Les amoureux du bassin d’Arcachon aimeront ce superbe livre d’art, réalisé par Nicolas Seurot, car chaque tirage est un enchantement. Dans cette édition imprimée en France et sur papier japonais, le photographe nous offre ses visions passéistes comme des toiles romantiques. Au fil des pages, la lectrice découvre la beauté des pins graciles sur fond de pleine lune, la féerie de l’estran effleuré par un vol d’oiseau, l’esthétique d’une villa au style arcachonnais, la délicatesse des voiles d’un bateau…derrière son objectif, Nicolas Seurot excelle dans sa façon de composer, de saisir la luminosité de l’instant. Grâce à ses clichés, le photographe nostalgique donne l’opportunité de nous émouvoir face à la beauté, d’échapper au quotidien par la contemplation. Recueil coup de cœur.
Archives de l’auteur : Sophie Marie Dumont
Canoës. M. de Kerangal
Maylis de Kerangal est une auteure française talentueuse qui publie un ensemble de nouvelles dans son dernier ouvrage. A priori, la lectrice apprécie peu ce puzzle de récits, préférant les fictions comme beaucoup d’autres lecteurs. Cependant, les premières nouvelles concernent son expérience américaine, lorsqu’elle habitait dans le Colorado, et le charme opère dès les premières pages. Grâce à son style, l’auteure installe ses personnages, crée un univers singulier qui captive. Maylis de Kerangal écrit tellement bien qu’il est difficile de ne pas chercher une linéarité dans ses récits, essayer d’assembler les pièces du puzzle américain. Malheureusement, à partir de « Nevermore » (p105), toutes les nouvelles, qui concernent la voix et sa tessiture, font décrocher la lectrice. Celle-ci se retrouve perdue, nostalgique de la Ford Mustang verte, du décor des Rocheuses, du magasin de pierres, du petit Kid…un roman qui semblait prometteur. Bon moment de lecture.
Où je suis. J. Lahiri
Jhumpa Lahiri est une romancière américaine, originaire du Bengale, qui a déjà été récompensée par plusieurs prix dont le Pulitzer. « Où je suis » est un roman en pièces détachées qui se rattachent à la narratrice. Cette femme, sensible et mélancolique, exerce le métier de professeur de lettres. La quarantaine, célibataire et sans enfants, elle nous confie ses émotions, ses pensées, son cheminement intérieur. La toile de fond du roman est une ville italienne, un décor qui enchante la narratrice : les rues, la piscine, le parc, le bar…Bien entourée, elle raconte son quotidien, ses amitiés, ses voisins et cet homme marié qui l’intrigue et dont elle pourrait être amoureuse. « Délicatesse » est le premier mot qui surgit quand la lectrice découvre le style singulier de Jhumpa Lahiri. Tout en donnant du relief à la banalité, l’auteure semble avoir choisi ses mots comme les couleurs d’un tableau. Excellent moment de lecture.
Toutes les familles heureuses. H. Le Tellier
Hervé Le Tellier est l’auteur du surprenant roman : « L’Anomalie », Prix Goncourt 2020. Cependant, cet auteur français a publié d’autres romans dont ce récit très personnel au sujet de sa famille dysfonctionnelle. Avec humour et cynisme, il raconte le désamour de sa mère, ses crises de folie, l’absence de son père, la place du beau-père…Hervé Le Tellier se livre complètement, raconte sa fuite à l’adolescence, son incompréhension face au couple étrange de ses parents. Avec pudeur, l’auteur fait le portrait des membres de cette famille bizarre. Au fil des pages, il s’autorise à écrire à propos de sa place d’enfant unique, évoque ses amours, ses chagrins et ses colères ; son passé dans le 18ème arrondissement de Paris. Bon moment de lecture.
La mère morte. B. De Caunes
Benoîte Groult était une journaliste française, écrivaine et figure du féminisme. Face à l’évolution de la maladie d’Alzheimer, sa fille Blandine décide de prendre la plume pour raconter le dernier chapitre de la vie de sa mère. Par amour, Blandine va organiser la fin de vie de Benoîte Groult. Au début du livre, Blandine raconte le quotidien chaotique de cette mère sénile sur un ton tragi-comique. Au cours de la lecture, la lectrice hésite entre le rire et les larmes. Mais un évènement tragique surgit au milieu du récit : la mort de Violette, la fille de Blandine, dans un accident de voiture. Blandine est foudroyée par ce drame. Au fil des pages, l’auteure raconte comment, grâce à sa propre mère et à sa petite fille, elle a traversé cette épreuve terrible. Pour la lectrice, ce livre poignant est une vraie leçon de vie. Bon moment de lecture.
