Dresde, 1945: une jeune femme blessée donne la vie au milieu des ruines. Son fils portera le nom de Werner Zilch, c’est sa dernière volonté. Avant de mourir, la jeune mère désigne son enfant comme étant « le dernier des nôtres » . L’histoire commence; la fiction va osciller entre deux époques très différentes. Adélaïde De Clermont-Tonnerre donne une structure à son roman en se référant à quelques personnages et faits historiques méconnus du grand-public. Installé à Manhattan, vers 1970, Werner Zilch tombe follement amoureux de Rebecca, une fille gâtée de la jet set. Brusquement confronté à des éléments de son passé, Werner va découvrir peu à peu son histoire familiale sur fond d’opération « paperclip ». Retracer le New-York des seventies, celui où l’on croise Andy Warhol, Patti Smith, Truman Capote, Warren Beatty mais aussi Donald Trump est le point fort de ce roman sentimental. Malheureusement, beaucoup de passages comportent des clichés naïfs et des stéréotypes. La lecture du roman est facile mais ne captive pas. A la fin, la romance entre le jeune loup et l’enfant gâtée laisse perplexe. Grand Prix du Roman de l’Académie française (!).
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Derniers feux sur Sunset. S. O’Nan
Stewart O’Nan retrace, ici, les trois dernières années de la vie de Francis Scott Fitzgerald. Vers 1937, l’auteur du célèbre roman « Gatsby, le magnifique » n’est plus que l’ombre de lui même; ruiné et en panne d’inspiration. Après des années d’excès, sa femme Zelda est finalement internée dans un asile de Caroline du Nord. Scott peine à payer les soins de sa femme et les études de sa fille Scottie. Seul, scénariste à Hollywood, il tombe sous le charme de Sheilah Graham qui sera sa dernière compagne. Stewart O’Nan nous décrit la fin de vie romancée d’un auteur génial, miné par l’alcool; un écrivain piégé par le mirage hollywoodien. Dans ce roman, Scott Fitzgerald apparaît sous les traits d’un homme vulnérable, loin du statut d’icône. Au-delà de cet hommage, l’auteur dépeint minutieusement une époque, un monde qui s’effrite entre deux guerres, loin des paillettes d’Hollywood. Bon moment de lecture.
Babylone. Y. Reza
Yasmina Reza mérite parfaitement le Prix Renaudot pour ce roman sarcastique qui ressemble à un vaudeville: Elizabeth (narratrice) et Pierre organisent, chez eux, une fête de printemps avec quelques amis et voisins bourgeois de la banlieue parisienne. La soirée, teintée d’ennui, se passe bien et chaque invité rentre chez lui. Mais, au milieu de la nuit, le voisin (Jean-Lino) revient chez Elizabeth et Pierre pour annoncer une nouvelle de taille: il a étranglé sa femme! Après une première partie un peu déroutante, l’histoire commence véritablement. Avec brio, Yasmina Reza nourrit sa fiction de caricatures ridicules, portraits savoureux et malentendus. Son style extravagant glisse vers le burlesque lorsque Elizabeth et Jean-Lino se retrouvent, au beau milieu de la nuit, dans les couloirs de l’immeuble avec la valise contenant le cadavre. Les dialogues sont parfaitement maîtrisés et percutants comme dans une pièce de théâtre. Le plaisir se décuple au fil des pages; dans ce drôle de polar où Yasmina Reza aborde les thèmes de la solitude, de l’exil, du couple, du temps qui passe et de l’irrémédiable. Prix Renaudot 2016. Excellent moment de lecture.
Petit Pays. G. Faye
Gaël Faye publie ce premier roman et nous invite à vivre une histoire absolument bouleversante. Gaby, enfant métis du Burundi, est le narrateur de cette fiction qui se déroule au moment du génocide au Rwanda, en 1994. La première partie du livre se consacre au quotidien de Gaby et de toute sa famille, habitants de Bujumbura; ce petit pays si bien décrit par sa beauté, sa lumière, sa musicalité, sa joie de vivre… Comme dans beaucoup de familles, les parents de Gaby se séparent et le garçon trouve du réconfort en compagnie de ses copains Gino, Francis, Armand… Puis, le ciel s’obscurcit, une guerre civile éclate, le génocide débute en laissant, derrière lui, un peuple mutilé. Au milieu de l’horreur, l’enfant passe de l’innocence à la barbarie. Grâce à une voisine, Gaby va, alors, découvrir les livres et l’évasion par la lecture. Gaël Faye excelle dans sa manière de nous faire vivre des sensations, des émotions; une vision magnifiée de l’Afrique qui fait appel à nos sens. Son style simple est empreint de jeunesse, de malice et de cynisme. Sans pathos, l’auteur nous décrit le processus du massacre tout en tenant la violence à distance. La lectrice découvre, dans ce premier roman très réussi, les thèmes de l’identité et de la mémoire. A travers, l’histoire de Gaby, Gaël Faye propose une vision enfantine; un regard d’enfant, sur l’effroyable génocide, récompensé, à juste titre, par le Prix Goncourt des Lycéens 2016. Prix Fnac 2016. Lecture coup de cœur!
