Ce joli coffret coloré contient une trilogie de nouvelles émouvantes, rédigées par Shmuel T. Meyer. « Les Grands Express Européens » est un recueil de douze nouvelles. La lectrice y suit les destins croisés des passagers d’un train de luxe, en janvier 1954. A cette occasion, le passé d’une Europe, en pleine reconstruction, y est revisité. Pour la lectrice, ces nouvelles sont à la fois bouleversantes, poétiques et tragiques. « Kibboutz » est le deuxième recueil rassemblant quinze nouvelles qui se déroulent au sein d’un village collectiviste, une expérience humaine tendre et cruelle au milieu des orangers et des cerisiers. Emue, la lectrice découvre la vie de ses habitants : un gamin, un camarade, un rescapé des camps, un écrivain… Enfin,« The Great American Disaster » évoque, en treize nouvelles, la vie à New-York, de la guerre de Corée à la construction du World Trade Center. Le lieutenant Saul Gantz nous sert de guide au fil de ces histoires sombres et érotiques. La tragédie des juifs mêlée à celle des afro-américains résonne curieusement sur un fond sonore jazzy. Pour écrire ses ouvrages, Shmuel T. Meyer a trempé sa plume dans une certaine mélancolie afin d’exprimer son amertume et son chagrin face aux crimes de l’histoire. Une trilogie vibrante d’humanité. Bon moment de lecture. Prix Goncourt de la nouvelle 2021.
Archives de l’auteur : Sophie Marie Dumont
Miss Julia Flisch. C. W. Flisch
Dans cette biographie, Christian W. Flisch s’est employé à réunir de nombreux documents et illustrations à propos de son aïeule : Julia Flisch. Née dans une famille d’émigrés suisses, en 1861 aux Etats-Unis, Julia grandit en Géorgie. Durant ses études, elle se distingue des autres élèves par son intelligence, son regard critique et sa personnalité. A l’âge de vingt-et-un ans, elle signe une lettre ouverte, dans un journal local, où elle appelle les autorités de Géorgie à émanciper les femmes en leur donnant accès aux études supérieures et au monde du travail. Au fil du temps, cette pionnière va gagner sa renommée de journaliste mais aussi d’écrivaine lors de la publication de son premier roman aux accents victoriens. La militante rédige également des nouvelles qui paraissent dans les périodiques de tout le pays. Parallèlement à une activité d’enseignante, Julia voyagera à travers l’Europe tout en publiant des articles en lien avec l’actualité. Afin de soutenir la cause des femmes, elle donnera de nombreuses conférences dans des organisations et cercles de lecture. Christian W. Flisch rend, ici, un vibrant hommage à cette pionnière du féminisme injustement tombée dans l’oubli et dont l’œuvre fournit un éclairage précieux sur l’histoire des Etats du Sud. A la fin du livre, la lectrice découvre une jolie nouvelle et un article de presse rédigés par cette femme d’exception, décédée en 1941. Bon moment de lecture.
Le Licencié de verre. Cervantès
L’œuvre de Cervantès se résume souvent à « Don Quichotte ». Les variations autour du « Licencié de verre » nous font découvrir une des « Nouvelles exemplaires » de l’illustre auteur espagnol. En première partie de l’ouvrage, Jean-Michel Wissmer (essayiste, romancier, dramaturge et hispaniste) propose une analyse afin de nous éclairer sur les enjeux du texte par rapport au Siècle d’or espagnol, la vie et l’œuvre de Cervantès. Au centre du livre, « Le Licencié de verre » se définit comme un voyage passionnant à travers l’Empire espagnol qui s’étend du côté de l’Espagne, de l’Italie, des Flandres et du monde arabe. Le personnage principal, Thomas, est un héros malheureux, empoisonné par un philtre d’amour qui lui donne la folle sensation d’être un homme de verre. Sur son chemin, il va répondre aux questions de nombreux personnages sous forme de paradoxes, paraboles et quelques aphorismes. A la fin de l’ouvrage, Jean-Michel Wissmer propose une pièce de théâtre aux accents carnavalesques qui apporte une touche contemporaine à cette nouvelle inédite. Finalement, ce triptyque érudit nous parle avec lucidité de notre humanité. Bon moment de lecture. Editions Métropolis. Sortie le 11 mars 2021.
La théorie du parapluie. R. Vendôme
Ralph Vendôme est né à Beyrouth et vit à Bruxelles. Dans son recueil de nouvelles, il évoque, principalement, le monde de l’enfance ; années d’insouciance et de découverte de la vie. Pour la lectrice, les nouvelles les plus captivantes sont celles qui se déroulent dans l’appartement familial où règne une atmosphère orientale. Certaines histoires évoquent l’excellent roman « L’immeuble Yacoubian ». Dans cet immeuble égyptien, comme dans celui du narrateur, des voisins de tous âges, se croisent entre les étages : les voisines qui ricanent, la grand-mère qui cuisine des kebbés, madame Martin, la famille Rossi…C’est le style poétique de Ralph Vendôme qui charme au fil des pages de ce recueil.
