Si la lecture représente, pour vous, une activité barbante, voici un roman qui peut vous faire changer d’avis. Agatha Raisin, une quinquagénaire anglaise, mène l’enquête après le décès de son vétérinaire préféré. Au fil des pages, nous découvrons un personnage étonnant: Agatha est une femme à la personnalité affirmée, curieuse et rusée. James Lacey, un ancien militaire séduisant, va contribuer à l’enquête tout en éveillant les fantasmes d’Agatha. L’auteure, M.C. Beaton, dose parfaitement le suspense dans cette enquête rondement menée. Il existe déjà un autre tome des aventures d’Agatha Raisin: « Quiche fatale » ; tout un programme. Un roman de gare, léger et drôle, à glisser dans vos valises. Bon moment de lecture.
Archives de catégorie : livre d’escapade
Mon Paris littéraire. F. Busnel
Sous des allures de guide officiel, ce livre d’escapade nous réserve quelques belles surprises; découvrir Paris autrement. Notre animateur préféré ne s’est pas contenté d’indiquer des adresses; il se livre à des confidences, propose une promenade au bord de la Seine et dévoile quelques endroits confidentiels. Au fil de notre lecture, nous découvrons un François Busnel mondain, esthète et épicurien, qui, après un dîner à « La Closerie des Lilas », aimait mixer chez « Castel ». Cependant, ce grand amoureux de Paris apprécie également les choses simples: admirer un très vieil arbre, bouquiner au Jardin des Plantes, s’installer sur un banc ensoleillé du XVIIème arrondissement…Sans langue de bois, l’animateur présente une sélection de librairies mais aussi des parcs, des restaurants et des curiosités comme les adresses de certains personnages de romans: la maison où Cosette épouse Marius dans « Les Misérables » , la pension du « Père Goriot » , l’adresse des « Trois Mousquetaires » , les lieux évoqués par Modiano…Grâce à son « Paris littéraire », François Busnel nous invite à découvrir la capitale sous un autre angle. Bon moment de lecture.
Le Goéland. J. Balde
Amoureux du Bassin d’Arcachon et du Cap Ferret, voici un roman poétique écrit sous le pseudonyme de Jean Balde, en 1926. L’auteure de cette fiction était,en fait, une écrivaine qui s’appelait Jeanne Marie Bernarde Alleman (1885-1938). Lauréate du Grand Prix du roman de l’Académie Française, la romancière se voulait l’héritière de George Eliot. « Le Goéland » était son roman préféré. Au début du XXème siècle, Jean Balde choisit de situer sa fiction du côté du village d’Arès, aujourd’hui défiguré par la modernité, du temps où Bordeaux semblait loin. « Le Goéland » ressemble à un reportage ébloui, désuet, qui rend hommage à tout un peuple d’ostréiculteurs, de marins, de bergers et de résiniers. Dans un style pittoresque, Jean Balde reconstitue de magnifiques paysages, un langage, des gestes, des costumes, une nature somptueuse….« Autour de ce rond miroir d’eau, le Bassin d’Arcachon, un cirque sinueux profile ses lisières de pins et de sable, boursouflées de dunes, les unes boisées, d’un vert de bronze, d’autres sauvagement nues, aux crêtes d’argent rose, couleur de désert… » Jean Balde nous raconte l’histoire touchante d’un bâtard: Michel, jeune garçon perdu, en quête d’identité. Placé dans une famille, il reçoit parfois la visite furtive de sa mère, Laure, qui détient le secret à propos des origines de Michel; un terrible secret de famille qu’elle finira par dévoiler. Même si l’énigme tient en haleine, il faut admettre que ce sont les descriptions de la beauté de cette région sauvage, d’avant l’anarchie immobilière, qui nous captivent; la découverte d’un éden. Beau moment de lecture.
La mémoire des embruns. K. Viggers
Si vous aimez les grands espaces, vous aimerez ce bol d’air iodé proposé par Karen Viggers. Sur l’île de Bruny, du côté de la Tasmanie, une veuve âgée passe ses derniers jours là où elle a vécu avec ses enfants et son mari, gardien de phare. Au creux des dunes, dans une cabane en rondins face à la baie, Mary se souvient de Jack, son époux, mais aussi d’un secret. Dès le début de l’histoire, une mystérieuse lettre traîne au chevet de Mary. Il faudra attendre les dernières pages du roman pour découvrir son contenu. Le suspense n’est pourtant pas entier car la lectrice est dans la confidence, ce qui gâche légèrement notre plaisir. Dans cette fiction, il est également question de Tom, le fils de Mary. Divorcé, Tom n’arrive pas à trouver son bonheur. Solitaire, il se réconforte auprès de son chien, Jess. Ce roman est une promesse d’évasion; la découverte d’une nature magnifique où planent des oiseaux marins. L’écriture, simple et sincère, de Karen Viggers nous emporte dans un paysage du bout du monde balayé par les embruns. Bon moment de lecture.
