Rosa Candida. A. A. Olafsdottir

Après la parution des romans, « l’exception » et « l’embellie », il fallait absolument lire le premier roman d’Audur Ava Olafsdottir devenu, entretemps, un bestseller. Après lecture, je le trouve différent des deux autres romans car mieux écrit, plus abouti. En effet, ce livre est un trésor et offre aux lecteurs une palette d’émotions très variées. Arnljotur est un rouquin islandais de 22 ans, passionné d’horticulture, à la recherche de lui-même. Après la mort accidentelle de sa mère et le placement de son frère jumeau en institut, il se retrouve seul face à son père. Alors, ce jeune héros va se déraciner, comme ses boutures de rosiers, pour se reconstruire dans le jardin d’un monastère loin de l’Islande. Père d’un enfant non désiré, il suit son étoile, son lien à sa mère, sa rose pourpre à huit pétales: la rosa candida. Frère Thomas, un moine cinéphile, lui servira de guide spirituel lorsque l’imprévu surgit. La lectrice suit instinctivement cette histoire aux allures de conte moderne. Tout est plausible dans ce roman où il est question d’amour filial, de sentiments amoureux, de religion, de sexe, d’accident, de choix de vie… Le fait de ne pas nommer le pays où le narrateur part s’installer est, pour la lectrice, le seul bémol car ce manque de repères déroute. Le roman est, cependant, très réussi car il traite de thèmes actuels avec douceur et intelligence. Comme dans ses autres romans, l’auteure nous incite à nous poser les bonnes questions. Les notes poétiques et métaphoriques ajoutent une touche lumineuse à cette fiction initiatique. Excellent moment de lecture.

Le silence de ma mère. A. Silber

Le Silence De Ma Mère de Antoine Silber

Premier roman d’Antoine Silber. Un roman, et non un récit, pour raconter son histoire personnelle au plus près de la vérité. En toile de fond, nous nous replongeons dans la France des années cinquante. Les parents d’Antoine Silber se rencontrent juste avant la seconde guerre mondiale mais les circonstances ne sont pas favorables. En effet, son père est juif et le mariage se fait contre l’avis des deux familles. Quatre enfants vont naître de cette union. L’auteur grandit dans une maison près de Paris, à l’ombre de la figure maternelle: une femme singulière qui voulait être peintre. Le désir d’un garçon pour sa mère est le thème de ce joli roman. Antoine Silber tente de reconstituer le puzzle de son histoire; la lectrice assiste aux émouvantes séances de sa psychanalyse. Par cette démarche, il cherche à comprendre son propre rapport aux femmes et esquisse le portrait de cette mère rebelle. Un roman sur le silence et le malentendu. Bon moment de lecture. 

L’Exception. A. Ava Olafsdottir

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Très belle édition pour cette fiction particulière. Un roman d’Audur Ava Olafsdottir c’est, d’abord, une atmosphère lunaire (cf « l’embellie »). En effet, les volcans et les rivières de glace qui inondent les sables d’Islande et les champs de lave donnent une couleur singulière à cette histoire. L’héroïne et narratrice est une jeune trentenaire, maman de jumeaux de trois ans. Maria est mariée depuis onze ans à Floki qui, le jour du nouvel an, fait son coming out. Il lui annonce qu’il part vivre chez son amant et collègue de travail. Après la stupeur, Maria commence à se repasser les épisodes de leur vie commune afin de comprendre. Au même moment, elle rencontre son père biologique pour la première fois. Perla, sa voisine naine et romancière, la soutient dans cette épreuve pendant qu’un autre voisin l’observe amoureusement. Dans la lueur pâle de l’hiver boréal, nous suivons l’histoire de cette mère de famille désemparée. L’auteure nous livre ses secrets d’écriture grâce au personnage de Perla et dévoile une part de son travail. Elle embarque totalement la lectrice dans son ciel nocturne de midi et décortique minutieusement les relations amoureuses compliquées. Ce qui frappe la lectrice, avant tout, c’est le calme de l’héroïne qui l’emporte sur la rancune et la haine. Un roman social écrit avec grâce et bienveillance. Excellent moment de lecture.