Le pays des autres. L. Slimani
En s’inspirant de l’histoire de ses grands-parents, Leïla Slimani nous entraîne au Maroc, dans les années cinquante. Mathilde, jeune Alsacienne, tombe sous le charme d’un marocain venu libérer la France à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Amoureuse, la jeune française épouse Amine et lui donne deux enfants. Ensemble, ils s’installent dans une ferme près de Meknès. Le bonheur n’est pourtant pas au rendez-vous. Petit à petit, Amine se révèle autoritaire et les désillusions s’accumulent dans ce pays assoiffé d’indépendance. Comme à son habitude, Leïla Slimani excelle dans sa manière de créer des personnages et dans sa façon de nous conter une histoire. Il se dégage une force, une audace et une certaine simplicité dans son écriture. Pour la lectrice, ce voyage dans le passé, dans cette culture, représente un excellent moment de lecture.
Belle Greene. A. Lapierre
Ce roman historique est la promesse d’un bon moment de lecture sous un parapluie ou sous un parasol. Alexandra Lapierre nous livre, ici, l’histoire d’une femme américaine au destin exceptionnel, amoureuse et experte en livres anciens. Nous sommes à New-York, au début des années 1900. Une jeune femme, prénommée Belle, devient la bibliothécaire du milliardaire J.P. Morgan puis directrice de la Morgan Library. Puissante, cette femme blanche cache un incroyable secret : ses origines afro-américaines. Souvenons-nous de l’implacable règle de « la goutte unique » qui obligeait chaque citoyen à déclarer un ancêtre africain car un seul suffisait à donner naissance à une lignée de gens de couleur sur le sol d’une Amérique raciste. C’est, donc, ce lourd secret que Belle Greene va s’évertuer à protéger tout au long de sa vie. Saluons, ici, l’incroyable travail de recherche effectué par Alexandra Lapierre pour écrire ce formidable roman, un magnifique portrait de femme. Excellent moment de lecture.
La commode aux tiroirs de couleurs. O. Ruiz
Olivia Ruiz est une chanteuse française, une artiste qui publie un premier roman à succès. Cette fiction colorée débute au moment où les Républicains espagnols ont quitté l’Espagne Franquiste (1939). La lectrice suit Rita, la grand-mère de la narratrice, surnommée « l’Abuela ». A sa mort, sa petite-fille hérite d’une mystérieuse commode aux multiples compartiments. En ouvrant chaque tiroir, la narratrice va dénicher des objets ; des secrets de famille. A travers cette jolie fable, Olivia Ruiz nous parle des femmes de sa famille, de désir, d’héritage et d’amour. Cet hommage coloré, agréable à lire, révèle le talent de conteuse d’Olivia Ruiz. Bon moment de lecture.
Héritage. M. Bonnefoy
Miguel Bonnefoy vient de recevoir le Prix des Libraires 2021 pour ce roman qui ressemble à un conte : au 19ème siècle, la famille Lonsonier abandonne le Jura, et ses vignes infestées par le phylloxéra, pour tenter sa chance au Chili. Muni d’un seul cep de vigne, le patriarche retente sa chance sur les terres andines. Cette histoire d’exil et de transmission, qui se déploie sur quatre générations, est faite de rencontres et de rebondissements, d’abord à cause des guerres puis de la dictature chilienne. Les pages qui décrivent les tortures, les blessures, sont d’un réalisme stupéfiant. Avec talent, Miguel Bonnefoy raconte cette saga familiale dont les personnages marquent la lecture. Cependant, la lectrice n’a pas été captivée par cette fiction empreinte de cruauté, d’imaginaire et de fantastique. Le seul fragment lumineux de cette fiction repose sur le personnage de Thérèse, une ornithologue dans l’âme qui compose une volière à la fois exotique et poétique. Sa fille Margot rêvera, elle aussi, de pouvoir voler…
Lettres à un jeune auteur. C. McCann
Si vous avez envie d’écrire, les conseils de Colum McCann peuvent vous stimuler. L’auteur irlandais, qui enseigne l’écriture créative à New-York, n’hésite pas à bousculer l’écrivain en herbe : « Lis à haute voix, mets-toi en jeu, échoue. » Avant tout, pour Colum McCann, il n’y a pas de règles. Toutefois, la première phrase d’un récit (incipit) doit frapper à la poitrine, impulser un élan pour permettre d’installer l’histoire. D’après lui, l’astuce consiste à être ouvert au monde pour guetter l’inspiration car c’est l’imagination qui fait naître une réalité et des personnages. Notre société est un gisement à exploiter, il faut donc disposer d’un carnet pour noter des idées, des mots, des expressions ; matériau précieux. Qui, quoi, où, quand, comment et pourquoi ? Ce sont ces questions qui doivent permettre, au futur auteur, d’écrire une histoire structurée, rythmée et profonde qui plaira aux lecteurs. Enfin, la dernière phrase (excipit) révèlera le talent de l’écrivain tout en stimulant l’imagination du lecteur. Ce petit ouvrage, truffé d’humour et de bons conseils, peut réellement servir de guide. Bon moment de lecture.