Ceci est notre post-partum. I. Weizman
Vous êtes maman ? Comment s’est passé votre accouchement ? En février 2020, Illana Weizman a lancé #MonPostPartum avec trois militantes féministes pour, enfin, dénoncer les souffrances psychiques et physiques des jeunes mères. Aujourd’hui, elle publie cet essai, rédigé en écriture inclusive, afin de défaire les mythes et les tabous de notre société, aider les femmes à mieux vivre la période du post-partum. J’ai, moi même, connu une dépression sévère à la naissance de mon fils et ce sujet me tient tellement à cœur que j’espère bientôt publier un témoignage. Soulignons que 20% des mères souffrent d’une dépression après l’accouchement et que la majorité de ces femmes sont complètement démunies face à la souffrance. Le problème réside notamment dans le manque d’informations et de préparation des futures mères mais aussi d’un suivi médical insuffisant, en France. Illana Weizman a totalement raison de vouloir lever un tabou. Espérons qu’elle soit entendue malgré le ton ultra féministe de son essai qui finalement peut desservir cette cause. Ecrire que nous sommes, nous les mères, « de petites soldates de la domination masculine » est, selon moi, trop radical. Au fil des pages, Illana Weizman ne cesse de rendre des comptes aux femmes qui ne sont pas de son avis et justifie leurs propos par le fait qu’elles sont assujetties, victimes de la force manipulatrice masculine. N’est-ce pas réducteur pour toutes les femmes ? Ne faut-il pas s’entraider au lieu de s’entre-dévorer ? Ce qu’il faut retenir de cet essai c’est l’appel à ne plus se taire, à appeler à l’aide si vous souffrez après la naissance de votre enfant. Malheureusement, ce ne sont pas seulement les hommes qu’il faut blâmer mais tous les acteurs et maillons de notre société individualiste : votre mari, vos parents, vos amis, vos sœurs, vos médecins, votre employeur, nos institutions….Heureusement, Illana Weizman termine son essai en nous proposant des pistes politiques qui permettraient de soutenir les mères au cours de cette période si sensible du post-partum. Ensemble, donnons-nous la main pour lever, enfin, le voile sur la part sombre de la maternité.
Fille. C. Laurens
Le dernier roman de Camille Laurens interpelle. La narratrice se nomme Laurence Barraqué et nous la suivons dès sa naissance, à Rouen, en 1959. Au fil des pages, l’auteure soulève les différentes définitions et expressions liées au mot « fille » dans la langue française. Sous sa plume, les mots témoignent d’une dévalorisation du féminin par rapport au masculin au cours de l’histoire. C’est l’évolution du regard porté sur les femmes (de la fin des années cinquante à nos jours) qui questionne dans ce roman rythmé où toutes sortes d’idées foisonnent. La lectrice suit la vie de Laurence aux différentes étapes de sa vie : l’enfance exposée à la pédophilie, la jeunesse avec les garçons, l’accouchement dramatique de son premier enfant et finalement la naissance de sa fille. Camille Laurens explore plusieurs thèmes (pédophilie, deuil périnatal, homosexualité…) en prenant des directions différentes ce qui amène une certaine confusion. Pourtant, grâce à ce roman, la lectrice s’accroche, s’identifie et s’interroge à propos de sa condition de femme. Bon moment de lecture.
Le parfum des fleurs la nuit. L. Slimani
Ce joli petit ouvrage est une commande de la collection « Ma nuit au Musée » (Stock). Leïla Slimani a accepté de s’enfermer dans le musée vénitien de la Pointe de la Douane. De prime abord, cette expérience semble futile mais, après lecture, il faut avouer que ce livre d’escapade est une pépite. Si vous aimez écrire, je vous conseille vivement cette lecture car Leïla Slimani offre des conseils précieux : cultiver ses chagrins, rouvrir les cicatrices, créer une autre réalité, jouer avec le silence… Dans ce musée italien, les œuvres d’art stimulent l’imaginaire de l’auteure mais elles ne sont pas centrales dans son texte. Finalement, c’est le thème de l’enfermement et le rapport au corps qui s’imposent. Cette nuit au musée ressemble étrangement à l’enfance casanière de l’auteure, au Maroc : « J’ai été élevée comme un animal d’intérieur. » Et si Leïla Slimani ne veut pas s’étendre sur sa relation avec son père, elle raconte la souffrance liée à son incarcération. La question des origines et de l’identité surgissent également sous la plume de cette expatriée en France. La lectrice se sent proche de Leïla Slimani, de son passé, de ses envies et de ses désirs. A noter que le passage à propos de Marilyn Monroe est tout simplement magnifique : cette actrice qui a été l’otage de sa beauté, enfermée dans son corps. Le galant de nuit, une plante exotique, a inspiré le titre de ce livre ; un regard passionnant. Lecture coup de cœur.
