Très jolie édition pour un roman qui s’inspire de la véritable histoire des soeurs Fox, à l’origine du spiritisme. En toile de fond, nous découvrons l’Amérique puritaine du 19ème siècle et la vie dans une petite ferme hantée de campagne puis à Rochester où les soeurs ouvrent un cabinet. Hubert Haddad décrit méticuleusement l’atmosphère, l’esprit de cette époque et des personnages mais n’arrive pas à captiver la lectrice. Le rythme de lecture est trop saccadé, interrompu par de multiples éléments et un vocabulaire alambiqué.
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Réparer les vivants. M. de Kerangal
Voici un roman rare et remarquable. Le temps d’une rotation terrestre, Maylis de Kerangal nous raconte l’histoire de Simon (19 ans) victime d’un accident de la route près du Havre. Arrivé à l’hôpital dans un coma dépassé, Simon devient un donneur potentiel d’organes mais il faut réussir à convaincre ses parents. D’un côté de la France, la mort de Simon est annoncée par étapes à une famille subitement terrassée par le chagrin. De l’autre côté, l’espoir illumine l’annonce d’une nouvelle vie à une femme en attente d’un coeur. Le style du roman est unique: Maylis de Kerangal écrit de manière chirurgicale, méticuleuse en n’omettant aucun détail. Elle nous livre une nouvelle définition de la mort dans ce roman qui traite du corps et de la greffe. Sa maîtrise narrative étonne; l’investissement est total. Le rythme est cardiaque frôlant parfois l’hyperventilation. La lectrice dispose de peu de temps pour reprendre son souffle au cours de sa lecture. Les personnages dégagent tous, à leur manière, beaucoup d’humanité. La palette de personnalités est particulièrement riche: la famille de Simon et Juliette la petite amie, la chaîne médicale de l’agence de la Biomédecine composée d’hommes et de femmes efficaces et la famille de Claire. Pour ma part, le chapitre consacré à Virgilio Breva ne me semble pas essentiel même si ce personnage joue un rôle crucial au sein de l’équipe médicale. La symbolique du coeur est singulière et magnifique dans cette histoire bouleversante. Maylis de Kerangal s’approprie magistralement « enterrer les morts et réparer les vivants » inspiré par le Platonov de Tchekhov et nous livre un roman profond, dense, poétique mais qui n’est pourtant pas à mettre entre toutes les mains. Grand Prix RTL-Lire 2014. Prix roman des étudiants France Culture-Télérama 2014.
La bête. C. Hermary-Vieille
A partir de faits et personnages historiques concernant l’histoire de la bête de Gévaudan, Catherine Hermary-Vieille brode une histoire entre mythe et réalité. Vers 1764, le petit village de La Besseyre Sainte Marie (Lozère) est terrorisé par un animal sauvage qui attaque et tue des habitants. Rapidement, des rumeurs circulent, jusqu’à Versailles, à propos de la raison de ces attaques: résultat du châtiment divin ou d’un maître maléfique qui dresse pour tuer? Des chasses et battues sont organisées par des troupes royales. Mais d’où vient cette bête? Qui la tuera? L’auteure excelle dans sa manière de raconter cette histoire à suspense. Au fil des saisons et avec beaucoup de précision et de détails, nous voici dans un petit village de France au XVIIIème siècle.
La ballade de Lila K. B. Le Callet
Ce roman, publié en 2010, m’a totalement échappé. Mon amie Aurore vient de me le prêter en précisant: « il est bien, tu verras. » J’ai littéralement dévoré les cinquante premières pages de ce roman sur la ligne 9 du métro entre Trocadéro et Nation. Le roman débute par une scène coup de poing où des hommes en noir s’emparent de Lila (six ans) et de sa mère. Placée dans un centre, opérée et soignée, Lila grandit à l’abris du monde, loin de sa maman. Le talent de Blandine Le Callet est de distiller méticuleusement les personnages et les indices de ce roman aux allures de policier: Mr Kauffmann sera l’éducateur érudit; Justinien, un collègue qui se révélera en chimère; la gardienne effrayante vipère; les amis Fernand et Lucienne etc… Derrière les mots, la voix de Lila se fait entendre; elle raconte l’histoire de sa reconstitution à Milo. Amnésique, notre héroïne grandit dans un centre. Déterminée et surdouée, elle est à la recherche de son passé et de sa mère. Le thème central est bien l’amour filial entre Lila et sa mère. Le style décalé de Blandine Le Callet plaît énormément. En effet, l’histoire se passe dans une centaine d’années à Paris. Intra-muros, la sécurité est assurée par un tas de caméras et robots. En dehors, en banlieue, il s’agit de « la zone » où rien ne va plus. Il y a donc à travers ce roman une réflexion sur la société et son avenir. Mais il y a aussi des éléments comme le chat arc en ciel qui apporte indéniablement une poésie au texte. Malgré la noirceur profonde du roman, l’humour tient aussi une place prépondérante. Enfin, il est également question d’une troublante histoire d’amour qui sert de fil conducteur à la lectrice. Un roman coup de coeur! Prix du Livre numérique, prix des Bibliothèques pour tous, Prix des Lecteurs du Livre de Poche…
L’été des lucioles G. Paris
Ce roman me fait penser à l’oeuvre de Pagnol: « le château de ma mère ». Gilles Paris nous plonge, ici, dans une fiction très actuelle où le héros est un garçon de neuf ans, Victor. Guidée par sa voix et ses pensées, la lectrice va le suivre tout au long de ses pérégrinations estivales. Les parents de Victor sont séparés; il vit à Bourg-en-Bresse avec deux mamans et une soeur, ce qui n’est pas banal. Sa mère biologique est libraire et blogueuse. Son père vit à Paris mais tient une place importante dans la tête et le coeur de notre petit héros. En secret, Victor observe et commente les amours de sa soeur Alicia. En vacances au Cap-Martin, il arpente le chemin des douaniers accompagné de son copain Gaspard. L’aventure commence avec la rencontre des jumeaux Tom et Nathan. La baronne Hedwige est un personnage attachant qui va permettre à Victor d’élucider quelques mystères familiaux. Un roman sur l’amitié, l’amour et les secrets de famille. Le style est enfantin; Gilles Paris prolonge son enfance à travers une écriture empreinte de tendresse, d’émotions et d’humour. Un roman comme une porte ouverte sur son jardin secret plein de lucioles.