Journal d’un écrivain. V. Woolf
Figure marquante de la littérature anglaise, Virginia Woolf a publié des romans célèbres comme « Les vagues », « Orlando » ou « La promenade au phare ». Grâce à son mari, nous pouvons nous plonger dans son journal intime, des extraits rédigés entre 1915 et 1941, quelques jours avant son suicide. Virginia Woolf y fait état de son rapport à l’écriture, de sa crainte de la mort, de la dépression qui s’installe durablement, du corps qui vieillit, de ses amitiés…Elle écrit dans son journal par amour pour la vérité, elle s’y dévoile, décrit ses voyages, ses états d’âme, ses joies, ses inquiétudes. Au fil des pages, la lectrice devine l’écrivaine penchée au-dessus de sa machine à écrire, récitant à voix haute des fragments de ses ouvrages, tentant de garder le rythme…Bon moment de lecture.
ARIA. N. Hozar
Ce roman dense nous emmène en Iran, du côté de Téhéran. A travers le destin singulier d’une enfant, Nazanine Hozar décrit trois décennies de l’histoire de son pays (1953-1980). Par une nuit d’hiver, Behrouz, un chauffeur de l’armée, trouve une petite fille abandonnée, la recueille et la prénomme Aria. Mais la femme de Behrouz, Zahra, ne supporte pas cette petite fille aux yeux bleus et la maltraite. Finalement, au cours de sa vie, Aria va connaître trois figures maternelles. Après les mauvais traitements de Zahra, c’est une riche veuve qui va l’adopter et l’éduquer ; lui offrir un avenir. Enfin, une mystérieuse femme, Mehri, lui donnera les clés de sa vérité. Ce roman intense est une saga passionnante, portée par une femme dans un pays en désuétude. Au fil des pages, la lectrice découvre le mécanisme de la société iranienne, les différents quartiers de Téhéran et les spécificités de la culture persane…jusqu’à ce que la Révolution éclate. Bon moment de lecture.
Walden ou la vie dans les bois. H. D. Thoreau
Au 19ème siècle, dans le Massachusetts, Henry David Thoreau vit selon le principe de la simplicité volontaire. En 1845, il décide de changer de vie et construit sa cabane dans les bois, de ses propres mains. Pendant deux ans, au bord de l’étang Walden et en dehors de la civilisation, l’écrivain solitaire mène une réflexion sur le sens de la vie, notre rapport à la propriété, à la nature et au corps. Mais pourquoi ce choix ? Cette expérience de vie singulière permet à Thoreau de prendre du recul par rapport à la collectivité et de vivre dans la nature sauvage. Ce contact avec la faune et la flore lui permet d’exister intensément, de nous offrir ce magnifique texte et de se retrouver avec lui-même. A travers cette réflexion, Thoreau nous invite à nous réveiller en gardant un lien avec la nature et une attention aux petites choses ordinaires. Bible de l’écologie, mêlant à la fois observations et connaissances à travers de longues descriptions, la quête de Thoreau est devenue, aujourd’hui, un monument de l’histoire littéraire américaine. Bon moment de lecture.
