Si vous aimez les grands espaces, vous aimerez ce bol d’air iodé proposé par Karen Viggers. Sur l’île de Bruny, du côté de la Tasmanie, une veuve âgée passe ses derniers jours là où elle a vécu avec ses enfants et son mari, gardien de phare. Au creux des dunes, dans une cabane en rondins face à la baie, Mary se souvient de Jack, son époux, mais aussi d’un secret. Dès le début de l’histoire, une mystérieuse lettre traîne au chevet de Mary. Il faudra attendre les dernières pages du roman pour découvrir son contenu. Le suspense n’est pourtant pas entier car la lectrice est dans la confidence, ce qui gâche légèrement notre plaisir. Dans cette fiction, il est également question de Tom, le fils de Mary. Divorcé, Tom n’arrive pas à trouver son bonheur. Solitaire, il se réconforte auprès de son chien, Jess. Ce roman est une promesse d’évasion; la découverte d’une nature magnifique où planent des oiseaux marins. L’écriture, simple et sincère, de Karen Viggers nous emporte dans un paysage du bout du monde balayé par les embruns. Bon moment de lecture.
Archives de l’auteur : Sophie Marie Dumont
L’enfant du lac. K. Morton
Dans une magnifique demeure des Cornouailles, Théo Edevane disparaît mystérieusement. Nous sommes en 1933 et, malgré les recherches, l’enfant de onze mois est introuvable. Sa famille, désespérée, abandonne la maison du lac afin d’oublier cette tragédie. Des décennies plus tard, une jeune londonienne (Sadie) découvre cette maison à l’abandon. Sous le charme, elle cherche à comprendre pourquoi la maison est abandonnée. Petit à petit, Sadie décide de reprendre l’enquête concernant la disparition de Théo. Kate Morton n’a pas manqué d’imagination pour construire ce roman qui balance entre passé et présent. La lectrice est emportée dans un tourbillon de révélations, fausses pistes, mensonges et trahisons. Finalement, la lecture de ce polar s’apparente à la dégustation d’une meringue : il faut attendre avant d’atteindre la partie la plus moelleuse. Bon moment de lecture.
A L’orée du verger. T. Chevalier
Tracy Chevalier est une « Miss Univers » mais pas au sens où vous l’entendez; cette auteure américaine excelle dans l’art de poser un décor. Construit en deux parties, le roman débute en Ohio, au dix-neuvième siècle. La famille Goodenough s’installe sur les terres marécageuses du Black Swamp pour cultiver des pommiers. Mais la vie est rude, la fièvre règne et les cultures sont maigres. Après un épouvantable drame familial, le fils de la famille, Robert, part tenter sa chance en Californie. Il exerce divers métiers puis travaille pour un botaniste qui cherche des séquoias géants, plantes et conifères à expédier en Angleterre. Robert se passionne pour ces arbres; des arbres géants à l’image des grands espaces américains. Comme à son habitude, Tracy Chevalier nous plonge dans un univers méconnu dont elle a étudié chaque détail. Même si ce roman n’est pas le meilleur, la fluidité de son style embarque la lectrice dans une fresque historique où se mêlent personnages réels et fictifs. Bon moment de lecture.
Passé imparfait. J. Fellowes
Si vous voyagez, cet été, voici un roman qui peut vous aider à patienter dans la bonne humeur. Le créateur de la série Downton Abbey nous replonge, ici, dans l’Angleterre des années soixante en présentant, avec beaucoup d’humour, un portrait féroce de l’aristocratie de l’époque. Entre Tea parties et Saison des Débutantes, le personnage de Damian Baxter arrive à s’introduire dans un monde réputé inaccessible; pour le meilleur et pour le pire. Quarante années se sont écoulées depuis la dernière rencontre de notre narrateur avec le beau Damian. Ce dernier va lui demander une faveur particulière: retrouver un héritier dont il ignore l’identité. Beaucoup de rebondissements et de révélations jalonneront le parcours de notre narrateur pour notre grand plaisir de lecture. Julian Fellowes s’amuse à faire des allers-retours dans le temps pour mieux évoquer un monde révolu, celui qui séparait les maîtres des serviteurs. Moment de lecture divertissant.
