Avenue des Géants. M. Dugain

Un roman captivant, bien construit, qui nous entraîne dans les grands espaces de l’Amérique, en 1963. Marc Dugain retrace le cheminement d’Ed Kemper alias Al Kenner, un personnage réel et tueur en série particulièrement énigmatique. Si ce tueur est totalement dénué d’empathie, l’auteur, de son côté, nous le présente sous un angle qui ne condamne jamais. Au contraire, tout au long du roman, Marc Dugain s’emploie à comprendre cet homme, pourtant intelligent, qui n’arrive pas à s’approprier sa vie et qui s’interroge sans cesse. Le tueur va parcourir les Etats-Unis, perdu dans ce vaste territoire comme dans sa propre vie. Un homme différent, géant et obèse, qui cherche sa place en vain; à cran comme son 9mm. Le style de l’auteur est cynique, métaphorique: « j’étais comme une vaste maison hantée dans laquelle il ne reste qu’un meuble et il me proposait de m’aider à le déplacer dehors pour le brûler. »;  son humour noir est particulièrement décapant. Au moment de son incarcération, le tueur et narrateur, découvre la littérature: « la lecture est la plus belle expérience humaine. » Beaucoup de personnages évoluent aux côtés d’Al Kenner, la plupart étonnement naïfs et sympathiques. Le rôle de la mère est crucial dans cette histoire stupéfiante. Les thèmes traités par l’auteur sont: la défaillance parentale, le divorce, l’abandon, le lien filial, la maladie mentale, l’alcoolisme, l’angoisse existentielle, la culpabilité, la confiance, le temps qui passe… Ce roman est aussi l’autopsie de la société américaine, malade et sans avenir, celle des hippies et de la guerre du Vietnam. Le travail qu’Al Kenner mène avec son premier psychiatre est particulièrement précis et nous aide à appréhender la schizophrénie paranoïde. L’auteur nous réserve une fin de roman foudroyante qui désarçonne. Moment de lecture géant. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.

Laisser les cendres s’envoler. N. Rheims

Nathalie Rheims - Laisser les cendres s'envoler.

Après les très beaux romans maternels de Delphine de Vigan et Amanda Sthers, paraît le tout aussi captivant roman de Nathalie Rheims. Avec lucidité et tendresse, Nathalie Rheims nous livre un très beau texte teinté d’émotions et de férocité dont le thème principal est la défaillance maternelle.  L’auteure nous raconte son enfance et son adolescence comme un conte de fées qui vire au cauchemar. Son style est ciselé, juste parfois cynique mais sans pathos. Elle nous ouvre les portes d’un château enchanté, d’un monde aujourd’hui révolu, d’une dynastie familiale de banquiers réduite en cendres. Nathalie Rheims livre sa part de vérité, ses souvenirs et ses secrets. L’amour maternel est-il vraiment inconditionnel? Même si nous ignorons à quel point ce roman est autobiographique, Nathalie Rheims nous touche au coeur. Beaucoup de compassion pour cette auteure qui apparaît sous un nouveau jour.

Belle famille. A. Dreyfus

Arthur Dreyfus nous raconte, avec conviction, une histoire inspirée de l’affaire Maddie. Il y a quelques années, cette petite fille de trois ans disparaissait au Portugal, en vacances avec ses parents. Il est question, ici, de la famille Macand et de leurs trois enfants. Les premières pages ne passionnent pas mais, très vite, l’histoire s’emballe et nous emporte. Le style de l’auteur est résolumment moderne, original, bourré de références. Il dépeint parfaitement la société actuelle et le quotidien de nos enfants à travers leurs jeux électroniques, leur vocabulaire, leurs états d’âme. L’ écriture est noble, intelligente. L’ amour maternel et la famille constituent l’axe central de cette histoire captivante. Arthur Dreyfus manipule habilement les mots et nous livre la version vraissemblable d’un fait divers qui dérape et agite. Bon moment de lecture. Prix Orange du Livre 2012. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.

