Au départ, Laurence, une des voix de ce roman chorale, se met à la recherche de son père biologique suite à une révélation tardive. Son enquête débute grâce à la découverte de documents fouillés dans les affaires de sa mère. Ses nombreuses interrogations vont la mener au personnage de Guillermo Zorgen, un militant d’extrême gauche, décédé en 1975, dans des conditions obscures. La rencontre avec différents journalistes, amis de sa mère et anciens membres du réseau, vont permettre à Laurence de retrouver des traces d’un mouvement politique anarchiste, d’après Mai 68. Toute la force du roman repose sur cette enquête qui rythme un récit particulièrement bien structuré. Le style est simple et parfois scolaire. De nombreux articles, poèmes, tracts et lettres parsèment le récit et viennent éclairer la lectrice. Pour justifier cette approche documentaliste, très réaliste, Hélène Gestern dit avoir voulu raconter l’histoire de plusieurs points de vue. En ce qui concerne le titre, « la part du feu », il fait référence à un incendie sur lequel Laurence va enquêter. Mais, la métaphore du feu illustre, aussi, la passion ardente de l’amour et celle de l’engagement. La lectrice regrette justement de ne pas ressentir de manière plus forte l’histoire passionnelle du couple « Sonia-Guillermo ». Ce roman est, avant tout, un livre sur l’engagement tel qu’il pouvait rassembler les individus autour d’une idéologie. La part du feu représente aussi « ce que le feu peut brûler pour sauver le reste ». Comme dans son premier roman (« Eux sur la photo »), il s’agit d’une personne à la recherche d’une autre personne. Sélection Prix « Libraire en Seine » 2013.
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Heureux les heureux. Y. Reza
Yasmina Reza a un certain talent pour dépeindre l’âme humaine dont elle semble connaître les bas fonds. Dans ce roman chorale, la lectrice découvre les bribes de vie de dix huit personnages: le patriarche Ernest, le médecin homo Philip Chemla, le couple Toscano au bord de la rupture… A la manière d’un jeu des sept familles, la lectrice parcourt ce roman particulièrement rythmé. Dans un style cynique, Yasmina Reza raconte, avec une bonne dose de dérision, ces morceaux de vie tellement proches de notre réalité de mortels. Ne croyant ni au bonheur, ni au couple, l’auteure détaille l’absurdité de la vie avec humour. « Etre heureux, c’est une disposition. » Un roman, bourré d’émotions, qui ne laisse pas indifférent. Sélection Prix « Libraire en Seine » 2013.
Jane Eyrotica. C. Brontë & K. Rose
Premier roman érotique de ce blog. Karena Rose revisite le roman de Charlotte Brontë en lui donnant une dimension sensuelle et sexuelle. La lectrice redécouvre, avec plaisir, ce texte du XIXème siècle qui rencontra, à l’époque, un succès considérable. Jane Eyre est l’héroïne et la narratrice de ce roman. Son enfance malheureuse d’orpheline la condamne, dans un premier temps, à une existence de rêves et de fantasmes. Docile, elle s’abandonne, très jeune, à ses désirs. Ses longues années d’interne à l’Institut Lowood la mène à Thornfield Hall où elle devient gouvernante. Une intrigue amoureuse commence, alors, avec le maître de maison, Mr Rochester. Le roman d’origine est complexe et se base sur plusieurs mythes dont celui de l’exil et du retour. En toile de fond, Charlotte Brontë expose la condition féminine de cette époque, en Angleterre. Karena Rose vient y ajouter une touche érotique et donne, ainsi, une certaine profondeur à l’amour qui unit Jane à Mr Rochester. Pourquoi pas?
Les désorientés. A. Maalouf
Très beau roman dont l’auteur est un académicien élu en 2010. Amin Maalouf a fui le Liban en guerre pour arriver en France en 1976. Après la publication de nombreux romans, il a obtenu en 2010 le prix « Prince des Asturies » pour l’ensemble de son oeuvre. Dans « Les désorientés », le narrateur, Adam, est appelé au chevet de son meilleur ami, Mourad. Après trente-cinq ans d’absence, il revient dans son pays natal sans jamais le nommer. Entre nostalgie et désillusion, l’auteur raconte, dans ce roman intimiste, les retrouvailles de ces « désorientés » qui croyaient en un monde meilleur. Les notes et réflexions du narrateur ponctuent le récit et nous éclairent sur le passé des protagonistes mais également sur l’état d’esprit d’Adam durant seize jours. La limpidité du style et la richesse émotionnelle entraînent la lectrice dans une réflexion profonde à propos de thèmes universels: l’enfance, l’amour, la fidélité, l’amitié, la foi, les origines, l’argent, l’avenir du monde…Certains personnages, comme Albert, sont véritablement attachants. A travers l’histoire personnelle de chacun, l’auteur démontre à quel point la vie réserve des surprises; à la fois délicate et cruelle. Un roman qui questionne et offre un lumineux moment de lecture. Coup de coeur! Sélection Prix « Libraire en Seine » 2013.