Une chanson douce. L. Slimani
Inspiré d’un fait divers américain, ce roman sombre débute par une phrase choc: « le bébé est mort. » Sans attendre, Leïla Slimani nous plonge dans un cauchemar psychologique qui captivera, d’abord, un lectorat féminin. La fiction débute par une épouvantable scène de crime: un double infanticide commis par une nounou. Petit à petit, l’auteure affûte sa plume pour retracer les événements menant au drame. Paul et Myriam sont les parents de Mila et Adam, une charmante famille parisienne. Après la naissance de son fils, Myriam décide de retravailler malgré les réticences de Paul. Finalement, les jeunes parents rencontrent différentes nounous potentielles dont Louise, une fée du logis quadragénaire: « Son visage est comme une mer paisible, dont personne ne pourrait soupçonner les abysses. » Mais qui est cette femme? Derrière les apparences, Leïla Slimani nous présente une femme dont la santé psychologique est fragile. Dans un style direct, l’auteure aborde différents thèmes de société: le rapport de classe entre une nounou isolée, rongée par les dettes et un couple bobo parisien; l’ambition dévorante de jeunes parents absents qui confient ce qu’ils ont de plus précieux à une inconnue. Au fil des pages, le piège de la dépendance se referme. Louise se positionne comme seconde mère tout en restant une étrangère… un roman efficace aux accents familiers. Excellent moment de lecture. Prix Goncourt 2016.
A la fin le silence. L. Tardieu
Une femme qui porte la vie est particulièrement vulnérable face au monde. En décembre 2014, Laurence Tardieu attend son troisième enfant au moment où la maison de ses grands parents est mise en vente. C’est un bouleversement car cette maison représente, pour l’auteure, l’enfance, un refuge, un ancrage, son histoire. Le besoin d’écrire pousse Laurence Tardieu à débuter un récit pour rassembler ses souvenirs, ne pas tomber dans l’oubli, le silence. Quelques semaines plus tard, surviennent les attentats de Paris. Après ces jours d’effroi et confrontée à un terrible sentiment de dépossession, Laurence Tardieu décide d’entremêler ces drames intimes et collectifs pour construire ce roman lumineux et trouver un écho. Comme dans un journal intime, la romancière fait appel aux sens et aux émotions en nous dévoilant son monde intérieur. Elle nous parle de sa sidération face à l’innommable, sa culpabilité de porter la vie au moment où d’autres donnent la mort. « Reconnaître mon immense chagrin intime, celui de la perte de la maison de mon enfance, reconnaître mon immense chagrin du monde, celui de la perte de son unité, les deux chagrins venant se fondre en moi, absurdement peut-être, indécemment peut-être, comme une mer noire, étale, silencieuse, une mer sans ciel à l’horizon. » Bon moment de lecture.
Souviens-toi de moi comme ça B. A. Johnston
Bret Anthony Johnston était présent lors du dernier « Festival America » de Vincennes. Il y a présenté son roman dont le thème principal est la difficulté à retrouver une vie de famille après un enlèvement. En effet, quelque part au Texas, l’aîné de la famille Campbell a été kidnappé à l’âge de onze ans puis retrouvé grâce à un témoin. Mais comment vivre après un tel choc? Les questions fusent: Justin a t-il été maltraité? Quelles étaient les motivations du kidnappeur? Comment oublier? L’auteur se focalise sur la vie de famille des Campbell, leur culpabilité, leur haine et leur soif de vengeance. Bret Anthony Johnston dépeint méticuleusement une atmosphère et analyse le comportement de chaque personnage; leurs échappatoires respectives: le père entame une liaison, la mère devient bénévole, le grand-père imagine une vengeance… Griff, le frère cadet, est particulièrement touchant dans sa façon de chercher sa place après le retour inespéré de son frère. Si cette fiction est émouvante et bien construite, elle comporte toutefois des passages un peu longs notamment lorsqu’il est question du sauvetage du dauphin de Laura, la mère. Il reste beaucoup de questions ouvertes après la lecture de cet épais roman où la lectrice est, avant tout, spectatrice. Bon moment de lecture.
La mémoire des embruns. K. Viggers
Si vous aimez les grands espaces, vous aimerez ce bol d’air iodé proposé par Karen Viggers. Sur l’île de Bruny, du côté de la Tasmanie, une veuve âgée passe ses derniers jours là où elle a vécu avec ses enfants et son mari, gardien de phare. Au creux des dunes, dans une cabane en rondins face à la baie, Mary se souvient de Jack, son époux, mais aussi d’un secret. Dès le début de l’histoire, une mystérieuse lettre traîne au chevet de Mary. Il faudra attendre les dernières pages du roman pour découvrir son contenu. Le suspense n’est pourtant pas entier car la lectrice est dans la confidence, ce qui gâche légèrement notre plaisir. Dans cette fiction, il est également question de Tom, le fils de Mary. Divorcé, Tom n’arrive pas à trouver son bonheur. Solitaire, il se réconforte auprès de son chien, Jess. Ce roman est une promesse d’évasion; la découverte d’une nature magnifique où planent des oiseaux marins. L’écriture, simple et sincère, de Karen Viggers nous emporte dans un paysage du bout du monde balayé par les embruns. Bon moment de lecture.