Les larmes noires de Mary Luther. A. J. Mayhew

Les Larmes noires de Mary Luther par Anna Jean Mayhew

Très bon roman américain qui nous rappelle « la couleur des sentiments ». La narratrice est Jubie, une adolescente issue d’une famille bourgeoise blanche composée de quatre enfants. En 1954, en Caroline du Nord, il est question de ségrégation, de haine et d’intolérance mais aussi d’amitié, d’amour, de complicité. Sur un tempo negro spiritual afro-américain, Jubie nous fait partager le quotidien de sa famille, ses vacances, ses amours et ses problèmes personnels. Elle est véritablement attachante, puérile, sensible et livre avec, beaucoup de fraîcheur, un instantané de son époque. Sa bonne noire Mary, à qui elle tient sincèrement, paiera le prix fort de sa différence. Plusieurs drames vont bouleverser la vie de toute la famille tout au long du roman. La lectrice ne s’ennuie jamais; les derniers chapîtres se révèlent riches en rebondissements. Excellent moment de lecture.

Loving Frank. N. Horan

En littérature, les livres qui laissent une trace indélébile se comptent sur les doigts d’une main. »Loving Frank » fait partie de cette catégorie. Publié en 2007, ce roman américain est prodigieusement bien écrit. Nancy Horan nous raconte l’histoire adultérine, réellement vécue, de Mamah Bortwick Cheney et  de son architecte Frank Lloyd Wright, au début du 20ème siècle. Défrayant la chronique de l’époque, les amants avaient alors fait scandale en abandonnant leurs conjoints et enfants respectifs pour vivre leur romance au grand jour. De ce magnifique roman se dégage, tout d’abord, une atmosphère, une ambiance, un climat très particulier. Les descriptions du style architectural et le travail de Frank, toujours en harmonie avec la nature, donnent du cachet à cette histoire passionnelle. Superbement bien construit, ce roman débute du point de vue de Mamah en traitant des droits de la femme aux Etats-Unis et en Europe. La psychologie des personnages est méticuleusement analysée et nous éclaire par rapport aux tourments émotionnels, conflits familiaux et les disputes qui se produisent régulièrement au sein du couple. Frank est un artiste excentrique bourré de talent mais peu fiable et dépensier. Mamah est une femme intelligente, amoureuse, qui justifie ses choix « pour vivre au plus près de sa vérité et donner un sens à son existence. » Elle traduira notamment les oeuvres de la féministe suédoise Ellen Key. Ce qui frappe tout au long de la lecture, c’est l’amour inconditionnel qui guide ces deux êtres malgré les obstacles. Le jugement moral, la culpabilité, la solitude, la pression de la société et de la famille sont également des thèmes centraux, au coeur de ce roman. Le dénouement est aussi inattendu que violent ce qui renforce le caractère exceptionnel de cette histoire. Nancy Horan a écrit ce premier roman en découvrant, à Oak Park, la maison des Cheney battie par Frank Lloyd Wright. Elle dit avoir voulu déterrer une histoire enfouie sous une chape de silence. Fabuleux moment de lecture.

Un soir de décembre. D. de Vigan

Un soir de décembre

Ce roman date de 2005. Il clôture la lecture de tous les livres signés par Delphine de Vigan. Le désir est l’axe principal de cette histoire d’homme qui, à quarante-cinq ans, va se mettre en danger. Marié à la femme de sa vie, père de deux enfants et écrivain à succès, il se retrouve fragilisé par l’écriture de son roman mais aussi par une histoire d’amour qui le rattrape comme une bulle d’air remonte à la surface. Sara va  réapparaître dans la vie de Matthieu Brin, dix ans après leur aventure. Delphine de Vigan décrit instinctivement la vie de cet homme perturbé, bouleversé, transformé. Elle dépeint parfaitement ses failles, ses doutes, ses fantasmes et son désir obsessionnel pour les femmes. L’écriture à vif, Delphine de Vigan nous parle d’amour et de sexe avec lucidité et cynisme. Roman moderne écrit par une femme moderne dans une société actuelle et parisienne. Bon moment de lecture.