Ce genre de petites choses. C. Keegan
Dans ce court récit, Claire Keegan revient sur le scandale irlandais des « blanchisseries de la Madeleine ». L’auteure trace le portrait d’un homme ordinaire qui va porter secours à des mères célibataires, exploitées par des religieuses. En cet hiver 1985, Bill Furlong part livrer du bois et du charbon au couvent du « Bon Pasteur ». En poussant une porte, l’artisan découvre une jeune femme grelottante qui a, visiblement, passé la nuit dans la réserve à charbon. Courageux, Bill va s’opposer aux usages en cherchant à connaître l’identité de ces misérables blanchisseuses au service du couvent. En revenant sur ces faits particulièrement douloureux, Claire Keegan nous parle d’émotions enfouies et de compassion. Bon moment de lecture.
Je voudrais partir avec un mot de vous. T. Réno
Cette première publication me semble prometteuse car en racontant une histoire banale, Thierry Réno arrive à nous chambouler. Voici le pitch : dans un centre hippique, Thierry fait la connaissance d’une cavalière, Maud Vitrac, avec laquelle il part en promenade de reconnaissance. Au cours de cette balade, un orage éclate, les chevaux s’emballent et la foudre tombe à leurs pieds…Thierry Réno explore ses cinq sens pour nous livrer le récit d’une rencontre sensuelle. En bonus, et pour les lecteurs les plus coquins, trois nouvelles érotiques. Bon moment de lecture.
Une maison de poupée. Ibsen
Œuvre d’Henrik Ibsen, écrivain norvégien du 19ème siècle, cette pièce se joue en trois actes. A l’époque, la pièce a fait couler pas mal d’encre car elle bousculait les conventions sociales. Avant-gardiste, Ibsen y parle de la position de la femme à travers le personnage principal de Nora. Epouse et mère de famille, Nora semble parfaitement heureuse. Helmer est un mari aimant, absorbé par sa position de banquier et par les questions d’argent. Suite à une cure thérapeutique, financée par sa femme, Helmer se porte mieux. Mais c’est la question du financement de cette cure qui va pousser Nora au mensonge. Bien rythmée et pleine de suspense, la pièce ne lasse jamais la lectrice car, de rebondissement en rebondissement, Nora va prendre conscience de son statut de femme-objet dans sa propre maison. Aujourd’hui, cette pièce est devenue un classique, inscrite au registre de « mémoire du monde » par l’UNESCO. Bon moment de lecture.
Grace. P. Lynch
Paul Lynch est un écrivain irlandais singulier. Dans ce roman, il déploie tout son talent pour nous offrir un personnage féminin rare et touchant. Nous sommes en Irlande, en 1845, au temps de la grande famine qui laissera dans son sillon plus d’un million de morts. Pour fuir cette misère, Grace, 14 ans, quitte son village et se retrouve sur les routes en compagnie de son petit frère Colly. Déguisée en garçon et pleine de courage, Grace affronte le froid, la vermine, la faim mais aussi la peur. Sur leur chemin, ils vont croiser des hommes mais aussi la mort et quelques fantômes. Paul Lynch nous plonge littéralement dans une époque miséreuse où tous les coups sont permis. Véritable roman d’apprentissage, Paul Lynch excelle dans sa façon de nous faire ressentir, au plus profond de nous, cette époque noire où passe un rayon de lumière. Bon moment de lecture.
L’un L’autre. P. Stamm
Peter Stamm est un auteur Suisse-Allemand qui a déjà remporté plusieurs prix littéraires. Dans ce nouveau roman, c’est sa façon de décrire un cheminement, sur un ton particulier, qui séduit la lectrice. Astrid, Thomas, et leurs deux jeunes enfants, vivent dans une bourgade suisse. Tout semble bien se passer pour la petite famille qui rentre de vacances au soleil. Au crépuscule, le couple prend paisiblement l’apéritif. Astrid s’absente quelques minutes à l’intérieur de la maison. Dehors, Thomas disparaît dans le paysage vallonné. Commence, alors, un chemin d’errance pour ce père de famille. Paumé, Thomas improvise, se réfugie dans un camping désert, passe la nuit dans une cabane, croise des chasseurs, des bergers… Avec talent, Peter Stamm nous plonge au cœur d’une nature montagnarde faite de chemins de randonnées où apparaissent des lacs, des cols, des valons et quelques villages accrochés aux pentes escarpées. La lectrice observe la nouvelle vie de Thomas mais aussi celle d’Astrid qui se retrouve démunie face à l’absence. Retranchée dans son déni, la mère de famille ne perd pourtant jamais espoir. Il est question, dans ce roman à suspense, du couple, de la solitude, de la disparition et du lien qui unit les êtres. Excellent moment de lecture.
