Jeffrey Eugenides est un auteur culte (Middlesex, Virgin Suicides). Il explore, avec brio, ce moment de la jeunesse où les décisions peuvent avoir un impact à long terme dans nos vies. Il est question, ici, d’un triangle amoureux représenté par trois étudiants de Brown University tiraillés entre la réalité et les théories intellectuelles de la Fac comme « fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes. Madeleine aime Léonard, maniaco-dépressif en proie à l’auto-destruction, qui semble aimer sincèrement Madeleine. L’auteur analyse presque médicalement les aspects de sa maladie mentale et les remèdes préconisés dans les années 80. Mitchell aime Madeleine en secret. Face à sa frustration, il part pour un tour du monde ce qui nous donne des passages réjouissants, spirituels et exotiques. Particulièrement bien structuré, le roman fait l’analyse méticuleuse des émotions, sentiments et comportements des personnages avec humour et une bonne dose de sexe. Le thème du choix est d’importance dans cette intrigue dont la toile de fond est l’Amérique libre de Reagan. Le personnage de Madeleine nous touche par son obstination, et sa naïveté, à vouloir épouser Léonard. Malgré la liberté, l’auteur pose des entraves au bonheur puis donne la possibilité à chacun de se réinventer. « Talking Heads » en bande son, ce livre est aussi le portrait d’une génération aux Etats-Unis. Moment de lecture intellectuel. Grand Prix de l’Héroïne 2013, Madame Figaro.
Archives de l’auteur : Sophie Marie Dumont
Le coeur cousu. C. Martinez
Attirée par « les acidulés de l’été » de la collection Folio (jolies pochettes en plastique), je me suis retrouvée face à ce roman qui date de 2007. Après l’épreuve des premières pages, j’ai découvert une oeuvre poétique puissante; incroyablement féminine et harmonieuse. Carole Martinez est indéniablement une conteuse qui sublime l’écriture en effilochant les mots. Frasquita en est le personnage principal et, à travers elle, nous suivons toute la famille Carasco. Cette jeune andalouse, condamnée à l’errance, est issue d’une lignée de femmes qui se transmettent une mystérieuse boîte à couture. L’auteure raconte magnifiquement bien les étoffes, broderies, le bonheur, la cruauté, la mort, les enfants et le monde rural du 19ème siècle en Espagne. Véritable dentellière, Carole Martinez rafistole le monde dans cet hymne à la vie éminemment solaire. Son écriture lumineuse révèle une profondeur remarquable qui donne une atmosphère singulière à ce roman. Les chapitres consacrés à la maladie de José et les combats de coqs regorgent d’une imagination rare propre à l’auteure et à son style. Ma préférence va à la première partie du livre, moins sanglante que la deuxième. A la limite d’un monde onirique, ce conte est un bonheur fait de légendes, de croyances et de mystères, qui nous transporte au loin. Belle surprise! Prix Renaudot des Lycéens 2007. Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs 2007. Prix Ulysse de la première oeuvre 2007.
L’île des oubliés. V. Hislop
Un livre de poche à glisser dans vos valises. Victoria Hislop nous raconte une saga familiale qui se déroule en Grèce de 1903 à 1957. La lectrice est vite conquise par cette intrigue romanesque très divertissante au style fluide. Livre contre l’exclusion, c’est d’abord un hymne à la Grèce et à la Crète où chaque détail du quotidien nous renseigne sur les moeurs d’une autre époque. « L’île des oubliés », située face à l’île de Plaka, cache un incroyable secret à l’ombre des ruines d’une forteresse vénitienne. En ce qui concerne les personnages, il y a d’abord Alexis, une jeune anglaise d’origine grecque,qui se trouve en plein questionnement intérieur. Elle décide de se rendre en Grèce afin de comprendre pourquoi sa mère, Sophia, a brusquement rompu avec ses racines grecques. Alexis découvre sur place, grâce à une femme nommée Fotini, la destinée tragique de ses aïeules. L’auteure nous raconte, dans cet épais roman, la vie de la famille Petrakis liée à la famille Vandoulakis pour le meilleur et pour le pire. Rebondissements et coups de théâtre garantis. Prix des Lecteurs 2013.
Le Planétarium. N. Sarraute
Grâce à l’émission actuelle « une maison, un écrivain » proposée par Patrick Poivre d’Arvor sur France 5, j’ai lu ce roman si particulier. Nathalie Sarraute (1900-1999) est la figure du mouvement du « nouveau roman » qui se caractérise par des monologues intérieurs, juste avant l’action des personnages. Alain Guimier est le personnage principal autour duquel gravitent d’autres personnages comme Gisèle, la tante Berthe ou Germaine Lemaire. Alain Guimier et sa femme Gisèle sont en conflit avec la tante Berthe à propos d’un appartement. La particularité de Nathalie Sarraute est de réécrire une même scène du point de vue des différents personnages afin de comprendre leur motivation respective au-delà des apparences. Elle propose ainsi à la lectrice une certaine ouverture d’esprit. Beaucoup de thèmes touchant à la famille y sont abordés avec finesse et intelligence. Moment de lecture passionnant.