La petite marchande de souvenirs. F. Lelord

La Petite Marchande De Souvenirs de François Lelord

Suite à la parution de ce roman en édition poche, j’ai décidé de rattraper le temps perdu. François Lelord nous raconte, ici, une très jolie histoire qui se déroule au Vietnam. Vers 1995, à Hanoi, un jeune médecin, nommé Julien, travaille pour l’Ambassade de France. En rapport avec des vietnamiens, des expatriés et des diplomates, il souhaite perfectionner la langue et suit des cours de vietnamien avec la charmante Mademoiselle Fleur. Parallèlement, il entretient une relation avec une femme médecin britannique, Cléa. Un jour, au bord du lac, il rencontre une jolie marchande de souvenirs qui porte le doux prénom de Minh Thu, « lumière d’automne » en français. Julien est partagé par ses sentiments, son désir et sa propre censure. En toile de fond, nous découvrons un pays qui commence à s’ouvrir au monde avec ses moeurs et ses pratiques; un peuple marqué par l’histoire et la guerre. Peu avant Noël, une épidémie se déclare. Nous suivons, alors, avec angoisse les ravages de ce mystérieux virus à travers le Vietnam. Quelques références littéraires viennent illustrer cette belle fiction: « le chagrin de la guerre » de Bao Ninh, la traduction de « sans famille » en vietnamien ou le livre de Kim Vân Kiêu. La question de l’influence du christianisme est soulevée. L’auteur ne souhaite pas refaire l’histoire mais questionne intelligemment par le biais de ses personnages. L’amour entre deux personnes que tout sépare est le thème central de cette invitation au voyage particulièrement poétique. Bon moment de lecture.

 

 

La maison atlantique. P. Besson

Voici un roman moderne et efficace. Le narrateur se souvient des vacances passées avec son père dans leur maison familiale, l’été de ses dix-huit ans. Il raconte, ici, son histoire et dévoile ses pensées, ses réflexions intimes. Sa mère est morte, dans cette maison de bord de mer, quelques années auparavant. Commence alors un séjour où se trame un drame aux accents de vengeance. Entre le père et le fils, beaucoup trop d’incompréhensions et de sous entendus. Le fils est jeune, narcissique, désinvolte et rancunier tandis que le père est présenté comme un personnage puissant, prédateur, égoïste et responsable de la mort de sa femme. Philippe Besson écrit dans un style incisif, sans fioriture ni détour, et dissèque avec justesse les relations humaines. A la manière de Sarraute, il cherche, derrière les mots et les regards, une vérité. Il y a aussi un semblant de négligé, de désinvolture, comme chez Sagan dans ce roman empreint de cruauté. La lectrice entrevoit parfaitement les images de cette fiction prenante et ses personnages englués dans le piège de la trahison: deux maisons voisines entre lesquelles le désir circule dans la chaleur de l’été. Philippe Besson maîtrise le suspense, avec talent, dans ce roman tragique. Excellent moment de lecture.

Les cyprès de Patmos. A. Silber

Les cyprès de Patmos

Avant de partir quelques jours en Grèce, j’ai trouvé ce livre qui m’en apprend un peu plus sur les coutumes et traditions helléniques. Antoine Silber vient de publier ce roman où il nous raconte l’acquisition de sa petite maison blanche, un spitaki, sur l’île de Patmos. Sur fond de crise, commence alors une incroyable chronique faite d’actes notariés, de travaux, de cyprès, de peinture, d’eau, de chèvres etc…La lectrice suit Antoine et son amoureuse dans ce projet un peu fou où tout semble impossible à réaliser. Tout en racontant, l’auteur marche sur les traces de St Jean qui a vécu sur l’île. Afin de retrouver la grotte sacrée du disciple, Antoine Silber cherche des indices dans les textes anciens sous le regard étrange d’Eftimios, son voisin pope. Beaucoup d’humour, d’émotions et des personnages attachants dans cette histoire qui raconte la résurrection d’une maison, d’un lieu et d’un amour. La lectrice marche sur les chemins ensoleillés de Patmos, suivie d’un troupeau de chèvres et de leurs clochettes. Elle ressent le parfum du jasmin mêlé à l’eucalyptus et s’imagine, un instant, face à la mer Egée. Antoine Silber transmet, avec humilité, son rêve grec dans ce récit de résidence. Bon moment de lecture.

 

Le bleu des abeilles. L. Alcoba

Argentine, 1976. Laura, neuf ans, va rejoindre sa mère exilée en France. Son père, guérillero, est en prison à La Plata. Commence alors une relation épistolaire entre le père et la fille. En France, elle se lance dans la lecture du livre « la vie des abeilles » de Maurice Maeterlinck pendant que son père le lit, en espagnol, en Argentine. C’est un véritable plaisir de lectrice d’accompagner Laura dans son apprentissage du français et de suivre son combat pour perdre son accent. Laura Alcoba nous raconte son amour de la langue française, chante sa mélodie, ses onomatopées et décrit son admiration pour le « e » muet ou le « c » cédille. La cité de la voie-verte au Blanc-Mesnil ne sera pas vraiment l’appartement parisien de ses rêves. Elle nous le décrit, méticuleusement, à travers son regard d’enfant et son imaginaire. Tout au long de la lecture, les souvenirs de Laura défilent comme ses petits camarades sur le chemin de l’école: Luis, Inès, Ana, Nadine et Astrid. Beaucoup de fraîcheur et de finesse dans ce texte poétique; éloge de la langue française avant tout. La lectrice découvre avec amusement Laura Alcoba, enfant intelligente, curieuse et aimante dans son petit monde. L’écolière grandit au fil des pages et son éveil à la France est un émerveillement littéraire.

