Gil Bartholeyns publie son premier roman, véritable plaidoyer pour la cause animale. Le titre, « Deux kilos deux », représente le poids d’abattage idéal pour pouvoir vendre un poulet en supermarché. Nous voici dans les Hautes Fagnes en Belgique, dans un décor digne des grands espaces canadiens. Dès les premières pages, la lectrice découvre un univers singulier aux résonances américaines et poétiques. C’est dans ce contexte que Sully, un inspecteur belge, se dirige vers l’exploitation avicole « Voegele » afin de réaliser un contrôle vétérinaire et mener son enquête. Sur sa route sinueuse, une tempête de neige le contraint à interrompre son voyage. Sully trouve refuge dans un routier, un « diner », où il tombe immédiatement sous le charme de Molly…Gil Bartholeyns nous bouleverse à travers ses découvertes et son enquête, parfois technique, sur l’élevage intensif. Solidement documenté, l’auteur positionne la lectrice face à ses propres incohérences et cette manière de fermer les yeux lorsqu’il s’agit de s’alimenter. Animal ou chair ? A travers cette fiction, l’auteur belge dénonce les méthodes de l’industrie agroalimentaire : vite, mal et beaucoup. Ce roman polaire offre une réflexion argumentée qui interpelle nécessairement. Bon moment de lecture.
Archives mensuelles : septembre 2019
Loin. A. Michalik
Alexis Michalik est un jeune comédien français, metteur en scène et dramaturge doué. Après avoir triomphé au théâtre, il nous propose un roman épais qui nous emmène loin, très loin (trop loin?), à travers l’Europe et au-delà. Une chose est certaine : l’imaginaire est bien le royaume d’Alexis Michalik. L’auteur déploie une énergie impressionnante pour nous conter cette aventure familiale entrecoupée de leçons d’Histoire, de cours de langues et de culture. Voici le pitch : Antoine part, en compagnie de sa sœur Anna et de son meilleur ami Laurent, à la recherche de son père. En effet, Charles a abandonné sa famille, vingt ans plus tôt. Antoine est un personnage sage et rangé. Anna est délurée et rebelle. Laurent est un ami journaliste, secrètement amoureux d’Anna. La lectrice embarque, en compagnie de ces trois personnages, dans un voyage chaotique, une intrigue rythmée, aux rebondissements multiples. Si vous aimez voyager, préparez votre valise ! Les thèmes abordés sont nombreux : la liberté, la fidélité, la transmission, l’amitié, l’amour, la filiation, la vengeance…Personnellement, je préfère Alexis Michalik comme dramaturge. Cette fiction était à l’origine un scénario et cela se ressent tout au long de la lecture car les dialogues prédominent comme sur une scène de théâtre. Bon moment de lecture.
Le Porteur d’histoire. A. Michalik
Alexis Michalik est un auteur français talentueux, heureusement récompensé par quelques « Molières ». C’est sa pièce de théâtre « Edmond » (en hommage à Edmond Rostand), et son film, qui m’ont fait découvrir ce prodige à l’imaginaire débordant. « Le porteur d’histoire » est un autre régal ; un hommage à Alexandre Dumas en forme de puzzle. Le texte est haletant mais la pièce de théâtre est une réelle invitation à nous laisser porter par une histoire rocambolesque ; une aventure extraordinaire en compagnie d’acteurs formidables (Théâtre des Béliers parisiens). Voici le pitch : à la mort de son père, Martin découvre des carnets manuscrits qui vont l’entraîner dans une quête mystérieuse en compagnie d’une mère et de sa fille. Du fin fond des Ardennes au cœur du désert algérien, « le porteur d’histoire » nous invite à remonter le cours du temps et de l’Histoire. Création coup de cœur.
Et soudain, la liberté. E. Pisier et C. Laurent
Ce roman est d’abord une promesse entre Evelyne Pisier et, son éditrice, Caroline Laurent. L’éditrice a terminé puis publié le manuscrit d’Evelyne Pisier, décédée avant d’avoir pu y mettre un point final. Caroline Laurent a eu raison de poursuivre l’écriture de cette histoire qui nous parle de liberté et de féminité. Au fil des pages, Evelyne Pisier raconte sa vie, à travers celle de sa mère, sur une période de soixante ans. Le roman démarre au début des années quarante en Indochine. Mona est l’épouse d’André Desforêt, un haut fonctionnaire français. Heureux en ménage, ils sont parents d’une petite Lucie. Mais la guerre contre le Japon éclate. Mona et Lucie se retrouvent prisonnières au camp d’Hanoi ; la guerre dès l’enfance. En septembre 45, la petite famille embarque précipitamment sur un paquebot en direction du sud de la France puis s’installe à Nouméa. Une nouvelle vie débute dans une autre demeure coloniale : la villa aux Oiseaux. En fréquentant la bibliothèque locale, Mona rencontre Marthe et la littérature française sous la plume de Simone de Beauvoir, Sartre puis Gide. La mère de famille donne un fils à André, l’enfant tant espéré à une époque où un garçon vaut mieux qu’une fille. Lucie commence à se poser des questions. A l’ombre des palmiers, Mona se confronte dangereusement au désir jusqu’au déchirement : le divorce. Choquée, impuissante, Lucie assiste à la séparation de ses parents puis à leur surprenant remariage. De retour en France, Lucie est une adolescente amoureuse qui s’interroge de plus en plus à propos de son éducation et des contradictions familiales. Au moment où Lucie prend son destin de femme en main, il est de plus en plus question de la place des femmes en France : l’indépendance financière, la contraception, le droit à l’avortement, l’homosexualité…Lucie s’émancipe jusqu’à Cuba où elle croise un certain Fidel Castro…Un roman à mettre entre les mains de nos adolescentes. Bon moment de lecture. Prix des lycéennes de « Elle », Prix Marguerite Duras, Prix Première Plume.
Antonia. G. Zalapi
Antonia est le prénom d’une jeune sicilienne qui vit à Palerme, au milieu des années soixante. Mariée et mère d’un petit garçon, la jeune femme déteste sa vie bourgeoise, étriquée. Elle éprouve une certaine difficulté à être à la fois une bonne épouse et une bonne maman. A la mort de sa grand-mère, et grâce à des archives, Antonia retrace le passé de sa famille cosmopolite tout en témoignant dans son journal (1965 à 1966). Au fil de ce roman illustré, la lectrice découvre la voix d’Antonia et les fondements de sa souffrance. Gabriella Zalapi nous projette dans une époque et une société où la femme n’était pas maîtresse de son destin. Un premier roman bouleversant, le journal d’une femme rebelle. Bon moment de lecture. Grand Prix de l’Héroïne Madame Figaro 2019.