Les jolis garçons. D. de Vigan

Le roman (2005)  le plus excentrique de Delphine de Vigan où  la relation amoureuse est décortiquée dans trois scenarios probables. Une femme de vingt six ans, Emma, face à trois hommes: Mark, Ethan, Milan dans l’illusion et le fantasme de la rencontre: « ..toujours vient le moment où il faut prendre conscience de l’immense imposture qu’est la rencontre de l’Autre. ». Style caustique, cynique mais aussi caricatural et drôle. Delphine de Vigan apparaît ici délurée comme jamais. Ce roman, très différent des autres, lui vaut d’être actuellement scénariste d’une comédie sur le sexe. Bon moment de lecture.

Au pays des kangourous. G. Paris

Roman tendre au style puéril. Gilles Paris se glisse dans la peau d’un enfant de neuf ans, gâté par la vie mais à qui l’essentiel manque. Simon, élève à Gerson, assiste impuissant à la dépression de son père Paul en l’absence de sa mère Carole, partie « au pays des kangourous ». Complicité touchante entre le père et le fils: « on fait légume ». Humour et esprit. La vie mouvementée de cette famille nous apparaît à travers le regard poétique et infantile que porte Simon sur le monde. Black eyed Peas en bande son. Les yeux gris de Paul retrouveront ils leur couleur feuille? Quelques personnages bienveillants égayent la vie parisienne de cette petite famille: Lola, Fortuné, les sorcières,Raoul, Carlotta, la mystérieuse Lily, Alice et Marianne… Les rêves de Simon qui ponctuent le roman sont parfois trop longuement racontés. Le style enfantin choisi par Gilles Paris pourrait lasser. Il n’en est rien. Gilles Paris fait certainement ressurgir derrière les mots, le petit garçon qui est en lui. Prix Folire 2012.

Les Heures souterraines. D. de Vigan

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En ce beau mois de mai, j’ai eu la grande chance de rencontrer Delphine de Vigan grâce à « Madame Figaro » . En parlant de son meilleur roman « Rien ne s’oppose à la nuit », elle m’a demandé si j’avais lu « les Heures souterraines » (2009). Face à ma réponse négative, Delphine de Vigan a proposé de me le faire parvenir. J’ai été très touchée par sa sensibilité et encore plus étonnée de recevoir son livre gentiment dédicacé. J’ai donc lu « les Heures souterraines »; lacune comblée. Les deux personnages principaux vivent à Paris, une ville que l’auteure désigne comme « ce territoire infini d’intersections où l’on ne se rencontre pas » . Mathilde est veuve, mère de trois enfants, cadre dans un grand groupe. Progressivement, elle est mise au placard par son supérieur et découvre l’entreprise comme un lieu totalitaire. Malgré elle, Mathilde continue d’emprunter quotidiennement  les couloirs souterrains du RER D, dans les entrailles de cette ville oppressante à l’air vicié. Mathilde va y perdre son énergie, son côté conquérant comme sa carte de World of Warcraft  » le défenseur de l’aube d’argent » . Parallèlement, Thibault est médecin urgentiste dans cette capitale étouffante où il soigne des hommes reclus comme des rats dans des appartements miteux. La solitude, le manque d’amour, la fin de vie, le harcèlement au travail et l’écoulement du temps sont les principaux thèmes de ce roman particulièrement bien écrit. Le style de l’auteur est direct, brutal, incisif. La lectrice ressent, derrière les mots, l’angoisse, la colère et la violence : la ville telle une menace. « Les gens désespérés ne se rencontrent pas« . Excellent moment de lecture.