Parfois on tombe S. Bakowski
Arrivé par la poste, ce roman, à la couverture un peu trop colorée, ne m’interpellait pas spécialement. Je décidais pourtant de le lire sans être certaine de terminer ma lecture. En résumé, Sarah est une jeune mère trentenaire qui s’épuise dans le stress de la vie active. Un jour, elle perd pied et se retrouve brutalemment séparée de sa fille de cinq ans et de son mari. Après avoir fuit son métier et en pleine dépression, Sarah prend un avion pour la Chine et part à la rencontre d’elle même et de ce pays qu’elle connaît déjà. C’est ce voyage initiatique, fait de déceptions et de petits bonheurs, qui donne de la profondeur au roman. Solène Bakowski nous raconte une histoire qui ne lasse pas et c’est là son principal atout. Comme un journal de bord, le style est parfois très direct; l’écriture étonne par sa simplicité et sa sincérité. Une expérience de vie dans laquelle beaucoup de lectrices se retrouveront. Un roman-réalité qui redonne espoir.
Moment d’un couple N. Alard
Ce roman traite principalement d’infidélité et d’abus. Juliette est ingénieur en informatique; Olivier, son mari est journaliste et ils ont deux jeunes enfants. La petite famille bobo-bohème vit à Paris sous un beau soleil jusqu’à l’annonce d’une relation adultère entre Olivier et une certaine Victoire. Nelly Alard dissèque, ici, la trahison, le glissement du désir et le combat d’un couple pour survivre à leur histoire très contemporaine, illustrée par des mails, textos etc…L’auteur porte un regard lucide et indulgent sur ses personnages et fait référence à l’affaire Marie Trintignant. Un roman haletant même si tout au long de la lecture une envie de dire « stop! » prédomine. Juliette s’obstine dans son mariage face à la trahison et laisse la situation perdurer jusqu’à agacer la lectrice. Une guerre psychologique dans un triangle amoureux classique. Prix Interallié 2013.
Pourquoi être heureux quand on peut être normal? J. Winterson
Au moment de terminer la lecture de ce roman autobiographique, j’ai vu la pièce « Sonate d’Automne » d’Ingmar Bergman au théâtre de l’Oeuvre. Rachida Brakni y joue le rôle d’Eva avec justesse et donne la réplique à Françoise Fabian dans le rôle de Charlotte, la mère. Le thème principal coïncide étonnement avec le roman puisqu’il s’agit de la relation mère-fille. Jeanette Winterson, l’auteure du livre, a connu le succès en Angleterre avec son premier roman: « les oranges ne sont pas les seuls fruits ». Dans un style proche de celui de Gertrude Stein, à qui elle fait référence, cette auteure anglaise homosexuelle écrit avec fantaisie, ironie et cruauté à propos de sa relation avec sa mère adoptive Mrs Winterson. Issue du prolétariat de Manchester, à la fin des années cinquante, l’auteure a mené plusieurs combats: la quête de ses origines, de son bonheur, de sa liberté et de sa vérité. Pour y parvenir, Jeanette Winterson donne, très tôt, une place prépondérante à la littérature, cache une bibliothèque clandestine et se réfugie à la bibliothèque municipale. Mrs Winterson,obèse, malade et proche de la démence, fait obstacle avec violence aux projets de Jeanette. La mère adoptive n’est d’ailleurs épargnée à aucun moment: son portrait de mère indigne est empreint de colère et de férocité. Jeanette Winterson nous raconte l’humiliation, les brimades et la souffrance depuis son adoption. « Pourquoi être heureux quand on peut être normal » est la réponse de Mrs Winterson lorsque Jeanette tentera de justifier son homosexualité. Eperdue de liberté, elle fuit le milieu familial hostile pour se retrouver dans des conditions matérielles particulièrement précaires. Tardivement, elle se met à la recherche de sa mère biologique et nous donne un récit sous forme d’enquête qui passionne. Ce livre est un parcours d’émancipation raconté à travers des anecdotes et souvenirs d’une femme, intellectuelle, légèrement mégalo, qui se perd parfois jusqu’à la folie. La religion, le sexe, l’identité et le temps qui passe sont des thèmes d’ importance qui captivent tout au long d’une lecture qui se situe entre tragédie et humour. Prix Marie-Claire du roman féminin 2013.