Le Consentement. V. Springora
Le premier livre de Vanessa Springora vient de paraître en poche après un succès retentissant. Ce récit bouleversant retrace les mécanismes d’une relation sous emprise qui a débuté trente ans auparavant. Vanessa a quatorze ans lorsqu’elle tombe amoureuse d’un célèbre écrivain français quinquagénaire, pédophile et éphébophile ; Gabriel Matzneff. En 1985, Vanessa grandit sans père, aux côtés d’une mère qui évolue dans un microcosme littéraire parisien. La jeune fille est précoce, à la fois mature et naïve. Séduite par l’écrivain, elle se lance à corps perdu dans une relation qu’elle suppose sublime. Ni ses parents divorcés, ni les plaintes anonymes déposées à la police n’arriveront à la protéger de ce prédateur qui a laissé une empreinte indélébile dans sa vie de femme. Sans jamais le nommer, elle décrit ce séducteur, manipulateur et menteur qui n’avait aucun scrupule à coucher sur le papier ses relations pédophiles (« Les moins de seize ans » …). Au moment où leur relation se dégrade, Vanessa le quitte, déprime, rate de justesse ses études. L’emprise physique devient psychologique lorsque Matzneff la harcèle, la poursuit, lui écrit des lettres d’amour…Ce livre d’introspection permet de lever le voile sur le tabou d’une société permissive, à une époque de déni, et de nous interpeller à propos de l’âge du consentement. Excellent moment de lecture. Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2020. Prix Jean-Jacques Rousseau 2020.
L’inconnu de la poste. F. Aubenas
Les faits-divers passionnent le public depuis longtemps. Après quelques films, séries et romans reprenant des affaires célèbres, Florence Aubenas a choisi de s’emparer du mystère de « L’inconnu de la poste ». Le 19 décembre 2008, la postière de Montréal-la-Cluse, Catherine Burgod, ouvre son agence. A 8h37, Catherine se prépare un café et envoie un sms à une amie. A 9h05, deux clients entrent dans la poste et la découvrent assassinée, poignardée, baignant dans une marre de sang. Que s’est-il passé ? Consciencieusement, Florence Aubenas retrace l’enquête en n’omettant aucun détail. L’ex-mari de la postière est soupçonné ainsi qu’un acteur marginal du cinéma français, Gérald Thomassin, qui devient le suspect numéro un. Meilleur espoir masculin pour son rôle dans le film de Jacques Doillon « Le petit criminel », l’acteur venait d’emménager juste en face du bureau de poste et passait ses journées à boire et se droguer. Dix ans après les faits, le nom d’un nouveau suspect apparaît soudainement dans le dossier. La veille du procès d’assises, Florence Aubenas a rendez-vous avec Gérald Thomassin mais celui-ci disparaît mystérieusement. Florence Aubenas nous offre le portrait d’une France rurale, une vallée d’usines de plastique peuplée de désœuvrés. Grâce à son style littéraire, la journaliste nous embarque totalement et maintient le suspense. Au fil des pages, la lectrice retrouve tous les ingrédients d’un bon polar : un crime, un décor, des personnages et de multiples rebondissements. Excellent moment de lecture.
Betty. T. McDaniel
Ce roman américain est un ovni qui célèbre le pouvoir de l’imaginaire. Dans un style fabuleusement singulier, Tiffany McDaniel raconte la vie de Betty Carpenter, surnommée « la petite indienne ». En marge de la société, la famille Carpenter s’installe avec ses huit enfants dans une maison maudite de l’Ohio, au milieu des années 50/60. Grâce à son père, guérisseur cherokee, Betty va vivre une enfance poétique, bercée par les mots, les légendes et croyances paternelles. C’est bien le personnage du père qui est central dans cette fiction car l’auteure nous le présente comme un être attachant, aimant et pur. C’est lui qui va enchanter l’existence de ses enfants en vivant au plus près de la nature, en jonglant avec les mots et quelques tours de magie. Petite métisse, Betty grandit dans la pauvreté et découvre la cruauté, le racisme et la violence du monde extérieur mais aussi de terribles secrets de famille. Et c’est à travers l’écriture que Betty va se confier, se libérer de ses secrets en parlant de la souffrance des femmes et plus spécifiquement de celle de sa mère. Par son regard, Tiffany McDaniel nous parle des démons qui hantent l’Amérique rurale. Cette fresque familiale pourrait bien être un classique mais son prix le rend inaccessible à de nombreux lecteurs (26 euros). Roman coup de cœur. Prix du roman Fnac 2020.