Si tu me balances. Roslund & Thunberg
Composé à quatre mains, ce thriller singulier est la suite, indépendante, de « Made in Sweden », un polar basé sur l’histoire vraie d’une famille perpétrant une série de braquages. « Si tu me balances » débute par une scène émouvante : Léo, quatorze ans, nettoyant le sang de sa mère, battue par son père. La mère se retrouve à l’hôpital et le père en prison. Afin d’éviter la case « famille d’accueil » , Léo décide de s’occuper lui-même de ses deux petits frères. Pour y parvenir, il échafaude un premier braquage. Quelques années plus tard, le jeune délinquant élabore un plan obscur pour commettre le braquage parfait mais un détective, John Broncks, vient torpiller son projet. Pourtant, Léo a une dernière carte à abattre pour tenir Broncks en échec…Ce thriller, bien ficelé, tient la lectrice en haleine jusqu’à la dernière page. Roslund et Thunberg ont construit un roman à suspense rythmé, appliqué, où s’entremêlent des forces fraternelles. Dans ce long polar suédois, à la fois rigoureux et implacable, tout s’enchaîne parfaitement et pourtant un élément fait défaut : un soupçon d’amour. Bon moment de lecture.
L’imposture du marronnier. M. Sabatini
Le premier roman de Mariano Sabatini nous entraîne dans les rues de Rome suite au meurtre d’Ascanio Restelli, un entrepreneur véreux qui briguait la mairie. Aussitôt, un journaliste d’investigation, Leonardo Malinverno, décide d’enquêter en collaboration avec la police romaine et voici la lectrice plongée dans cette enquête italienne qui ne laisse aucun répit. Le thriller repose sur de nombreux dialogues et la lectrice y croise une multitude de personnages, de pistes, allant jusqu’à se perdre dans la ville éternelle. La beauté de Rome et de ses monuments ainsi que les multiples références culinaires viennent égayer ce polar sombre. Il faut attendre la fin du roman pour découvrir le coupable et la signification du titre énigmatique : « L’imposture du marronnier ». Prix Flaiano 2017. Bon moment de lecture.
La familia grande C. Kouchner
Après un long silence, Camille Kouchner publie ce récit afin de livrer un terrible secret familial : l’inceste. A l’origine, la vie était belle pour les membres de la famille Kouchner. Camille a un frère jumeau, Victor, et un grand frère Colin. Leurs parents divorcent mais, malgré la tristesse, la vie continue. Les enfants aiment se retrouver dans l’appartement de leur mère, Evelyne Pisier, et chez leur père, Bernard Kouchner. Les vacances d’été se déroulent désormais à Sanary dans la propriété du nouveau beau-père, un homme solaire, intelligent, charmeur. Camille et ses frères sont à nouveau heureux près de ce politologue réputé, Olivier Duhamel. Tout le monde aime se rassembler sous le soleil de ce paradis : « la familia grande ». Puis, c’est le coup de tonnerre. Le monde de Camille s’écroule à l’adolescence : Victor lui confie que, certains soirs, le beau père vient le rejoindre dans son lit. Camille comprend que quelque chose de grave se joue et en même temps elle ne sait pas exactement de quoi il est question. Victor lui demande, à la fois, de se taire et de l’aider. Que faire ? Camille choisit le silence pour ne pas trahir son frère jumeau. Pourtant, plus le temps passe, plus ce silence pèse sur les deux adolescents qui subissent également les suicides successifs de leurs grands parents. En 2008, Camille et Victor décident de tout raconter à leur mère. Sous emprise et malheureuse, celle-ci commence par nier la gravité des faits puis accuse ses enfants de l’avoir trompée. La naissance du premier enfant de Camille provoque un déclic. Elle décide de se délivrer, de libérer la parole pour les siens en publiant ce récit bouleversant de sincérité qui est également un cri d’amour pour sa mère décédée. Sans jamais nommer son beau-père, l’auteure y décrit méticuleusement les mécanismes de l’emprise, la souffrance, la culpabilité qui pèse et l’abandon progressif de sa mère. Excellent moment de lecture.
L’anomalie. H. Le Tellier
Voici un roman atypique dont l’auteur vient d’être récompensé par le Prix Goncourt. Hervé Le Tellier nous propose une fiction, une sorte de scénario qui fait notamment écho à la série américaine « Manifest ». Sans en dire plus, pour ne rien dévoiler, ce roman choral bouleverse la vie de nombreux personnages, tous passagers d’un vol « Paris-New-York » et victimes d’une anomalie incroyable. Après lecture, ce prix prestigieux est mérité tant la mécanique de cette fiction est géniale. Cependant, ce roman complexe ne conviendra pas à tout le monde. En empruntant à la fois à la science fiction, au romanesque ou au thriller, Hervé Le Tellier joue avec différents pastiches, posant de nombreuses questions métaphysiques tout en révélant un humour certain. Bousculée, la lectrice est happée par cette histoire vertigineuse dont la fin reste énigmatique. Bon moment de lecture.