Des cailloux dans le ventre. J. Bauer

Des cailloux dans le ventre

Suite à un article élogieux paru dans le magazine « psychologies » (Mai 12), j’ai lu ce roman étranger qui a reçu le prix du premier roman décerné par les libraires indépendants australiens. La famille, la jalousie, la maladie et la mort, le secret, le pardon et la solitude sont les principaux thèmes développés par l’auteur dans ce roman singulier à deux voix: le narrateur à huit et vingt huit ans. Le ventre est bien le siège des émotions ressenties par ce petit garçon tout au long de son enfance de « seulitaire » effrayé par ses sensations: « les sentiments sont méchants ». Ses parents exercent le difficile métier de famille d’accueil. Robert arrive dans cette famille, un petit garçon différent des autres qui va accaparer l’amour de la mère et exacerber la jalousie du narrateur. La vie de cette famille d’accueil va être fracassée par un drame, bouleversant totalement  la vie des personnages. Vingt ans plus tard, le narrateur revient auprès de sa mère et l’accompagne jusqu’au bout de son incurable maladie. La lectrice découvre un homme immature, violent et impulsif. Rongé par la culpabilité, il va pourtant marcher vers sa rédemption. La signification du titre apparaît comme une des clés de l’intrigue. Style imagé, puéril et brutal. Jon Bauer se met parfaitement à la hauteur de son jeune narrateur. Un roman bien construit et surprenant destiné à celles et ceux qui portent encore le fardeau de leur enfance.

Rompre le charme. A. Sthers

Septième roman pour Amanda Sthers, chiffre porte bonheur. La voici narratrice de son roman familial. L’oncle Benoit se suicide lorsqu’elle a six ans. Le demi-frère de sa mère s’est tué, et par ricochet, la mère d’Amanda est devenue une morte vivante avec le coeur « anesthésié ». L’aînée de la fratrie écrit « pour l’enfant de six ans qui voudrait retrouver sa mère ». Divorce des parents, mensonges et trahisons. « Grandir c’est se taire ».  Benoît vient hanter les rêves d’Amanda qui cherche la délivrance. Amanda Sthers rompt le charme morbide en écrivant ce livre douloureux.  Elle fait, notamment, un voyage au pays de l’enfance de sa mère, Viviane, sur ces terres malgaches pleines de rituels. La narratrice protège son jeune frère Noé, violoncelliste, en excorcisant sa peur. La peur de reproduire le shéma. Sauver Noé en « récurant » la famille. L’écriture comme délivrance; le livre comme un électrochoc. Culpabilité de l’auteure, tout au long du roman: « écrire c’est dégoûtant », c’est « fouiller dans les poubelles du coeur ». Les thèmes du mensonge, du secret, de la transmission familiale et du divorce sont omniprésents. A travers ses mots, l’auteure dresse le portrait, sans équivoque, de notre société moderne. Son style est direct, sans concession. Amanda Sthers est une femme libérée, une mère sincère et sensible, clairvoyante et pleine de compassion pour sa maman. La bande son est le témoin des différentes époques clés de cette famille de « zinzin » qui s’aime, se tait, se déchire, se déteste en silence…La lectrice espère, de tout coeur, que ce ne sera, en aucun cas, le dernier livre d’Amanda. Aina.