Arrive un vagabond. R. Goolrick
Nous sommes à Brownsburg, une ville paisible de Virginie, au cours de l’année 1948. Charlie Beale arrive au volant de son pick-up, comme un vagabond, chargé de deux valises pleines de matériel de boucher et d’argent. Le talent de Robert Goolrick repose, d’abord, sur la construction de ce roman aux allures paisibles et descriptions bucoliques. Il installe le décor, le cadre de l’intrigue, sereinement. Ses personnages sont des gens simples, noirs et blancs, pieux, honnêtes et bienveillants. L’auteur dépeint, avec justesse, les failles et paradoxes humains de cette tragédie en marche. Charlie va travailler dans la boucherie de la ville et se lie d’amitié avec Alma, Will et leur fils, de cinq ans, Sam. Tout se passe merveilleusement bien au début de ce roman écrit dans un style particulièrement poétique. La lectrice se retrouve à côté de Charlie « ..près du pick-up, dans le noir, dans le chant sonore des criquets et le murmure des papillons de nuit qui faisait comme un friselis dans son coeur… » Cette atmosphère va pourtant devenir de plus en plus pesante lorsque Sylvan Glass pousse la porte de la boucherie. Sam va devenir, chaque mercredi, l’alibi du couple adultère. Robert Goolrick nous donne la vision de ce petit garçon à qui Charlie demande de préserver le secret, et de mentir, pour mener cette passion à la tragédie et à une enfance fracassée. A travers le personnage de Sylvan, l’auteur traite de la recherche d’identité, des origines, de la légèreté, des apparences. Sylvan est une jeune femme perdue, obnubilée par le cinéma et ses actrices dont elle copie les parures chez sa couturière noire. Elle vit dans ses fantasmes: « …la vraie raison de ses actes était qu’elle préférait le fantasme du film de son imagination à la réalité de Charlie Beale. » Le personnage principal, Charlie, est un garçon simple, habité par la bonté et qui sera la première victime de cette passion dévastatrice. Sam est évidemment le personnage le plus touchant, désarmé face à ce monde d’adultes dont il ne comprend pas encore les codes. Excellent moment de lecture. Suspense et montées d’adrénaline. Coup de coeur! Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013. Prix « Libraire en Seine » 2013.
L’écrivain de la famille. G. Delacourt
Le premier roman de Grégoire Delacourt figurait dans la liste de mes lectures. L’histoire d’une famille, originaire du Nord de la France, racontée par Edouard, fils déclaré « écrivain de la famille » et narrateur de ce roman. En partant des années soixante-dix jusqu’aux années quatre-vingt dix, l’auteur nous replonge avec justesse dans un contexte musical, littéraire, médical et audio-visuel. Edouard raconte, avec sensibilité, ses failles, ses doutes et ses émotions, au fil des pages de ce premier roman clairvoyant. Nous faisons connaissance avec chaque membre de la famille exposé au destin, « c’est la vie qui choisit « . De Paris à Bruxelles, la lectrice retrouve, grâce à ce roman, ses propres émotions entre rires et larmes. Grégoire Delacourt manie les mots mieux que personne en ne prenant jamais de gants. Il donne, à cette histoire familiale, un ton universel qui lui est propre et qui plaît à un grand nombre de lecteurs. Ce premier roman révèle, sans aucun doute, la genèse de son parcours professionnel d’écrivain et d’homme (enfin) heureux. Bon moment de lecture.