La solitude des soirs d’été. A. Jeanneret
Après la lecture du cinquième roman d’Anaïs Jeanneret, je dois avouer à quel point mes sentiments sont mitigés. La rencontre d’Alda et de Louis, les personnages principaux si différents l’un de l’autre, intrigue et dérange. Louis, le narrateur, est un jeune homme en quête de lui même. Alda le pousse à l’écriture en l’invitant à séjourner quelques jours, avec sa petite amie Lucy, dans la bastide familiale. Pendant ce séjour, qui s’éternise, Louis observe Alda, à la fois captivé et intrigué par cette femme plus âgée que lui. Alda et Lucy sont deux personnages féminins qui font face, comme elles peuvent, à une blessure d’enfance. Ce roman traite du silence, du secret, de la solitude et du temps qui passe. Le thème de l’inspiration littéraire apparaît sous la plume de Louis et la publication de ses premières ébauches, pas toujours captivantes. L’univers de l’auteure est résolument bourgeois, élégant, posé et la lecture est franchement agréable même si d’inévitables clichés et longueurs ponctuent le roman. La Provence, en toile de fond, ajoute de manière indéniable, une note lumineuse. A lire, au bord d’une piscine, du côté de St Rémy de Provence.
Les poissons ne ferment pas les yeux. E. De Luca
Un roman trouvé dans une boîte à trésor d’enfant. Erri De Luca, auteur italien, nous parle, ici, de la mutation de l’enfance vers l’adolescence. Notre narrateur a dix ans et, loin des désirs corporels, il commence à conjuguer le verbe « aimer ». Très poétique, ce petit livre nous emmène sur les plages du sud de l’Italie au moment des vacances estivales. Erri De Luca plante un décor sommaire fait de plaisirs marins et de pêcheurs. La rencontre du narrateur avec une fillette le propulse, alors, vers une plus grande maturité lui permettant de contempler le monde sans fermer les yeux. Face à la jalousie de trois garçons, il découvrira la cruauté et l’injustice. Loin de son père mais proche de sa mère, le narrateur va se responsabiliser face aux choix familiaux. La place des livres et de la littérature a, tout au long du roman, une importance: « les livres sont la plus forte contradiction des barreaux. Ils ouvrent le plafond de la cellule du prisonnier allongé sur son lit. » La capacité de l’auteur à se glisser dans la peau de ce garçon de dix ans et de décrire sa prise de conscience est tout à fait étonnante. Il dépeint, finement, les doutes, les peurs et les plaisirs de l’enfant lors de ce passage fondateur. Un joli roman, plein de soleil, qui résonne en chacun de nous.
Le dernier Léonard De Vinci. F.McLaren
Voici un document qui a nécessité sept années de travail. A la mort de son père, Fiona McLaren s’intéresse à un tableau familial mystérieux pour émettre une hyptothèse qui bouleverse toute la chrétienté. Consciente de la fragilité de sa théorie, l’auteure interpelle souvent la lectrice pour tenter d’expliquer le bien fondé de sa démarche. Croyante, Fiona McLaren sait parfaitement à quel point ce document questionne. La lectrice oscille d’ailleurs entre interrogations et l’envie d’en savoir plus. Fiona McLaren commence par analyser consciencieusement le tableau, ses personnages et le contexte historique. Elle retrace, ensuite, à travers le temps, l’histoire des culdées, des cathares, des mérovingiens ainsi que les codes propres au francs-maçons (la rose, la coquille, le lys…) du chemin de Compostelle à Marseille. La lectrice se sent souvent perdue devant tant de matière heureusement illustrée par quelques photos. La partie consacrée à Louis XIV est la plus intéressante. Un document, sous forme d’enquête, qui ne laisse pas indifférent.
Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013
Pour la seconde fois, me voici lectrice d’un de mes magazines préférés: « Elle » France. Depuis le mois d’août 2012, j’ai lu près de trente livres dans trois catégories: roman, policier et document. Comme vous le savez, je suis jurée littéraire car la lecture fait partie de mes passions. En quoi cela consiste? Après l’envoi d’une lettre de motivation, j’ai reçu trois livres par mois pour lesquels j’ai écrit trois commentaires et attribué des notes à la rédaction du « Elle » . Les 120 lectrices sont désignées par groupes afin d’affiner la sélection. Une fois dans l’année, les lectrices de mon groupe ont reçu six livres dont trois ont finallement été retenus. Idem dans chaque groupe. Ce travail de lectrice est exigeant et demande du temps. Cependant, grâce au « Elle » , je découvre beaucoup de nouveaux auteurs et parfois quelques pépites qui me permettent d’alimenter mon blog régulièrement. Hier soir, la proclamation du 44ème Grand Prix des Lectrices s’est déroulée dans les Salons France-Amériques, avenue Franklin-Roosevelt, Paris-8ème. Les lauréats sont:
Meilleur Roman: Robert Goolrick pour « Arrive un vagabond » (Anne Carrière)
Meilleur Document: Rithy Panh et Christophe Bataille pour « L’élimination » (Grasset).
Meilleur Policier: Gillian Flynn pour « Les apparences » (Sonatine).