Le grand marin. C. Poulain
Voici un roman bouleversant qui projette la lectrice dans le monde de la mer à l’état brut. Partant de sa propre expérience, Catherine Poulain décrit l’exil d’une femme française, une baroudeuse, qui quitte ses chaînes pour partir à l’aventure et franchir la dernière frontière: l’Alaska. Entourée de marins, confrontée aux éléments, Lili embarque à bord d’un bateau de pêche où l’existence est incroyablement rude pour une femme. Celle qui commence son apprentissage à bord du « Rebel » , dort sur le plancher de la timonerie puis travaille au rythme effréné de la pêche à la morue noire et au flétan. Dans son ciré jaune, ce petit bout de femme fragile cherche à aller au bout de ses forces comme les hommes et rêve de toucher du doigt le mont Pillar. Dans un combat frénétique, Lili saigne le poisson, entaille l’ouïe, éventre le corps gluant qui résiste dans des soubresauts désespérés…Pour la lectrice, une image puissante surgit à l’instant où Lili gobe le cœur d’un poisson: « au chaud dans moi ce cœur qui bat, dans ma vie à moi la vie du grand poisson que je viens d’embrasser pour mieux éventrer. » Sur le pont du « Rebel » où hurlent les mouettes, Lili va croiser le regard d’un homme: « Le grand marin » . Cette rencontre est celle de deux individus perdus qui vont se révéler l’un à l’autre. Ce roman d’apprentissage, écrit à la première personne du singulier, est captivant. Au rythme des marées, l’écriture percutante de Catherine Poulain porte le parfum des embruns; le goût du sel. Au fil des pages, Lili trouvera, au milieu de l’océan et des brassées du vent, la fraternité des hommes. Excellent moment de lecture.
Napoléon Amoureux. O. Miquel
Olivier Miquel connaît bien son sujet: après la publication du roman historique « Napoléon, l’amant pressé » , ce romancier et essayiste nous présente, ici, l’intimité de Napoléon et les femmes de sa vie. Méditerranéen, conquérant et entrepreneur, Napoléon n’a pas la réputation d’être sentimental. Pourtant, il tombera éperdument amoureux de Joséphine, la femme qui lui permettra de devenir maître de la France. Tout au long de son règne, jusqu’au mortel exil, deux autres femmes vont l’aimer passionnément et lui donner, chacune, un héritier: Marie Walewska (mère d’Alexandre) et Marie-Louise (mère du roi de Rome). Les extraits des lettres d’amour rédigées par Napoléon nous éclairent sur sa façon d’aimer: « Je me réveille plein de toi », « Je vous cherche, je ne vous trouve pas, et quand je vous retrouve, vous êtes de glace, alors que moi je brûle. » « J’éprouve un grand plaisir à vous voir. » Ce petit livre, joliment illustré, vient compléter une séduisante collection de portraits intimes. Bon moment de lecture.
Les oiseaux de passage. B. des Mazery
La place de l’enfant dans la famille a considérablement évoluée depuis le dix neuvième siècle. Bénédicte des Mazery propose un roman historique qui nous plonge dans un univers méconnu: la prison pour jeunes garçons de « la petite Roquette », à Paris. En 1838, Jacques a onze ans lorsqu’il est incarcéré à la demande de son père afin de le corriger. Vagabonds, voleurs, orphelins ou enfants placés, des centaines de garçons sont détenus dans des cellules austères; isolés dans des cages comme celles qui emprisonnent les oiseaux de passage. Terrifié par cet univers sombre, Jacques vit dans l’espoir de retrouver sa maman et rencontre d’autres petits compagnons d’infortune: Narcisse, Octave, Séraphin le rêveur et Charles le doux poète inspiré par Victor Hugo. Comme des moineaux affamés, ces enfants survivent dans des conditions pitoyables au milieu de surveillants cruels. Seul l’abbé Crozes apparaît comme un humaniste dans ce monde violent. Grâce à un travail de recherche impressionnant, Bénédicte des Mazery nous plonge, avec réalisme, dans le quotidien bouleversant de ces jeunes gamins portés par l’espoir de retrouver la liberté. Bon moment de lecture.