De tempête et d’espoir. M. Dédéyan
Un très beau roman breton qui évoque l’univers des grands navigateurs et des expéditions, entre St Malo et Pondichéry, au XVIIIème siècle. Anne de Montfort, jeune femme orpheline, noble de naissance, cherche désespérément son frère Jean, disparu aux Indes. Commence alors une véritable aventure pour notre héroïne, entrecoupée de pages de son journal intime où elle évoque son voyage à bord d’un navire en partance pour les Indes. Anne est le personnage miroir de cette intrigue qui évoque la place de la femme dans la cité corsaire de St Malo au siècle des Lumières. Beaucoup de personnages secondaires comme Corentin, mère Saint-Yves, Jean-Baptiste ou Soizic sont particulièrement attachants. Ce livre est, avant tout, un véritable hymne à la mer et aux marins: « Il est des couchers de soleil sur les flots infinis plus beaux que le paradis. Le camarade qui veille sur toi mieux qu’un frère et vient te donner à boire quand tu délires de fièvre, une baleine immense qui plonge et tu te sens si heureux d’être tout petit. La liberté, le vent qui siffle à tes oreilles, la fierté de ma famille. Un jour, je commanderai mon propre navire… » Ecrite dans un style ciselé et empreinte de poésie, cette invitation au voyage est fidèle à l’histoire. Ce véritable petit bijou, pour les amoureux de la mer et de la Bretagne, nous renseigne formidablement et nous apparaît telle une peinture marine. La dernière page ne signe pas la fin mais nous invite à lire la suite de l’aventure dans son prochain roman: « Pondichéry « . A suivre…
Chuuut! J. Boissard
Un roman grand public qui nous infiltre dans une famille de châtelains français. Producteur de Cognac en Charentes, Edmond de Saint Junien règne, avec élégance, sur sa tribu comme sur ses chais. Le roman est construit en chapitres à deux voix. La première voix est celle de Fine (petite fille d’Edmond et Delphine) qui nous raconte ses états d’âme et sa famille. D’autre part, le parcours de Nils (petit fils d’Edmond et Delphine) nous est conté à la troisième personne du singulier. L’auteure manie parfaitement la plume et l’art de l’intrigue: la fille des gardiens est retrouvée assassinée dans le domaine. Même si le suspense est léger, Janine Boissard arrive à capter notre attention. Les thèmes de l’identité, la famille, le secret, l’amour, la maladie, la trahison sont abordés avec finesse. La lectrice entrevoit, à travers ce roman familial, un milieu aristocratique empêtré dans ses valeurs ancestrales et ses secrets les plus lourds. L’arbre généalogique des Saint Junien, page 8, présente cette descendance constituée de personnages attachants et complexes. L’enquête pour retrouver l’assassin de la petite Maria réserve assurément bien des surprises mais « chuuut! »…
L’Embellie. A. A. Olafsdottir
Une auteure islandaise qui nous dépayse totalement en nous emmenant à la découverte de son pays, toile de fond de ce roman. L’histoire d’une jeune femme, quittée par son mari, qui part à la recherche d’elle même avec le fils de quatre ans de sa meilleure amie. En voiture, ils vont sillonner cette île noire, et ses paysages lunaires, pour y faire des rencontres improbables. Roman fantasque et drôle abordant des thèmes très actuels: la maternité, le divorce, le désir, la crise, l’enfance, l’amour, l’amitié, le réchauffement climatique etc… La narratrice soumise à la chance, à la malchance et au hasard découvre un nouvel aspect de sa vie près de cet enfant sourd et presque aveugle. Quelques bribes de souvenirs nous éclairent sur son parcours d’enfant, de jeune fille, de femme libre. Beaucoup de fantaisie, d’humour, de poésie définissent un style d’écriture à part. La relation qui se développe, au fil des pages, entre cette femme et le petit Tumi, dans ce contexte naturel si particulier, nous émeut. La publication des recettes du roman, à la fin du livre, démontre la singularité de l’auteure déjà connue pour son premier roman « Rosa Candida ». Bon moment de lecture. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Le siècle de Dieu. C. Hermary-Vieille
La France est un pays que la lectrice ne se lasse pas de découvrir, plus particulièrement à travers son histoire. Ce roman historique se déroule au 17ème et 18ème siècles, du règne du roi soleil au début de la Régence. Catherine Hermary-Vieille retrace l’histoire de cette France, à la veille de la Révolution, en opposition aux fastes et aux intrigues de la cour de Versailles. Beaucoup de précision dans l’écriture de ce roman dont le travail rigoureux est digne d’une historienne. Catherine Hermary-Vieille nous peint une fresque, entre ombre et lumière, avec un soucis du détail inégalé. La lectrice découvre, sous le prisme de deux destins différents, une période qui a définitivement marqué l’histoire de France. Nous suivons les personnages d’Anne-Sophie et de sa cousine Viviane, toutes deux issues de la haute noblesse Bretonne, en quête du bonheur. Louis XIV apparaît en despote, séducteur vieillissant, terriblement éloigné des besoins de son peuple exsangue. L’amour des hommes et du Divin est un thème d’importance dans ce roman. La plupart des personnages ont réellement existé et l’auteure excelle dans sa façon de nous les représenter à travers l’évolution des modes, de l’Art et des moeurs. Catherine Hermary-Vieille dresse les inoubliables portraits de Madame de Maintenon, Fénélon, Bossuet, Madame de Montespan… En mêlant l’histoire et la fiction, nous voici propulsés dans un incroyable voyage dans le temps.