Voici le déroulement de cette soirée littéraire:
17h10: rencontre entre les lectrices et les lauréats. Je reste près d’une heure en compagnie de Robert Goolrick, un grand monsieur qui est venu spécialement des Etats-Unis pour reçevoir son prix. Il raconte: suite à un licenciement brutal, à la cinquantaine, il se plonge dans l’écriture de son livre « Une femme simple et honnête » puis de « Féroces » un texte autobiographique bouleversant. En ce qui concerne « Arrive un vagabond » , il faut savoir que l’histoire est vraie mais elle s’est déroulée en Grèce il y a quarante ans. Les thèmes de la religion et de l’enfance abusée sont, ici, primordiaux. J’en profite pour poser quelques questions et le félicite à propos de son style que je trouve très poétique. Sourire et remerciement. Une lectrice se propose de nous prendre en photo, je bondis sur l’occasion. Robert Goolrick fait définitivement partie de ma sélection. Ensuite, je reste quelques instants à la table de Christophe Bataille qui parle au nom de Rithy Panh, resté au Cambodge. Ce prix, du meilleur document (cf commentaire blog), récompense son courage d’avoir affronté, une nouvelle fois, son bourreau. En ce qui concerne le prix du policier, je n’ai absolument pas aimé « les apparences » et ne le considère donc pas (cf commentaire du blog).
18h45: photo de toutes les lectrices et des lauréats au pied de l’escalier magistral.
19h00: Séance de dédicace: « Pour Sophie » signe Robert Goolrick. A l’étage, je croise mes copines blogueuses Sophie et Séverine. J’embrasse, ma meilleure lectrice, Nelly et retrouve Nadine, une autre lectrice venue de Marseille.
19h30: L’équipe de la rédaction du « Elle » est très sympa et décontractée. Valérie Toranian et Olivia de Lamberterie prennent la parole et annoncent les lauréats, officiellement, en présence des invités. Ovation méritée pour Robert Goolrick qui fait son discours en français. Christophe Bataille vient chercher son prix et remercie. Gillian Flynn apparaît sur un écran pour manifester sa joie. Deux auteurs américains sont récompensés à Paris: une consécration. Marc Dugain reçoit le Prix des Lycéennes pour son excellent roman « Avenue des géants » (cf commentaire blog).
20h00: Buffet et champagne! Je salue Nathalie Rykiel, Arthur Dreyfus, Augustin, Colombe Schneck, Marc Dugain, Franz-Olivier Giesbert…
21h30: Très chouette soirée en compagnie du « Elle » , de ses lectrices et ses auteurs. Bravo pour cette sélection 2013!
La vengeance de Baudelaire. B. Van Laerhoven
Bob Van Laerhoven est un auteur belge très inspiré. Nous voici dans le Paris des années 1870, en pleine guerre avec la Prusse. Le commissaire Lefèvre et l’inspecteur Bouveroux vont, dans ce terrible contexte, enquêter sur une série de meurtres tous porteurs d’indices liés à Baudelaire. Le grand mérite de l’auteur est sa capacité à dépeindre cette époque, si particulière, avec un soucis du détail témoin d’un long travail de documentation. L’atmosphère du roman est, presque, palpable malgré son côté obscur. Orgies, spiritisme, voyeurisme, subterfuges, prostitution, drogues et incarnation du mal bousculent la lectrice tout au long de la lecture. Un certain mystère et quelques personnages tragiques finissent par convaincre. Bon rythme, vrai suspense. La famille et ses secrets réservent bien des surprises. Bon moment de lecture. Prix Hercule Poirot.
Impossible de grandir. F. Diome
Fatou Diome est une auteure de talent qui traite, ici, de la place des enfants illégitimes dans la société sénégalaise. Le titre m’a, personnellement, beaucoup interpellé et je souhaitais comprendre le parcours de Fatou Diome à travers son inspiration autobiographique. Cependant, ce roman n’est pas à mettre entre toutes les mains car le style métaphorique et le rythme soutenu, des quatre cent pages, sont parfois trop lourds. Ce bouillonnement permanent pourrait lasser certains lecteurs. Ce ne fût pas mon cas. Salie, jeune femme trentenaire, sénégalaise installée en France, est la narratrice. Invitée à un dîner, elle se retrouve subitement confrontée à ses angoisses et ses peurs. Elle se lance, alors, dans une conversation avec l’enfant qu’elle a été, baptisée « la Petite » . Les thèmes traités sont ceux des origines, de l’esclavagisme familial, du respect et de la dignité des enfants illégitimes. Le maillage de réflexions est particulièrement serré; le ton virulent. Salie, dopée au café, règle ses comptes avec sa famille et notamment avec son « tonton despote » : « Devenir adulte c’est faire face aux loups ». Avec beaucoup d’humour et de verve, Fatou Diome conte son Afrique, l’amour de ses grands-parents, sa douleur et son impossibilité de grandir: « …tremper ma plume dans les plaies béantes et dessiner un autre monde que je voudrais plus doux » . L’exotisme des paysages, du parfum du gonga, des patates douces et des mangues ajoutent une note colorée et épicée à ce roman surprenant. Fatou Diome est une auteure altière, en revendication permanente de sa liberté. La bande son, omniprésente, donne le tempo: « yo solo quiero caminar…tada-tada-tadadan! »
BONBEK
Un numéro « jungle » trop beau! Il est vert, poilu, touffu et sauvage et les kids le lisent avec plaisir tant il est ludique. La grande histoire: « la loi de la jungle » se lit en français et en anglais. La petite histoire: « sieste sur canopée », de Delphine Perret, séduira les plus petits. A table, on se régalera du gâteau tigré après les croks croks Ananas! Coloriage, cartes à collectionner et jeux créatifs amusent et surprennent. Mais où sont les Houpa? Un moment de lecture et de joie, très tendance, à partager en famille.