Mémoire de fille. A. Ernaux
La mémoire est notre capacité à nous souvenir. Annie Ernaux fait, ici, un retour surprenant vers le passé en se remémorant un événement honteux, lié à sa première expérience sexuelle. Eté 1958, Annie travaille comme monitrice dans une colonie de vacances. Loin de ses parents, elle cède à son désir de femme immature et se soumet au moniteur chef sans pouvoir appréhender les conséquences de ses actes à long terme (anorexie, boulimie, aménorrhée…). Rapidement, la jeune monitrice devient la bête noire de la colonie et subit toutes sortes d’humiliations. En se replongeant dans des fragments de son journal intime et son courrier de l’époque, Annie Ernaux revient sur cette période douloureuse qui a marqué sa vie de femme; hantée par « la fille de 58 ». Aujourd’hui, l’auteure ne souhaite pas reconstruire l’histoire mais la déconstruire: « Je ne construis pas un personnage de fiction. Je déconstruis la fille que j’ai été. » Pour la lectrice, malgré la distance du temps, la rencontre de ces deux femmes est un moment émouvant. Comme dans un film, Annie Ernaux se repasse toutes les images de cette époque avec discernement. Elle cherche à comprendre en écrivant une vérité qui surgit de son écriture, loin du simple déballage de souvenirs. La lecture de Simone de Beauvoir sera une révélation pour cette femme devenue un grand écrivain de la littérature française. Bon moment de lecture .
Autobiographie de ma mère. J. Kincaid
Jamaica Kincaid est une auteure américano-antiguaise qui a vécu sous l’influence du système colonial britannique. La première édition de ce roman date de 1996. Nous découvrons Xuela, la narratrice, fille d’un père métis et d’une mère caraïbe. Au soir de sa vie, Xuela revient, sans tabou, sur son passé de femme. « Ma mère est morte à l’instant où je suis née. » A partir de cet élément central, Xuela gardera un amour absolu pour cette mère, issue d’un peuple opprimé: « Ce récit est le récit de la personne qui ne fut jamais autorisée à être et celui de la personne que je ne suis pas autorisée à devenir. » Privée de sa mère, Xuela est placée dans une autre famille. Elle cultivera, pour son père, de la rancœur mais aussi une haine tenace; ce géniteur représente aux yeux de Xuela un enfant de colonisateur: « La peau de mon père avait la couleur de la corruption ». Jamaica Kincaid dresse, ici, le portrait d’une femme au destin désespéré qui, sans cesse, s’interroge: « Qu’est-ce qui fait tourner le monde? » Il est notamment question d’amour, de sexualité, d’identité, de transmission et de soumission dans ce roman empreint de colère et de fureur. Bon moment de lecture.
Balzac Amoureux. E. de Boysson
Balzac, cet autre monstre sacré de la littérature, était un grand amoureux en quête perpétuelle d’amour et de reconnaissance. Mal aimé par sa mère, cet écrivain prolifique cherchera la femme idéale tout au long de sa vie. Beaucoup de ses romans sont consacrés et dédiés aux femmes: Laure de Berny lui inspire « Le Lys dans la vallée » , Laure d’Abrantès « La femme de trente ans » et la Marquise de Castries « La Duchesse de Langeais » . Curieusement, ses amoureuses portent souvent le même prénom: Laure. Ardent défenseur de la condition féminine, Balzac met en scène la souffrance des femmes, leurs amours coupables, leurs secrets…Emmanuelle de Boysson reconstitue parfaitement une époque, une atmosphère, et rend vivant ce récit grâce à son style. Elle explore avec justesse l’univers intime de Balzac dans ce livre original où l’on croise furtivement Victor Hugo. « L’amour n’est pas seulement un sentiment, il est un art aussi. » Honoré de Balzac. Bon moment de lecture.
Victor Hugo Amoureux. C. Clerc
Victor Hugo a, éperdument, aimé les femmes. Grâce à Christine Clerc, nous découvrons les nombreuses inspiratrices de l’oeuvre d’Hugo à commencer par sa femme Adèle et sa fille adorée, Léopoldine, disparue tragiquement. A trente ans, dans les coulisses du théâtre Saint Martin à Paris, le célèbre dramaturge et maître du romantisme rencontre une belle actrice: Juliette Drouet. Victor Hugo est passionnément amoureux de sa belle; Juliette devient sa maîtresse, sa muse : « Je suis né au bonheur de tes bras » . De Paris à Bruxelles en passant par Guernesey, Juliette restera dans l’ombre de son amoureux pendant cinquante ans. Infidèle, Victor Hugo entretiendra, tout au long de sa vie, d’autres maîtresses comme Léonie d’Aunet, Alice Ozy et bien d’autres. Sous l’influence des femmes, Victor Hugo mènera de nombreux combats politiques comme celui prônant l’égalité des sexes. Christine Clerc reconstitue, avec talent, la vie amoureuse d’une légende dans ce livre élégant illustré de portraits. Bon moment de lecture.