Un héros. F. Herzog
Félicité Herzog est la fille de Maurice Herzog, vainqueur de l’expédition française partie au sommet de L’Annapurna en 1950. Dans ce roman autobiographique, Félicité Herzog nous raconte sa vérité familiale face à un père désigné comme un héros national: » Il ne semblait jamais être vraiment redescendu de ce versant sur lequel il se dresse en pleine tempête, tenant à deux mains le drapeau français. » Pour l’auteure, cette ascension repose sur un mensonge à l’origine de la maladie de son frère, Laurent, disparu prématurément. La lectrice découvre la face cachée de Maurice Herzog décrit comme un imposteur, séducteur, arriviste, père défaillant abandonnant son épouse. Loin du règlement de compte, Félicité Herzog a eu le courage de publier son premier roman du vivant de son père, malheureusement inatteignable, peut-être dans un dernier élan d’amour. Elle nous livre, dans un style métaphorique et maîtrisé, sa vision des choses avec une profondeur certaine. La lectrice découvre également, au fil des pages, l’univers d’une grande famille héritière française confrontée à sa mémoire. Beaucoup de lucidité et de maturité dans ce roman imprégné d’amour fraternel. Félicité Herzog ne peut se résoudre à oublier ce grand frère, « un étranger au monde « , compagnon atypique de son enfance. Ce roman, bourré d’émotions, est dédicacé à sa mère, intellectuelle rebelle, pour laquelle elle semble ressentir de la compassion malgré tout. Il n’y a pas de héros dans ce roman mais bien une héroïne: une petite fille qui a grandi et qui cherche, malgré sa colère et sa culpabilité, à décrypter la mécanique familiale dans ses mythes et ses mensonges. Excellent moment de lecture.
Home. T. Morrison
Après sa venue, en septembre 2012 au Festival Américain de Vincennes, il fallait lire celle qui vient d’être décorée de la « Presidential Medal of Freedom » des mains du Président Obama. Cette auteure noire américaine, Prix Nobel de Littérature en 1993, révèle dans » Home » tout son talent en nous emmenant dans le Sud de l’Amérique au milieu des années cinquante. Tel un conte, la nature est, ici, un élément poétique omniprésent. Les deux personnages principaux nous apparaissent, d’abord, enfants dans une situation tragique. La lectrice suit, au cours des chapitres, le parcours de Frank Money, un noir américain, ex soldat en guerre de Corée, à la recherche de sa petite soeur Cee afin de rentrer au pays, son « Home ». Les principaux thèmes abordés sont ceux de la condition des noirs américains, de la ségrégation, du crime, de la violence, de la guerre et de l’amour fraternel. La voix de Frank vient ponctuer le récit pour livrer ses pensées les plus intimes, les plus secrètes. L’écriture de Toni Morrison est tranchante et condensée, d’une formidable densité. Ce roman en boucle impressionne par sa maîtrise. Excellent moment de lecture.
Certaines n’avaient jamais vu la mer. J. Otsuka
Ce roman très féminin se profile comme un document. En retraçant le parcours de la communauté japonaise installée à San Francisco au début du 20ème siècle, Julie Otsuka nous parle du destin de ces femmes mariées par procuration dont l’exil commence par un mensonge. Belle écriture pour décrire la longue traversée et cette magnifique image métaphorique du bateau qui s’éloigne pour avancer vers l’avenir. Sans personnage principal, l’auteure utilise le « nous », tel un choeur, pour évoquer la misérable vie de ces femmes. Ce roman très poétique traite de l’expatriation, de la trahison, de la famille, de la condition de la femme, du travail, de l’humiliation… Beaucoup de jolies listes malgré leurs longueurs. La lectrice se plonge, ici, dans la culture nipponne et se représente parfaitement ces visages, ces voix, leurs souffrances et leurs joies minuscules. Certaines phrases ressemblent à un Haïku: « je vois encore l’empreinte de tes pas dans la boue, près de la rivière. » Ce second roman, de Julie Otsuka, se termine au moment de la seconde guerre mondiale, ce qui constitue le préquelle de son premier roman. Beau moment de lecture. Prix Fémina Etranger 2012. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Le sermon sur la chute de Rome. J. Ferrari
C’est avec un certain retard, et une appréhension certaine, que j’ai, enfin, lu le prix Goncourt 2012. Inspiré de l’homélie de St Augustin, figure tutélaire du livre, Jérôme Ferrari examine à plusieurs échelles ce qui constitue un monde. Il nous présente ses personnages corses dans le tumulte des guerres du 20ème siècle jusqu’à nos jours. Matthieu, fils de Marcel, va finalement abandonner ses études prometteuses pour reprendre le bar de son village natal qu’il idéalise. Libéro va, lui aussi, s’associer à Matthieu pour bâtir ensemble ce qu’ils pensent être le meilleur des mondes. Leur ambition est si profonde et leurs attentes si fortes qu’ils vont finir par s’éloigner l’un de l’autre et se heurter à un monde réel incapable de les combler. Jérôme Ferrari emploie une dimension mystique pour nous évoquer le rapport des hommes au monde dans un style profond et puissant. Son caractère défaitiste n’emporte pas tous les suffrages et, pourtant, il s’agit bien d’un remarquable roman. Référence au philosophe Leibniz et son enseignement sur la cohérence du monde. Ce roman est un monde possible.