A l’encre russe. T. de Rosnay
Tatiana de Rosnay est, pour moi, une auteure à part entière. J’ai beaucoup aimé « elle s’appelait Sarah » qui méritait vraiment son succès. J’ai lu avec passion « Boomerang » mais surtout « Rose » un roman qui nous entraînait dans le Paris Haussmannien. Cette auteure est particulièrement douée pour manier ses intrigues. A la suite de « trois jours de soleil » à l’Ile de Ré, je commence, donc, la lecture du dernier roman de Tatiana de Rosnay: « A l’encre russe ». Pour être honnête, ce livre ne m’a pas plu. Comme une mauvaise rédaction, l’auteure s’éloigne totalement du sujet: la réflexion sur l’identité. Au début du roman, tous les ingrédients sont rassemblés pour que l’intrigue fonctionne: un homme à la recherche de ses racines suite à des révélations. Nicolas Duhamel, notre héros, va donc se lancer sur la piste de ses ancêtres pour notre plus grand bonheur. Au lieu de cela, la lectrice se retrouve embarquée, malgré elle, dans un palace en Toscane, contrainte de subir une intrigue d’une platitude désolante. Les marques de luxe omniprésentes, les passages liés aux réseaux sociaux, les clichés sur les belges, sa réflexion sur le monde de l’édition et, surtout, cette dimension érotique consternante ajoutent à l’ennui. Tatiana de Rosnay nous a habitué à un plus haut niveau de lecture.
La part du feu. H. Gestern
Au départ, Laurence, une des voix de ce roman chorale, se met à la recherche de son père biologique suite à une révélation tardive. Son enquête débute grâce à la découverte de documents fouillés dans les affaires de sa mère. Ses nombreuses interrogations vont la mener au personnage de Guillermo Zorgen, un militant d’extrême gauche, décédé en 1975, dans des conditions obscures. La rencontre avec différents journalistes, amis de sa mère et anciens membres du réseau, vont permettre à Laurence de retrouver des traces d’un mouvement politique anarchiste, d’après Mai 68. Toute la force du roman repose sur cette enquête qui rythme un récit particulièrement bien structuré. Le style est simple et parfois scolaire. De nombreux articles, poèmes, tracts et lettres parsèment le récit et viennent éclairer la lectrice. Pour justifier cette approche documentaliste, très réaliste, Hélène Gestern dit avoir voulu raconter l’histoire de plusieurs points de vue. En ce qui concerne le titre, « la part du feu », il fait référence à un incendie sur lequel Laurence va enquêter. Mais, la métaphore du feu illustre, aussi, la passion ardente de l’amour et celle de l’engagement. La lectrice regrette justement de ne pas ressentir de manière plus forte l’histoire passionnelle du couple « Sonia-Guillermo ». Ce roman est, avant tout, un livre sur l’engagement tel qu’il pouvait rassembler les individus autour d’une idéologie. La part du feu représente aussi « ce que le feu peut brûler pour sauver le reste ». Comme dans son premier roman (« Eux sur la photo »), il s’agit d’une personne à la recherche d’une autre personne. Sélection Prix « Libraire en Seine » 2013.
Heureux les heureux. Y. Reza
Yasmina Reza a un certain talent pour dépeindre l’âme humaine dont elle semble connaître les bas fonds. Dans ce roman chorale, la lectrice découvre les bribes de vie de dix huit personnages: le patriarche Ernest, le médecin homo Philip Chemla, le couple Toscano au bord de la rupture… A la manière d’un jeu des sept familles, la lectrice parcourt ce roman particulièrement rythmé. Dans un style cynique, Yasmina Reza raconte, avec une bonne dose de dérision, ces morceaux de vie tellement proches de notre réalité de mortels. Ne croyant ni au bonheur, ni au couple, l’auteure détaille l’absurdité de la vie avec humour. « Etre heureux, c’est une disposition. » Un roman, bourré d’émotions, qui ne laisse pas indifférent. Sélection Prix « Libraire en Seine » 2013.