Ma méthode anti-âge. E. Lefébure
Après le succès de son premier livre, Estelle Lefébure publie un second ouvrage consacré à la beauté. A l’aube de ses cinquante ans, la top française nous confie ses petits secrets mais aussi des astuces et des recettes concoctées avec de grands chefs comme Hélène Darroze ou Eric Fréchon. La lectrice consulte avec plaisir ce livre très personnel, joliment illustré. Adepte du Hatha yoga, du Pilates et du stand-up paddle, Estelle nous incite à faire quelques séances de sport hebdomadaires et à manger plus sain pour mieux vieillir. Loin de Saint Barth où la top réside, nous piochons au fil des pages, quelques bonnes idées afin d’améliorer notre qualité de vie urbaine. Toujours aussi radieuse, Estelle partage sa méthode ORAHE, au rythme des saisons et nous donne quelques conseils épatants à mettre en pratique d’urgence: « faire un compliment, offrir un café à un inconnu, donner un sourire sans attendre de retour, lire pour le plaisir… ». Bon moment de lecture.
Le voyage à Paris. D. McCullough
David McCullough est un grand historien américain, récompensé deux fois par le Prix Pulitzer. L’auteur a choisi de nous parler de ces jeunes artistes et intellectuels américains qui ont fait le voyage à Paris, au 19ème siècle, à la recherche d’un modèle à suivre pour construire les Etats-Unis. Ces voyageurs découvrent alors le Paris du savoir, de la mode, de la culture et de la finance mais aussi un Paris miséreux victime du choléra, de la tuberculose et de la syphilis. Au fil des pages, nous marchons sur les pas de Samuel Morse, peintre américain; Elizabeth Blackwell, première femme médecin aux Etats-Unis; Charles Sumner Holmes, fervent opposant à l’esclavage et bien d’autres. Grâce aux documents rassemblés par l’auteur et son grand travail de recherche, nous nous promenons dans Paris à l’époque du triomphe de Maria Taglioni, la plus grande danseuse du monde; du côté du Théâtre français pour voir les grandes œuvres du répertoire classique (Corneille, Racine et Molière) et à l’Opéra Garnier. Nous sentons l’effervescence qui régnait sur les trottoirs des grands boulevards. Nous entrons dans les cafés et restaurants de l’époque: le Rocher de Cancale, le Café de Foy, le Corazza, le Véry, le Véfour…en croisant de belles parisiennes et, parfois, prostituées et grisettes. Ce livre vivant et réaliste nous dresse le portrait de Paris à un moment précis de son histoire. Il permet de mieux comprendre ce que les Etats-Unis doivent culturellement à la France. Bon moment de lecture.
Le sommeil le plus doux. A. Goscinny
Une femme atteinte d’un cancer emmène sa fille, Jeanne, en voyage à Nice. Mais au lieu de profiter de la ville, la mère décline et passe son temps à l’hôtel. En se promenant, Jeanne rencontre un homme qui porte le prénom d’un ange: Gabriel. La voix de Gabriel vient s’insérer dans les pages de ce roman émouvant où les thèmes abordés sont ceux de la vie, de la mort, de la maladie mais aussi du mariage, de la transmission et de la mémoire. Dans un style sobre, Anne Goscinny navigue entre le passé et le présent pour évoquer la douleur de Jeanne; son « chagrin-fantôme ». Pourtant, il n’y a pas que de la tristesse dans cette fiction; il est heureusement question de la renaissance d’une femme portée par l’amour. Bon moment de lecture.
Le bonheur des Belges. P. Roegiers
Voici un livre singulier, l’écho joyeux du roman d’Hugo Claus « Le chagrin des Belges » (1985). Dès la première page, la lectrice suit un enfant sur les lieux mythiques de l’histoire de la Belgique (Waterloo, l’Expo Universelle de 58, le Tour des Flandres…) à la rencontre de personnages Belges célèbres comme Breughel, Tintin, Simenon, Brel, Yolande Moreau etc…Nostalgique, Patrick Roegiers nous parle de son plat pays de manière déjantée, dans un style euphorique, en s’amusant à mélanger le fictif au réel. Les Belges seront conquis par cette lecture, les autres lecteurs pourront se référer à l’index pour comprendre toutes les références. Finalement, ce drôle de livre est un tour buissonnier de la question belge. Bon moment de lecture.