Mouche’. M. Lebey
Voici un petit roman détonnant. Avec beaucoup d’humour et dans un style qui n’appartient qu’à elle, Marie Lebey rend hommage à sa maman belge dit « Mouche’ « . La lectrice compatriote se retrouve parfaitement dans le destin de cette femme qui a vécu sa vie à Paris. Dans la lignée des romans de Nathalie Rheims et de Delphine De Vigan, sans oublier celui d’Amanda Sthers, l’auteure rend hommage, à sa manière, à une femme drôle et cultivée. Beaucoup de poésie et d’émotions au fil des pages de ce roman truffé de précieuses petites listes. Marie Lebey nous fait rire en nous attendrissant: « Mouche’, y es-tu? M’entends-tu? N’oublie pas, quand tu partiras, de laisser la lumière du couloir allumée. » Lecture coup de coeur!
Comme une bête. J. Sorman
Joy Sorman explore, ici, le monde de la boucherie et l’évolution de la filière de la viande. Etonnement, elle dissèque, avec dextérité, tous les éléments qui constituent cet univers de chair. Pim est le personnage principal de cet hymne à la vache dont il est mordu. Pim va faire sa « révolution bouchère ». Etudiant en CAP boucherie, sa réputation lui vaudra de réussir dans un monde artisanal dur et cruel. Joy Sorman revient, dans ce drôle de roman, au rapport primitif de l’homme à l’animal de boucherie en poussant la lectrice à la réflexion. Elle aborde les thèmes de la culpabilité et de la compassion en revenant, à sa manière, sur les origines de notre société carnivore: » …alors Dieu dit à Noé: tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes. » A plusieurs reprises, la lectrice se demande comment le roman va réussir à tenir sur un sujet aussi myoglobinique? Et pourtant, le rythme se maintient dans ce livre au style maîtrisé qui a, sous certains aspects, l’allure d’un document. Après lecture, la boucherie n’a plus aucun secret pour la lectrice. Ames sensibles s’abstenir. Un roman à offrir à son boucher. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Je suis la marquise de Carabas. L. Bordes
Lucile Bordes tire avec beaucoup de poésie sur les ficelles de son histoire. A travers ce joli petit roman, elle retrace le parcours de ses ancêtres forains: les fondateurs du Grand Théâtre Pitou. Son grand père, en fin de vie, cachait cette histoire qu’il n’arrivait pas à transmettre. Il était devenu instituteur, lui le dernier acteur de ce tableau familial. La lectrice perçoit derrière les mots, un monde de saltimbanques fait de voyages en roulottes, de costumes et de marionnettes en bois qui s’animent dans de fabuleux spectacles. L’auteure, après une enquête familiale et un travail de documentation, romance la vie de cette troupe et fait des allers retours entre le 19ème et le 20ème siècle. Dans un style ramassé, elle nous raconte le passage de sa famille, sur quatre générations, du Grand Théâtre Pitou au cinéma muet puis au cinéma parlant. Un petit roman qui ouvre les portes d’un monde imaginaire et enchanté. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Le monde à l’endroit. R. Rash
Ron Rash possède réellement son univers propre. Après son formidable livre » un pied au paradis », le voici qui emmène, à nouveau, la lectrice dans son Amérique en traitant de la question des origines et de l’identité. Le roman se déroule au pied de Divide Mountain dans les Appalaches. L’auteur plante son décor, à chaque chapître, en faisant constamment référence à la nature: la beauté des truites mouchetées, les rhododendrons, le vacarme des grillons et des cigales, le chant des oiseaux, les crotales des bois, l’eau de la rivière… Travis Shelton, 17 ans, est le personnage principal du livre qui, confronté aux fantômes du passé, va tenter d’échapper à son destin. L’auteur écrit sans concession pour décrire une Amérique marginale dans un style qui n’appartient qu’à lui. Références surprenantes à Madame Simone Weil, présentée comme témoin de guerre. Ce roman, à suspense, remonte en permanence le temps: de la guerre de Sécession (à travers le journal d’un médecin) à nos jours. Ron Rash, révèle dans ce roman, une vie rude, campagnarde et pleine d’épreuves. Toujours au premier plan, ses personnages masculins sont particulièrement tragiques. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
La réparation. C. Schneck
Colombe Schneck est, depuis 2003, mère d’une petite « Salomé ». A travers le choix de ce prénom, l’auteure décide de remonter le temps pour découvrir le drame qui a bouleversé sa famille maternelle lors de la Shoah. Elle s’interroge sur sa légitimité à écrire son histoire et part finalement pleine de doutes sur les traces de sa famille, du ghetto de Kovno en Lituanie aux camps de concentration. Ce « roman-vrai » est, en fait, un document illustré de quelques photos. Le livre est évidemment touchant et légitime. Cependant, la lectrice ressent l’hésitation de l’auteure tout au long de la lecture et regrette un manque de profondeur. Colombe Schneck dégage pourtant, avec grâce, la beauté féminine derrière l’horreur de la guerre. Elle évoque sa mère, ses tantes et leurs enfants avec amour et compassion. Des lettres touchantes et poèmes viennent intensifier la densité du chagrin. Colombe Schneck nous parle avant tout, dans ce cinquième livre, de la force de la vie. Prix Thyde Monnier 2012. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