Passé imparfait. J. Fellowes
Si vous voyagez, cet été, voici un roman qui peut vous aider à patienter dans la bonne humeur. Le créateur de la série Downton Abbey nous replonge, ici, dans l’Angleterre des années soixante en présentant, avec beaucoup d’humour, un portrait féroce de l’aristocratie de l’époque. Entre Tea parties et Saison des Débutantes, le personnage de Damian Baxter arrive à s’introduire dans un monde réputé inaccessible; pour le meilleur et pour le pire. Quarante années se sont écoulées depuis la dernière rencontre de notre narrateur avec le beau Damian. Ce dernier va lui demander une faveur particulière: retrouver un héritier dont il ignore l’identité. Beaucoup de rebondissements et de révélations jalonneront le parcours de notre narrateur pour notre grand plaisir de lecture. Julian Fellowes s’amuse à faire des allers-retours dans le temps pour mieux évoquer un monde révolu, celui qui séparait les maîtres des serviteurs. Moment de lecture divertissant.
Le grand marin. C. Poulain
Voici un roman bouleversant qui projette la lectrice dans le monde de la mer à l’état brut. Partant de sa propre expérience, Catherine Poulain décrit l’exil d’une femme française, une baroudeuse, qui quitte ses chaînes pour partir à l’aventure et franchir la dernière frontière: l’Alaska. Entourée de marins, confrontée aux éléments, Lili embarque à bord d’un bateau de pêche où l’existence est incroyablement rude pour une femme. Celle qui commence son apprentissage à bord du « Rebel » , dort sur le plancher de la timonerie puis travaille au rythme effréné de la pêche à la morue noire et au flétan. Dans son ciré jaune, ce petit bout de femme fragile cherche à aller au bout de ses forces comme les hommes et rêve de toucher du doigt le mont Pillar. Dans un combat frénétique, Lili saigne le poisson, entaille l’ouïe, éventre le corps gluant qui résiste dans des soubresauts désespérés…Pour la lectrice, une image puissante surgit à l’instant où Lili gobe le cœur d’un poisson: « au chaud dans moi ce cœur qui bat, dans ma vie à moi la vie du grand poisson que je viens d’embrasser pour mieux éventrer. » Sur le pont du « Rebel » où hurlent les mouettes, Lili va croiser le regard d’un homme: « Le grand marin » . Cette rencontre est celle de deux individus perdus qui vont se révéler l’un à l’autre. Ce roman d’apprentissage, écrit à la première personne du singulier, est captivant. Au rythme des marées, l’écriture percutante de Catherine Poulain porte le parfum des embruns; le goût du sel. Au fil des pages, Lili trouvera, au milieu de l’océan et des brassées du vent, la fraternité des hommes. Excellent moment de lecture.
Paroles blessées. M. Terki
Il faut lire ce recueil de poésie, écrit en prose, en s’imprégnant de la beauté de chaque mot. Des paroles blessées comme des cicatrices. Meriem Terki évoque le temps qui passe, l’amour, la mort, le désir, l’attente… Elle dépose, sur les pages de ses cahiers d’étudiante, des mots comme des larmes et confie ses amours mortes, interdites, dans un rapport au corps très sensuel. En dévoilant son univers tissé d’absolu, Meriem oscille entre ombre et lumière pour provoquer en nous toute une gamme d’émotions.