Maladie d’amour. N. Rheims

Nathalie Rheims - Maladie d'amour.

Nathalie Rheims nous avait ébloui avec son roman « laisser les cendres s’envoler » car elle y dévoilait quelque chose d’intime et sincère. Elle publie maintenant ce nouveau roman qui déçoit. L’histoire est celle de deux amies trentenaires, bourgeoises parisiennes, qui tombent amoureuses d’un chirurgien. Alice est un personnage romanesque, assoiffée d’amour alors que Camille mène une vie rangée et calme. Beaucoup trop de clichés dans ce roman qui a tout de même le mérite d’aborder un sujet méconnu: l’érotomanie. La lectrice intriguée va jusqu’au bout de sa lecture mais sans conviction.

Léon et Louise. A. Capus

Alex Capus - Léon et Louise.

Un roman formidable qui possède beaucoup d’atouts pour vivre un bon moment de lecture. Alex Capus a publié en 2012  ce roman qui nous raconte l’histoire réinventée de son grand-père Léon. En toile de fond, nous découvrons la Normandie pendant la première guerre mondiale puis Paris sous l’Occupation avec un sens du détail particulièrement soigné. Léon rencontre Louise dans un village de Normandie, ils ont dix-huit ans. Les événements tragiques liés à la guerre, les vents contraires et le caractère indépendant de Louise vont transformer leur histoire d’amour en un éternel retour. Léon est un personnage attachant, loyal, droit et simple tandis que Louise est fantasque, drôle et franche. Yvonne est la femme de Léon, au caractère bien trempé, qui tient son rôle de manière exemplaire dans ce ménage à trois. Alex Capus nous invite à découvrir l’histoire épatante de cet amour inachevé dans un style mélancolique, doté d’un humour fin et délicat. Certaines scènes sont vraiment très drôles et d’autres tellement tristes…la palette d’émotions est absolument considérable. Les thèmes principaux sont ceux de l’amour, de la fidélité, de la véracité, de la fuite, du mariage, de la loyauté, de la famille…L’auteur décrypte, en filigrane, les relations humaines de longue durée avec justesse et profondeur. La simplicité des personnages, leur destinée sans gloire à l’échelle humaine, rend ce roman presque familier et fait parfois penser au roman « Fanfan » d’Alexandre Jardin. Un livre qui nous fait remonter le temps à bicyclette et nous plonge dans une histoire intrigante et inattendue. A lire absolument.

 

Une collection de trésors minuscules. C. Vermalle

Voici le deuxième titre de la sélection « la vie est un roman » . Au fil des premières pages, j’ai eu un peu de mal avec le style de cette auteure, le choix du vocabulaire et l’utilisation du mot « minuscule » à tout-va. Mais, au bout du compte, ce roman grand public, dont le thème principal est la quête du bonheur, s’est révélé être une agréable surprise. Les toiles impressionnistes de Monet servent de fil conducteur à la lectrice tout au long de cette chasse au trésor instructive et poétique. Beaucoup de fraîcheur, d’imagination et de créativité se dégagent de ce roman très actuel qui comporte, toutefois, beaucoup de clichés. En résumé: Frédéric Solis est un jeune avocat parisien brillant qui vit au-dessus de ses moyens, dans tous les sens du terme. Un jour, un notaire lui annonce un héritage mystérieux tandis que le vent tourne pour Frédéric…Caroline Vermalle transmet, ici, quelques recettes de bonheur et d’espoir qui font de son livre un moment réjouissant de lecture. La lectrice se laisse entraîner, au fil des pages, dans cette chasse au bonheur sans lassitude.

Standard. N. Bouraoui

Bruno Kerjen est l’antihéros de ce roman tragique, très actuel. Bruno est un trentenaire « standard » puisqu’il est presque invisible, terne et sans ambition. Employé dans une entreprise de composants électroniques, il mène une vie pépère sans amour, sans surprise et surtout sans prise de risque jusqu’au jour où il recroise le regard de Marlène. Cette femme représentait pour Bruno, du temps du lycée, le fantasme absolu de la beauté féminine. Nina Bouraoui nous donne une représentation de la femme castratrice, toxique et manipulatrice à travers le personnage de Marlène. Et la vie de Bruno va alors basculer…mais de quel côté? Ce roman me laisse perplexe car j’ai eu l’impression de ressasser les mêmes idées, la même détresse, avant l’arrivée de Marlène. En revanche, la fin du roman ne laisse pas de place à l’ennui. La plume de Nina Bouraoui est dense, acerbe. La seule chose que je déplore c’est la vulgarité qui adhère au roman, à propos de la misère sociale et sexuelle notamment. Nina Bouraoui  est une auteure reconnue qui n’a pas besoin de trivialité pour être crédible.

