Un roman captivant, bien construit, qui nous entraîne dans les grands espaces de l’Amérique, en 1963. Marc Dugain retrace le cheminement d’Ed Kemper alias Al Kenner, un personnage réel et tueur en série particulièrement énigmatique. Si ce tueur est totalement dénué d’empathie, l’auteur, de son côté, nous le présente sous un angle qui ne condamne jamais. Au contraire, tout au long du roman, Marc Dugain s’emploie à comprendre cet homme, pourtant intelligent, qui n’arrive pas à s’approprier sa vie et qui s’interroge sans cesse. Le tueur va parcourir les Etats-Unis, perdu dans ce vaste territoire comme dans sa propre vie. Un homme différent, géant et obèse, qui cherche sa place en vain; à cran comme son 9mm. Le style de l’auteur est cynique, métaphorique: « j’étais comme une vaste maison hantée dans laquelle il ne reste qu’un meuble et il me proposait de m’aider à le déplacer dehors pour le brûler. »; son humour noir est particulièrement décapant. Au moment de son incarcération, le tueur et narrateur, découvre la littérature: « la lecture est la plus belle expérience humaine. » Beaucoup de personnages évoluent aux côtés d’Al Kenner, la plupart étonnement naïfs et sympathiques. Le rôle de la mère est crucial dans cette histoire stupéfiante. Les thèmes traités par l’auteur sont: la défaillance parentale, le divorce, l’abandon, le lien filial, la maladie mentale, l’alcoolisme, l’angoisse existentielle, la culpabilité, la confiance, le temps qui passe… Ce roman est aussi l’autopsie de la société américaine, malade et sans avenir, celle des hippies et de la guerre du Vietnam. Le travail qu’Al Kenner mène avec son premier psychiatre est particulièrement précis et nous aide à appréhender la schizophrénie paranoïde. L’auteur nous réserve une fin de roman foudroyante qui désarçonne. Moment de lecture géant. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Je partage ton avis, un très bon moment de lecture. Le meilleur pour ma part depuis le début de la sélection des lectrices de Ellle