La vie ne danse qu’un instant. T. Révay
Theresa Révay est une auteure française talentueuse. Même si j’ai préféré son roman « La nuit du premier jour », il faut avouer que cette écrivaine possède le don de nous emporter. Alice Clifford est le personnage principal de cette fresque historique dense. Correspondante du « New York Herald Tribune » , elle assiste à la conquête de l’Abyssinie par Mussolini, en 1936. Au cours de la fiction, la vie amoureuse et la vie professionnelle de cette femme attachante vont s’entremêler. La lectrice aime particulièrement suivre Alice au fil de ses sentiments. Libre, intrépide et rebelle, la jeune journaliste succombe au charme d’un prince italien puis d’un journaliste allemand. Passionnée et courageuse, elle va suivre la montée des régimes totalitaires sur le terrain, en Ethiopie, Egypte, Italie, Espagne, Allemagne…jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Comme à son habitude, Theresa Révay s’appuie sur la grande histoire pour documenter son roman. Finalement, la partie historique prend le pas sur la dimension passionnelle. Véritable hommage aux reporters de guerre, Theresa Révay confirme, une nouvelle fois, son talent de romancière historique. Bon moment de lecture. Prix Simone Veil, 2017.
Et la guerre est finie…S. T. Meyer
Ce joli coffret coloré contient une trilogie de nouvelles émouvantes, rédigées par Shmuel T. Meyer. « Les Grands Express Européens » est un recueil de douze nouvelles. La lectrice y suit les destins croisés des passagers d’un train de luxe, en janvier 1954. A cette occasion, le passé d’une Europe, en pleine reconstruction, y est revisité. Pour la lectrice, ces nouvelles sont à la fois bouleversantes, poétiques et tragiques. « Kibboutz » est le deuxième recueil rassemblant quinze nouvelles qui se déroulent au sein d’un village collectiviste, une expérience humaine tendre et cruelle au milieu des orangers et des cerisiers. Emue, la lectrice découvre la vie de ses habitants : un gamin, un camarade, un rescapé des camps, un écrivain… Enfin,« The Great American Disaster » évoque, en treize nouvelles, la vie à New-York, de la guerre de Corée à la construction du World Trade Center. Le lieutenant Saul Gantz nous sert de guide au fil de ces histoires sombres et érotiques. La tragédie des juifs mêlée à celle des afro-américains résonne curieusement sur un fond sonore jazzy. Pour écrire ses ouvrages, Shmuel T. Meyer a trempé sa plume dans une certaine mélancolie afin d’exprimer son amertume et son chagrin face aux crimes de l’histoire. Une trilogie vibrante d’humanité. Bon moment de lecture. Prix Goncourt de la nouvelle 2021.
Miss Julia Flisch. C. W. Flisch
Dans cette biographie, Christian W. Flisch s’est employé à réunir de nombreux documents et illustrations à propos de son aïeule : Julia Flisch. Née dans une famille d’émigrés suisses, en 1861 aux Etats-Unis, Julia grandit en Géorgie. Durant ses études, elle se distingue des autres élèves par son intelligence, son regard critique et sa personnalité. A l’âge de vingt-et-un ans, elle signe une lettre ouverte, dans un journal local, où elle appelle les autorités de Géorgie à émanciper les femmes en leur donnant accès aux études supérieures et au monde du travail. Au fil du temps, cette pionnière va gagner sa renommée de journaliste mais aussi d’écrivaine lors de la publication de son premier roman aux accents victoriens. La militante rédige également des nouvelles qui paraissent dans les périodiques de tout le pays. Parallèlement à une activité d’enseignante, Julia voyagera à travers l’Europe tout en publiant des articles en lien avec l’actualité. Afin de soutenir la cause des femmes, elle donnera de nombreuses conférences dans des organisations et cercles de lecture. Christian W. Flisch rend, ici, un vibrant hommage à cette pionnière du féminisme injustement tombée dans l’oubli et dont l’œuvre fournit un éclairage précieux sur l’histoire des Etats du Sud. A la fin du livre, la lectrice découvre une jolie nouvelle et un article de presse rédigés par cette femme d’exception, décédée en 1941. Bon moment de lecture.