Les fidélités. D. Brasseur

Diane Brasseur - Les fidélités.

Comment vivre l’adultère? Diane Brasseur se met intelligiblement dans la peau d’un homme de 54 ans qui se partage entre sa jeune maîtresse Alix (à Paris) et sa femme (à Marseille). L’homme n’est pas, à proprement parler, « un salaud »; cette histoire lui est tombée dessus. A la veille de Noël, le narrateur a programmé un voyage à New York avec sa femme, son père malade et sa fille. Doit-il quitter sa femme ou sa maîtresse? Beaucoup d’interrogations et de fantasmes dans cette fiction au style sobre. Un roman pour les femmes et surtout pour les hommes qui s’y reconnaîtront. Très bon premier roman.

Expo 58. J. Coe

Expo 58

Le nouveau roman de Jonathan Coe est une fiction truculente à l’humour British. Bien évidemment, il était impossible, pour moi, de passer à côté de ce livre dont l’intrigue se déroule au pied de l’Atomium, mon quartier natal. L’auteur nous embarque dans une comédie vintage réjouissante au moment de « l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles », en 1958. Le héros du roman est Thomas Foley, un fonctionnaire naïf et modeste, responsable de la logistique du pavillon britannique sur le site de l’Exposition. Ce jeune trentenaire va devoir partir en mission à Bruxelles, loin de son quotidien, en laissant sa femme et sa fille à Londres. Bien documenté, Jonathan Coe reconstitue tous les éléments de cet événement historique et nous fait revivre avec grand plaisir la « Belgique joyeuse », heure de gloire du temps du roi Baudouin. Dans un climat proche de la comédie « OSS117  » notre héros se lie à une belle hôtesse belge et se retrouve, malgré lui, impliqué dans une affaire d’espionnage. Les personnages de Wayne et Radford forment, d’ailleurs, un duo irrésistible d’agents secrets à la Dupond et Dupont. Chersky, en journaliste russe mêlé au KGB, est un autre personnage mystérieux du roman lié à Emily, une jeune actrice américaine. Jonathan Coe nous livre, ici, une histoire à rebondissements pleine de stéréotypes nationaux, liés au passé, dans un décor factice et temporaire. Roman coup de coeur pour tous!

Sans oublier. A. Bois

Sans oublier

En participant à l’événement « la vie est un roman » organisé par le magazine Lire, L’Express et les éditions Belfond, j’ai rencontré des femmes passionnées et passionnantes. Le roman d’Ariane Bois est le premier de cette sélection. Rencontrer l’auteure du roman est toujours intéressant car cela permet de mieux comprendre sa démarche d’écriture. « Sans oublier » est un roman largement autobiographique. En couverture: la famille d’Ariane Bois du temps de l’innocence. La lectrice ressent beaucoup de compassion pour cette femme qui raconte, sans détour, son histoire douloureuse: suite au décès accidentel de sa mère, la narratrice plonge dans une dépression qui la mènera aux portes de la folie. Dans la seconde partie du roman, la narratrice revient sur le passé de sa mère, enfant juive cachée dans le village du Chambon-sur-Lignon. Les thèmes du secret, du hasard, de l’amour, de la maternité, du deuil et de la rédemption sont largement abordés dans ce roman qui s’adresse à toutes les mères, femmes et lectrices. Suivez la suite de cette rencontre sur Facebook: Sophie Marie Dumont.

Quatre murs. K. Davrichewy

Kéthévane Davrichewy - Quatre murs.

Très beau roman psychologique sur la famille et ses secrets, ses souvenirs, ses blessures… D’emblée la lectrice assiste à des retrouvailles: au moment de la vente de la maison de famille, quatre frères et soeurs se rassemblent avec leur mère entre « quatre murs ». Dans ce roman choral, Saul, Hélène puis les jumeaux Réna et Elias prennent la parole pour revenir sur leur passé: « les souvenirs s’enracinent différemment « . Construit sur la base du chiffre quatre, ce roman nous parle d’enfance, de la perte de l’innocence tout en décryptant méticuleusement les relations fraternelles. Le style est particulièrement subtil et fluide. Chacun se retrouvera dans cette intrigue proche d’une certaine réalité familiale. Moment de lecture nostalgique.