Tout cela n’a rien à voir avec moi. M. Sabolo
Voici un roman fantaisiste qui sort de l’ordinaire. Monica Sabolo décrit les fragments d’une relation amoureuse désastreuse qui causera un vrai chagrin d’amour à son héroïne M. S. (qui n’a, bien sûr, rien à voir avec l’auteure). M. S. tombe éperdument amoureuse de son collègue de travail alors que celui-ci ne s’investit pas dans leur relation. Elle cherchera alors toutes sortes de tactiques afin de trouver une réponse à son amour. Ce petit roman (couleur amour) bourré d’humour et de dérision est illustré par des sms, mms et photos. La vraie intelligence de Monica Sabolo est d’interroger ce chagrin et d’en rechercher les origines familiales. Le roman est scindé en trois parties qui en disent déjà long: de l’aveuglement, des antécédents et de l’effondrement. Chaque lecteur, lectrice, se retrouvera à un moment ou à un autre à travers la quête de cette héroïne. Un roman qui se lit très facilement dans le métro, chez soi ou en vacances. Bon moment de lecture. Prix de Flore 2013.
Il faut beaucoup aimer les hommes. M. Darrieussecq
Marie Darrieussecq publie un roman d’aventure lumineux qui se lit comme on déguste quelque chose de délicieux. Juste, passionné, clairvoyant, ce roman décrit la passion et l’attente d’une femme amoureuse. Les sentiments, les craintes, les émotions de Solange, jeune actrice française fraîchement débarquée à Hollywood, sont méticuleusement décortiqués. Lors d’une soirée jet set, elle craque pour un acteur d’origine camerounaise, Kouhouesso, porteur d’une grande idée. Elle est blanche, lui est noir. Le couple mixte va s’aimer par intermittence avec sensualité et érotisme. Solange, folle amoureuse, va suivre Kouhouesso jusqu’en Afrique, dans la forêt équatoriale, où il dirige un tournage. Ce roman traite de la différence, de l’attente et de l’amour avec intensité. Solange cherche à se miroiter dans le regard de l’homme qu’elle aime et pourtant tout fait obstacle: les arbres de la forêt, les stéréotypes, l’obstination de Kouhouesso à réaliser son idée, les malentendus etc… Beaucoup d’anecdotes et de références viennent nourrir le tissu romanesque de ce roman très actuel. Prix Médicis 2013. Coup de coeur.
La dernière fugitive. T. Chevalier
Tracy Chevalier est une spécialiste du portrait de femme. Comme dans « la jeune fille à la perle » et « prodigieuses créatures » , la lectrice est plongée dans un univers particulier. Honor Bright est une anglaise qui débarque, en 1850, en Amérique. Appartenant à la communauté des quaker, elle passe son temps à broder des quilts, prier et faire silence. Voyageant avec sa soeur vers l’Ohio, elle se retrouve brutalement seule et fait, alors, la rencontre de plusieurs personnages clés du roman: Donovan (chasseur d’esclaves), Belle (la modiste), Adam Cox, Abigail, Dorcas et surtout Jack. Tracy Chevalier dresse, ici, le portrait intime de cette « dernière fugitive » avec en toile de fond l’Amérique esclavagiste et l’industrialisation. Son style classique, très riche en détails, nous embarque par sa puissance tranquille. Lentement, nous découvrons Honor, ses doutes et ses failles. Ce roman nous raconte comment la jeune femme va évoluer en défiant sa communauté et en imposant ses choix. Très bon moment de lecture.
Esprit d’hiver. L. Kasischke
Un roman surprenant qui traite principalement de la relation mère-fille et du déni. Holly est une quadra américaine qui, avec son mari Eric, a adopté une petite fille russe. Tatiana a maintenant 15 ans et pourtant, Holly a un pressentiment: « Quelque chose les avait suivies depuis la Russie » . L’intrigue se déroule le jour de Noël,dans la maison familiale où les invités n’arriveront pas, bloqués par une tempête de neige. Eric est absent. Holly se retrouve donc en huis clos avec sa fille adoptive. Il y a quelque chose de particulier dans l’écriture de Laura Kasischke, un style tragique, morbide; un climat pour le moins étrange fait de tensions presque palpables. Beaucoup de détours dans ce roman métaphorique où la narratrice est torturée psychologiquement. La fin du thriller est saisissante, glaciale comme le blizzard qui souffle dehors. Moment de lecture vénéneux et oppressant.