A L’orée du verger. T. Chevalier
Tracy Chevalier est une « Miss Univers » mais pas au sens où vous l’entendez; cette auteure américaine excelle dans l’art de poser un décor. Construit en deux parties, le roman débute en Ohio, au dix-neuvième siècle. La famille Goodenough s’installe sur les terres marécageuses du Black Swamp pour cultiver des pommiers. Mais la vie est rude, la fièvre règne et les cultures sont maigres. Après un épouvantable drame familial, le fils de la famille, Robert, part tenter sa chance en Californie. Il exerce divers métiers puis travaille pour un botaniste qui cherche des séquoias géants, plantes et conifères à expédier en Angleterre. Robert se passionne pour ces arbres; des arbres géants à l’image des grands espaces américains. Comme à son habitude, Tracy Chevalier nous plonge dans un univers méconnu dont elle a étudié chaque détail. Même si ce roman n’est pas le meilleur, la fluidité de son style embarque la lectrice dans une fresque historique où se mêlent personnages réels et fictifs. Bon moment de lecture.
Le grand marin. C. Poulain
Voici un roman bouleversant qui projette la lectrice dans le monde de la mer à l’état brut. Partant de sa propre expérience, Catherine Poulain décrit l’exil d’une femme française, une baroudeuse, qui quitte ses chaînes pour partir à l’aventure et franchir la dernière frontière: l’Alaska. Entourée de marins, confrontée aux éléments, Lili embarque à bord d’un bateau de pêche où l’existence est incroyablement rude pour une femme. Celle qui commence son apprentissage à bord du « Rebel » , dort sur le plancher de la timonerie puis travaille au rythme effréné de la pêche à la morue noire et au flétan. Dans son ciré jaune, ce petit bout de femme fragile cherche à aller au bout de ses forces comme les hommes et rêve de toucher du doigt le mont Pillar. Dans un combat frénétique, Lili saigne le poisson, entaille l’ouïe, éventre le corps gluant qui résiste dans des soubresauts désespérés…Pour la lectrice, une image puissante surgit à l’instant où Lili gobe le cœur d’un poisson: « au chaud dans moi ce cœur qui bat, dans ma vie à moi la vie du grand poisson que je viens d’embrasser pour mieux éventrer. » Sur le pont du « Rebel » où hurlent les mouettes, Lili va croiser le regard d’un homme: « Le grand marin » . Cette rencontre est celle de deux individus perdus qui vont se révéler l’un à l’autre. Ce roman d’apprentissage, écrit à la première personne du singulier, est captivant. Au rythme des marées, l’écriture percutante de Catherine Poulain porte le parfum des embruns; le goût du sel. Au fil des pages, Lili trouvera, au milieu de l’océan et des brassées du vent, la fraternité des hommes. Excellent moment de lecture.
Les oiseaux de passage. B. des Mazery
La place de l’enfant dans la famille a considérablement évoluée depuis le dix neuvième siècle. Bénédicte des Mazery propose un roman historique qui nous plonge dans un univers méconnu: la prison pour jeunes garçons de « la petite Roquette », à Paris. En 1838, Jacques a onze ans lorsqu’il est incarcéré à la demande de son père afin de le corriger. Vagabonds, voleurs, orphelins ou enfants placés, des centaines de garçons sont détenus dans des cellules austères; isolés dans des cages comme celles qui emprisonnent les oiseaux de passage. Terrifié par cet univers sombre, Jacques vit dans l’espoir de retrouver sa maman et rencontre d’autres petits compagnons d’infortune: Narcisse, Octave, Séraphin le rêveur et Charles le doux poète inspiré par Victor Hugo. Comme des moineaux affamés, ces enfants survivent dans des conditions pitoyables au milieu de surveillants cruels. Seul l’abbé Crozes apparaît comme un humaniste dans ce monde violent. Grâce à un travail de recherche impressionnant, Bénédicte des Mazery nous plonge, avec réalisme, dans le quotidien bouleversant de ces jeunes gamins portés par l’espoir de retrouver la liberté. Bon moment de lecture.
Autobiographie de ma mère. J. Kincaid
Jamaica Kincaid est une auteure américano-antiguaise qui a vécu sous l’influence du système colonial britannique. La première édition de ce roman date de 1996. Nous découvrons Xuela, la narratrice, fille d’un père métis et d’une mère caraïbe. Au soir de sa vie, Xuela revient, sans tabou, sur son passé de femme. « Ma mère est morte à l’instant où je suis née. » A partir de cet élément central, Xuela gardera un amour absolu pour cette mère, issue d’un peuple opprimé: « Ce récit est le récit de la personne qui ne fut jamais autorisée à être et celui de la personne que je ne suis pas autorisée à devenir. » Privée de sa mère, Xuela est placée dans une autre famille. Elle cultivera, pour son père, de la rancœur mais aussi une haine tenace; ce géniteur représente aux yeux de Xuela un enfant de colonisateur: « La peau de mon père avait la couleur de la corruption ». Jamaica Kincaid dresse, ici, le portrait d’une femme au destin désespéré qui, sans cesse, s’interroge: « Qu’est-ce qui fait tourner le monde? » Il est notamment question d’amour, de sexualité, d’identité, de transmission et de soumission dans ce roman empreint de colère et de fureur. Bon moment de lecture.