Jane Eyrotica. C. Brontë & K. Rose
Premier roman érotique de ce blog. Karena Rose revisite le roman de Charlotte Brontë en lui donnant une dimension sensuelle et sexuelle. La lectrice redécouvre, avec plaisir, ce texte du XIXème siècle qui rencontra, à l’époque, un succès considérable. Jane Eyre est l’héroïne et la narratrice de ce roman. Son enfance malheureuse d’orpheline la condamne, dans un premier temps, à une existence de rêves et de fantasmes. Docile, elle s’abandonne, très jeune, à ses désirs. Ses longues années d’interne à l’Institut Lowood la mène à Thornfield Hall où elle devient gouvernante. Une intrigue amoureuse commence, alors, avec le maître de maison, Mr Rochester. Le roman d’origine est complexe et se base sur plusieurs mythes dont celui de l’exil et du retour. En toile de fond, Charlotte Brontë expose la condition féminine de cette époque, en Angleterre. Karena Rose vient y ajouter une touche érotique et donne, ainsi, une certaine profondeur à l’amour qui unit Jane à Mr Rochester. Pourquoi pas?
Les désorientés. A. Maalouf
Très beau roman dont l’auteur est un académicien élu en 2010. Amin Maalouf a fui le Liban en guerre pour arriver en France en 1976. Après la publication de nombreux romans, il a obtenu en 2010 le prix « Prince des Asturies » pour l’ensemble de son oeuvre. Dans « Les désorientés », le narrateur, Adam, est appelé au chevet de son meilleur ami, Mourad. Après trente-cinq ans d’absence, il revient dans son pays natal sans jamais le nommer. Entre nostalgie et désillusion, l’auteur raconte, dans ce roman intimiste, les retrouvailles de ces « désorientés » qui croyaient en un monde meilleur. Les notes et réflexions du narrateur ponctuent le récit et nous éclairent sur le passé des protagonistes mais également sur l’état d’esprit d’Adam durant seize jours. La limpidité du style et la richesse émotionnelle entraînent la lectrice dans une réflexion profonde à propos de thèmes universels: l’enfance, l’amour, la fidélité, l’amitié, la foi, les origines, l’argent, l’avenir du monde…Certains personnages, comme Albert, sont véritablement attachants. A travers l’histoire personnelle de chacun, l’auteur démontre à quel point la vie réserve des surprises; à la fois délicate et cruelle. Un roman qui questionne et offre un lumineux moment de lecture. Coup de coeur! Sélection Prix « Libraire en Seine » 2013.
Suite à un accident grave de voyageur. E. Fottorino
Eric Fottorino nous a particulièrement ébloui avec son roman « l’homme qui m’aimait tout bas » (cf ce blog). Sa plume poétique et son humanisme caractérisent sa personnalité et son style littéraire. Ce petit livre, d’une soixantaine de pages, est un document qui nous interpelle à propos d’accidents graves de voyageur. Tous les « RERiens » et toutes les « RERiennes » ont été confrontés à ces annonces qui taisent le drame et provoquent des réactions en chaîne parfois surprenantes. Eric Fottorino, usager régulier et sensible de la ligne A, s’interroge sur ces suicides qui ont « proliféré comme une épidémie. » Il cherche à identifier, sans succès, ces gens devenus « impuissants à se trouver la plus petite raison de poursuivre le chemin. » Au-delà des rumeurs, l’auteur scrute leurs visages dans l’oeuvre d’Edward Hopper. Il cherche les mots derrière le silence et nous émeut: « Il est des voyages autour de soi d’où l’on ne revient jamais. La foule était immense mais ils n’ont vu personne et personne ne les a entendus. » Seul le passage lié aux échanges sur forum est un peu long. Eric Fottorino nous parle, avec compassion, de notre société individualiste face à la mort, à la souffrance et la douleur. Un livre à lire, sur la ligne A, entre Cergy et Marne-la-vallée.
Arrive un vagabond. R. Goolrick
Nous sommes à Brownsburg, une ville paisible de Virginie, au cours de l’année 1948. Charlie Beale arrive au volant de son pick-up, comme un vagabond, chargé de deux valises pleines de matériel de boucher et d’argent. Le talent de Robert Goolrick repose, d’abord, sur la construction de ce roman aux allures paisibles et descriptions bucoliques. Il installe le décor, le cadre de l’intrigue, sereinement. Ses personnages sont des gens simples, noirs et blancs, pieux, honnêtes et bienveillants. L’auteur dépeint, avec justesse, les failles et paradoxes humains de cette tragédie en marche. Charlie va travailler dans la boucherie de la ville et se lie d’amitié avec Alma, Will et leur fils, de cinq ans, Sam. Tout se passe merveilleusement bien au début de ce roman écrit dans un style particulièrement poétique. La lectrice se retrouve à côté de Charlie « ..près du pick-up, dans le noir, dans le chant sonore des criquets et le murmure des papillons de nuit qui faisait comme un friselis dans son coeur… » Cette atmosphère va pourtant devenir de plus en plus pesante lorsque Sylvan Glass pousse la porte de la boucherie. Sam va devenir, chaque mercredi, l’alibi du couple adultère. Robert Goolrick nous donne la vision de ce petit garçon à qui Charlie demande de préserver le secret, et de mentir, pour mener cette passion à la tragédie et à une enfance fracassée. A travers le personnage de Sylvan, l’auteur traite de la recherche d’identité, des origines, de la légèreté, des apparences. Sylvan est une jeune femme perdue, obnubilée par le cinéma et ses actrices dont elle copie les parures chez sa couturière noire. Elle vit dans ses fantasmes: « …la vraie raison de ses actes était qu’elle préférait le fantasme du film de son imagination à la réalité de Charlie Beale. » Le personnage principal, Charlie, est un garçon simple, habité par la bonté et qui sera la première victime de cette passion dévastatrice. Sam est évidemment le personnage le plus touchant, désarmé face à ce monde d’adultes dont il ne comprend pas encore les codes. Excellent moment de lecture. Suspense et montées d’adrénaline. Coup de coeur! Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013. Prix « Libraire en Seine » 2013.