Jours sans faim. D. de Vigan

Jours sans faim

Le temps passant et le succès de son dernier livre aidant, Delphine de Vigan republie, aujourd’hui, son tout premier roman. Fini les pseudonymes. Patrick Poivre d’Arvor m’a conseillé la lecture de ce livre dont le thème principal est l’anorexie. Il connaît, malheureusement, bien le sujet. Il est question ici de Laure, dix neuf ans, hospitalisée, à la fin des années quatre-vingt, suite à un trouble alimentaire profond. La jeune femme tombe amoureuse de son médecin (docteur Brunel!), son sauveur, le seul qui la rattache à la vie. Sur la voie de sa guérison, elle évolue au sein de l’unité parmi les patients avec qui elle se lie, parfois, d’amitié. A travers ce livre, et pour celles et ceux qui ont adoré « rien ne s’oppose à la nuit », les prémisses du drame familial se tissent: le divorce des parents de Vigan, la dislocation de la famille, le lien fraternel avec sa soeur, les conflits avec son père, la maladie de sa mère. Le ton est aussi virulent que la colère de Laure. Le style appartient à la juvénilité de l’auteur. La bande son caractéristique et les émissions de Canal Plus ou de Michel Drucker, en toîle de fond, nous évoquent une période révolue. Petit à petit, Laure va reprendre confiance en elle et les rennes de sa vie. Elle gardera, à vie, « une cicatrice indolore ». Roman instructif.

La revanche de Blanche. E. De Boysson

Un roman historique comme on l’espère et qui nous remémore celui de Françoise Chandernagor avec « l’allée du roi ». Une époque, le 17ème, et des personnages intriguants qui ont parfois existé comme La Montespan, Mme de la Fayette ou Mme de Maintenon.  L’histoire de Blanche de La Motte qui n’a pas connu son père, le Poète Ronan Le Guillou. Abandonnée par sa mère, Blanche va grandir auprès de sa marraine Ninon de Lenclos. Comédienne dans la troupe de Molière puis chez Racine, la jeune femme sera introduite à la cour de Louis XIV dont elle sera la maîtresse et dont elle aura une fille. L’affaire des poisons et les messes noires sont évoqués dans un climat de monarchie absolue. Archi-documenté, ce roman nous replonge avec interêt dans la France du 17ème et ses moeurs de Cour. La psychologie des personnages est particulièrement passionnante. A la fois cocasse et coquin, ce roman se lit avec délectation.

Une femme fuyant l’annonce. D. Grossman

Une femme fuyant l'annonce - David Grossman

Grand Prix de l’Héroïne Madame Figaro, 2012, catégorie Roman Etranger.      Roman aussi ardu que le chemin qu’emprunte Ora, accompagnée d’Avram, son amour de jeunesse. Ora fuit l’annonce de la mort de son fils soldat israelien. Cette mère divorcée, vieillissante, va marcher longtemps, en Galilée, en espérant échapper à la terrible nouvelle. Le trajet qu’ils vont parcourir est à l’image de sa vie, parfois magnifique, serein mais aussi douloureux ou semé d’obstacles. David Grossman mêle intimement ses personnages à la faune et la flore des paysages en faisant ressortir le caractère primaire de leurs instincts voir leur bestialité. Ora se retrouve face contre terre lorsqu’elle se remémore sa vie familiale, ses amours et ses fils. Ce roman épais, parfois brousailleux nous aide à mieux comprendre l’impact de la guerre sur le psyché des israeliens.

Je ne suis pas celle que je suis. Ch. Djavann

Je ne suis pas celle que je suis

Deux histoires pour une même femme dans ce roman étrange. D’un côté, une iranienne  qui raconte sa jeunesse deTéhéran au golf persique en passant par  Dubaï et les rives du Bosphore où elle  connaîtra, tour à tour, l’amour, la honte, la prostitution, l’inceste, la torture…  De l’autre, la vie de Donya à Paris où, touchée par l’exil et la solitude, elle va entreprendre une psychanalyse. Et c’est bien là, l’originalité de ce roman, où la lectrice assiste à des séances surprenantes, celles d’ une patiente qui apparaît à la fois schizophrène, désespérée, indomptable ou muette. A travers ce roman, c’est l’histoire politique de l’Iran qui apparaît en toîle de fond et qui nous renseigne un peu plus sur l’évolution de cette société islamique. Roman déconcertant. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012.