Le Licencié de verre. Cervantès
L’œuvre de Cervantès se résume souvent à « Don Quichotte ». Les variations autour du « Licencié de verre » nous font découvrir une des « Nouvelles exemplaires » de l’illustre auteur espagnol. En première partie de l’ouvrage, Jean-Michel Wissmer (essayiste, romancier, dramaturge et hispaniste) propose une analyse afin de nous éclairer sur les enjeux du texte par rapport au Siècle d’or espagnol, la vie et l’œuvre de Cervantès. Au centre du livre, « Le Licencié de verre » se définit comme un voyage passionnant à travers l’Empire espagnol qui s’étend du côté de l’Espagne, de l’Italie, des Flandres et du monde arabe. Le personnage principal, Thomas, est un héros malheureux, empoisonné par un philtre d’amour qui lui donne la folle sensation d’être un homme de verre. Sur son chemin, il va répondre aux questions de nombreux personnages sous forme de paradoxes, paraboles et quelques aphorismes. A la fin de l’ouvrage, Jean-Michel Wissmer propose une pièce de théâtre aux accents carnavalesques qui apporte une touche contemporaine à cette nouvelle inédite. Finalement, ce triptyque érudit nous parle avec lucidité de notre humanité. Bon moment de lecture. Editions Métropolis. Sortie le 11 mars 2021.
La théorie du parapluie. R. Vendôme
Ralph Vendôme est né à Beyrouth et vit à Bruxelles. Dans son recueil de nouvelles, il évoque, principalement, le monde de l’enfance ; années d’insouciance et de découverte de la vie. Pour la lectrice, les nouvelles les plus captivantes sont celles qui se déroulent dans l’appartement familial où règne une atmosphère orientale. Certaines histoires évoquent l’excellent roman « L’immeuble Yacoubian ». Dans cet immeuble égyptien, comme dans celui du narrateur, des voisins de tous âges, se croisent entre les étages : les voisines qui ricanent, la grand-mère qui cuisine des kebbés, madame Martin, la famille Rossi…C’est le style poétique de Ralph Vendôme qui charme au fil des pages de ce recueil.
Ceci est notre post-partum. I. Weizman
Vous êtes maman ? Comment s’est passé votre accouchement ? En février 2020, Illana Weizman a lancé #MonPostPartum avec trois militantes féministes pour, enfin, dénoncer les souffrances psychiques et physiques des jeunes mères. Aujourd’hui, elle publie cet essai, rédigé en écriture inclusive, afin de défaire les mythes et les tabous de notre société, aider les femmes à mieux vivre la période du post-partum. J’ai, moi même, connu une dépression sévère à la naissance de mon fils et ce sujet me tient tellement à cœur que j’espère bientôt publier un témoignage. Soulignons que 20% des mères souffrent d’une dépression après l’accouchement et que la majorité de ces femmes sont complètement démunies face à la souffrance. Le problème réside notamment dans le manque d’informations et de préparation des futures mères mais aussi d’un suivi médical insuffisant, en France. Illana Weizman a totalement raison de vouloir lever un tabou. Espérons qu’elle soit entendue malgré le ton ultra féministe de son essai qui finalement peut desservir cette cause. Ecrire que nous sommes, nous les mères, « de petites soldates de la domination masculine » est, selon moi, trop radical. Au fil des pages, Illana Weizman ne cesse de rendre des comptes aux femmes qui ne sont pas de son avis et justifie leurs propos par le fait qu’elles sont assujetties, victimes de la force manipulatrice masculine. N’est-ce pas réducteur pour toutes les femmes ? Ne faut-il pas s’entraider au lieu de s’entre-dévorer ? Ce qu’il faut retenir de cet essai c’est l’appel à ne plus se taire, à appeler à l’aide si vous souffrez après la naissance de votre enfant. Malheureusement, ce ne sont pas seulement les hommes qu’il faut blâmer mais tous les acteurs et maillons de notre société individualiste : votre mari, vos parents, vos amis, vos sœurs, vos médecins, votre employeur, nos institutions….Heureusement, Illana Weizman termine son essai en nous proposant des pistes politiques qui permettraient de soutenir les mères au cours de cette période si sensible du post-partum. Ensemble, donnons-nous la main pour lever, enfin, le voile sur la part sombre de la maternité.