Le sommeil le plus doux. A. Goscinny
Une femme atteinte d’un cancer emmène sa fille, Jeanne, en voyage à Nice. Mais au lieu de profiter de la ville, la mère décline et passe son temps à l’hôtel. En se promenant, Jeanne rencontre un homme qui porte le prénom d’un ange: Gabriel. La voix de Gabriel vient s’insérer dans les pages de ce roman émouvant où les thèmes abordés sont ceux de la vie, de la mort, de la maladie mais aussi du mariage, de la transmission et de la mémoire. Dans un style sobre, Anne Goscinny navigue entre le passé et le présent pour évoquer la douleur de Jeanne; son « chagrin-fantôme ». Pourtant, il n’y a pas que de la tristesse dans cette fiction; il est heureusement question de la renaissance d’une femme portée par l’amour. Bon moment de lecture.
Le bonheur des Belges. P. Roegiers
Voici un livre singulier, l’écho joyeux du roman d’Hugo Claus « Le chagrin des Belges » (1985). Dès la première page, la lectrice suit un enfant sur les lieux mythiques de l’histoire de la Belgique (Waterloo, l’Expo Universelle de 58, le Tour des Flandres…) à la rencontre de personnages Belges célèbres comme Breughel, Tintin, Simenon, Brel, Yolande Moreau etc…Nostalgique, Patrick Roegiers nous parle de son plat pays de manière déjantée, dans un style euphorique, en s’amusant à mélanger le fictif au réel. Les Belges seront conquis par cette lecture, les autres lecteurs pourront se référer à l’index pour comprendre toutes les références. Finalement, ce drôle de livre est un tour buissonnier de la question belge. Bon moment de lecture.
Des chauves-souris, des singes et des hommes. P. Constant
L’OMS vient de publier un rapport selon lequel une personne décède chaque minute dans le monde à cause d’une maladie infectieuse. Paule Constant est bien placée pour nous parler des grandes épidémies: son père était médecin militaire et son mari est un infectiologue réputé. A travers cette fiction, l’auteure tente d’identifier la chaîne d’une mystérieuse épidémie mortelle en partant du premier malade: un gamin de deux ans nommé Emile. Tout se passe en Afrique, au Congo, dans la tribu des Boutouls entourée du désordre des herbes bambous et des plants de manioc. La sœur d’Emile, Olympe, joue avec un bébé chauve-souris sous un manguier alors que les garçons de la tribu partent à la recherche de gibier dans la Montagne des nuages. Quelques jours plus tard, l’ensemble de la tribu partage un festin: de la viande de brousse rapportée victorieusement par les garçons. Dans cette région, des sœurs et bénévoles de « Médecins Sans Frontières » s’activent pour soigner les populations en menant des campagnes de vaccination. Le personnage d’Agrippine est docteur en médecine et voyage pour des ONG, au gré des guerres et des épidémies, loin d’un système auquel elle n’adhère pas. Aux côtés de Virgile, un ethnologue, Agrippine va confronter ses thèses à propos des maladies endémiques. Malheureusement, l’ignorance et le manque de moyens favorisent le développement des épidémies et la bonne volonté ne suffit pas. La superstition est un autre grand thème du roman: Olympe sera destinée à porter la malédiction de la tribu. La nature se venge t-elle des hommes? Paule Constant, membre de l’Académie Goncourt, dépeint talentueusement la beauté de l’Afrique, ses croyances et ses traditions. C’est avec plaisir que nous partons dans cette aventure pourtant dénuée de mystère car Paule Constant a déjà dévoilé, dans quelques interviews, le nom de l’épidémie dont elle décrit les mécanismes: Ebola. Bon moment de lecture.
Je vous écris dans le noir. J-L Seigle
François Busnel a écrit à propos de ce roman: « Le résultat est une claque monumentale: la beauté et la violence mêlées en un lien inextricable. » C’est exactement ce que la lectrice ressent au moment de refermer le livre de Jean-Luc Seigle. Inspiré par la véritable histoire de Pauline Dubuisson, l’auteur livre un roman bouleversant où il se glisse, singulièrement, dans le corps de la jeune meurtrière. En 1961, Clouzot porte à l’écran son film « La vérité » dont l’actrice principale est Brigitte Bardot. Elle interprète le personnage de Pauline Dubuisson, condamnée à la Libération qui, plus tard, a assassiné son fiancé Félix. Après avoir vu le film, Pauline Dubuisson fuit la France pour s’installer au Maroc sous un faux nom. Un homme lui fait une demande en mariage. Dix ans après le meurtre, Pauline se prépare à tout lui avouer par amour. Les faits condamnent cette femme et pourtant…Sans juger, avec lucidité et empathie, l’auteur incarne la féminité avec talent. Le destin tragique d’une femme trahie par les hommes. Bon moment de lecture. Prix Exbrayat 2015.