Cinq jours. D. Kennedy
Dire que ce roman est « le plus bouleversant » de Douglas Kennedy est, d’après moi, très exagéré. Je n’avais plus lu cet auteur depuis « Quitter le monde » (2009) pour cause d’ennui profond. Je viens de terminer son dernier roman « Cinq jours » qui, malgré quelques longueurs et beaucoup trop de dialogues, n’est pas inintéressant. Le thème de l’amour déçu est très actuel et beaucoup de lectrices vont s’y retrouver. L’histoire est celle de deux inconnus, coincés dans leurs mariages respectifs, qui vivent une passion fugace à Boston. Laura est la narratrice de cette intrigue à l’eau de rose. Ce roman, grand public, est fondamentalement américain mais supporte la traduction. Il y est question de maladie, de famille, d’adultère, de passion amoureuse, d’espoir, de reconstruction etc…Un moment de lecture agréable même si Douglas Kennedy n’arrive plus à nous captiver comme du temps de ses meilleurs romans: « L’homme qui voulait vivre sa vie » , « La femme du Vème » , « La poursuite du bonheur » …
De tempête et d’espoir. M. Dédéyan
Ce deuxième tome nous entraîne, à nouveau, aux côtés d’Anne de Montfort; héroïne à la recherche de son frère par-delà les océans. Nous voici en 1763, en Inde, du côté de Coromandel. Anne est veuve et débarque dans ce vaste pays où elle rencontre beaucoup de personnages favorables à sa quête. Loin de décevoir, ce roman est tout à fait captivant. Le travail de recherche de Marina Dédéyan semble colossal tant elle détaille avec précision les ingrédients des plats, les coutumes, les vêtements, la décoration des maisons, le plumage des oiseaux etc… Nous voici à nouveau totalement embarqués dans cette aventure de 400 pages, entrecoupée du journal de Jean, le frère d’Anne. Suspense et émotions distillés jusqu’au bout de la lecture. Un roman sur fond de fresque historique orientale. Bon moment de lecture.
Sous le toit du monde. B. Pécassou
Bernadette Pécassou publie un roman qui dévoile la face cachée du Népal, l’envers de la carte postale. En bonne journaliste, elle expose les différentes problématiques liées à ce pays qui tutoie les sommets: le vol des terres, l’émancipation des femmes, les castes, la religion, la violence, le tourisme… Le roman débute par l’authentique assassinat de la famille royale népalaise, le 1er juin 2001. L’auteure s’est, d’ailleurs, inspirée de faits réels mais aussi de vraies personnes au destin parfois tragique. Difficile de ne pas lire ce roman comme un document tant la réalité semble tangible. Bernadette Pécassou connaît bien son sujet. Certains personnages sont particulièrement attachants comme Miss Barney. Le parcours d’Ashmi, jeune journaliste népalaise, captive la lectrice. Ashmi est une jeune fille d’un milieu rural qui subitement accède à la modernité lorsqu’un rédacteur en chef lui demande de rédiger des articles pour son journal. Beaucoup de poésie, au-delà de la violence, dans ce roman qui ne laisse pas indifférent.
La garçonnière. H. Grémillon
Après « le confident », je me suis lancée dans la lecture du second roman psychologique d’Hélène Grémillon. A nouveau, la lectrice retrouve en toile de fond une situation de conflit que l’auteure essaie de reproduire avec détails et véracité. Nous sommes en Argentine, à la fin des années 80 après les années sombres de dictature. Le thème principal du roman est la jalousie amoureuse, un sentiment qu’Hélène Grémillon semble particulièrement bien connaître. Lisandra, la femme du psychanalyste Vittorio Puig, est retrouvée morte en bas de chez elle, défenestrée. Sur un air de Tango, une enquête commence pour se terminer de manière théâtrale comme dans « le confident ». La qualité principale de l’auteure est bien sa capacité à maîtriser le scénario jusqu’à la dernière page. Suspense assuré, donc, mais malheureusement de l’ennui aussi. Le roman est un peu trop épais et la lectrice se perd entre les scènes de torture insoutenable, les rites Incas et la liste des pratiques sexuelles. Trop de personnages, trop de profils de culpabilité pour brouiller les pistes. Hélène Grémillon réserve pourtant de belles émotions à la lectrice, tout au long du roman, lorsqu’elle soulève le thème de la maternité.
Le confident. H. Grémillon
Ma chère amie Nelly vient de m’offrir le deuxième roman d’Hélène Grémillon: « la garçonnière » . Avant de débuter cette lecture, j’ai eu envie de découvrir l’auteure avec son premier roman « Le confident ». Ce roman à succès (qui a obtenu 5 prix littéraires) m’a un peu déçu mais je l’ai lu entièrement car une de ses qualités est de tenir la lectrice en haleine. La toîle de fond est la seconde guerre mondiale. En effet, Camille, trentenaire, reçoit des lettres anonymes suite au décès de sa mère en 1975. Les lettres évoquent le passé de plusieurs personnages durant la guerre 40-45. Cette forme épistolaire contribue largement au suspense de ce roman psychologique dans lequel se nouent des drames intimes. Les thèmes sont ceux de la maternité, du secret, de la trahison, du conflit…Le rythme de balancier entre les différents points de vue présentés est particulièrement bien mené par Hélène Grémillon. A noter que son travail de recherche est précis et offre à la lectrice des informations précieuses à propos de la période 1938-42 en France. Vrai coup de théatre à la fin! Un roman à offrir.