Fille. C. Laurens
Le dernier roman de Camille Laurens interpelle. La narratrice se nomme Laurence Barraqué et nous la suivons dès sa naissance, à Rouen, en 1959. Au fil des pages, l’auteure soulève les différentes définitions et expressions liées au mot « fille » dans la langue française. Sous sa plume, les mots témoignent d’une dévalorisation du féminin par rapport au masculin au cours de l’histoire. C’est l’évolution du regard porté sur les femmes (de la fin des années cinquante à nos jours) qui questionne dans ce roman rythmé où toutes sortes d’idées foisonnent. La lectrice suit la vie de Laurence aux différentes étapes de sa vie : l’enfance exposée à la pédophilie, la jeunesse avec les garçons, l’accouchement dramatique de son premier enfant et finalement la naissance de sa fille. Camille Laurens explore plusieurs thèmes (pédophilie, deuil périnatal, homosexualité…) en prenant des directions différentes ce qui amène une certaine confusion. Pourtant, grâce à ce roman, la lectrice s’accroche, s’identifie et s’interroge à propos de sa condition de femme. Bon moment de lecture.
Le parfum des fleurs la nuit. L. Slimani
Ce joli petit ouvrage est une commande de la collection « Ma nuit au Musée » (Stock). Leïla Slimani a accepté de s’enfermer dans le musée vénitien de la Pointe de la Douane. De prime abord, cette expérience semble futile mais, après lecture, il faut avouer que ce livre d’escapade est une pépite. Si vous aimez écrire, je vous conseille vivement cette lecture car Leïla Slimani offre des conseils précieux : cultiver ses chagrins, rouvrir les cicatrices, créer une autre réalité, jouer avec le silence… Dans ce musée italien, les œuvres d’art stimulent l’imaginaire de l’auteure mais elles ne sont pas centrales dans son texte. Finalement, c’est le thème de l’enfermement et le rapport au corps qui s’imposent. Cette nuit au musée ressemble étrangement à l’enfance casanière de l’auteure, au Maroc : « J’ai été élevée comme un animal d’intérieur. » Et si Leïla Slimani ne veut pas s’étendre sur sa relation avec son père, elle raconte la souffrance liée à son incarcération. La question des origines et de l’identité surgissent également sous la plume de cette expatriée en France. La lectrice se sent proche de Leïla Slimani, de son passé, de ses envies et de ses désirs. A noter que le passage à propos de Marilyn Monroe est tout simplement magnifique : cette actrice qui a été l’otage de sa beauté, enfermée dans son corps. Le galant de nuit, une plante exotique, a inspiré le titre de ce livre ; un regard passionnant. Lecture coup de cœur.
Si tu me balances. Roslund & Thunberg
Composé à quatre mains, ce thriller singulier est la suite, indépendante, de « Made in Sweden », un polar basé sur l’histoire vraie d’une famille perpétrant une série de braquages. « Si tu me balances » débute par une scène émouvante : Léo, quatorze ans, nettoyant le sang de sa mère, battue par son père. La mère se retrouve à l’hôpital et le père en prison. Afin d’éviter la case « famille d’accueil » , Léo décide de s’occuper lui-même de ses deux petits frères. Pour y parvenir, il échafaude un premier braquage. Quelques années plus tard, le jeune délinquant élabore un plan obscur pour commettre le braquage parfait mais un détective, John Broncks, vient torpiller son projet. Pourtant, Léo a une dernière carte à abattre pour tenir Broncks en échec…Ce thriller, bien ficelé, tient la lectrice en haleine jusqu’à la dernière page. Roslund et Thunberg ont construit un roman à suspense rythmé, appliqué, où s’entremêlent des forces fraternelles. Dans ce long polar suédois, à la fois rigoureux et implacable, tout s’enchaîne parfaitement et pourtant un élément fait défaut : un soupçon d’amour. Bon moment de lecture.