Le Bouc Emissaire. D. Du Maurier
Séduite par le roman « Rebecca » (1938) , j’avais envie de découvrir d’autres fictions de l’écrivaine britannique Daphné Du Maurier. J’ai commencé par la lecture du roman « La maison sur le rivage » (1969) mais il m’est tombé des mains. Impossible de me projeter dans cette histoire de retour vers le passé grâce à l’absorption d’une potion magique. Alors, j’ai commencé la lecture d’un autre roman: « le Bouc Émissaire » (1957) et, dès le début, je me suis demandée si cette histoire de sosie était vraiment crédible? C’est bien là que réside le talent de Daphné du Maurier car elle nous tient en haleine tout au long de ce roman à suspense. En résumé, un homme de passage au Mans rencontre, par hasard, son double parfait. Ils font connaissance et comparent leurs problèmes: John est un anglais solitaire et déprimé, en vacances en France, alors que Jean est un aristocrate malheureux. Jean saoule John au cours de la nuit et, voici qu’au petit matin, John se réveille dans la peau de Jean de Gué. Le narrateur (John) nous raconte l’histoire de cette imposture et son quotidien dans le château familial où vivent de nombreux personnages secondaires. Étrangement, les membres de sa famille ne s’aperçoivent pas de cette tromperie qui dure sept jours, à l’exception du chien de Jean (comme, jadis, Argos, le chien d’Ulysse). Daphné du Maurier a particulièrement soigné son univers; la vie du château est détaillée et réaliste. La lectrice découvre également, avec plaisir, une région rurale d’après-guerre, en France. Comme dans « Rebecca » , l’auteure excelle dans sa façon de nous dépeindre un milieu malsain composé de personnages complexes. Daphné du Maurier nous fait ressentir, à nouveau, son amour des belles maisons; le château familial est présenté comme un personnage à part entière. Excellent moment de lecture.
Une allure folle. I. Spaak
Isabelle Spaak est une romancière belge, fille et petite fille de diplomates émérites. Vu de loin, tout semble parfait dans ce milieu privilégié. Et pourtant, Isabelle Spaak est hantée par la mort tragique de ses parents: sa mère a tué son père avant de se suicider. Pour mieux comprendre les failles de sa mère, Annie, la romancière revient sur son parcours mais également sur celui de Mathilde, la grand-mère libre et rebelle. Isabelle Spaak retourne sur les lieux de son enfance à Bruxelles et en Ardennes, relit le courrier, analyse les photos…au fil des pages, Isabelle Spaak nous livre une part de sa vérité au-delà des mensonges et faux semblants. Bon moment de lecture.
Au Bonheur des Dames. Zola
Un grand classique à lire ou à relire. Zola traite, dans ce roman sentimental, de la naissance des grands magasins parisiens à la fin du 19ème siècle. Il fait également état des différences sociales de l’époque en prenant pour héroïne Denise Baudu, une orpheline. Afin de pouvoir survivre avec ses frères, la jeune femme se fait engager « Au Bonheur des Dames » , une cathédrale de tentations située à deux pas de l’Opéra Garnier. Embauchée au bas de l’échelle, Denise va gravir les échelons au sein de l’entreprise et dans le cœur de son patron, Octave Mouret. Zola excelle, ici, dans sa façon de nous dépeindre la disparition des petites boutiques du vieux Paris sous la pression d’un nouveau monde de commerce puissant. Inspiré par Aristide Boucicaut, fondateur du « Bon Marché » , Zola a visiblement réalisé un travail de recherche impressionnant car il fait vivre ce lieu, et toutes ses marchandises, avec un réalisme étonnant. Il met également en scène des membres du personnel, derrière leurs comptoirs, et certains comportements malfaisants envers Denise. Heureusement, il est question d’amour et d’amitié, dans ce roman dense, mais également du désir des femmes. Zola a choisi de présenter les clientes du magasin comme des femmes incapables de résister face aux merveilleuses marchandises du « Bonheur des Dames » . Un brin désuet, ce roman nous plonge, avec plaisir, dans la capitale de la mode et du luxe sous le Second Empire. Excellent moment de lecture.
L’aviatrice. P. McLain
Voici un roman captivant qui nous emporte au Kenya, au début du XXème siècle, dans une ambiance digne du film « Out of Africa » et du roman de Karen Blixen: « La ferme africaine » . Au Kenya, Beryl Markham grandit, comme une sauvageonne, sous le regard de son père et certains membres de la tribu Kipsigi. La jeune Beryl apprend à dresser des chevaux de course sur la propriété familiale. Dès sa première rencontre avec Denis Finch Hatton, elle tombe éperdument amoureuse mais celui-ci est déjà engagé dans une relation avec la romancière Karen Blixen. De mariages ratés en liaisons adultères, Beryl va accomplir son destin de femme libre entre l’Afrique et l’Angleterre. Elle sera la première aviatrice à effectuer un vol transatlantique, en solitaire, à bord de son Vega Gull bleu baptisé « Messenger » . Paula McLain s’inspire de personnages et faits réels pour nous embarquer dans cette fiction romantique très réussie. La plume poétique de l’auteure rend un hommage vibrant à la beauté sauvage de la nature africaine au temps de la colonisation britannique. Excellent moment de lecture.