La nuit du premier jour. T. Révay
Voici un roman qui fait du bien, un roman dans la pure tradition. Theresa Révay nous plonge dans une fiction à la fois passionnante et historique qui débute à Lyon, en 1896. Blanche est l’épouse de Victor, l’héritier des soieries Duvernay. Le couple a deux jeunes enfants : Aurélien et Oriane. Au fil des pages, la lectrice découvre l’univers passionnant des soyeux et des canuts, installés à Lyon à cette époque. Un jour, à la Croix Rousse, Blanche monte dans le funiculaire. Soudain, c’est l’accident, la panique. Heureusement, un homme vient au secours de Blanche. Marchand de soie Syrien, il se prénomme Salim. Coup de foudre pour cet homme qui vient du Levant alors que Blanche est justement née au Liban, la terre de son cœur. Mais si Blanche est très éprise de cet homme, est-elle prête à tout abandonner en laissant derrière elle ses enfants? Theresa Révay nous offre un vrai moment d’évasion, un tourbillon d’émotions, en cette période captive. La lectrice déambule dans le vieux Lyon, découvrant ses traboules et ses ateliers de broderies . Dans cette fiction aux accents exotiques, l’auteure retrace une période tragique de l’histoire de France et de l’Empire Ottoman. Il est question de la place des femmes, de secrets de famille, d’amour et de passion dans cette saga familiale romantique. Excellent moment de lecture.
Kaiser Karl R. Bacqué
Grand reporter au journal « Le Monde » , Raphaëlle Bacqué retrace la vie de Karl Lagerfeld à travers cette biographie captivante. Pourtant, ce n’est pas facile de rassembler toutes les informations concernant le créateur de génie, disparu en 2019. Issu de la grande bourgeoisie allemande, cultivé et esthète, Karl Lagerfeld n’a jamais cessé de brouiller les pistes en ce qui concerne son passé. Le talent de Raphaëlle Bacqué se révèle dans le fait de donner la parole à ses collaborateurs mais aussi aux proches et intimes pour comprendre toutes les facettes du personnage. Par le biais de ses relations avec Inès de la Fressange, Yves Saint Laurent ou Caroline de Monaco, la lectrice découvre un homme paradoxal qui peut se révéler à la fois insupportable, cassant, capricieux mais aussi généreux et empathique. Pour notre plaisir de lecture, l’auteure fait revivre le créateur, analyse son enfance, ses amours et sa carrière de la fin des années cinquante à aujourd’hui en passant par les mortelles années « sida » . La lectrice retiendra l’humour caustique de Karl Lagerfeld, sa lucidité et ce fameux coup d’avance qu’il avait sur son temps. Bon moment de lecture.
A L’aveugle. L. Hawvermale
Au nord du Chili, dans le désert d’Atacama, deux astronomes collaborent au sein d’un immense observatoire, pareil à un vaisseau fantôme. Sous la voûte céleste, Gabe Traylin poursuit sa mission scientifique ; cartographier les galaxies. Soudain, dans ce désert hostile à toute forme de vie, une ombre se déplace dans la nuit. Qui est-ce ? N’écoutant que son courage, Gabe tente de rattraper cette silhouette qui finalement s’écroule : un homme a été abattu par balle. Témoin malgré lui, l’astronome se retrouve au centre de l’enquête. Tout se complique à cause de son incapacité à mémoriser les visages. Gabe est atteint de prosopagnosie et devient le suspect numéro un. Afin de se disculper, le jeune scientifique s’entoure de trois acolytes et mène sa propre enquête. Ensemble, ils s’apprêtent à exhumer une terrible part de l’histoire du Chili et quelques corps démembrés. Cette fiction particulièrement sombre, dense et sanglante prend aux tripes dès la première page. L’auteur nous entraîne toujours plus loin dans le néant du désert. Bon moment de lecture.
Chavirer. L. Lafon
1984. Cléo a treize ans et vit dans la périphérie de Paris. Sa famille, médiocre et terne, réside dans un grand ensemble. La culture, c’est la télé. Comme beaucoup de filles de son âge, Cléo rêve de devenir danseuse de « Modern Jazz » sur les plateaux télé. La jolie gamine se fait repérer par une certaine Cathy, une femme chic qui lui fait miroiter une bourse de la « fondation Galatée ». Attirée par le Show-biz et les paillettes, Cléo passe les castings afin de remporter la fameuse bourse. Mais il n’y a pas de bourse. La pseudo-fondation est, en réalité, un repère de pédophiles. Entre honte et culpabilité, Cléo se tait et recrute d’autres filles du collège pour le réseau. Dans ce roman, Lola Lafon nous décrit le milieu artistique des années 80-90, celui de danseuses de variété où derrière les sourires se cachent tant de souffrances. La lectrice suit Cléo jusqu’à ses quarante huit ans ; sa vie racontée par les autres. Il est, ici, question du pardon et de la capacité à se pardonner soi-même. Malheureusement, au fil des chapitres, l’auteure introduit d’autres personnages en nous faisant prendre quelques détours et la lectrice perd le fil de la narration.
Le plongeur. M. Efstathiadis
Cette fiction sombre nous balade entre l’Allemagne et la Grèce. Un détective privé grec, Chris Papas, a pour mission de suivre une femme qui se nomme Eva Döbling. Son client souhaite connaître les faits et gestes de cette quadragénaire. Machinalement, le détective la suit dans les couloirs d’un hôtel minable, à Hambourg. Mais, peu avant minuit, Eva Döbling quitte l’hôtel et le détective perd lamentablement sa trace. Le lendemain, contre toute attente, la police débarque chez Chris : sa carte professionnelle a été retrouvée dans la poche de son client…pendu ! A cet instant, un message énigmatique clignote sur le répondeur du détective, finalement bien décidé à poursuivre son enquête. Que s’est-il passé ? Quels liens existaient entre Eva Döbling et ce mystérieux client ? En remontant le temps, l’auteur ravive d’insupportables blessures, du temps de l’occupation allemande en Grèce, en révélant une énigme qui glace le sang. Bon moment de lecture.