Paroles blessées. M. Terki
Il faut lire ce recueil de poésie, écrit en prose, en s’imprégnant de la beauté de chaque mot. Des paroles blessées comme des cicatrices. Meriem Terki évoque le temps qui passe, l’amour, la mort, le désir, l’attente… Elle dépose, sur les pages de ses cahiers d’étudiante, des mots comme des larmes et confie ses amours mortes, interdites, dans un rapport au corps très sensuel. En dévoilant son univers tissé d’absolu, Meriem oscille entre ombre et lumière pour provoquer en nous toute une gamme d’émotions.
« Il est passé, tu sais, le train de nos baisers, j’attendrai qu’il revienne. »
Des chauves-souris, des singes et des hommes. P. Constant
L’OMS vient de publier un rapport selon lequel une personne décède chaque minute dans le monde à cause d’une maladie infectieuse. Paule Constant est bien placée pour nous parler des grandes épidémies: son père était médecin militaire et son mari est un infectiologue réputé. A travers cette fiction, l’auteure tente d’identifier la chaîne d’une mystérieuse épidémie mortelle en partant du premier malade: un gamin de deux ans nommé Emile. Tout se passe en Afrique, au Congo, dans la tribu des Boutouls entourée du désordre des herbes bambous et des plants de manioc. La sœur d’Emile, Olympe, joue avec un bébé chauve-souris sous un manguier alors que les garçons de la tribu partent à la recherche de gibier dans la Montagne des nuages. Quelques jours plus tard, l’ensemble de la tribu partage un festin: de la viande de brousse rapportée victorieusement par les garçons. Dans cette région, des sœurs et bénévoles de « Médecins Sans Frontières » s’activent pour soigner les populations en menant des campagnes de vaccination. Le personnage d’Agrippine est docteur en médecine et voyage pour des ONG, au gré des guerres et des épidémies, loin d’un système auquel elle n’adhère pas. Aux côtés de Virgile, un ethnologue, Agrippine va confronter ses thèses à propos des maladies endémiques. Malheureusement, l’ignorance et le manque de moyens favorisent le développement des épidémies et la bonne volonté ne suffit pas. La superstition est un autre grand thème du roman: Olympe sera destinée à porter la malédiction de la tribu. La nature se venge t-elle des hommes? Paule Constant, membre de l’Académie Goncourt, dépeint talentueusement la beauté de l’Afrique, ses croyances et ses traditions. C’est avec plaisir que nous partons dans cette aventure pourtant dénuée de mystère car Paule Constant a déjà dévoilé, dans quelques interviews, le nom de l’épidémie dont elle décrit les mécanismes: Ebola. Bon moment de lecture.
Jeune fille à l’ouvrage. Y. Ogawa
Ce recueil de dix nouvelles éveille, au fil des pages, chacun de nos sens. En effet, la lecture de cet ouvrage invite à un voyage poétique au Japon. A la manière d’un origami, Yôko Ogawa décrit avec délicatesse les détails de la vie quotidienne de ses personnages et précipite la lectrice dans un univers singulier. L’ensemble des éléments, propres à chaque histoire, évoque souvent un tableau d’art moderne. Mention spéciale pour « L’Encyclopédie » . Yôko Ogawa y développe des thèmes liés à l’intime, l’écriture, le désir, l’enfance et le mensonge. Bon moment de lecture.
L’intestin au secours du cerveau. Dr. D. Perlmutter
Tout ce qui concerne le bon fonctionnement de l’intestin fait, de plus en plus, l’objet de nombreux livres. Pourquoi? Pour la simple et bonne raison qu’il y a eu de nouvelles avancées scientifiques, dans ce domaine, au cours des dernières années. Notre ventre contient ainsi deux cents millions de neurones qui veillent à notre digestion et communiquent directement avec notre cerveau. Le Docteur David Perlmutter est un neurologue américain qui nous explique, dans ce nouveau document, le lien entre notre santé mentale et notre fonctionnement intestinal. Pour lui, c’est notre régime alimentaire qui est déterminant: il faut impérativement nourrir nos bonnes bactéries intestinales pour pouvoir nous défendre face à la maladie. Pour être en bonne santé, il faut absolument réduire l’inflammation par la consommation de graisses du type Oméga 3 (huile d’olive, poissons gras, graines de lin, viande d’animaux nourris à l’herbe…) car notre alimentation actuelle est trop riche en graisses de type Oméga 6. L’auteur insiste sur le rôle protecteur du café, du thé, du vin et nous incite à consommer des aliments fermentés (kefir, choucroute, kombucha…), des probiotiques (Lactobacillus plantarum, Bifidobacterium lactis…), des prébiotiques (ail cru, poireau cru, asperge crue…)… Ce document est très intéressant mais un peu trop savant car il comporte une multitude d’études et statistiques. Ceci dit, nous devrions tous faire un effort de concentration pour assimiler ces nouvelles informations scientifiques; il y va de notre santé!