Va et poste une sentinelle. H. Lee
Cela faisait cinquante ans que les lecteurs attendaient la publication du second roman d’Harper Lee. Après le roman fétiche: « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » , nous retrouvons, avec plaisir, des personnages familiers. Jean Louise Finch (la petite Scout du premier roman) rend visite à son père Atticus dans sa ville natale de l’Alabama au milieu des années cinquante. Vingt ans ont passé et la nation se déchire toujours pour des questions raciales. Ce roman a, bien évidemment, battu des records de ventes proportionnellement à l’attente des lecteurs mais, pour la lectrice que je suis, ce n’est pas un grand livre. L’inégalité raciale aux Etats-Unis est le thème principal de cette fiction désenchantée . Il n’y a plus la moindre trace de magie; aucune tendresse ni poésie de l’enfance. Le ton du roman est particulièrement moralisateur, féroce et révolté.
Ce cœur changeant. A. Desarthe
Agnès Desarthe publie un roman d’apprentissage avec, en toile de fond, une époque: l’affaire Dreyfus, la guerre 14 et les années folles. L’auteure nous raconte l’aventure de Rose dans une fiction hyper romanesque, féminine et féministe. Née au Danemark d’une mère aristocrate et d’un père officier français, Rose se retrouve projetée dans un univers inconnu lorsqu’elle débarque à Paris en 1909. Elle tombe rapidement dans la misère et vivote de petits métiers. La jeune femme porte un regard insolent sur la société française et sur la place des femmes à son époque. A travers des rencontres et divers rebondissements, Rose sera, tour à tour, une fille, une femme amoureuse et une mère célibataire; un cœur changeant. Agnès Desarthe écrit dans un style à la fois poétique et sensuel mais son trait est souvent forcé. Prix « Le Monde » 2015.
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur. H. Lee
Pour pouvoir découvrir, plus tard, le nouveau roman d’Harper Lee « Va et poste une sentinelle » , il faut impérativement (re)lire « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » , Prix Pullitzer 1961. Plus de cinquante ans séparent ces deux romans de littérature américaine. Vendu à près de quarante millions d’exemplaires, ce roman initiatique est devenu culte. Nous découvrons Scout, une jeune fille blanche de neuf ans, qui raconte son enfance dans la ville de Maycomb, en Alabama dans les années 30, au moment de la Grande Dépression. Harper Lee nous parle d’enfance avec humour et tendresse mais dresse également le portrait d’une société américaine raciste du sud des Etats-Unis. Le père de Scout, Atticus Finch, est un avocat intègre, commis d’office pour défendre un homme noir lors de son procès. Ce dernier est accusé d’avoir violé une femme blanche. A travers le regard de Scout, nous découvrons le fonctionnement d’une société et la lutte des afro-américains pour les droits civiques. Un thème éminement actuel. Ce très bon roman est construit autour de la métaphore de l’oiseau moqueur, un oiseau symbolique dans la littérature américaine.
3ème Prix de la plus belle chronique « Elle » et Pocket pour « Tout cela n’a rien à voir avec moi » de Monica Sabolo
Et toi, dis-moi que tu m’aimes… tel le Titanic, Monica s’engage dans les eaux troubles d’une relation sentimentale condamnée au naufrage. Amoureuse solitaire, elle interroge son passé et ausculte le présent pour trouver des réponses à sa souffrance. Amoureuse imaginaire, le chagrin d’amour la dévore jusqu’à la pneumopathie, une sorte de nénuphar dans le poumon droit. Monica publie les fragments d’un discours amoureux et expose les débris de son cœur. Ni le briquet tenu en otage, ni les pulls portés comme des grigris n’y pourront rien changer pas même les objets de réconfort et la bibliothèque de consolation : un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Dis-moi que tu m’aimes, tous les jours sont les mêmes, j’ai besoin de romance… C’est vrai qu’il est des blessures que le temps seul peut guérir. En remontant jusqu’aux racines de ce mal universel, Monica cherche à apprivoiser le mystère du désastre amoureux. Et bien sûr, tout cela n’a rien à voir avec moi…Rendez-vous sur pocket.fr pour voir les prix!