Comme les amours. J. Marias
Javier Marias (figure majeure de la littérature européenne; élu à l’Académie royale espagnole en 2006) nous offre un roman profond axé sur l’amour et la mort. En se référant au Colonel Chabert de Balzac, aux Trois Mousquetaires et à Shakespaere, l’auteur disserte magnifiquement. Le roman comporte, toutefois, quelques longueurs et répétitions mais l’auteur tient la lectrice en haleine grâce à son suspense. Maria Dolz est la narratrice de cette histoire qui débute dans un café où l’éditrice madrilène prend son petit-déjeuner. Elle y observe quotidiennement, à la dérobée, un couple offrant l’image rassurante du bonheur. Après l’été, le couple n’apparaît plus: le mari, Miguel Desvern, a été sauvagement assassiné. Maria sort alors de son anonymat pour exprimer sa tristesse à Luisa, la veuve de Miguel. De manière fortuite, elle rencontre celui qui fut le meilleur ami de Miguel, Javier Diaz-Varela. Ensemble, ils entament une discrète liaison. Au fil des pages, le doute sert de moteur à cette intrigue particulièrement bien ficelée. Javier Marias nous parle d’impunité face à beaucoup de crimes, de mensonge, de trahison et de sa déception de la condition humaine qui en résulte. La difficulté de se rapprocher de la vérité et de raconter est également centrale dans ce roman intense qui donne l’opportunité à la lectrice de se forger son opinion: « la vérité n’est jamais nette, c’est toujours un embrouillement. »
Le roman de Zelda. T. A. Fowler
Zelda n’est autre que la légendaire épouse américaine de F. Scott Fitzgerald, un des plus talentueux écrivains du XXème siècle. Si vous aimez l’écrivain alors ce roman vous passionnera car il nous parle de sa vie quotidienne et de l’élaboration de son oeuvre à travers les yeux de sa femme Zelda. Intelligente et douée pour l’écriture, la peinture et la danse, cette jolie brune au caractère affirmé restera, malgré elle, dans l’ombre de son illustre mari. La vie tumultueuse du couple mythique, l’alcool, la jalousie, l’argent et la maladie apparaissent ici comme les éléments qui ont contribué à l’échec de leur mariage. La lectrice assiste, tout au long de la lecture, à la descente aux enfers des deux artistes. Ce roman, écrit notamment sur base du courrier de Zelda, est aussi un formidable témoignage qui nous renseigne sur les personnalités qui évoluaient à Saint-Germain des Prés dans les années 20 . En effet, le couple a longtemps séjourné en France. Ernest Hemingway apparaît, à son désavantage, comme un personnage central de leur vie. Therese Anne Fowler se glisse merveilleusement bien dans la peau de Zelda et nous présente un roman agréable à lire, plein de poésie, de descriptions, d’humour et d’émotions. Le destin de Zelda, épouse, mère et muse surprend et désole. Un roman qui nous parle aussi du rôle et du travail d’écrivain au début du XXème siècle.
La grâce des brigands. V. Ovaldé
J’ai découvert Véronique Ovaldé grâce à son magnifique roman « Ce que je sais de Vera Candida » (cf ce blog). Le roman suivant « Des vies d’oiseaux » ne m’avait pas inspiré. Véronique Ovaldé publie, en cette rentrée littéraire, « La grâce des brigands » qui est, pour moi, une belle surprise. En effet, ce récit, très enjoué, est un vrai plaisir de lecture; accessible comme son auteure. Véronique Ovaldé nous raconte, cette fois, l’histoire de Marie Cristina Väätonen issue d’une famille du grand nord; une famille aussi crasseuse que la couleur rose de leur maison. L’histoire commence dans les années 70 et se prolonge dans les années 90. Marie Cristina quitte la bourgade canadienne à 16 ans pour s’installer sous le soleil de Los Angeles où elle débute sa carrière d’écrivain à succès. Elle y rencontre Rafael Claramunt dont elle tombe amoureuse pour le meilleur et pour le pire. Il est question, ici, de drame familial, de fuite, d’amour, de trahison et de liberté. Véronique Ovaldé dresse, comme à son habitude, un décor onirique où évoluent des personnages farfelus. Son univers est résolument féminin. L’auteure oscille constamment entre le drame et le loufoque avec une bonne dose d’humour, de sexe et de poésie. Elle évoque également la place de l’écriture comme un remède; un moyen d’échapper à une famille étouffante. J’ai particulièrement aimé le rythme du livre et sa singulière atmosphère. Très bon moment de lecture.
Ladivine. M. Ndiaye
Marie Ndiaye possède le talent d’écriture. Son livre, particulièrement profond et riche, nous entraîne dans un récit magnifiquement bien écrit. L’auteure introduit cependant une touche de fantastique qui rend le roman complexe et demande une certaine exigence de lecture. Au-delà de la symbolique, l’auteure offre un questionnement pertinent sur les origines, la transmission, l’amour, la famille, la culpabilité…Sans jamais s’ennuyer, la lectrice suit le parcours de trois générations de femmes portées par les évènements de la vie: Ladivine-Sylla est une femme de ménage noire, mère d’une fille nommée Malinka. Le père de l’enfant a disparu à la naissance. Malinka et sa mère vivent dans un deux pièces en banlieue parisienne. La fille ne supporte pas le poids de l’amour maternel; elle a honte de sa mère qu’elle surnomme « la servante » ou « la négresse ». Pour en échapper, elle part à 16 ans du côté de Bordeaux où elle se fait appeler Clarisse et épouse un concessionnaire automobile, Richard Rivière. A son tour, elle a une fille « Ladivine » et se retrouve, quelques années plus tard, quittée par Richard Rivière. Chaque mardi, elle rend visite, en cachette, à sa mère qui ne sait rien de sa vie. Malinka/Clarisse est, ensuite, sauvagement assasinée par un amant. De son côté, Ladivine va épouser un berlinois et aura deux enfants: Annika et Daniel. Ils partent, en famille, dans un pays tropical mais les vacances tournent au cauchemar… Marie Ndiaye explore, avec finesse et justesse, la psychologie humaine de tous ses personnages. La lectrice termine le roman, envoûtée par la puissance de l’écriture. Grand Prix de l’Héroïne « Madame Figaro » 2013.