La vérité sur l’Affaire Harry Quebert. J. Dicker
Voici un roman différent; un roman construit « à l’américaine » et dont l’auteur est suisse. Sa jolie couverture est une oeuvre d’Hopper. Ce qui est, d’abord, surprenant pour la lectrice que je suis, c’est de se retrouver dans le contexte de la première élection de Barack Obama et de terminer cette lecture le jour de la réelection du président des Etats-Unis. L’auteur nous entraîne, ici, dans un compte à rebours: l’enquête sur le meurtre de Nola Kellergan dont est accusé, son amant, Harry Quebert. Marcus Goldman, le narrateur, va tenter de démontrer l’innocence de son mentor en enquêtant à Aurora, une ville tranquille en Amérique. Ce livre romanesque, de plus de six cent pages, est un petit bonheur même s’il comporte, évidemment, des longueurs. Les différents scénarios proposés par Marcus Goldman sont systématiquement remis en question et déroutent nos intimes convictions. A travers cette histoire, l’auteur nous parle de notre société mais surtout d’imposture, d’amour et de littérature. Le rôle de l’écrivain y est clairement défini: « Ecrire, cela signifie que vous êtes capable de ressentir plus fort que les autres et de transmettre ensuite. Ecrire, c’est permettre à vos lecteurs de voir ce que parfois ils ne peuvent pas voir. » Le génie de Joël Dicker est d’arriver à téléscoper, avec justesse, différentes époques. Un roman complexe écrit dans un style simple. Prix du Roman de l’Académie Française 2012. Prix Goncourt des Lycéens 2012.
Avenue des Géants. M. Dugain
Un roman captivant, bien construit, qui nous entraîne dans les grands espaces de l’Amérique, en 1963. Marc Dugain retrace le cheminement d’Ed Kemper alias Al Kenner, un personnage réel et tueur en série particulièrement énigmatique. Si ce tueur est totalement dénué d’empathie, l’auteur, de son côté, nous le présente sous un angle qui ne condamne jamais. Au contraire, tout au long du roman, Marc Dugain s’emploie à comprendre cet homme, pourtant intelligent, qui n’arrive pas à s’approprier sa vie et qui s’interroge sans cesse. Le tueur va parcourir les Etats-Unis, perdu dans ce vaste territoire comme dans sa propre vie. Un homme différent, géant et obèse, qui cherche sa place en vain; à cran comme son 9mm. Le style de l’auteur est cynique, métaphorique: « j’étais comme une vaste maison hantée dans laquelle il ne reste qu’un meuble et il me proposait de m’aider à le déplacer dehors pour le brûler. »; son humour noir est particulièrement décapant. Au moment de son incarcération, le tueur et narrateur, découvre la littérature: « la lecture est la plus belle expérience humaine. » Beaucoup de personnages évoluent aux côtés d’Al Kenner, la plupart étonnement naïfs et sympathiques. Le rôle de la mère est crucial dans cette histoire stupéfiante. Les thèmes traités par l’auteur sont: la défaillance parentale, le divorce, l’abandon, le lien filial, la maladie mentale, l’alcoolisme, l’angoisse existentielle, la culpabilité, la confiance, le temps qui passe… Ce roman est aussi l’autopsie de la société américaine, malade et sans avenir, celle des hippies et de la guerre du Vietnam. Le travail qu’Al Kenner mène avec son premier psychiatre est particulièrement précis et nous aide à appréhender la schizophrénie paranoïde. L’auteur nous réserve une fin de roman foudroyante qui désarçonne. Moment de lecture géant. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Laisser les cendres s’envoler. N. Rheims
Après les très beaux romans maternels de Delphine de Vigan et Amanda Sthers, paraît le tout aussi captivant roman de Nathalie Rheims. Avec lucidité et tendresse, Nathalie Rheims nous livre un très beau texte teinté d’émotions et de férocité dont le thème principal est la défaillance maternelle. L’auteure nous raconte son enfance et son adolescence comme un conte de fées qui vire au cauchemar. Son style est ciselé, juste parfois cynique mais sans pathos. Elle nous ouvre les portes d’un château enchanté, d’un monde aujourd’hui révolu, d’une dynastie familiale de banquiers réduite en cendres. Nathalie Rheims livre sa part de vérité, ses souvenirs et ses secrets. L’amour maternel est-il vraiment inconditionnel? Même si nous ignorons à quel point ce roman est autobiographique, Nathalie Rheims nous touche au coeur. Beaucoup de compassion pour cette auteure qui apparaît sous un nouveau jour.