Je vous écris dans le noir. J-L Seigle
François Busnel a écrit à propos de ce roman: « Le résultat est une claque monumentale: la beauté et la violence mêlées en un lien inextricable. » C’est exactement ce que la lectrice ressent au moment de refermer le livre de Jean-Luc Seigle. Inspiré par la véritable histoire de Pauline Dubuisson, l’auteur livre un roman bouleversant où il se glisse, singulièrement, dans le corps de la jeune meurtrière. En 1961, Clouzot porte à l’écran son film « La vérité » dont l’actrice principale est Brigitte Bardot. Elle interprète le personnage de Pauline Dubuisson, condamnée à la Libération qui, plus tard, a assassiné son fiancé Félix. Après avoir vu le film, Pauline Dubuisson fuit la France pour s’installer au Maroc sous un faux nom. Un homme lui fait une demande en mariage. Dix ans après le meurtre, Pauline se prépare à tout lui avouer par amour. Les faits condamnent cette femme et pourtant…Sans juger, avec lucidité et empathie, l’auteur incarne la féminité avec talent. Le destin tragique d’une femme trahie par les hommes. Bon moment de lecture. Prix Exbrayat 2015.
Désintoxiquez-vous. Dr. V. Vasseur et C. Thévenot
Le Docteur Véronique Vasseur et la journaliste Clémence Thévenot publient un livre pour réveiller nos consciences de consommateurs. Il est grand temps: les médecins dépistent mille cancers par jour, en France ! Face à une pollution chronique, qui nous empoisonne lentement mais sûrement, les auteures nous livrent des conseils précieux afin de nous désintoxiquer: aérer nos intérieurs chaque jour, consommer bio, éviter les détergents agressifs, ne plus chauffer du plastique au micro-ondes, vérifier les ingrédients de nos cosmétiques, cuisiner des produits frais…Le Docteur Véronique Vasseur tire notamment l’alarme à propos des perturbateurs endocriniens qui bloquent la production de nos hormones. Malgré certains passages scientifiques, la lectrice doit se concentrer pour bien comprendre « ce guide qui peut sauver la vie ». Changer nos habitudes de consommation afin d’obliger les industriels à arrêter certaines pratiques, voilà le programme. Notre ami Coluche disait déjà, avec raison: « Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus de saloperies pour que ça ne se vende plus! ».
Le Bouc Emissaire. D. Du Maurier
Séduite par le roman « Rebecca » (1938) , j’avais envie de découvrir d’autres fictions de l’écrivaine britannique Daphné Du Maurier. J’ai commencé par la lecture du roman « La maison sur le rivage » (1969) mais il m’est tombé des mains. Impossible de me projeter dans cette histoire de retour vers le passé grâce à l’absorption d’une potion magique. Alors, j’ai commencé la lecture d’un autre roman: « le Bouc Émissaire » (1957) et, dès le début, je me suis demandée si cette histoire de sosie était vraiment crédible? C’est bien là que réside le talent de Daphné du Maurier car elle nous tient en haleine tout au long de ce roman à suspense. En résumé, un homme de passage au Mans rencontre, par hasard, son double parfait. Ils font connaissance et comparent leurs problèmes: John est un anglais solitaire et déprimé, en vacances en France, alors que Jean est un aristocrate malheureux. Jean saoule John au cours de la nuit et, voici qu’au petit matin, John se réveille dans la peau de Jean de Gué. Le narrateur (John) nous raconte l’histoire de cette imposture et son quotidien dans le château familial où vivent de nombreux personnages secondaires. Étrangement, les membres de sa famille ne s’aperçoivent pas de cette tromperie qui dure sept jours, à l’exception du chien de Jean (comme, jadis, Argos, le chien d’Ulysse). Daphné du Maurier a particulièrement soigné son univers; la vie du château est détaillée et réaliste. La lectrice découvre également, avec plaisir, une région rurale d’après-guerre, en France. Comme dans « Rebecca » , l’auteure excelle dans sa façon de nous dépeindre un milieu malsain composé de personnages complexes. Daphné du Maurier nous fait ressentir, à nouveau, son amour des belles maisons; le château familial est présenté comme un personnage à part entière. Excellent moment de lecture.