La liste de mes envies. G. Delacourt

Une vraie bonne idée, un roman qui sort de l’ordinaire malgré un style cru et familier. Nous sommes dans la ville d’Arras chez Jocelyn et Jocelyne, des gens ordinaires. Tout est d’ailleurs d’un  ennui certain dans la vie de nos personnages qui évoluent entre la mercerie et l’usine. Jocelyne, la tête sur les épaules, excelle dans son métier au milieu des boutons et des dentelles. Son blog est un succès florissant. Elle tente de se convaincre que son mariage n’est pas un mensonge. Mais c’est bien le coeur de l’intrigue qui va nous captiver, nous happer littéralement au milieu de cette histoire de trahison que nous raconte avec vivacité Grégoire Delacourt. Cette intrigue bien ficelée nous entraîne de Bruxelles à Londres en passant par la Côte d’azur.  « Belle du Seigneur » entre les mains, Jocelyne va réussir à faire son deuil tout en remplissant la liste de ses envies tandis que Jocelyn va découvrir, trop tardivement, la signification du mot « symbiose ».  Impossible de ne pas commencer notre propre « liste de nos envies » au moment de refermer ce roman. Excellent moment de lecture. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012. Prix des Lecteurs de l’Express 2012.

Ma vie précaire. E. Fontenaille

Livre Ma vie précaire auteur Elise Fontenaille -Calmann Lévy

Une histoire qui commence particulièrement bien. Une femme actuelle qui se déleste de ses livres, de ses vêtements, de ses meubles, de ses années de matérialisme d’une manière particulièrement poétique et généreuse, à Paris. Une écrivaine à la rue qui va se perdre au fil des pages de St Nazaire à la Guyanne en repassant par Paris. Une écriture lumineuse, une Elise tellement singulière avant qu’elle ne se perde sur « Craigslist » à la recherche de sexe ethnique et tarifé. La vie précaire d’une femme qui s’égare et qui s’accroche à ses amours de passage. Fela sera la résurrection de cette amoureuse de l’ailleurs. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012.

La comtesse de Ricotta. M. Agus

Les trois livres de la quinzaine

Un roman italien sous le climat particulier de la Sardaigne. Trois soeurs qui vivent, chacune à leur étage, leur vie de femme dans le palazzo familial délabré de Cagliari. La comtesse de Ricotta est l’une des trois; maladroite, cassée par la vie, fille-mère d’un petit retardé. Noémie est, elle, la plus terre à terre des soeurs, la plus fonceuse tandis que Maddalena reste la plus sensuelle quoiqu’infertile. La psychologie des personnages nous intéresse particulièrement dans ce roman qui se révèle sous un angle parfois « pathétriste ». Il y a du monde aux fenêtres de ce palais italien où il est aussi question d’amour, de quête du bonheur, de sexe, de perte, d’abandon, de culpabilité et de maternité. La symbolique du vaisselier nous éclaire sur les personnages et les amours d’Ellias et Noémie. Milena Agus nous donne le goût de la dolce vita à travers la nourriture, la musique, la nature, le soleil sur la mer… Un roman lumineux comme un amant italien, passionné et excessif. Littérature féminine. Livre d’escapade. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012.

Les filles de l’ouragan. J. Maynard

Les filles de l'ouragan joyce maynard Philippe Rey

Excellent roman américain qui prend son point de départ une nuit d’ouragan, en 1949, dans le New Hampshire. Deux filles naissent neuf mois plus tard dans la même maternité. L’auteur va suivre la vie de ces deux familles pendant cinquante ans avec tout un tas de rebondissements et bouleversements liés aux personnages mais aussi à la politique et à la culture américaine. Dana et Ruth prennent la parole à tour de rôle pour décrire leur enfance, adolescence, vie de femme… Peu à peu, un secret va se dévoiler. Les saisons, immuables, rythment ce roman particulièrement bien construit. Les thèmes de l’abandon, la maladie, le cycle de la vie, la sexualité sont, entre autres, abordés sur une bande son tout aussi remarquable. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012.