Le roman du mariage. J. Eugenides
Jeffrey Eugenides est un auteur culte (Middlesex, Virgin Suicides). Il explore, avec brio, ce moment de la jeunesse où les décisions peuvent avoir un impact à long terme dans nos vies. Il est question, ici, d’un triangle amoureux représenté par trois étudiants de Brown University tiraillés entre la réalité et les théories intellectuelles de la Fac comme « fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes. Madeleine aime Léonard, maniaco-dépressif en proie à l’auto-destruction, qui semble aimer sincèrement Madeleine. L’auteur analyse presque médicalement les aspects de sa maladie mentale et les remèdes préconisés dans les années 80. Mitchell aime Madeleine en secret. Face à sa frustration, il part pour un tour du monde ce qui nous donne des passages réjouissants, spirituels et exotiques. Particulièrement bien structuré, le roman fait l’analyse méticuleuse des émotions, sentiments et comportements des personnages avec humour et une bonne dose de sexe. Le thème du choix est d’importance dans cette intrigue dont la toile de fond est l’Amérique libre de Reagan. Le personnage de Madeleine nous touche par son obstination, et sa naïveté, à vouloir épouser Léonard. Malgré la liberté, l’auteur pose des entraves au bonheur puis donne la possibilité à chacun de se réinventer. « Talking Heads » en bande son, ce livre est aussi le portrait d’une génération aux Etats-Unis. Moment de lecture intellectuel. Grand Prix de l’Héroïne 2013, Madame Figaro.
Le coeur cousu. C. Martinez
Attirée par « les acidulés de l’été » de la collection Folio (jolies pochettes en plastique), je me suis retrouvée face à ce roman qui date de 2007. Après l’épreuve des premières pages, j’ai découvert une oeuvre poétique puissante; incroyablement féminine et harmonieuse. Carole Martinez est indéniablement une conteuse qui sublime l’écriture en effilochant les mots. Frasquita en est le personnage principal et, à travers elle, nous suivons toute la famille Carasco. Cette jeune andalouse, condamnée à l’errance, est issue d’une lignée de femmes qui se transmettent une mystérieuse boîte à couture. L’auteure raconte magnifiquement bien les étoffes, broderies, le bonheur, la cruauté, la mort, les enfants et le monde rural du 19ème siècle en Espagne. Véritable dentellière, Carole Martinez rafistole le monde dans cet hymne à la vie éminemment solaire. Son écriture lumineuse révèle une profondeur remarquable qui donne une atmosphère singulière à ce roman. Les chapitres consacrés à la maladie de José et les combats de coqs regorgent d’une imagination rare propre à l’auteure et à son style. Ma préférence va à la première partie du livre, moins sanglante que la deuxième. A la limite d’un monde onirique, ce conte est un bonheur fait de légendes, de croyances et de mystères, qui nous transporte au loin. Belle surprise! Prix Renaudot des Lycéens 2007. Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs 2007. Prix Ulysse de la première oeuvre 2007.
L’île des oubliés. V. Hislop
Un livre de poche à glisser dans vos valises. Victoria Hislop nous raconte une saga familiale qui se déroule en Grèce de 1903 à 1957. La lectrice est vite conquise par cette intrigue romanesque très divertissante au style fluide. Livre contre l’exclusion, c’est d’abord un hymne à la Grèce et à la Crète où chaque détail du quotidien nous renseigne sur les moeurs d’une autre époque. « L’île des oubliés », située face à l’île de Plaka, cache un incroyable secret à l’ombre des ruines d’une forteresse vénitienne. En ce qui concerne les personnages, il y a d’abord Alexis, une jeune anglaise d’origine grecque,qui se trouve en plein questionnement intérieur. Elle décide de se rendre en Grèce afin de comprendre pourquoi sa mère, Sophia, a brusquement rompu avec ses racines grecques. Alexis découvre sur place, grâce à une femme nommée Fotini, la destinée tragique de ses aïeules. L’auteure nous raconte, dans cet épais roman, la vie de la famille Petrakis liée à la famille Vandoulakis pour le meilleur et pour le pire. Rebondissements et coups de théâtre garantis. Prix des Lecteurs 2013.