« Il est passé, tu sais, le train de nos baisers, j’attendrai qu’il revienne. »
Des chauves-souris, des singes et des hommes. P. Constant
L’OMS vient de publier un rapport selon lequel une personne décède chaque minute dans le monde à cause d’une maladie infectieuse. Paule Constant est bien placée pour nous parler des grandes épidémies: son père était médecin militaire et son mari est un infectiologue réputé. A travers cette fiction, l’auteure tente d’identifier la chaîne d’une mystérieuse épidémie mortelle en partant du premier malade: un gamin de deux ans nommé Emile. Tout se passe en Afrique, au Congo, dans la tribu des Boutouls entourée du désordre des herbes bambous et des plants de manioc. La sœur d’Emile, Olympe, joue avec un bébé chauve-souris sous un manguier alors que les garçons de la tribu partent à la recherche de gibier dans la Montagne des nuages. Quelques jours plus tard, l’ensemble de la tribu partage un festin: de la viande de brousse rapportée victorieusement par les garçons. Dans cette région, des sœurs et bénévoles de « Médecins Sans Frontières » s’activent pour soigner les populations en menant des campagnes de vaccination. Le personnage d’Agrippine est docteur en médecine et voyage pour des ONG, au gré des guerres et des épidémies, loin d’un système auquel elle n’adhère pas. Aux côtés de Virgile, un ethnologue, Agrippine va confronter ses thèses à propos des maladies endémiques. Malheureusement, l’ignorance et le manque de moyens favorisent le développement des épidémies et la bonne volonté ne suffit pas. La superstition est un autre grand thème du roman: Olympe sera destinée à porter la malédiction de la tribu. La nature se venge t-elle des hommes? Paule Constant, membre de l’Académie Goncourt, dépeint talentueusement la beauté de l’Afrique, ses croyances et ses traditions. C’est avec plaisir que nous partons dans cette aventure pourtant dénuée de mystère car Paule Constant a déjà dévoilé, dans quelques interviews, le nom de l’épidémie dont elle décrit les mécanismes: Ebola. Bon moment de lecture.
Jeune fille à l’ouvrage. Y. Ogawa
Ce recueil de dix nouvelles éveille, au fil des pages, chacun de nos sens. En effet, la lecture de cet ouvrage invite à un voyage poétique au Japon. A la manière d’un origami, Yôko Ogawa décrit avec délicatesse les détails de la vie quotidienne de ses personnages et précipite la lectrice dans un univers singulier. L’ensemble des éléments, propres à chaque histoire, évoque souvent un tableau d’art moderne. Mention spéciale pour « L’Encyclopédie » . Yôko Ogawa y développe des thèmes liés à l’intime, l’écriture, le désir, l’enfance et le mensonge. Bon moment de lecture.
L’aviatrice. P. McLain
Voici un roman captivant qui nous emporte au Kenya, au début du XXème siècle, dans une ambiance digne du film « Out of Africa » et du roman de Karen Blixen: « La ferme africaine » . Au Kenya, Beryl Markham grandit, comme une sauvageonne, sous le regard de son père et certains membres de la tribu Kipsigi. La jeune Beryl apprend à dresser des chevaux de course sur la propriété familiale. Dès sa première rencontre avec Denis Finch Hatton, elle tombe éperdument amoureuse mais celui-ci est déjà engagé dans une relation avec la romancière Karen Blixen. De mariages ratés en liaisons adultères, Beryl va accomplir son destin de femme libre entre l’Afrique et l’Angleterre. Elle sera la première aviatrice à effectuer un vol transatlantique, en solitaire, à bord de son Vega Gull bleu baptisé « Messenger » . Paula McLain s’inspire de personnages et faits réels pour nous embarquer dans cette fiction romantique très réussie. La plume poétique de l’auteure rend un hommage vibrant à la beauté sauvage de la nature africaine au temps de la colonisation britannique. Excellent moment de lecture.
Rien de personnel. A. Colombier Hochberg
Agathe Colombier Hochberg aborde la question de la défaillance maternelle dans un petit roman qui manque singulièrement de profondeur. Elsa, son personnage principal, est historienne et biographe. Elle décide d’écrire la biographie d’une actrice française célèbre qui est, en fait, sa mère biologique. Elevée par son père, Elsa n’a plus eu de contact avec sa mère depuis son dixième anniversaire. L’enquête menée par Elsa, afin de retracer l’histoire de sa famille maternelle russe, est le point fort du roman. Malheureusement, tout ce qui concerne Elsa et sa fille Louise (en ado tyrannique et menteuse) parasite la lecture. Des thèmes essentiels comme ceux de l’identité, de la difficulté d’être mère, de l’abandon, du secret… sont effleurés. Cette fiction simple, au ton léger, comporte trop de généralités et procure à la lectrice un sentiment de frustration.