L’Empire en Héritage. S. Hayat
Le personnage principal de ce roman historique est le fils de Napoléon 1er et Marie-Louise d’Autriche : Napoléon II, François, prince héritier. En 1832, celui que l’on surnomma » L’Aiglon « , meurt à l’âge de 21 ans en déclarant: « Entre mon berceau et ma tombe, il y a un grand zéro. » C’est, donc, avec une certaine émotion que la lectrice découvre ce personnage historique malheureux et mal connu du grand public. Enfant, François a été envoyé à Vienne, loin de son père, où il mène la vie morose d’un prince de sang. Sous la plume vive de Serge Hayat, François grandit, apprend, aime, voyage, s’affranchit et donne un sens à son existence. Grâce au style scénaristique, et à l’abondance de détails qui témoignent d’un important travail de documentation, la lectrice se retrouve immergée dans ce voyage imaginaire de Vienne à Saint Hélène en passant par Paris. Pour notre grand plaisir, cette fiction réserve des rebondissements en grand nombre mais aussi des trahisons, des rencontres, des drames et d’heureuses surprises. Finalement, ce roman d’aventures nous emmène loin sans jamais lasser. Si, quelque part, l’auteur entretient la légende Napoléonienne, il nous éclaire aussi sur la personnalité de l’empereur déchu. Par- dessus tout, Serge Hayat rend un bel hommage à François, ce prince héritier attachant, en lui offrant un destin. Bon moment de lecture.
D’après une histoire vraie. D. de Vigan
Après l’immense succès de « Rien ne s’oppose à la nuit » , Delphine de Vigan n’a rien publié depuis quatre ans. Alors, « D’après une histoire vraie » , est un roman très attendu. En multipliant les effets du réel, la lectrice se retrouve rapidement en position de confidente à l’écoute d’une histoire vraie, singulière. Le personnage principal s’appelle Delphine, romancière française à succès; en plein doute, elle n’arrive plus à produire une seule ligne. Cette mère de deux enfants est en couple avec François (Busnel) un journaliste et animateur d’émission littéraire . Jusqu’ici, la lectrice est persuadée d’être témoin d’une histoire réelle. Ensuite, Delphine tombe dans les griffes d’une certaine L., manipulatrice par excellence. Par ailleurs, elle reçoit des courriers anonymes lui reprochant d’avoir livré en pâture sa famille dans « Rien ne s’oppose à la nuit » . Histoire vraie ou pas? En attendant, ce roman tient la lectrice en haleine. Il y a quelque chose d’intrigant, d’angoissant, dans cette fiction proche du thriller psychologique « Misery » de Stephen King. Souvenez-vous de cette histoire de lectrice américaine qui torture un romancier célèbre pour qu’il ressuscite un personnage. A la première personne du singulier , Delphine de Vigan donne, au compte-gouttes, des indices qui permettent de retracer les mécanismes de cette emprise (séduction, dépression et trahison) mais elle décrit également le processus de création. Dans notre époque de télé-réalité, toutes les interrogations de Delphine qui concernent le travail d’écrivain et le statut de la vérité dans la littérature, interpellent la lectrice. Finalement, Delphine de Vigan brouille les cartes mais s’interroge judicieusement, ce qui donne une certaine profondeur à ce roman très maîtrisé. FIN* Prix Renaudot 2015. Excellent moment de lecture.
La comtesse des digues. M. Gevers
Ce roman ne fait pas partie de la rentrée littéraire 2015 puisqu’il a été publié en 1931. Marie Gevers est une auteure belge dont le style romanesque est comparable à celui de Daphné du Maurier. « La comtesse des digues » est un roman d’un autre temps, à la fois réaliste et naïf, mais il est, avant tout, un hymne à l’amour, à l’Escaut et à la nature. Comme dans un tableau illustrant la vie des fermiers à la fin du XIXème siècle, Marie Gevers nous plonge, avec talent, dans une époque révolue: celle d’anciens métiers, de vieux estaminets et des rives boueuses de l’Escaut. L’auteure avait la particularité de s’exprimer parfaitement en français tout en vivant en Flandre. Son personnage principal, Suzanne, est, ici, une jeune bourgeoise flamande qui s’exprime en français. Le père de Suzanne meurt alors qu’il était « comte des digues » (Dyckgraef) dans la région du Weert, au bord de l’Escaut. Suzanne rêve alors de reprendre sa place pour gérer les rives du Fleuve. Passionnée par la terre, les éléments, les paysages mais surtout par l’eau, la jeune femme passe ses journées à gérer les digues, les foins et les oseraies. Tiraillée entre deux hommes, elle hésite à se marier. D’un côté le beau Triphon l’attire par sa robustesse et son animalité car il révèle la violence de son désir de femme tout en étant l’incarnation du fleuve. Mais il y a un obstacle: le géant fauve n’appartient pas à sa catégorie sociale. D’un autre côté, Max Larix n’est pas un bel homme mais il est propriétaire, fils de vannier, et partage beaucoup d’intérêts avec Suzanne dont l’amour de la nature. Le cycle des saisons rythme harmonieusement cette fiction poétique particulièrement lumineuse. La lectrice se délecte des magnifiques descriptions de paysages, d’un mode de vie et d’un folklore aujourd’hui disparus. Enfin, quelques mots flamands, aux intonations familières, viennent raviver des souvenirs d’enfance liés à ce plat pays… qui est le mien. Excellent moment de lecture.