Le Planétarium. N. Sarraute
Grâce à l’émission actuelle « une maison, un écrivain » proposée par Patrick Poivre d’Arvor sur France 5, j’ai lu ce roman si particulier. Nathalie Sarraute (1900-1999) est la figure du mouvement du « nouveau roman » qui se caractérise par des monologues intérieurs, juste avant l’action des personnages. Alain Guimier est le personnage principal autour duquel gravitent d’autres personnages comme Gisèle, la tante Berthe ou Germaine Lemaire. Alain Guimier et sa femme Gisèle sont en conflit avec la tante Berthe à propos d’un appartement. La particularité de Nathalie Sarraute est de réécrire une même scène du point de vue des différents personnages afin de comprendre leur motivation respective au-delà des apparences. Elle propose ainsi à la lectrice une certaine ouverture d’esprit. Beaucoup de thèmes touchant à la famille y sont abordés avec finesse et intelligence. Moment de lecture passionnant.
La solitude des soirs d’été. A. Jeanneret
Après la lecture du cinquième roman d’Anaïs Jeanneret, je dois avouer à quel point mes sentiments sont mitigés. La rencontre d’Alda et de Louis, les personnages principaux si différents l’un de l’autre, intrigue et dérange. Louis, le narrateur, est un jeune homme en quête de lui même. Alda le pousse à l’écriture en l’invitant à séjourner quelques jours, avec sa petite amie Lucy, dans la bastide familiale. Pendant ce séjour, qui s’éternise, Louis observe Alda, à la fois captivé et intrigué par cette femme plus âgée que lui. Alda et Lucy sont deux personnages féminins qui font face, comme elles peuvent, à une blessure d’enfance. Ce roman traite du silence, du secret, de la solitude et du temps qui passe. Le thème de l’inspiration littéraire apparaît sous la plume de Louis et la publication de ses premières ébauches, pas toujours captivantes. L’univers de l’auteure est résolument bourgeois, élégant, posé et la lecture est franchement agréable même si d’inévitables clichés et longueurs ponctuent le roman. La Provence, en toile de fond, ajoute de manière indéniable, une note lumineuse. A lire, au bord d’une piscine, du côté de St Rémy de Provence.
Les poissons ne ferment pas les yeux. E. De Luca
Un roman trouvé dans une boîte à trésor d’enfant. Erri De Luca, auteur italien, nous parle, ici, de la mutation de l’enfance vers l’adolescence. Notre narrateur a dix ans et, loin des désirs corporels, il commence à conjuguer le verbe « aimer ». Très poétique, ce petit livre nous emmène sur les plages du sud de l’Italie au moment des vacances estivales. Erri De Luca plante un décor sommaire fait de plaisirs marins et de pêcheurs. La rencontre du narrateur avec une fillette le propulse, alors, vers une plus grande maturité lui permettant de contempler le monde sans fermer les yeux. Face à la jalousie de trois garçons, il découvrira la cruauté et l’injustice. Loin de son père mais proche de sa mère, le narrateur va se responsabiliser face aux choix familiaux. La place des livres et de la littérature a, tout au long du roman, une importance: « les livres sont la plus forte contradiction des barreaux. Ils ouvrent le plafond de la cellule du prisonnier allongé sur son lit. » La capacité de l’auteur à se glisser dans la peau de ce garçon de dix ans et de décrire sa prise de conscience est tout à fait étonnante. Il dépeint, finement, les doutes, les peurs et les plaisirs de l’enfant lors de ce passage fondateur. Un joli roman, plein de soleil, qui résonne en chacun de nous.
Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013
Pour la seconde fois, me voici lectrice d’un de mes magazines préférés: « Elle » France. Depuis le mois d’août 2012, j’ai lu près de trente livres dans trois catégories: roman, policier et document. Comme vous le savez, je suis jurée littéraire car la lecture fait partie de mes passions. En quoi cela consiste? Après l’envoi d’une lettre de motivation, j’ai reçu trois livres par mois pour lesquels j’ai écrit trois commentaires et attribué des notes à la rédaction du « Elle » . Les 120 lectrices sont désignées par groupes afin d’affiner la sélection. Une fois dans l’année, les lectrices de mon groupe ont reçu six livres dont trois ont finallement été retenus. Idem dans chaque groupe. Ce travail de lectrice est exigeant et demande du temps. Cependant, grâce au « Elle » , je découvre beaucoup de nouveaux auteurs et parfois quelques pépites qui me permettent d’alimenter mon blog régulièrement. Hier soir, la proclamation du 44ème Grand Prix des Lectrices s’est déroulée dans les Salons France-Amériques, avenue Franklin-Roosevelt, Paris-8ème. Les lauréats sont:
Meilleur Roman: Robert Goolrick pour « Arrive un vagabond » (Anne Carrière)
Meilleur Document: Rithy Panh et Christophe Bataille pour « L’élimination » (Grasset).
Meilleur Policier: Gillian Flynn pour « Les apparences » (Sonatine).