Le temps gagné. R. Enthoven
J’ai souvent comparé les romans à des pâtisseries choisies avec gourmandise. Celle-ci est douce-amère. Pour débuter, assumons une certaine curiosité, l’envie de découvrir, dans ce roman, les personnes qui se cachent maladroitement derrière des pseudos (Elie pour BHL, Béatrice pour Carla Bruni…). Il faut également se souvenir qu’en 2004, Justine Lévy a publié un excellent et émouvant roman autobiographique intitulé : « Rien de grave ». Dévastée, l’auteure y décrivait la trahison de son époux, Raphaël Enthoven, embrigadé dans une passion adultère avec l’ex-amie de son père : Carla Bruni ! D’après la rumeur, ce roman avait provoqué la colère muette de Raphaël Enthoven. Aujourd’hui, le premier roman du philosophe a un arrière-goût de vengeance et la vengeance est précisément un plat qui se mange froid. Enfant de la gauche caviar, germanopratin, Raphaël Enthoven a grandi dans les beaux quartiers de Paris, sous les coups d’un beau père et le regard impassible de sa mère. Au fil des pages, l’auteur raconte avec cynisme ses souvenirs, expose la violence de son enfance, son parcours scolaire, sa découverte de lui-même et du bonheur. Cruel, Raphaël Enthoven nous livre également des anecdotes intimes, inutiles et désolantes concernant son premier mariage raté avec Faustine (Justine Lévy). Philosophe jusqu’au bout des ongles, l’auteur questionne constamment en faisant référence à ses philosophes, ses professeurs et ses œuvres littéraires de prédilection (La comtesse de Ségur, Proust, Camus). Malgré la douleur, l’amour pour ses parents transparaît derrière les mots de ce roman au rythme saccadé. Le titre, « Le temps gagné » , est un clin d’œil proustien mais aussi une référence aux conseils du père. A la fois arrogant, beau et drôle, Raphaël Enthoven se dépossède de son passé, provoque en duel les personnages de son enfance tout en nous surprenant par la qualité de son écriture. Bon moment de lecture.
Agent hostile. M. Herron
Mick Herron est un auteur anglais, créateur de la série Slough House dont La maison des tocards et Les lions sont morts. En ce mois de novembre 2020, il publie un nouveau thriller dont voici le pitch : Tom Bettany reçoit un appel terrifiant, l’annonce de la mort de son fils de 26 ans. En froid, le père et le fils avaient rompu le contact depuis de nombreuses années. Malgré tout, Tom décide d’enquêter sur les circonstances de la mort de son fils, à Londres. Après les premières révélations de la police, Liam aurait chuté d’un balcon en fumant un joint. Mais est-ce bien la vérité ? N’y a t-il rien d’autre à découvrir ? Mike Herron tient le suspense au bout de sa plume tout en entraînant la lectrice dans les bas-fonds de Londres. Bouleversée par sa quête, la lectrice suit Tom, et sa part d’ombre, jusqu’au bout de cette fiction sombre. Bon moment de lecture.
Souvenirs d’une morte vivante. V. Brocher
Voici le journal intime de Victorine Brocher, ambulancière et combattante sous la commune (1871), à Paris. Cette sacrée bonne femme témoigne de ce qu’elle a vécu entre 1848 et 1872. Jeune fille, Victorine habitait avec ses parents dans le quartier des Halles. Son père faisait partie de la Garde nationale et de plusieurs comités. La vie familiale militante est agitée, la situation à Paris dégénère, c’est la déchéance de Louis Philippe qui part en exil à Bruxelles. La Révolution gronde en 1848 mais Victorine survit, fonde une famille et note chaque évènement qui mène la République à la Commune et ses atrocités. Ce document est également le journal d’une femme du peuple qui raconte son quotidien, la perte de ses enfants en bas âge dans un Paris insalubre et affamé. Condamnée à mort, en 1871, elle échappera de justesse à la sentence. Victorine confie ses espoirs, ses amours, les privations, la Semaine sanglante…elle retrace ses luttes pour défendre la République en rendant un vibrant hommage aux parisiens qui ont contribué à la marche du progrès pour un meilleur avenir ; notre présent. Bon moment de lecture.
La folle histoire de Félix Arnaudin. M. Large
Marc Large est un journaliste français, écrivain, réalisateur et dessinateur de presse. Pour écrire ce roman attachant, il s’est intéressé à un homme, un visionnaire qui a immortalisé la Grande Lande au XIXème siècle. En effet, en 1856, le projet impérial vise à implanter de plus en plus de forêts de pins au détriment de la Lande et de ses bergers perchés sur leurs échasses. Félix Arnaudin, fils de propriétaires, est un amoureux inconditionnel de la Lande. Ne supportant pas la défiguration des paysages de son enfance, Félix va consacrer sa vie à répertorier les contes, légendes, chansons…en dessinant et en photographiant sa terre natale et son folklore. Marc Large rend, ici, un bel hommage à celui qu’on appelait « le fou » ; un homme passionné et incompris qui a laissé derrière lui une œuvre magnifique, d’une valeur inestimable. Rédigé dans un style poétique, ce roman nous fait voyager en Gascogne, à l’ombre de la dune du Pilat. Dans cette fiction, l’auteur retrace aussi l’histoire bouleversante d’un amour interdit entre Félix et la servante de la famille, Marie. Bon moment de lecture.