Les gens dans l’enveloppe. I. Monnin
Quel projet enthousiasmant! Juin 2012: Isabelle Monnin achète par hasard (même si il n’y a pas de hasard) un lot de photos d’une famille française inconnue. Le portrait d’une petite fille surplombe le tas de polaroids et photographies mal cadrées. Mais qui sont ces gens? Pourquoi n’y a t-il jamais de mère sur ces photos? Isabelle Monnin décide, alors, d’écrire un roman imaginaire à partir d’indices photographiques et se promet de faire, ensuite, son enquête pour retrouver les membres de cette famille. La fiction, composée dans un style aux accents argotiques, nous emmène jusqu’en Argentine. Sous la plume de l’auteure, chaque personnage trouve sa place: Laurence, Serge, Michelle, Mamie Poulet, Raymond…A l’évidence, Isabelle Monnin cherche ses propres racines. Originaire de la même région, du même milieu social et née dans les années 70, comme la petite fille sur la photo, l’auteure réalise un projet généalogique qui lui tient, singulièrement, à coeur. Grâce au clocher de l’église, la famille est vite retrouvée du côté de Clerval dans le Doubs. Mais est il possible de connaître la vérité de chaque membre de cette famille? Les thèmes de la mémoire, du manque, de la souffrance, de l’abandon, de l’enfance et du temps qui passe résonnent dans cette recherche émouvante. Pour la lectrice, le projet artistique est harmonieux. Il passionne et captive même si, en définitive, les résultats de l’enquête déçoivent: une famille ordinaire à l’histoire incroyablement banale. Mais finalement, c’est ce constat qui est intéressant: prendre des gens au hasard et trouver en eux une universalité. Cerise sur le gâteau: le livre s’accompagne d’un CD de chansons écrites par Alex Beaupain et chantées par des membres de la famille anonyme. D’autres titres sont interprétés, avec talent, par Camelia Jordana, Clotilde Hesme et Françoise Fabian. Pour notre grand plaisir, Isabelle Monnin et Alex Beaupain proposent un projet artistique original qui entremêle fiction et réalité. « Ecoutez; ma vie, c’est la vôtre. » George Sand.
Ostende 1936. V. Weidermann
Ostende m’évoque tellement de souvenirs qu’il m’était impossible de passer à côté de ce roman: la plage, les cabines de bain en bois, la digue, les brise-lames, les pêcheurs de crevettes à cheval et leurs cirés jaunes, les thermes, le casino etc…Ma grand-mère me racontait souvent les escapades de son père en compagnie de James Ensor et Léopold III à Ostende. Dans ce roman, Volker Weidermann nous évoque également James Ensor et la boutique de souvenirs de sa famille à quelques rues de la mer du Nord. Au milieu des années trente, beaucoup de personnages illustres, notamment des artistes, séjournaient à Ostende dite « la reine des plages » : Emile Verhaeren, Hermann Kesten, Arthur Koestler, Irmgard Keun, Romain Rolland etc… Deux amis, écrivains juifs autrichiens en exil, vont se retrouver sur la côte belge dans la chaleur de l’été 1936: Stefan Zweig et Joseph Roth. Dans cet univers de villégiature, la relation d’amitié, qui lie ces deux hommes, passionne la lectrice. Avec intérêt, nous suivons leurs conversations, leur correspondance et leurs considérations à propos de l’écriture, de la boisson ou de l’amour. Chacun donne sa vision du monde et évoque ses craintes dans ce terrible climat d’avant-guerre. Mais en voulant publier un « roman vrai » , Volker Weidermann s’attache parfois à des détails anodins qui viennent parasiter la lecture. L’intérêt du roman est de retrouver l’atmosphère intellectuelle des années trente et de deviner la splendeur d’Ostende, avant les bombardements de la seconde guerre mondiale.
Mirage. D. Kennedy
Douglas Kennedy a, bel et bien, retrouvé son inspiration. « Mirage » ne ressemble pas à ses meilleurs romans: « L’homme qui voulait vivre sa vie » ou « La femme du Vème » ; « Mirage » est assurément différent. Douglas Kennedy se focalise, ici, sur la psychologie de ses personnages tout en analysant le couple: Robyn est une femme américaine très rationnelle qui a épousé Paul, un artiste instable et plus âgé. L’envie d’un enfant se fait ressentir; le couple part en vacances au Maroc dans l’espoir de concevoir le fruit de leur amour. Un jour, Robyn découvre un secret tandis que Paul disparaît mystérieusement… Dans la chaleur harassante d’un été marocain, l’aventure cauchemardesque de Robyn va alors commencer. Le décor a son importance: le Sahara apparaît comme une image mythique derrière laquelle se cache l’idée qu’on ne regarde que ce que nous avons envie de voir. Véritable polar où le suspense est permanent, Douglas Kennedy s’amuse à confronter le monde occidental au monde oriental tout en dressant le portrait de la société marocaine. La question du père s’impose dans cette fiction rythmée tout comme celle du sexe et du poids de l’échec dans la société américaine. La lectrice retrouve un dénominateur commun aux romans de Douglas Kennedy: son obsession de la fatalité. Et si l’amour était un mirage? Bon moment de lecture.