Dans le jardin de la bête. E. Larson
Erik Larson propose un document historique qui recrée la trame et l’étoffe de la vie à Berlin pendant l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler. L’auteur se focalise sur les années 1933 et 1934 au moment où Roosevelt nomme son Ambassadeur en Allemagne nazie: William E. Dodd. La famille Dodd composée du père, de la mère et de leurs deux enfants s’installe, sans fastes, à Berlin. A travers le regard de l’Ambassadeur Dodd et de sa fille Martha, la lectrice est replongée dans une époque peu connue, de complots, de trahisons et de mensonges, qui culminera jusqu’à « la nuit des longs couteaux ». Pendant que Dodd cherche désespérément à prévenir le département d’Etat américain des persécutions envers les Juifs, Martha ne cesse de s’amuser et de séduire des nazis et autres protagonistes de la future guerre. Ce qui frappe dans ce document, c’est l’assiduité avec laquelle l’auteur fournit un travail d’une grande précision pour reconstituer un moment clé de l’histoire. Ce document, épais, arrive à captiver par sa construction en nombreux chapitres aux références multiples. Ce livre est avant tout le portrait d’un homme, William E. Dodd, qui apparaît humain, bien que parfois naïf, et dont le combat contre le nazisme ne cessera qu’à sa mort en 1938. Malgré le sujet, Erik Larson arrive à capter notre intérêt tout au long de la lecture de ce document sidérant. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
L’écrivain de la famille. G. Delacourt
Le premier roman de Grégoire Delacourt figurait dans la liste de mes lectures. L’histoire d’une famille, originaire du Nord de la France, racontée par Edouard, fils déclaré « écrivain de la famille » et narrateur de ce roman. En partant des années soixante-dix jusqu’aux années quatre-vingt dix, l’auteur nous replonge avec justesse dans un contexte musical, littéraire, médical et audio-visuel. Edouard raconte, avec sensibilité, ses failles, ses doutes et ses émotions, au fil des pages de ce premier roman clairvoyant. Nous faisons connaissance avec chaque membre de la famille exposé au destin, « c’est la vie qui choisit « . De Paris à Bruxelles, la lectrice retrouve, grâce à ce roman, ses propres émotions entre rires et larmes. Grégoire Delacourt manie les mots mieux que personne en ne prenant jamais de gants. Il donne, à cette histoire familiale, un ton universel qui lui est propre et qui plaît à un grand nombre de lecteurs. Ce premier roman révèle, sans aucun doute, la genèse de son parcours professionnel d’écrivain et d’homme (enfin) heureux. Bon moment de lecture.
De tempête et d’espoir. M. Dédéyan
Un très beau roman breton qui évoque l’univers des grands navigateurs et des expéditions, entre St Malo et Pondichéry, au XVIIIème siècle. Anne de Montfort, jeune femme orpheline, noble de naissance, cherche désespérément son frère Jean, disparu aux Indes. Commence alors une véritable aventure pour notre héroïne, entrecoupée de pages de son journal intime où elle évoque son voyage à bord d’un navire en partance pour les Indes. Anne est le personnage miroir de cette intrigue qui évoque la place de la femme dans la cité corsaire de St Malo au siècle des Lumières. Beaucoup de personnages secondaires comme Corentin, mère Saint-Yves, Jean-Baptiste ou Soizic sont particulièrement attachants. Ce livre est, avant tout, un véritable hymne à la mer et aux marins: « Il est des couchers de soleil sur les flots infinis plus beaux que le paradis. Le camarade qui veille sur toi mieux qu’un frère et vient te donner à boire quand tu délires de fièvre, une baleine immense qui plonge et tu te sens si heureux d’être tout petit. La liberté, le vent qui siffle à tes oreilles, la fierté de ma famille. Un jour, je commanderai mon propre navire… » Ecrite dans un style ciselé et empreinte de poésie, cette invitation au voyage est fidèle à l’histoire. Ce véritable petit bijou, pour les amoureux de la mer et de la Bretagne, nous renseigne formidablement et nous apparaît telle une peinture marine. La dernière page ne signe pas la fin mais nous invite à lire la suite de l’aventure dans son prochain roman: « Pondichéry « . A suivre…
Chuuut! J. Boissard
Un roman grand public qui nous infiltre dans une famille de châtelains français. Producteur de Cognac en Charentes, Edmond de Saint Junien règne, avec élégance, sur sa tribu comme sur ses chais. Le roman est construit en chapitres à deux voix. La première voix est celle de Fine (petite fille d’Edmond et Delphine) qui nous raconte ses états d’âme et sa famille. D’autre part, le parcours de Nils (petit fils d’Edmond et Delphine) nous est conté à la troisième personne du singulier. L’auteure manie parfaitement la plume et l’art de l’intrigue: la fille des gardiens est retrouvée assassinée dans le domaine. Même si le suspense est léger, Janine Boissard arrive à capter notre attention. Les thèmes de l’identité, la famille, le secret, l’amour, la maladie, la trahison sont abordés avec finesse. La lectrice entrevoit, à travers ce roman familial, un milieu aristocratique empêtré dans ses valeurs ancestrales et ses secrets les plus lourds. L’arbre généalogique des Saint Junien, page 8, présente cette descendance constituée de personnages attachants et complexes. L’enquête pour retrouver l’assassin de la petite Maria réserve assurément bien des surprises mais « chuuut! »…
Le Cercle. B. Minier