Le territoire du vide. A. Corbin
Alain Corbin est un spécialiste de l’histoire des sens. Dans ce document, il nous parle de la naissance des plages au XVIIIème siècle ; un nouveau territoire. Pour débuter, l’auteur nous explique ce que représente l’océan dans l’inconscient collectif et pourquoi l’homme a longtemps ignoré les plaisirs de la villégiature maritime. Au XVIIIème siècle, naît le désir de rivage en Europe du nord, spécifiquement à travers la beauté des paysages hollandais. En dehors des considérations religieuses, des médecins britanniques s’intéressent aux propriétés thérapeutiques de l’eau de mer ; la nature comme remède. D’autre part, les premiers voyages en Italie éveillent les sens, conforte l’élite dans sa maîtrise de la nature, des flots. Un public de connaisseurs de peinture des paysages s’agrandit et les premiers guides touristiques apparaissent ; le dessin d’un nouveau plaisir. Le XVIIIème siècle se caractérise par une certaine mélancolie et le fameux spleen. Dès lors, les curistes se ruent sur les rivages d’Angleterre et d’Allemagne, encouragés par les médecins et les hygiénistes. L’invention de la plage accompagne les vertus de l’eau de mer et de l’air pur. Malgré la mode balnéaire, peu de gens savent nager et les femmes craignent le viol oculaire en se cachant au fond des cabines de bain. Parallèlement, les costumes de bain évoluent au fil du temps : chemises, pantalons, peignoirs, jupons, tricots…et finalement, toutes les catégories sociales se confondent au milieu des vagues. Le XIXème siècle marque la naissance des stations balnéaires, notamment en France, et d’un spectacle social. Considéré comme un classique, ce document assez pointu, renseigne à propos des représentations de la mer et du rivage en faisant référence aux mythes antiques. Bon moment de lecture.
Isola. A. Avdic
En s’inspirant du célèbre roman d’Agatha Christie, « Ils étaient dix », Asa Avdic propulse la lectrice en 2037, sur l’île d’Isola où six candidats vont devoir se distinguer dans le cadre d’un recrutement secret-défense. Du début à la fin, ce polar suédois se révèle efficace, à la fois captivant et glaçant. Le seul bémol concerne le choix de l’année 2037 car la vie des personnages ressemble étrangement à la nôtre. Tour à tour, l’auteure nous fait entendre la voix des candidats dont celle d’Anna Francis, une femme qui a dirigé un camp de réfugiés dans le protectorat de Kyzul Kym. Après cette expérience, Anna est particulièrement vulnérable. Mère célibataire, elle confie sa petite fille à sa propre mère afin de pouvoir participer à ce projet ; une seconde chance. Sur l’île, Anna a pour mission de mettre en scène sa mort puis d’observer, en cachette, la réaction des autres candidats et leur résistance au stress. Tout est préparé minutieusement. Pourtant rien ne se passe comme prévu. Sur place, Anna revoit Henry, un ancien collaborateur dont elle a été amoureuse. Puis, certains candidats disparaissent mystérieusement. Ce thriller psychologique est une vraie aventure. La lectrice se laisse prendre au jeu, tourne les pages avec frénésie. Au fil de la lecture, Asa Avdic nous tient en haleine, met la pression sans jamais casser le rythme. Bien construit, ce thriller psychologique est une indéniable réussite. Excellent moment de lecture.
Là où les esprits ne dorment jamais. J. Werber
Jonathan Werber a eu la bonne idée de s’intéresser aux trois sœurs Fox, les reines du spiritisme au 19ème siècle. De l’autre côté de l’Atlantique, les sœurs prétendent communiquer avec les morts et deviennent célèbres internationalement. Mais n’est-ce pas une incroyable supercherie ? L’agence Pinkerton décide d’infiltrer un agent pour percer le mystère du clan Fox. Pour ce faire, les détectives recrutent une magicienne de rue, Jenny Marton. Dès les premières pages, la lectrice se laisse emporter du côté de New-York, en 1888. Jenny est un personnage particulièrement attachant qui vit chez sa mère avec son lapin et sa colombe. Rien n’est plus agréable que de la suivre dans ses péripéties, au fil des pages de cette enquête réjouissante. Avec ferveur, Jonathan Werber nous plonge dans l’univers de la famille Fox, retrace leur histoire et leur extraordinaire succès. Débordant d’imagination, l’auteur nous parle d’illusionnisme et de magie en livrant quelques tours de passe-passe. Bon moment de lecture.