Théorie de la vilaine petite fille. H. Haddad

Hubert Haddad - Théorie de la vilaine petite fille.

Très jolie édition pour un roman qui s’inspire de la véritable histoire des soeurs Fox, à l’origine du spiritisme. En toile de fond, nous découvrons l’Amérique puritaine du 19ème siècle et la vie dans une petite ferme hantée de campagne puis à Rochester où les soeurs ouvrent un cabinet. Hubert Haddad décrit méticuleusement l’atmosphère, l’esprit de cette époque et des personnages mais n’arrive pas à captiver la lectrice. Le rythme de lecture est trop saccadé, interrompu par de multiples éléments et un vocabulaire alambiqué.

Réparer les vivants. M. de Kerangal

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Voici un roman rare et remarquable. Le temps d’une rotation terrestre, Maylis de Kerangal nous raconte l’histoire de Simon (19 ans) victime d’un accident de la route près du Havre. Arrivé à l’hôpital dans un coma dépassé, Simon devient un donneur potentiel d’organes mais il faut réussir à convaincre ses parents. D’un côté de la France, la mort de Simon est annoncée par étapes à une famille subitement terrassée par le chagrin. De l’autre côté, l’espoir illumine l’annonce d’une nouvelle vie à une femme en attente d’un coeur.  Le style du roman est unique: Maylis de Kerangal écrit de manière chirurgicale, méticuleuse en n’omettant aucun détail. Elle nous livre une nouvelle définition de la mort dans ce roman qui traite du corps et de la greffe. Sa maîtrise narrative étonne; l’investissement est total. Le rythme est cardiaque frôlant parfois l’hyperventilation. La lectrice dispose de peu de temps pour reprendre son souffle au cours de sa lecture. Les personnages dégagent tous, à leur manière, beaucoup d’humanité. La palette de personnalités est particulièrement riche: la famille de Simon et Juliette la petite amie, la chaîne médicale de l’agence de la Biomédecine composée d’hommes et de femmes efficaces et la famille de Claire. Pour ma part, le chapitre consacré à Virgilio Breva ne me semble pas essentiel même si ce personnage joue un rôle crucial au sein de l’équipe médicale. La symbolique du coeur est singulière et magnifique dans cette histoire bouleversante. Maylis de Kerangal s’approprie magistralement « enterrer les morts et réparer les vivants » inspiré par le Platonov de Tchekhov et nous livre un roman profond, dense, poétique mais qui n’est pourtant pas à mettre entre toutes les mains. Grand Prix RTL-Lire 2014. Prix roman des étudiants France Culture-Télérama 2014.

La bête. C. Hermary-Vieille

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A partir de faits  et personnages historiques concernant l’histoire de la bête de Gévaudan, Catherine Hermary-Vieille brode une histoire entre mythe et réalité. Vers 1764, le petit village de La Besseyre Sainte Marie (Lozère) est terrorisé par un animal sauvage qui attaque et tue des habitants. Rapidement, des rumeurs circulent, jusqu’à Versailles, à propos de la raison de ces attaques: résultat du châtiment divin ou d’un maître maléfique qui dresse pour tuer? Des chasses et battues sont organisées par des troupes royales. Mais d’où vient cette bête? Qui la tuera? L’auteure excelle dans sa manière de raconter cette histoire à suspense. Au fil des saisons et avec beaucoup de précision et de détails, nous voici dans un petit village de France au XVIIIème siècle.

La ballade de Lila K. B. Le Callet

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Ce roman, publié en 2010, m’a totalement échappé. Mon amie Aurore vient de me le prêter en précisant: « il est bien, tu verras. » J’ai littéralement dévoré les cinquante premières pages de ce roman sur la ligne 9 du métro entre Trocadéro et Nation. Le roman débute par une scène coup de poing où des hommes en noir s’emparent de Lila (six ans) et de sa mère. Placée dans un centre, opérée et soignée, Lila grandit à l’abris du monde, loin de sa maman. Le talent de Blandine Le Callet est de distiller méticuleusement les personnages et les indices de ce roman aux allures de policier: Mr Kauffmann sera l’éducateur érudit; Justinien, un collègue qui se révélera en chimère; la gardienne effrayante vipère; les amis Fernand et Lucienne etc… Derrière les mots, la voix de Lila se fait entendre; elle raconte l’histoire de sa reconstitution à Milo. Amnésique, notre héroïne grandit dans un centre. Déterminée et surdouée, elle est à la recherche de son passé et de sa mère. Le thème central est bien l’amour filial entre Lila et sa mère. Le style décalé de Blandine Le Callet plaît énormément. En effet, l’histoire se passe dans une centaine d’années à Paris. Intra-muros, la sécurité est assurée par un tas de caméras et robots. En dehors, en banlieue, il s’agit de « la zone » où rien ne va plus. Il y a donc à travers ce roman une réflexion sur la société et son avenir. Mais il y a aussi des éléments comme le chat arc en ciel qui apporte indéniablement une poésie au texte. Malgré la noirceur profonde du roman, l’humour tient aussi une place prépondérante. Enfin, il est également question d’une troublante histoire d’amour qui sert de fil conducteur à la lectrice. Un roman coup de coeur! Prix du Livre numérique, prix des Bibliothèques pour tous, Prix des Lecteurs du Livre de Poche…