Belle famille. A. Dreyfus
Arthur Dreyfus nous raconte, avec conviction, une histoire inspirée de l’affaire Maddie. Il y a quelques années, cette petite fille de trois ans disparaissait au Portugal, en vacances avec ses parents. Il est question, ici, de la famille Macand et de leurs trois enfants. Les premières pages ne passionnent pas mais, très vite, l’histoire s’emballe et nous emporte. Le style de l’auteur est résolumment moderne, original, bourré de références. Il dépeint parfaitement la société actuelle et le quotidien de nos enfants à travers leurs jeux électroniques, leur vocabulaire, leurs états d’âme. L’ écriture est noble, intelligente. L’ amour maternel et la famille constituent l’axe central de cette histoire captivante. Arthur Dreyfus manipule habilement les mots et nous livre la version vraissemblable d’un fait divers qui dérape et agite. Bon moment de lecture. Prix Orange du Livre 2012. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Les larmes noires de Mary Luther. A. J. Mayhew
Très bon roman américain qui nous rappelle « la couleur des sentiments ». La narratrice est Jubie, une adolescente issue d’une famille bourgeoise blanche composée de quatre enfants. En 1954, en Caroline du Nord, il est question de ségrégation, de haine et d’intolérance mais aussi d’amitié, d’amour, de complicité. Sur un tempo negro spiritual afro-américain, Jubie nous fait partager le quotidien de sa famille, ses vacances, ses amours et ses problèmes personnels. Elle est véritablement attachante, puérile, sensible et livre avec, beaucoup de fraîcheur, un instantané de son époque. Sa bonne noire Mary, à qui elle tient sincèrement, paiera le prix fort de sa différence. Plusieurs drames vont bouleverser la vie de toute la famille tout au long du roman. La lectrice ne s’ennuie jamais; les derniers chapîtres se révèlent riches en rebondissements. Excellent moment de lecture.
Loving Frank. N. Horan
En littérature, les livres qui laissent une trace indélébile se comptent sur les doigts d’une main. »Loving Frank » fait partie de cette catégorie. Publié en 2007, ce roman américain est prodigieusement bien écrit. Nancy Horan nous raconte l’histoire adultérine, réellement vécue, de Mamah Bortwick Cheney et de son architecte Frank Lloyd Wright, au début du 20ème siècle. Défrayant la chronique de l’époque, les amants avaient alors fait scandale en abandonnant leurs conjoints et enfants respectifs pour vivre leur romance au grand jour. De ce magnifique roman se dégage, tout d’abord, une atmosphère, une ambiance, un climat très particulier. Les descriptions du style architectural et le travail de Frank, toujours en harmonie avec la nature, donnent du cachet à cette histoire passionnelle. Superbement bien construit, ce roman débute du point de vue de Mamah en traitant des droits de la femme aux Etats-Unis et en Europe. La psychologie des personnages est méticuleusement analysée et nous éclaire par rapport aux tourments émotionnels, conflits familiaux et les disputes qui se produisent régulièrement au sein du couple. Frank est un artiste excentrique bourré de talent mais peu fiable et dépensier. Mamah est une femme intelligente, amoureuse, qui justifie ses choix « pour vivre au plus près de sa vérité et donner un sens à son existence. » Elle traduira notamment les oeuvres de la féministe suédoise Ellen Key. Ce qui frappe tout au long de la lecture, c’est l’amour inconditionnel qui guide ces deux êtres malgré les obstacles. Le jugement moral, la culpabilité, la solitude, la pression de la société et de la famille sont également des thèmes centraux, au coeur de ce roman. Le dénouement est aussi inattendu que violent ce qui renforce le caractère exceptionnel de cette histoire. Nancy Horan a écrit ce premier roman en découvrant, à Oak Park, la maison des Cheney battie par Frank Lloyd Wright. Elle dit avoir voulu déterrer une histoire enfouie sous une chape de silence. Fabuleux moment de lecture.