Les aérostats. A. Nothomb
L’an dernier, Amélie Nothomb a publié « Soif », le roman de sa vie. En cette rentrée littéraire 2020, l’écrivaine a choisi de faire paraître ce petit roman, léger comme l’air. Ange est étudiante en philosophie à Bruxelles. Parallèlement à ses études, la jeune femme donne des cours particuliers à Pie, un garçon de seize ans qui souffre de dyslexie. Deux solitudes vont se rencontrer sous les yeux du père de Pie qui les observe à travers un miroir sans tain. Au fil des leçons, Ange lui transmet l’amour de la littérature en l’obligeant à lire des classiques comme « Le rouge et le noir » ou « L’Iliade » et « L’Odyssée ». En tournant les pages, la lectrice reste perplexe face à tant de dialogues et si peu de descriptions. La fin du roman est brutale et imprévisible. Finalement, la lectrice assiste à une leçon de littérature et à une visite guidée de la capitale belge ; la ville d’Amélie Nothomb et la mienne. Le titre énigmatique fait certainement référence à la fragilité des deux personnages principaux. « La jeunesse est un talent, il faut des années pour l’acquérir. »
Le grand vertige. P. Ducrozet
Ce roman, à la page, happe la lectrice dès le premier mouvement (chapitre). Il est, ici, question d’écologie et plus précisément de lutte contre le réchauffement climatique. Adam Thobias prend la tête du réseau « Télémaque » dont l’épicentre se situe à Bruxelles, au Parlement Européen. Ce réseau est constitué de scientifiques, d’ingénieurs et spécialistes en matière environnementale. Discrètement, Adam contacte ses nombreux agents internationaux et les missionne en Amazonie, dans la jungle birmane, en Inde ou en Chine. La lectrice se passionne pour ce réseau et ses membres dans une sorte de course contre la montre ; la sauvegarde de notre planète. A cet instant, le roman frôle le polar et captive véritablement. En Amazonie, une fameuse plante concentre l’énergie solaire à un niveau spectaculaire. Adam mandate Nathan pour la ramener en Europe afin d’étudier son fonctionnement. En définitive, la finalité des missions reste nébuleuse, les services secrets s’en mêlent et Adam montre un autre visage. Peu à peu, la lectrice se perd dans cette fiction dont le rythme s’essouffle mais dont le grand mérite est de nous interpeller à propos de l’état de notre planète. A la fois fable écologique et roman noir, le cri de Pierre Ducrozet procure un certain vertige.
L’autre Rimbaud. D. Le Bailly
David Le Bailly est un journaliste qui se passionne pour les « sans-voix », les hommes rayés de la mémoire collective comme le frère invisible d’Arthur Rimbaud. Pour ce faire, il retrace la vie familiale : Arthur et Frédéric Rimbaud sont nés au 19ème siècle, en Ardennes, dans une famille française classique. Les deux frères entrent au collège de Charleville, complices et solidaires. En 1866, les fils Rimbaud posent ensemble sur un cliché afin d’immortaliser leur première communion. C’est cette photo qui illustre la couverture du roman. Seul problème : Frédéric a été, petit à petit, effacé de la photo. Pourquoi ? Y avait-il un bon Rimbaud et un mauvais ? David Le Bailly va mener l’enquête tout en cherchant à réhabiliter ce frère déchu. Arthur est le poète doué et célèbre. Frédéric a arrêté ses études pour devenir un modeste conducteur d’omnibus. Leur mère, séparée du père, est fière d’Arthur, son enfant prodige. Par contre, elle est terriblement déçue par le comportement de Frédéric. Son incompréhension vire à la méchanceté et à l’humiliation publique. De son côté, Arthur se lie à Verlaine, connaît de multiples déboires puis voyage en Afrique. La complicité entre les deux frères s’étiole…Arthur le traite d’idiot, s’en éloigne définitivement. Le travail de documentation de David Le Bailly impressionne même s’il obtient peu d’informations. L’auteur écume les bibliothèques, analyse les archives et témoignages d’époque, prend contact avec les descendants de la famille Rimbaud pour mieux comprendre le contexte familial. Dès les premières pages, le sujet du roman interpelle la lectrice. Comment fabrique t-on un mythe ? Finalement, en mêlant le réel à la fiction, David Le Bailly montre l’autre visage d’Arthur Rimbaud et tente de réhabiliter son frère maudit. Bon moment de lecture.
Dans les brumes du matin. T. Bouman
Ce polar se déroule en Pennsylvanie, au milieu d’une nature sauvage composée de collines verdoyantes. Henry est l’officier de police du canton de Wild Thyme où il patrouille régulièrement. Il connaît bien cette région rurale des Etats-Unis et ses habitants comme la famille Swales qui possède des terres bordant le rivage du lac Maiden’s Grove. En échange de travaux, le clan loue une partie de son domaine à un couple de marginaux : Kevin et Penny. Parents et toxicomanes, ceux-ci viennent de se faire retirer la garde de leur fille par les services de protection de l’enfance. Henry connaît déjà ce couple pour une affaire récente de violence conjugale. C’est pour cette raison que notre narrateur n’est pas inquiet lorsqu’il est appelé au domaine suite à la disparition mystérieuse de Penny. Tous les soupçons se portent sur Kevin…pourtant, quelque chose ne colle pas. Dans les brumes du matin, la lectrice monte à bord du pick-up d’Henry pour suivre les péripéties de son enquête : le corps d’un homme a été retrouvé dans le fleuve Susquehanna… Personnage attachant et chasseur à ses heures, Henry n’en finit pas de se dévoiler, de se confier à la lectrice. Veuf, il entretient d’abord une relation discrète avec une femme mariée, une jolie brune nommée Shelly. Pourtant, sa femme, Polly, reste omniprésente ; un chagrin qui ne passe pas. Tom Bouman nous embarque dans cette longue fiction aux tonalités bucoliques et aux accents de country blues. Même si le roman comporte quelques longueurs, l’auteur nous tient en haleine tout au long de cette fiction rurale. Bon moment de lecture.