Guide à l’usage des jeunes femmes à bicyclette sur la route de la soie. S. Joinson
Voici un roman insolite qui nous transporte sur les routes d’Asie vers 1920. Evangeline quitte l’Angleterre, avec sa bicyclette, pour rejoindre sa soeur Lizzie, missionnaire. Suzanne Joinson nous conte le fabuleux périple de trois femmes européennes, en Orient au début du XXème siècle, avec tous les risques et surprises qu’un tel voyage comporte. L’auteure rythme la fiction en alternant deux périodes: passé et présent. A Londres, nous découvrons le personnage de Frieda. La jeune femme fait un mystérieux héritage et enquête sur ses origines aux côtés de Tayeb, un immigré yéménite. Le dépaysement est total dans cette fiction à la fois romantique et poétique. Avec plaisir, nous découvrons le récit de voyage d’Evangeline et ses conseils surannés dans l’art de conduire une bicyclette. Ce roman féminin, salué de nombreuses fois par la critique, traite de nombreux thèmes comme le voyage, la découverte, l’amitié, la maternité, l’homosexualité, la fraternité, l’identité, les croyances…Excellent moment de lecture.
L’Empire en Héritage. S. Hayat
Le personnage principal de ce roman historique est le fils de Napoléon 1er et Marie-Louise d’Autriche : Napoléon II, François, prince héritier. En 1832, celui que l’on surnomma » L’Aiglon « , meurt à l’âge de 21 ans en déclarant: « Entre mon berceau et ma tombe, il y a un grand zéro. » C’est, donc, avec une certaine émotion que la lectrice découvre ce personnage historique malheureux et mal connu du grand public. Enfant, François a été envoyé à Vienne, loin de son père, où il mène la vie morose d’un prince de sang. Sous la plume vive de Serge Hayat, François grandit, apprend, aime, voyage, s’affranchit et donne un sens à son existence. Grâce au style scénaristique, et à l’abondance de détails qui témoignent d’un important travail de documentation, la lectrice se retrouve immergée dans ce voyage imaginaire de Vienne à Saint Hélène en passant par Paris. Pour notre grand plaisir, cette fiction réserve des rebondissements en grand nombre mais aussi des trahisons, des rencontres, des drames et d’heureuses surprises. Finalement, ce roman d’aventures nous emmène loin sans jamais lasser. Si, quelque part, l’auteur entretient la légende Napoléonienne, il nous éclaire aussi sur la personnalité de l’empereur déchu. Par- dessus tout, Serge Hayat rend un bel hommage à François, ce prince héritier attachant, en lui offrant un destin. Bon moment de lecture.
Itinéraire d’enfance. D. T. Huong
Duong Thu Huong est une auteure vietnamienne rebelle qui se bat depuis longtemps pour la démocratie et la liberté. Dissidente et exilée en France, elle a participé à la renaissance littéraire de son pays dans les années quatre-vingt. Aujourd’hui très populaire mais aussi contestée, ses livres sont interdits de publication au Vietnam. Au cours de mon voyage, j’ai choisi de lire « Itinéraire d’enfance » , un roman d’apprentissage lumineux. Nous sommes à la fin des années cinquante, au Vietnam, après la guerre d’Indochine. Bê est une jeune vietnamienne de douze ans qui se retrouve exclue de son école après avoir défendu une élève abusée. Elle décide de s’enfuir de chez elle en compagnie de sa meilleure amie Loan et de rejoindre la garnison de son père à la frontière nord du pays. Duong Thu Huong nous invite à nous plonger dans un périple truffé d’obstacles et de belles rencontres. La lectrice sort des sentiers battus pour suivre les aventures de ces deux adolescentes naïves et courageuses qui vont travailler dans une auberge, tuer le cochon et chasser le tigre… Le vieux Môc est un personnage particulièrement attachant qui jouera un rôle important pour ces deux jeunes filles perdues. Dans un style incroyablement poétique, l’auteure nous dépeint, avec finesse, la vie rurale des montagnards, leurs coutumes et croyances, mais aussi la beauté de la nature: « l’aube s’est vraiment levée. L’aube en montagne, au début du printemps, n’a pas cet éclat souvent décrit dans la littérature. C’est une aurore agréable, d’un blanc satiné comme du lait concentré, on a le sentiment de voir un troupeau de moutons paissant dans des pâturages oniriques et traversant le ciel, qui nous baigne d’une lumière argentée, emplissant nos coeurs de sentiments de pureté et de clarté. » Il faut lire d’autres romans de Duong Thu Huong comme « Les collines d’eucalyptus » et « Terre des oublis » , Grand Prix des Lectrice du « Elle » 2007.