Un soir de décembre. D. de Vigan
Ce roman date de 2005. Il clôture la lecture de tous les livres signés par Delphine de Vigan. Le désir est l’axe principal de cette histoire d’homme qui, à quarante-cinq ans, va se mettre en danger. Marié à la femme de sa vie, père de deux enfants et écrivain à succès, il se retrouve fragilisé par l’écriture de son roman mais aussi par une histoire d’amour qui le rattrape comme une bulle d’air remonte à la surface. Sara va réapparaître dans la vie de Matthieu Brin, dix ans après leur aventure. Delphine de Vigan décrit instinctivement la vie de cet homme perturbé, bouleversé, transformé. Elle dépeint parfaitement ses failles, ses doutes, ses fantasmes et son désir obsessionnel pour les femmes. L’écriture à vif, Delphine de Vigan nous parle d’amour et de sexe avec lucidité et cynisme. Roman moderne écrit par une femme moderne dans une société actuelle et parisienne. Bon moment de lecture.
Les jolis garçons. D. de Vigan
Le roman (2005) le plus excentrique de Delphine de Vigan où la relation amoureuse est décortiquée dans trois scenarios probables. Une femme de vingt six ans, Emma, face à trois hommes: Mark, Ethan, Milan dans l’illusion et le fantasme de la rencontre: « ..toujours vient le moment où il faut prendre conscience de l’immense imposture qu’est la rencontre de l’Autre. ». Style caustique, cynique mais aussi caricatural et drôle. Delphine de Vigan apparaît ici délurée comme jamais. Ce roman, très différent des autres, lui vaut d’être actuellement scénariste d’une comédie sur le sexe. Bon moment de lecture.
Au pays des kangourous. G. Paris
Les Heures souterraines. D. de Vigan
En ce beau mois de mai, j’ai eu la grande chance de rencontrer Delphine de Vigan grâce à « Madame Figaro » . En parlant de son meilleur roman « Rien ne s’oppose à la nuit », elle m’a demandé si j’avais lu « les Heures souterraines » (2009). Face à ma réponse négative, Delphine de Vigan a proposé de me le faire parvenir. J’ai été très touchée par sa sensibilité et encore plus étonnée de recevoir son livre gentiment dédicacé. J’ai donc lu « les Heures souterraines »; lacune comblée. Les deux personnages principaux vivent à Paris, une ville que l’auteure désigne comme « ce territoire infini d’intersections où l’on ne se rencontre pas » . Mathilde est veuve, mère de trois enfants, cadre dans un grand groupe. Progressivement, elle est mise au placard par son supérieur et découvre l’entreprise comme un lieu totalitaire. Malgré elle, Mathilde continue d’emprunter quotidiennement les couloirs souterrains du RER D, dans les entrailles de cette ville oppressante à l’air vicié. Mathilde va y perdre son énergie, son côté conquérant comme sa carte de World of Warcraft » le défenseur de l’aube d’argent » . Parallèlement, Thibault est médecin urgentiste dans cette capitale étouffante où il soigne des hommes reclus comme des rats dans des appartements miteux. La solitude, le manque d’amour, la fin de vie, le harcèlement au travail et l’écoulement du temps sont les principaux thèmes de ce roman particulièrement bien écrit. Le style de l’auteur est direct, brutal, incisif. La lectrice ressent, derrière les mots, l’angoisse, la colère et la violence : la ville telle une menace. « Les gens désespérés ne se rencontrent pas« . Excellent moment de lecture.
Des cailloux dans le ventre. J. Bauer
Suite à un article élogieux paru dans le magazine « psychologies » (Mai 12), j’ai lu ce roman étranger qui a reçu le prix du premier roman décerné par les libraires indépendants australiens. La famille, la jalousie, la maladie et la mort, le secret, le pardon et la solitude sont les principaux thèmes développés par l’auteur dans ce roman singulier à deux voix: le narrateur à huit et vingt huit ans. Le ventre est bien le siège des émotions ressenties par ce petit garçon tout au long de son enfance de « seulitaire » effrayé par ses sensations: « les sentiments sont méchants ». Ses parents exercent le difficile métier de famille d’accueil. Robert arrive dans cette famille, un petit garçon différent des autres qui va accaparer l’amour de la mère et exacerber la jalousie du narrateur. La vie de cette famille d’accueil va être fracassée par un drame, bouleversant totalement la vie des personnages. Vingt ans plus tard, le narrateur revient auprès de sa mère et l’accompagne jusqu’au bout de son incurable maladie. La lectrice découvre un homme immature, violent et impulsif. Rongé par la culpabilité, il va pourtant marcher vers sa rédemption. La signification du titre apparaît comme une des clés de l’intrigue. Style imagé, puéril et brutal. Jon Bauer se met parfaitement à la hauteur de son jeune narrateur. Un roman bien construit et surprenant destiné à celles et ceux qui portent encore le fardeau de leur enfance.