Une allure folle. I. Spaak
Isabelle Spaak est une romancière belge, fille et petite fille de diplomates émérites. Vu de loin, tout semble parfait dans ce milieu privilégié. Et pourtant, Isabelle Spaak est hantée par la mort tragique de ses parents: sa mère a tué son père avant de se suicider. Pour mieux comprendre les failles de sa mère, Annie, la romancière revient sur son parcours mais également sur celui de Mathilde, la grand-mère libre et rebelle. Isabelle Spaak retourne sur les lieux de son enfance à Bruxelles et en Ardennes, relit le courrier, analyse les photos…au fil des pages, Isabelle Spaak nous livre une part de sa vérité au-delà des mensonges et faux semblants. Bon moment de lecture.
Au Bonheur des Dames. Zola
Un grand classique à lire ou à relire. Zola traite, dans ce roman sentimental, de la naissance des grands magasins parisiens à la fin du 19ème siècle. Il fait également état des différences sociales de l’époque en prenant pour héroïne Denise Baudu, une orpheline. Afin de pouvoir survivre avec ses frères, la jeune femme se fait engager « Au Bonheur des Dames » , une cathédrale de tentations située à deux pas de l’Opéra Garnier. Embauchée au bas de l’échelle, Denise va gravir les échelons au sein de l’entreprise et dans le cœur de son patron, Octave Mouret. Zola excelle, ici, dans sa façon de nous dépeindre la disparition des petites boutiques du vieux Paris sous la pression d’un nouveau monde de commerce puissant. Inspiré par Aristide Boucicaut, fondateur du « Bon Marché » , Zola a visiblement réalisé un travail de recherche impressionnant car il fait vivre ce lieu, et toutes ses marchandises, avec un réalisme étonnant. Il met également en scène des membres du personnel, derrière leurs comptoirs, et certains comportements malfaisants envers Denise. Heureusement, il est question d’amour et d’amitié, dans ce roman dense, mais également du désir des femmes. Zola a choisi de présenter les clientes du magasin comme des femmes incapables de résister face aux merveilleuses marchandises du « Bonheur des Dames » . Un brin désuet, ce roman nous plonge, avec plaisir, dans la capitale de la mode et du luxe sous le Second Empire. Excellent moment de lecture.
Ainsi soit style. S. Lavoine
Derrière son petit air rock’n roll, Sarah Lavoine est une femme du monde qui aime les belles choses. Fille de l’ancien directeur du magazine « Vogue » et d’une mère décoratrice, cette jolie parisienne partage, ici, ses astuces, ses idées mais aussi ses recettes et ses précieuses adresses. Dans ce pêle-mêle, Sarah Lavoine invite la lectrice à transformer son intérieur en havre de paix pour mieux vivre. En bousculant les codes, elle nous incite à appliquer le mix & match en rythmant, par exemple, les compositions, en jouant sur les lignes de force et en détournant les objets. Du salon à la salle de bains, en passant par la cuisine et la chambre, elle conseille sur le choix des couleurs, des matières, des éclairages et des agencements dans un style coloré qui invite aux voyages. Du côté de Marrakech, New York, Bali ou Tokyo, cette globe trotteuse élégante est toujours à la recherche d’objets, de lieux et de tendances qu’elle nous fait partager. Bien plus qu’un livre de décoration, cet ouvrage très personnel, nous parle d’un art de vivre à la française.
Deux ans de vacances. J. Verne
Ce classique de Jules Verne est indémodable. A la fin du XIXème siècle, quinze garçons, de huit à quinze ans, se retrouvent à bord d’un navire en perdition dans le pacifique. Ils échouent sur une île déserte où de dangereux bandits débarquent….tous les ingrédients du roman d’aventure se retrouvent dans cette fiction aux allures de Robinson Crusoé. Les jeunes lecteurs (12-14 ans) adorent ce roman plein de suspense, de courage et de solidarité. Excellent moment de lecture.