Rien n’est noir. C. Berest
Depuis sa mort, en 1954, Frida Kahlo est devenue une icône, un sujet à la mode, à la fois chic et bohème. Née au Mexique, Frida est victime d’un grave accident alors que sa santé est fragile. Alitée sur son lit d’hôpital, la jeune mexicaine désire s’exprimer et commence à peindre plusieurs auto-portraits. Sa rencontre avec l’artiste mexicain Diego Rivera l’électrise. L’homme est immédiatement séduit par la femme, par son talent et la force d’expression qui habite ses tableaux. Malgré la différence d’âge, les deux artistes se marient pour le meilleur et pour le pire : infidélités, mensonges et trahisons. Claire Berest nous conte la vie chaotique du couple sur une décennie, au moment où Diego est adulé internationalement et où Frida se révèle. A travers une palette de couleurs, l’auteure retrace une vie de femme, ses souffrances, ses espoirs et désespoirs en se focalisant sur la dimension charnelle ; le corps brisé de Frida. La lecture des premiers chapitres est mitigée ; impression de tourner en rond entre les lignes. Finalement, la vie tumultueuse de l’artiste emporte la lectrice jusqu’au bout de la fiction. Grand Prix des Lectrices du « ELLE » 2020.
Miss Jane. B. Watson
Ce roman est une pépite, un beau texte peaufiné pendant treize ans par Brad Watson. Voici le décor : une ferme misérable du Mississippi où Jane Chisolm vient au monde, en 1915. Malheureusement, la petite fille naît avec une malformation gynécologique. Dans ce milieu rural, et à cette époque, les chances de bénéficier d’une opération sont rares. Il n’existe aucun protocole médical capable de corriger son infirmité. Suivie dès la naissance par son médecin de famille, le docteur Thompson devient rapidement un père de substitution pour Jane car sa famille est pour le moins atypique : un père alcoolique, une mère acariâtre et une sœur qui ne rêve que de partir. Pourtant, l’enfance de la fillette est simple au milieu d’une nature belle et sauvage. A six ans, elle fait son entrée à l’école et se confronte immédiatement à la cruauté des autres élèves. A l’adolescence, la jeune femme s’expose inévitablement à l’amour, choisissant de taire ses sentiments à cause de son handicap… Même si le roman a été écrit par un homme, je le conseille aux femmes. Les lectrices pourront facilement se projeter, s’identifier à cette jeune fille privée d’une intimité. Un roman poétique et bouleversant à propos du handicap et du regard des autres ; une leçon de courage. Prix des Lecteurs 2020. Excellent moment de lecture.
Soit dit en passant. Woody Allen
Woody Allen est un réalisateur américain singulier, amoureux des actrices et de New-York, sa ville natale. Les inconditionnels de ses films, comme moi, ne se lassent pas de revoir « Manhattan », « Annie Hall » , « Match Point » ou, plus récemment, « Un jour de pluie à New-York ». Les premières pages de ses mémoires évoquent une enfance heureuse à Brooklyn dans une famille juive atypique avec une mère autoritaire et un père mafieux. Une certaine passion pour le cinéma se confirme à l’adolescence tout comme son intérêt pour la musique, les matchs de Baseball et les filles. Âgé de 84 ans aujourd’hui, Woody Allen est, tout d’abord, l’un des derniers témoins de la vie artistique new-yorkaise des années cinquante, soixante… Le nombre d’acteurs et actrices qu’il a côtoyé est véritablement impressionnant. Auteur de gags, humoriste, comédien puis réalisateur, il a débuté sa carrière à l’âge de 16 ans en se faisant remarquer du côté de Broadway. Après deux mariages et une histoire d’amour avec Diane Keaton, Woody Allen rencontre sa muse pour le meilleur et pour le pire : Mia Farrow. Traité en paria depuis les accusations d’attouchements sur sa fille adoptive Dylan, Woody Allen tient à donner, ici, sa version des faits et il a raison (la vengeance est malheureusement le moteur de beaucoup de femmes malheureuses). Cependant, au fil des justifications, le livre se transforme parfois en plaidoyer. Finalement, Woody Allen a épousé une autre fille adoptive de sa compagne, Soon-Yi, son épouse depuis 22 ans. Le cinéaste se dévoile tout au long de cette passionnante autobiographie qui lui ressemble, à la fois drôle et cynique. Même si son manque de confiance agace, Woody Allen paraît sincère tout au long du livre. Nous connaissions le travail du cinéaste, nous connaissons maintenant l’homme. Bon moment de lecture.