L’été des lucioles G. Paris

L'été des lucioles, Gilles Paris

Ce roman me fait penser à l’oeuvre de Pagnol: « le château de ma mère ». Gilles Paris nous plonge, ici, dans une fiction très actuelle où le héros est un garçon de neuf ans, Victor. Guidée par sa voix et ses pensées, la lectrice va le suivre tout au long de ses pérégrinations estivales. Les parents de Victor sont séparés; il vit à Bourg-en-Bresse avec deux mamans et une soeur, ce qui n’est pas banal. Sa mère biologique est libraire et blogueuse. Son père vit à Paris mais tient une place importante dans la tête et le coeur de notre petit héros. En secret, Victor observe et commente les amours de sa soeur Alicia. En vacances au Cap-Martin, il arpente le chemin des douaniers accompagné de son copain Gaspard. L’aventure commence avec la rencontre des jumeaux Tom et Nathan. La baronne Hedwige est un personnage attachant qui va permettre à Victor d’élucider quelques mystères familiaux. Un roman sur l’amitié, l’amour et les secrets de famille. Le style est enfantin; Gilles Paris prolonge son enfance à travers une écriture empreinte de tendresse, d’émotions et d’humour. Un roman comme une porte ouverte sur son jardin secret plein de lucioles.

Parfois on tombe S. Bakowski

Couverture du livre Parfois on tombe

Arrivé par la poste, ce roman, à la couverture un peu trop colorée, ne m’interpellait pas spécialement. Je décidais pourtant de le lire sans être certaine de terminer ma lecture. En résumé, Sarah est une jeune mère trentenaire qui s’épuise dans le stress de la vie active. Un jour, elle perd pied et se retrouve brutalemment séparée de sa fille de cinq ans et de son mari. Après avoir fuit son métier et en pleine dépression, Sarah prend un avion pour la Chine et part à la rencontre d’elle même et de ce pays qu’elle connaît déjà. C’est ce voyage initiatique, fait de déceptions et de petits bonheurs, qui donne de la profondeur au roman. Solène Bakowski nous raconte une histoire qui ne lasse pas et c’est là son principal atout. Comme un journal de bord, le style est parfois très direct; l’écriture étonne par sa simplicité et sa sincérité. Une expérience de vie dans laquelle beaucoup de lectrices se retrouveront. Un roman-réalité qui redonne espoir.

Moment d’un couple N. Alard

Ce roman traite principalement d’infidélité et d’abus. Juliette est ingénieur en informatique; Olivier, son mari est journaliste et ils ont deux jeunes enfants. La petite famille bobo-bohème vit à Paris sous un beau soleil jusqu’à l’annonce d’une relation adultère entre Olivier et une certaine Victoire. Nelly Alard dissèque, ici, la trahison, le glissement du désir et le combat d’un couple pour survivre à leur histoire très contemporaine, illustrée par des mails, textos etc…L’auteur porte un regard lucide et indulgent sur ses personnages et fait référence à l’affaire Marie Trintignant. Un roman haletant même si tout au long de la lecture une envie de dire « stop! » prédomine. Juliette s’obstine dans son mariage face à la trahison et laisse la situation perdurer jusqu’à agacer la lectrice. Une guerre psychologique dans un triangle amoureux classique. Prix Interallié 2013.

Pourquoi être heureux quand on peut être normal? J. Winterson

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?