L’aviatrice. P. McLain
Voici un roman captivant qui nous emporte au Kenya, au début du XXème siècle, dans une ambiance digne du film « Out of Africa » et du roman de Karen Blixen: « La ferme africaine » . Au Kenya, Beryl Markham grandit, comme une sauvageonne, sous le regard de son père et certains membres de la tribu Kipsigi. La jeune Beryl apprend à dresser des chevaux de course sur la propriété familiale. Dès sa première rencontre avec Denis Finch Hatton, elle tombe éperdument amoureuse mais celui-ci est déjà engagé dans une relation avec la romancière Karen Blixen. De mariages ratés en liaisons adultères, Beryl va accomplir son destin de femme libre entre l’Afrique et l’Angleterre. Elle sera la première aviatrice à effectuer un vol transatlantique, en solitaire, à bord de son Vega Gull bleu baptisé « Messenger » . Paula McLain s’inspire de personnages et faits réels pour nous embarquer dans cette fiction romantique très réussie. La plume poétique de l’auteure rend un hommage vibrant à la beauté sauvage de la nature africaine au temps de la colonisation britannique. Excellent moment de lecture.
La puissance de la joie. F. Lenoir
Voici un livre anti-déprime qui fait beaucoup de bien en cette fin d’année. Frédéric Lenoir, philosophe et sociologue, traite, ici, du moteur de notre vie: la joie. « Rien ne nous rend plus vivants que l’expérience de la joie » . Mais comment la cultiver dans une société comme la nôtre? Tout en s’appuyant sur des philosophes comme Spinoza, Nietzsche et Bergson, Frédéric Lenoir témoigne de son expérience de vie monastique avec beaucoup d’émotions. Il nous propose une réflexion, un accès vers la joie de vivre: « La joie de vivre que nous avons perdue, celle de notre enfance, vit encore à l’intérieur de nous, telle une source enfouie sous un tas de cailloux. » L’auteur nous conseille de laisser jaillir la joie dans nos vies et nous enseigne une manière de l’apprivoiser par certaines attitudes comme la confiance, l’ouverture du coeur, la bienveillance, la gratitude, la méditation etc… Nous suivons, volontiers, les sages conseils de Frédéric Lenoir pour tendre vers un état de bonheur en accord avec les autres. Moment de lecture propice.
Va et poste une sentinelle. H. Lee
Cela faisait cinquante ans que les lecteurs attendaient la publication du second roman d’Harper Lee. Après le roman fétiche: « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » , nous retrouvons, avec plaisir, des personnages familiers. Jean Louise Finch (la petite Scout du premier roman) rend visite à son père Atticus dans sa ville natale de l’Alabama au milieu des années cinquante. Vingt ans ont passé et la nation se déchire toujours pour des questions raciales. Ce roman a, bien évidemment, battu des records de ventes proportionnellement à l’attente des lecteurs mais, pour la lectrice que je suis, ce n’est pas un grand livre. L’inégalité raciale aux Etats-Unis est le thème principal de cette fiction désenchantée . Il n’y a plus la moindre trace de magie; aucune tendresse ni poésie de l’enfance. Le ton du roman est particulièrement moralisateur, féroce et révolté.
10 jours dans un asile. N. Bly
Voici le reportage passionnant d’une journaliste infiltrée dans l’asile de Blackwell’s Island, à New York, en 1887. Nellie Bly n’a pas froid aux yeux lorsqu’elle se fait passer pour folle afin d’enquêter sur les conditions de vie des pensionnaires de cet établissement. Ce qu’elle va découvrir dépasse tout entendement et nous renseigne un peu plus sur la nature humaine. Au bout de dix jours d’enquête en enfer, la journaliste retrouve sa liberté et publie ce reportage sous forme de feuilleton dans le « New York World » Journal. Grâce à son travail, une enquête du grand jury fût menée dans cet asile permettant l’amélioration des conditions de vie des internées. En bonus, la lectrice poursuit sa lecture avec un autre reportage: « Dans la peau d’une domestique » , une tentative de Nellie Bly d’enquêter sur les gens de maison via deux agences de placement. Enfin, un dernier reportage « Esclave moderne » traite de son immersion dans une fabrique de boîtes, à New York, où elle recueille les témoignages d’ouvrières attachantes. Ces deux reportages ressemblent aux gravures de métiers anciens aujourd’hui disparus; panorama d’une époque. Nellie Bly fût une pionnière du journalisme d’investigation et une figure légendaire de la presse américaine. Bon moment de lecture.