à l’acte, restez fidèle à votre désir…Tout en se référant à quelques philosophes et travaux scientifiques, Charles Pépin s’appuie sur des expériences de vie de stars comme Madonna ou les sœurs Williams (tennis) pour nous offrir de vraies clés et gagner en confiance : apprendre à choisir ou à décider, passer à l’action, se confronter au monde et à son mystère… La lectrice est particulièrement réceptive au chapitre 6 : « Mettez la main à la pâte » pour se faire confiance. Qui n’a pas ressenti du plaisir à la tâche en cuisinant ou en jardinant en dehors des heures de bureau ? Ce que Charles Pépin nous propose, c’est de retrouver le rapport premier aux choses, toucher la matière, revenir à nos racines profondes. En pratiquant des activités manuelles, en faisant quelque chose de nos dix doigts, nous retrouvons notre nature car l’homme est d’avantage Homo Faber (faire avec ses mains et outils) qu’Homo Sapiens (celui qui sait). Finalement, ce petit livre se lit facilement, reste à mettre en pratique ses principes. Bon moment de lecture.  

Foutez-vous la paix ! F. Midal

Foutez-vous la paix et commencez à vivre par Midal

Au mois de novembre, j’ai eu le privilège de participer au tournage d’une « masterclass » (Mentorshow) avec Fabrice Midal. Ce philosophe et écrivain français est le fondateur de l’école occidentale de méditation (Paris) qui propose une approche singulière de cette pratique mentale. Pour Fabrice Midal, méditer est l’art de se foutre la paix. Afin de nous apaiser, il nous propose de se libérer du contrôle, de relâcher la pression et de nous délivrer des injonctions sociales. « Soyez en paix, laissez-vous faire, soyez vulnérable, devenez votre meilleur ami... » voilà ce que Fabrice Midal nous enseigne au fil des pages de son livre. Et si ses conseils ressemblent à des injonctions, le philosophe nous invite à faire le tri entre celles qui ont du sens et celles qui sont néfastes, paradoxales ou impossibles à réaliser. Finalement, la lecture de son ouvrage fait du bien car il nous déculpabilise tout simplement. La lectrice apprécie particulièrement ses confidences et souvenirs de famille qui le rendent humain. Sa relation avec son grand-père est touchante et nous ouvre la voie afin de mieux ressentir nos propres émotions. Au fond, Fabrice Midal nous pousse à observer nos imperfections en s’ancrant dans le présent pour être soi-même et commencer à vivre. Bon moment de lecture.

La plus secrète mémoire des hommes. M. M. Sarr

La plus secrète mémoire des hommes par Mbougar Sarr

Ce roman imposant nous raconte la quête d’un jeune écrivain sénégalais, obsédé par un ouvrage publié en 1938. En effet, Diégane a découvert un roman mythique et maudit qui l’interpelle : « Le Labyrinthe de l’inhumain ». A l’époque, l’auteur de ce texte avait été qualifié, par la presse, de « Rimbaud nègre ». Accusé de plagiat, l’auteur avait déclenché le scandale avant de mystérieusement disparaître. Fasciné par ce texte, Diégane va s’évertuer à trouver un rapport entre l’histoire du roman et la vie de son auteur. Avec ferveur, Diégane décrit ses nuits d’angoisses, de lecture, d’interrogations et de rencontres avec d’autres jeunes auteurs africains. Au cours de sa quête, de nombreux voyages le mènent de Paris à Dakar en passant par Amsterdam et l’Argentine. Les thèmes de l’exil, de la puissance de la littérature, de la famille, de la trahison et de l’amour parcourent ce roman dense, écrit par un auteur passionné et exigeant. Chaque mot semble avoir été choisi, pesé, afin de raconter l’histoire de cet auteur maudit et de sa famille au cours du XXème siècle. Pour sa part, la lectrice est captivée par la profonde réflexion qui traverse cette œuvre même si la structure polyphonique du texte déroute, parfois, au cours d’une lecture qui demande une attention soutenue et soulève une question cruciale : écrire ou ne pas écrire. Bon moment de lecture. Prix Goncourt 2021.