La fille tombée du ciel. H.W. Durrow

fille tombée du ciel

Très belle surprise avec ce roman américain métis, bouleversant. L’envol est le thème principal de cette histoire où résonnent les voix de Rachel Morse et de sa mère Nella. Suite à un terrible drame familial, Rachel est recueillie par sa grand-mère paternelle qui va l’éduquer dans la communauté afro-américaine de Portland, en1982.  Intelligente, cultivée, Rachel est une métisse aux yeux bleus née d’une mère danoise et d’un père noir américain qui va tenter de se forger un avenir malgré la haine raciale omniprésente. Elle est, aux yeux des gens qui la regardent, noire malgré elle. Un autre personnage du roman, Brick, va être témoin de sa terrible histoire. Il détiendra, malgré lui, la pièce manquante du puzzle. Le style de l’auteur est particulièrement convainquant, efficace. Ses métaphores ornithologiques nous entraînent dans un roman parfois poétique. Les références littéraires, musicales, télévisuelles, culturelles nous aident à mieux appréhender cette société noire américaine. Heidi Durrow nous parle aussi de la question des origines, de l’abandon, du secret, du deuil, de l’adolescence… Excellent moment de lecture. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012.

 

Seins & oeufs. M. Kawakami

Un petit roman nippon résolument moderne et ultra féminin. 3 instantanés de vie de femmes qui s’entrecroisent dans la sphère familiale. L’auteur nous fait découvrir le nouveau visage de la société japonaise en toile de fond. L’identité, la difficulté de communiquer, la relation mère-fille, les cycles et périodes de la vie figurent parmi les thèmes abordés. Ce petit roman nous dépayse même si les personnages sont confrontés à des difficultés féminines universelles. Roman intime tout en rondeur. Traduction méticuleuse. Excellent livre d’escapade. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012.

L’été des serpents. Henri Cueco

L'été des serpents

Une chronique de guerre dans un style familier, cocasse et lubrique.Henri Cueco a aujourd’hui 80 ans et se souvient precisément de son adolescence pendant la seconde guerre mondiale. Il nous livre l’écho d’une période révolue, des souvenirs, en vrac, de son village de Corrèze: le magasin des grands parents, le curé d’Ars, la jolie fille juive du sabotier, la guerre des bandes et la cruauté des hommes. Il superpose ses souvenirs à sa vie, 50 ans plus tard. La lectrice le retrouve philosophe, parfois, dans un style bucolique, quelque part entre le chant des rossignols et le firmament des étoiles. Il oppose la violence de la guerre à la violence du désir et se voit en vishnou ou shiva pour mieux caresser les cuisses des filles pubères. Tino Rossi en bande sonore, ce roman est l’écriture de la mémoire comme image du devenir. Beaucoup d’émotions dans ce livre surprenant.

No et moi. D. de Vigan

Lou Bertignac est une élève douée de 13 ans qui vit à Paris, à notre époque. Grâce à un exposé, elle va s’intéresser à la vie d’une jeune SDF, No. Cette relation amicale va bouleverser la vie de Lou et de sa famille. Après le passage de No, rien ne sera pareil. C’est une expérience déterminante que vont vivre ces deux jeunes filles, à travers la difficulté de vivre, de survivre, d’aimer. Delphine de Vigan aborde beaucoup de thèmes dans ce petit livre discret: la solitude, l’errance, la famille et ses secrets, la maladie, l’adolescence… Ce roman a été adapté au cinéma par Zabou Breitman en 2009.

Gatsby le Magnifique. F. Scott Fitzgerald

The cover of the first edition of The SAM SCHMIDT, 1925.