Au moment de terminer la lecture de ce roman autobiographique, j’ai vu la pièce « Sonate d’Automne » d’Ingmar Bergman au théâtre de l’Oeuvre. Rachida Brakni y joue le rôle d’Eva avec justesse et donne la réplique à Françoise Fabian dans le rôle de Charlotte, la mère. Le thème principal coïncide étonnement avec le roman puisqu’il s’agit de la relation mère-fille. Jeanette Winterson, l’auteure du livre, a connu le succès en Angleterre avec son premier roman: « les oranges ne sont pas les seuls fruits ». Dans un style proche de celui de Gertrude Stein, à qui elle fait référence, cette auteure anglaise homosexuelle écrit avec fantaisie, ironie et cruauté à propos de sa relation avec sa mère adoptive Mrs Winterson. Issue du prolétariat de Manchester, à la fin des années cinquante, l’auteure a mené plusieurs combats: la quête de ses origines, de son bonheur, de sa liberté et de sa vérité. Pour y parvenir, Jeanette Winterson donne, très tôt, une place prépondérante à la littérature, cache une bibliothèque clandestine et se réfugie à la bibliothèque municipale. Mrs Winterson,obèse, malade et proche de la démence, fait obstacle avec violence aux projets de Jeanette. La mère adoptive n’est d’ailleurs épargnée à aucun moment: son portrait de mère indigne est empreint de colère et de férocité. Jeanette Winterson nous raconte l’humiliation, les brimades et la souffrance depuis son adoption. « Pourquoi être heureux quand on peut être normal » est la réponse de Mrs Winterson lorsque Jeanette tentera de justifier son homosexualité. Eperdue de liberté, elle fuit le milieu familial hostile pour se retrouver dans des conditions matérielles particulièrement précaires. Tardivement, elle se met à la recherche de sa mère biologique et nous donne un récit sous forme d’enquête qui passionne. Ce livre est un parcours d’émancipation raconté à travers des anecdotes et souvenirs d’une femme, intellectuelle, légèrement mégalo, qui se perd parfois jusqu’à la folie. La religion, le sexe, l’identité et le temps qui passe sont des thèmes d’ importance qui captivent tout au long d’une lecture qui se situe entre tragédie et humour. Prix Marie-Claire du roman féminin 2013.

Tout cela n’a rien à voir avec moi. M. Sabolo

Tout cela n'a rien à voir avec moi

Voici un roman fantaisiste qui sort de l’ordinaire. Monica Sabolo décrit les fragments d’une relation amoureuse désastreuse qui causera un vrai chagrin d’amour à son héroïne M. S. (qui n’a, bien sûr, rien à voir avec l’auteure). M. S. tombe éperdument amoureuse de son collègue de travail alors que celui-ci ne s’investit pas dans leur relation. Elle cherchera alors toutes sortes de tactiques afin de trouver une réponse à son amour. Ce petit roman (couleur amour) bourré d’humour et de dérision est illustré par des sms, mms et photos. La vraie intelligence de Monica Sabolo est d’interroger ce chagrin et d’en rechercher les origines familiales. Le roman est scindé en trois parties qui en disent déjà long: de l’aveuglement, des antécédents et de l’effondrement. Chaque lecteur, lectrice, se retrouvera à un moment ou à un autre à travers la quête de cette héroïne. Un roman qui se lit très facilement dans le métro, chez soi ou en vacances. Bon moment de lecture. Prix de Flore 2013.

Il faut beaucoup aimer les hommes. M. Darrieussecq

Il faut beaucoup aimer les hommes

Marie Darrieussecq publie un roman d’aventure lumineux qui se lit comme on déguste quelque chose de délicieux. Juste, passionné, clairvoyant, ce roman décrit la passion et l’attente d’une femme amoureuse. Les sentiments, les craintes, les émotions de Solange, jeune actrice française fraîchement débarquée à Hollywood, sont méticuleusement décortiqués. Lors d’une soirée jet set, elle craque pour un acteur d’origine camerounaise, Kouhouesso, porteur d’une grande idée. Elle est blanche, lui est noir. Le couple mixte va s’aimer par intermittence avec sensualité et érotisme. Solange, folle amoureuse, va suivre Kouhouesso jusqu’en Afrique, dans la forêt équatoriale, où il dirige un tournage. Ce roman traite de la différence, de l’attente et de l’amour avec intensité. Solange cherche à se miroiter dans le regard de l’homme qu’elle aime et pourtant tout fait obstacle: les arbres de la forêt, les stéréotypes, l’obstination de Kouhouesso à réaliser son idée, les malentendus etc… Beaucoup d’anecdotes et de références viennent nourrir le tissu romanesque de ce roman très actuel. Prix Médicis 2013. Coup de coeur.

La dernière fugitive. T. Chevalier

Tracy Chevalier est une spécialiste du portrait de femme. Comme dans « la jeune fille à la perle  » et « prodigieuses créatures » , la lectrice est plongée dans un univers particulier. Honor Bright est une anglaise qui débarque, en 1850, en Amérique. Appartenant à la communauté des quaker, elle passe son temps à broder des quilts, prier et faire silence. Voyageant avec sa soeur vers l’Ohio, elle se retrouve brutalement seule et fait, alors, la rencontre de plusieurs personnages clés du roman: Donovan (chasseur d’esclaves), Belle (la modiste), Adam Cox, Abigail, Dorcas et surtout Jack. Tracy Chevalier dresse, ici, le portrait intime de cette « dernière fugitive » avec en toile de fond l’Amérique esclavagiste et l’industrialisation. Son style classique, très riche en détails, nous embarque par sa puissance tranquille. Lentement, nous découvrons Honor, ses doutes et ses failles. Ce roman nous raconte comment la jeune femme va évoluer en défiant sa communauté et en imposant ses choix. Très bon moment de lecture.