L’ombre douce. H. H. Nguyen
Au cours d’un fabuleux voyage au Vietnam, j’ai relu, avec un plaisir décuplé, « La petite marchande de souvenirs » de François Lelord (Mai 14 sur ce blog). Entre Hanoï et Saigon, j’ai découvert la beauté d’un pays verdoyant, la diversité d’une culture ancestrale mais aussi une auteure vietnamienne. Avec raison, Hoai Huong Nguyen a déjà été récompensée par de multiples prix littéraires. Sa fiction envoûtante nous plonge dans l’enfer tropical de la guerre d’Indochine: en 1954, un soldat breton prénommé Yann est soigné dans un hôpital d’Hanoï par Mai, une jeune vietnamienne. Malgré les obstacles, ce couple mixte va s’aimer et se marier juste avant le départ de Yann pour Diên Biên Phu. Mai va tout faire pour retrouver son grand amour. Le style poétique de l’auteure fait appel à tous nos sens. Hoai Huong Nguyen évoque merveilleusement son pays d’origine et nous parle d’amour absolu et de guerre; une histoire d’eau et de feu. Un certain raffinement, une subtilité, une pudeur dans le ton impressionnent au cours de la lecture tout comme le contraste entre la cruauté et la beauté. Hoai Huong Nguyen jette un pont entre l’Orient et l’Occident et procure à la lectrice des sensations, des images et des parfums inoubliables.
Mirage. D. Kennedy
Douglas Kennedy a, bel et bien, retrouvé son inspiration. « Mirage » ne ressemble pas à ses meilleurs romans: « L’homme qui voulait vivre sa vie » ou « La femme du Vème » ; « Mirage » est assurément différent. Douglas Kennedy se focalise, ici, sur la psychologie de ses personnages tout en analysant le couple: Robyn est une femme américaine très rationnelle qui a épousé Paul, un artiste instable et plus âgé. L’envie d’un enfant se fait ressentir; le couple part en vacances au Maroc dans l’espoir de concevoir le fruit de leur amour. Un jour, Robyn découvre un secret tandis que Paul disparaît mystérieusement… Dans la chaleur harassante d’un été marocain, l’aventure cauchemardesque de Robyn va alors commencer. Le décor a son importance: le Sahara apparaît comme une image mythique derrière laquelle se cache l’idée qu’on ne regarde que ce que nous avons envie de voir. Véritable polar où le suspense est permanent, Douglas Kennedy s’amuse à confronter le monde occidental au monde oriental tout en dressant le portrait de la société marocaine. La question du père s’impose dans cette fiction rythmée tout comme celle du sexe et du poids de l’échec dans la société américaine. La lectrice retrouve un dénominateur commun aux romans de Douglas Kennedy: son obsession de la fatalité. Et si l’amour était un mirage? Bon moment de lecture.
L’immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes. K. Lambert
Comment choisit-on un livre? Dans le cas de ce roman, c’est son curieux titre qui m’a interpellé. Ensuite, Karine Lambert a reçu le Prix Saga Café du Meilleur Premier Roman Belge (2014). Dans ces conditions, j’ai décidé de glisser ce roman dans mon sac de plage et je ne le regrette pas. Karine Lambert nous raconte l’histoire de cinq femmes qui partagent un immeuble parisien; cinq femmes qui ont toutes renoncé au désir et à l’amour. Telle une ruche, elles évoluent autour de la propriétaire surnommée « la Reine ». Jusqu’au jour où Juliette, une nouvelle locataire, va venir bousculer les habitudes de l’immeuble. Il se dégage beaucoup de fraîcheur de cette fiction à la fois tendre, poétique et grave. La lectrice apprécie le style humoristique de l’auteure et son énergie débordante. Les locataires de « la casa Celestina » sont toutes attachantes: Guiseppina qui traîne sa patte folle, Rosalie qui vit dans son passé, la Reine en ancienne danseuse-étoile, Simone qui n’ose plus danser et Carla en voyage en Inde…chaque lectrice retrouvera une part d’elle même à travers l’histoire de ces femmes qui ont décidé de ne plus prendre le risque d’aimer. A noter les nombreuses références artistiques qui ponctuent intelligemment le roman et apportent leur lot d’émotions. Il ne faut pas croire que les hommes sont absents de cette fiction; bien au contraire. Ce petit roman, facile à lire, nous invite à la réflexion tout en souriant. Bon moment de lecture.