Voici le déroulement de cette soirée littéraire:
17h10: rencontre entre les lectrices et les lauréats. Je reste près d’une heure en compagnie de Robert Goolrick, un grand monsieur qui est venu spécialement des Etats-Unis pour reçevoir son prix. Il raconte: suite à un licenciement brutal, à la cinquantaine, il se plonge dans l’écriture de son livre « Une femme simple et honnête » puis de « Féroces » un texte autobiographique bouleversant. En ce qui concerne « Arrive un vagabond » , il faut savoir que l’histoire est vraie mais elle s’est déroulée en Grèce il y a quarante ans. Les thèmes de la religion et de l’enfance abusée sont, ici, primordiaux. J’en profite pour poser quelques questions et le félicite à propos de son style que je trouve très poétique. Sourire et remerciement. Une lectrice se propose de nous prendre en photo, je bondis sur l’occasion. Robert Goolrick fait définitivement partie de ma sélection. Ensuite, je reste quelques instants à la table de Christophe Bataille qui parle au nom de Rithy Panh, resté au Cambodge. Ce prix, du meilleur document (cf commentaire blog), récompense son courage d’avoir affronté, une nouvelle fois, son bourreau. En ce qui concerne le prix du policier, je n’ai absolument pas aimé « les apparences » et ne le considère donc pas (cf commentaire du blog).
18h45: photo de toutes les lectrices et des lauréats au pied de l’escalier magistral.
19h00: Séance de dédicace: « Pour Sophie » signe Robert Goolrick. A l’étage, je croise mes copines blogueuses Sophie et Séverine. J’embrasse, ma meilleure lectrice, Nelly et retrouve Nadine, une autre lectrice venue de Marseille.
19h30: L’équipe de la rédaction du « Elle » est très sympa et décontractée. Valérie Toranian et Olivia de Lamberterie prennent la parole et annoncent les lauréats, officiellement, en présence des invités. Ovation méritée pour Robert Goolrick qui fait son discours en français. Christophe Bataille vient chercher son prix et remercie. Gillian Flynn apparaît sur un écran pour manifester sa joie. Deux auteurs américains sont récompensés à Paris: une consécration. Marc Dugain reçoit le Prix des Lycéennes pour son excellent roman « Avenue des géants » (cf commentaire blog).
20h00: Buffet et champagne! Je salue Nathalie Rykiel, Arthur Dreyfus, Augustin, Colombe Schneck, Marc Dugain, Franz-Olivier Giesbert…
21h30: Très chouette soirée en compagnie du « Elle » , de ses lectrices et ses auteurs. Bravo pour cette sélection 2013!
Impossible de grandir. F. Diome
Fatou Diome est une auteure de talent qui traite, ici, de la place des enfants illégitimes dans la société sénégalaise. Le titre m’a, personnellement, beaucoup interpellé et je souhaitais comprendre le parcours de Fatou Diome à travers son inspiration autobiographique. Cependant, ce roman n’est pas à mettre entre toutes les mains car le style métaphorique et le rythme soutenu, des quatre cent pages, sont parfois trop lourds. Ce bouillonnement permanent pourrait lasser certains lecteurs. Ce ne fût pas mon cas. Salie, jeune femme trentenaire, sénégalaise installée en France, est la narratrice. Invitée à un dîner, elle se retrouve subitement confrontée à ses angoisses et ses peurs. Elle se lance, alors, dans une conversation avec l’enfant qu’elle a été, baptisée « la Petite » . Les thèmes traités sont ceux des origines, de l’esclavagisme familial, du respect et de la dignité des enfants illégitimes. Le maillage de réflexions est particulièrement serré; le ton virulent. Salie, dopée au café, règle ses comptes avec sa famille et notamment avec son « tonton despote » : « Devenir adulte c’est faire face aux loups ». Avec beaucoup d’humour et de verve, Fatou Diome conte son Afrique, l’amour de ses grands-parents, sa douleur et son impossibilité de grandir: « …tremper ma plume dans les plaies béantes et dessiner un autre monde que je voudrais plus doux » . L’exotisme des paysages, du parfum du gonga, des patates douces et des mangues ajoutent une note colorée et épicée à ce roman surprenant. Fatou Diome est une auteure altière, en revendication permanente de sa liberté. La bande son, omniprésente, donne le tempo: « yo solo quiero caminar…tada-tada-tadadan! »
A l’encre russe. T. de Rosnay
Tatiana de Rosnay est, pour moi, une auteure à part entière. J’ai beaucoup aimé « elle s’appelait Sarah » qui méritait vraiment son succès. J’ai lu avec passion « Boomerang » mais surtout « Rose » un roman qui nous entraînait dans le Paris Haussmannien. Cette auteure est particulièrement douée pour manier ses intrigues. A la suite de « trois jours de soleil » à l’Ile de Ré, je commence, donc, la lecture du dernier roman de Tatiana de Rosnay: « A l’encre russe ». Pour être honnête, ce livre ne m’a pas plu. Comme une mauvaise rédaction, l’auteure s’éloigne totalement du sujet: la réflexion sur l’identité. Au début du roman, tous les ingrédients sont rassemblés pour que l’intrigue fonctionne: un homme à la recherche de ses racines suite à des révélations. Nicolas Duhamel, notre héros, va donc se lancer sur la piste de ses ancêtres pour notre plus grand bonheur. Au lieu de cela, la lectrice se retrouve embarquée, malgré elle, dans un palace en Toscane, contrainte de subir une intrigue d’une platitude désolante. Les marques de luxe omniprésentes, les passages liés aux réseaux sociaux, les clichés sur les belges, sa réflexion sur le monde de l’édition et, surtout, cette dimension érotique consternante ajoutent à l’ennui. Tatiana de Rosnay nous a habitué à un plus haut niveau de lecture.