Esprit d’hiver. L. Kasischke

Esprit d'hiver

Un roman surprenant qui traite principalement de la relation mère-fille et du déni. Holly est une quadra américaine qui, avec son mari Eric, a adopté une petite fille russe. Tatiana a maintenant 15 ans et pourtant, Holly a un pressentiment: « Quelque chose les avait suivies depuis la Russie » . L’intrigue se déroule le jour de Noël,dans la maison familiale où les invités n’arriveront pas, bloqués par une tempête de neige. Eric est absent. Holly se retrouve donc en huis clos avec sa fille adoptive. Il y a quelque chose de particulier dans l’écriture de Laura Kasischke, un style tragique, morbide; un climat pour le moins étrange fait de tensions presque palpables. Beaucoup de détours dans ce roman métaphorique où la narratrice est torturée psychologiquement. La fin du thriller est saisissante, glaciale comme le blizzard qui souffle dehors. Moment de lecture vénéneux et oppressant.


Cinq jours. D. Kennedy

Cinq jours, Douglas Kennedy

Dire que ce roman est « le plus bouleversant » de Douglas Kennedy est, d’après moi, très exagéré. Je n’avais plus lu cet auteur depuis « Quitter le monde » (2009) pour cause d’ennui profond. Je viens de terminer son dernier roman « Cinq jours » qui, malgré quelques longueurs et beaucoup trop de dialogues, n’est pas inintéressant. Le thème de l’amour déçu est très actuel et beaucoup de lectrices vont s’y retrouver. L’histoire est celle de deux inconnus, coincés dans leurs mariages respectifs, qui vivent une passion fugace à Boston. Laura est la narratrice de cette intrigue à l’eau de rose. Ce roman, grand public, est fondamentalement américain mais supporte la traduction. Il y est question de maladie, de famille, d’adultère, de passion amoureuse, d’espoir, de reconstruction etc…Un moment de lecture agréable même si Douglas Kennedy n’arrive plus à nous captiver comme du temps de ses meilleurs romans: « L’homme qui voulait vivre sa vie » , « La femme du Vème » , « La poursuite du bonheur » …

De tempête et d’espoir. M. Dédéyan

De tempête et d'espoir, Pondichéry

Ce deuxième tome nous entraîne, à nouveau, aux côtés d’Anne de Montfort; héroïne à la recherche de son frère par-delà les océans. Nous voici en 1763, en Inde, du côté de Coromandel. Anne est veuve et débarque dans ce vaste pays où elle rencontre beaucoup de personnages favorables à sa quête. Loin de décevoir, ce roman est tout à fait captivant. Le travail de recherche de Marina Dédéyan semble colossal tant elle détaille avec précision les ingrédients des plats, les coutumes, les vêtements, la décoration des maisons, le plumage des oiseaux etc… Nous voici à nouveau totalement embarqués dans cette aventure de 400 pages, entrecoupée du journal de Jean, le frère d’Anne. Suspense et émotions distillés jusqu’au bout de la lecture. Un roman sur fond de fresque historique orientale. Bon moment de lecture.

Sous le toit du monde. B. Pécassou

Bernadette Pécassou publie un roman qui dévoile la face cachée du Népal, l’envers de la carte postale. En bonne journaliste, elle expose les différentes problématiques liées à ce pays qui tutoie les sommets: le vol des terres, l’émancipation des femmes, les castes, la religion, la violence, le tourisme… Le roman débute par l’authentique assassinat de la famille royale népalaise, le 1er juin 2001. L’auteure s’est, d’ailleurs, inspirée de faits réels mais aussi de vraies personnes au destin parfois tragique. Difficile de ne pas lire ce roman comme un document tant la réalité semble tangible. Bernadette Pécassou connaît bien son sujet. Certains personnages sont particulièrement attachants comme Miss Barney. Le parcours d’Ashmi, jeune journaliste népalaise, captive la lectrice. Ashmi est une jeune fille d’un milieu rural qui subitement accède à la modernité lorsqu’un rédacteur en chef lui demande de rédiger des articles pour son journal. Beaucoup de poésie, au-delà de la violence, dans ce roman qui ne laisse pas indifférent.