Un polar français épais, doté d’un vrai suspense. Une histoire riche, compliquée, glauque, où nombre de personnages s’entrecroisent. Juin 2010, Martin Servaz (policier) reçoit un e-mail énigmatique pendant que Claire Diemar est sauvagement assassinée à Marsac. L’enquête va alors débuter, pleine de rebondissements, prenante. Bernard Minier présente ses chapitres tels des scénarios (scénarii) en mettant en scène ses personnages dans un style caractéristique du polar. On peut d’ailleurs se demander si un polar, comme celui -ci, doit obligatoirement être écrit dans un style cru, familier et grossier? L’abondance des thèmes impressionne et implique certaines longueurs dans le texte: désir, amour, dépression, mensonge, trahison, littérature, homosexualité, viol, drogue, musique, politique, maladie, accident etc… La lectrice va, peu à peu, s’approcher du « Cercle » grâce à une quantité d’indices et d’éléments distillés par l’auteur. Lorsque Martin Servaz renoue avec son ex, qui n’est autre que la mère du principal suspect, l’affaire se complique. Moment de lecture mouvementé. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Notre force est infinie. L. Gbowee
Après le magnifique témoignage d’ Hélène Cooper dans » la maison de Sugar Beach » (meilleur document, Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2012) voici un autre document sur le Liberia. Leymah Gbowee a reçu le Prix Nobel de la paix en 2011 pour l’ensemble de son travail. Cette Libérienne, née en 1972, perd sa joie de vivre lorsque la guerre civile éclate au tout début des années 1990. Soumise et fataliste, elle assiste dépressive et alcoolique aux combats menés par les troupes du dictateur Charles Taylor. La violence subie, au sein de sa famille et à l’extérieur, l’incite à renforcer sa foi. Au prix d’une incroyable volonté, d’une ténacité exceptionnelle, cette femme africaine relève la tête et mène de front une armée de femmes afin de ramener la paix au Liberia. Mère de cinq enfants, chef de file du WIPSEN (réseau des femmes pour la sécurité et la paix), Leymah Gbowee raconte son incroyable lutte pour la dignité féminine ou comment elle est devenue un formidable symbole d’espoir. Dans ce document bouleversant, la lectrice appréhende la cruauté, la bestialité des hommes en guerre et se familiarise avec la culture libérienne où règne l’entraide au sein même d’une société pauvre. Beaucoup de témoignages et de faits accablants livrés par des participantes de groupes de paroles. Sans titre, sans religion, sans ethnie, un mouvement féminin lutte en permanence pour la paix au Liberia. Leymah Gbowee a réussi à sortir de sa situation familiale pour devenir une femme libre et entraîner avec elle une foule de femmes à qui elle crie: « n’arrêtez jamais« . Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
L’Embellie. A. A. Olafsdottir
Une auteure islandaise qui nous dépayse totalement en nous emmenant à la découverte de son pays, toile de fond de ce roman. L’histoire d’une jeune femme, quittée par son mari, qui part à la recherche d’elle même avec le fils de quatre ans de sa meilleure amie. En voiture, ils vont sillonner cette île noire, et ses paysages lunaires, pour y faire des rencontres improbables. Roman fantasque et drôle abordant des thèmes très actuels: la maternité, le divorce, le désir, la crise, l’enfance, l’amour, l’amitié, le réchauffement climatique etc… La narratrice soumise à la chance, à la malchance et au hasard découvre un nouvel aspect de sa vie près de cet enfant sourd et presque aveugle. Quelques bribes de souvenirs nous éclairent sur son parcours d’enfant, de jeune fille, de femme libre. Beaucoup de fantaisie, d’humour, de poésie définissent un style d’écriture à part. La relation qui se développe, au fil des pages, entre cette femme et le petit Tumi, dans ce contexte naturel si particulier, nous émeut. La publication des recettes du roman, à la fin du livre, démontre la singularité de l’auteure déjà connue pour son premier roman « Rosa Candida ». Bon moment de lecture. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
Le siècle de Dieu. C. Hermary-Vieille
La France est un pays que la lectrice ne se lasse pas de découvrir, plus particulièrement à travers son histoire. Ce roman historique se déroule au 17ème et 18ème siècles, du règne du roi soleil au début de la Régence. Catherine Hermary-Vieille retrace l’histoire de cette France, à la veille de la Révolution, en opposition aux fastes et aux intrigues de la cour de Versailles. Beaucoup de précision dans l’écriture de ce roman dont le travail rigoureux est digne d’une historienne. Catherine Hermary-Vieille nous peint une fresque, entre ombre et lumière, avec un soucis du détail inégalé. La lectrice découvre, sous le prisme de deux destins différents, une période qui a définitivement marqué l’histoire de France. Nous suivons les personnages d’Anne-Sophie et de sa cousine Viviane, toutes deux issues de la haute noblesse Bretonne, en quête du bonheur. Louis XIV apparaît en despote, séducteur vieillissant, terriblement éloigné des besoins de son peuple exsangue. L’amour des hommes et du Divin est un thème d’importance dans ce roman. La plupart des personnages ont réellement existé et l’auteure excelle dans sa façon de nous les représenter à travers l’évolution des modes, de l’Art et des moeurs. Catherine Hermary-Vieille dresse les inoubliables portraits de Madame de Maintenon, Fénélon, Bossuet, Madame de Montespan… En mêlant l’histoire et la fiction, nous voici propulsés dans un incroyable voyage dans le temps.