Le roman, américain du 20ème siècle, par excellence. Le cliché d’une époque révolue: l’histoire d’un homme fabuleusement riche, Jay Gatz dit Gatsby, à Long Island dans les années 20. Le décor est féerique comme les cocktails où ce dandy reçoit le gratin new-yorkais. Gatsby cherche à reconquérir un amour de jeunesse, Daisy, l’épouse d’un autre homme. Le roman est doté d’un vrai suspense. Un moment de lecture unique. A noter que ce livre a été republié avec une nouvelle traduction de Julie Wolkenstein, mal reçue dans le milieu littéraire parisien. La première adaptation au cinéma avec Robert Redford et Mia Farrow (1974) est un petit bijou. Leonardo Di Caprio tourne actuellement une nouvelle adaptation cinématographique.

Rien ne s’oppose à la nuit. D. de Vigan

Rien ne s'oppose à la nuit

Grand Prix de l’Héroïne « Madame Figaro », 2012, catégorie Roman Français. Grand Prix des lectrices du « Elle » 2012. Prix du Roman Fnac 2011. Prix Roman France Télévisions 2011. Prix Renaudot des lycéens 2011. Très beau livre de littérature féminine largement récompensé. Vibrant hommage de Delphine de Vigan à sa mère Lucile. Récit bouleversant, ponctué d’anecdotes familiales qui nous replongent, en parallèle, dans notre enfance de lectrice. Ce roman raconte la longue descente aux enfers de Lucile qui grandit dans une famille française loufoque aux secrets enfouis. Entre schizophrénie et mal de vivre, Lucile évolue au fil des pages dans sa vie de femme puis de mère. Delphine de Vigan nous émeut en nous faisant partager son enfance avec sa soeur et son adolescence chaotique mais aussi par ses moments de chagrin et de questionnement. Lectrice compatissante. Livre intime et coup de coeur!

Ce que nous avons eu de meilleur. J.P. Enthoven

Ce que nous avons eu de meilleur

Un livre à l’écriture poétique, nostalique. Un style envoûtant, une écriture métaphorique. Le narrateur est captivé par Lavinia dont les yeux ont la couleur d’une « jeune pluie sur l’étang qui dort ». Errant à la recherche du bonheur, le narrateur se retrouve souvent entre les murs de La Zahia, un riad historique. Lavinia le ballade mystérieusement entre Marrakech, Rome et Paris. Son ami Lewis n’est autre que BHL et Ariane, Arielle Dombasle. Il y croise d’autres personnages plus emblèmatiques comme bébé d’Alcantara, Simon, Sucre d’orge ou Suzie et nous raconte, avec humour, des anecdotes de circonstances. Les fantômes de la sensuelle Talitha, Maurice Ronet ou Alain Delon hantent la Zahia pour notre grand bonheur de lectrice. Un livre marrakchi à emporter en escapade.

Brooklyn-C. Toibin

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Colm Toibin se glisse avec justesse dans la peau d’un personnage féminin. L’histoire d’Eillis, une irlandaise immigrée aux Etats-Unis dans les années 50, qui se retrouve face à ses peurs, ses doutes et ses désirs. Le style de cet auteur nous évoque les films en noirs et blancs de cette époque.Tout y est décrit consciencieusement presque religieusement. Très belle écriture et bon suspens. Bon moment de lecture. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2011.

 

Quatre jours en Mars-J.C Grondahl

Roman multiculturel qui décrit en strates familiales, la vie de trois femmes, trois générations. J.C Grondahl se glisse parfaitement dans la peau de ses trois personnages féminins. Roman moderne, stylé et accaparent. Cet écrivain danois nous dresse le portrait de la société entre cultures scandinave et italienne. Très bon moment de lecture. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2011.

 

Photo-Photo-M. Nimier

Photo-Photo Marie Nimier

Un roman français tellement original qu’on lui donne une chance de nous étonner. Pourtant, la lectrice hésite parfois à laisser tomber ce roman qui, grâce à certains passages, surprend. A travers ses écrits, Marie Nimier est un auteur attachant. Elle dresse un portrait flatteur de Karl Lagerfeld. Elle dompte ses mots et ses pensées dans un joyeux pêle-mêle. Moment de lecture atypique. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2011.