Un héros. F. Herzog
Félicité Herzog est la fille de Maurice Herzog, vainqueur de l’expédition française partie au sommet de L’Annapurna en 1950. Dans ce roman autobiographique, Félicité Herzog nous raconte sa vérité familiale face à un père désigné comme un héros national: » Il ne semblait jamais être vraiment redescendu de ce versant sur lequel il se dresse en pleine tempête, tenant à deux mains le drapeau français. » Pour l’auteure, cette ascension repose sur un mensonge à l’origine de la maladie de son frère, Laurent, disparu prématurément. La lectrice découvre la face cachée de Maurice Herzog décrit comme un imposteur, séducteur, arriviste, père défaillant abandonnant son épouse. Loin du règlement de compte, Félicité Herzog a eu le courage de publier son premier roman du vivant de son père, malheureusement inatteignable, peut-être dans un dernier élan d’amour. Elle nous livre, dans un style métaphorique et maîtrisé, sa vision des choses avec une profondeur certaine. La lectrice découvre également, au fil des pages, l’univers d’une grande famille héritière française confrontée à sa mémoire. Beaucoup de lucidité et de maturité dans ce roman imprégné d’amour fraternel. Félicité Herzog ne peut se résoudre à oublier ce grand frère, « un étranger au monde « , compagnon atypique de son enfance. Ce roman, bourré d’émotions, est dédicacé à sa mère, intellectuelle rebelle, pour laquelle elle semble ressentir de la compassion malgré tout. Il n’y a pas de héros dans ce roman mais bien une héroïne: une petite fille qui a grandi et qui cherche, malgré sa colère et sa culpabilité, à décrypter la mécanique familiale dans ses mythes et ses mensonges. Excellent moment de lecture.
Home. T. Morrison
Après sa venue, en septembre 2012 au Festival Américain de Vincennes, il fallait lire celle qui vient d’être décorée de la « Presidential Medal of Freedom » des mains du Président Obama. Cette auteure noire américaine, Prix Nobel de Littérature en 1993, révèle dans » Home » tout son talent en nous emmenant dans le Sud de l’Amérique au milieu des années cinquante. Tel un conte, la nature est, ici, un élément poétique omniprésent. Les deux personnages principaux nous apparaissent, d’abord, enfants dans une situation tragique. La lectrice suit, au cours des chapitres, le parcours de Frank Money, un noir américain, ex soldat en guerre de Corée, à la recherche de sa petite soeur Cee afin de rentrer au pays, son « Home ». Les principaux thèmes abordés sont ceux de la condition des noirs américains, de la ségrégation, du crime, de la violence, de la guerre et de l’amour fraternel. La voix de Frank vient ponctuer le récit pour livrer ses pensées les plus intimes, les plus secrètes. L’écriture de Toni Morrison est tranchante et condensée, d’une formidable densité. Ce roman en boucle impressionne par sa maîtrise. Excellent moment de lecture.
Réanimation. C. Guilbert
Un document à propos de la maladie qui surgit dans un couple comme un coup de canon. Dès les premières phrases, la lectrice ressent ce « quelque chose qui a lieu« . Dans un style profond et intelligent, l’auteure questionne, médite, sur la vie et la mort. En faisant référence aux contes et à la mythologie, Cécile Guilbert nous entraîne dans cette parenthèse médicale située entre rêves et cauchemars. Hommage au service de réanimation de l’hôpital Lariboisière où son mari est plongé dans un coma artificiel. Oscillant entre un hymne à la vie et l’angoisse de la perte, Cecile Guilbert écrit, avant tout, une très belle lettre d’amour à l’homme de son coeur. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.
BONBEK. Ed. Mango
Une nouvelle formule de magazine ludique pour enfants branchés de 5 à 10 ans. Bonbek consacre son sixième volume à « l’an 3000 ». Une revue marrante au sommaire soigné: « la petite histoire », « demande à ta mère », « atelier choré »… Quatre publications annuelles ( + 2 hors-séries) pour cette revue bobo bilingue qui va enthousiasmer les enfants les plus curieux. Magnifique graphisme et très belles illustrations. Idéal pour occuper nos enfants autrement.