Les Intéressants. M. Wolitzer
Suite aux bonnes critiques publiées dans les médias à propos de ce « page turner », je me suis littéralement embourbée dans la lecture de ce roman américain. Voici le pitch: durant l’été 1974, des adolescents se rencontrent lors d’une colonie de vacances et se baptisent « les Intéressants ». Julie (alias Jules), Ethan, Ash, Goodman, Jonah et Cathy font partie de cette bande d’amis pour le meilleur et pour le pire. Il faut reconnaître le talent de Meg Wolitzer pour dresser, avec finesse, le portrait d’une Amérique d’hier et d’aujourd’hui. La fiction est bien construite et les nombreuses réflexions au sujet de l’Art, l’amitié, l’amour, la famille et le couple sont particulièrement judicieuses. Alors, la lectrice va suivre ce petit groupe, à travers le regard de Jules, pendant quarante ans c’est-à-dire 564 pages. En réalité, cette épaisse saga nostalgique dresse le portrait d’une société américaine en déclin où chaque personnage va vivre une série de drames et de réussites qui ne se révèlent pas tous passionnants. Je dois bien admettre que je n’ai pas trouvé ce roman « intéressant » et encore moins captivant.
Wild Idea. Dan O’Brien
Imaginez-vous: assis sur le porche d’un ranch au milieu des Grandes Plaines du Dakota. Le paysage est à couper le souffle: un ensemble de vallons infinis embrasés de lumière. Au loin, évoluent des oiseaux, des chiens de prairie, des chevaux, des antilopes et des bisons. Vous êtes à l’écoute du récit de Dan O’Brien qui est à la fois éleveur, fauconnier, biologiste et écrivain. Après avoir tenté de réintroduire le faucon pèlerin dans les montagnes rocheuses, il réalise que tout est lié dans l’écosystème. Alors, il fonde « Wild Idea » , une entreprise d’élevage et de production du bison dans le respect de l’éthique écologique indienne. Pour la lectrice, ce témoignage est incroyablement passionnant. Dan O’Brien est un cow-boy bourru au coeur tendre; un ami; un époux et beau-père aimant. Au ranch, beaucoup de personnages attachants évoluent: Erney, Jill, Jilian, Colton, Gervase etc…et d’autres compagnons épatants: Hank, Oscar, Camo, Blacky, Granny, Gus…Mais tout est loin d’être idyllique et ce récit montre à quel point cette aventure écologique est une lutte permanente. Dan O’Brien a le grand mérite de nous aider à mieux comprendre le lien vital entre l’homme et la nature en partageant son histoire intime avec ses lecteurs. Excellent moment de lecture.
Spring Hope. S. Savage
Ce joli petit livre est un album de souvenirs. Une femme, devenue vieille, se souvient de son enfance et d’un lieu en Caroline du Sud: Spring Hope. A la manière de Georges Perec, Sam Savage débute ses phrases par « je me souviens… ». Les thèmes abordés sont ceux de l’enfance, la figure de la mère, les discriminations raciales, la nature, la famille, le temps qui passe, la littérature…Ce petit roman est, en fait, une oeuvre d’imagination où Sam Savage pèse chaque mot et rend hommage à sa mère: « une lectrice cosmopolite dans une ville insignifiante… ». Un livre à lire lentement en savourant chaque mot. « J’ai envie de dire que la page s’est noyée dans la rivière du temps. » Bon moment de lecture.
Mariage à l’indienne. K. Daswani
Par hasard, j’ai trouvé ce roman, rose et kitch, dans une gare. Sa première parution date pourtant de 2006. Kavita Daswani raconte l’histoire d’une jeune indienne, Anju, à la recherche du prince charmant à Bombay puis à New-York où elle s’installe en célibataire. Le thème principal de ce roman léger est celui de la condition de la femme indienne aujourd’hui. A la fois drôle et pathétique dans sa démarche, Anju est un personnage véritablement attachant; une femme tiraillée entre coutume et liberté qui souffre de solitude et d’un manque d’amour. La lectrice suit volontiers les pérégrinations amoureuses de cette indienne devenue journaliste de mode dans un monde ultra superficiel. Ce roman amusant est un voyage; une découverte exotique succulente. Finalement, Kavita Daswani nous entraîne bien plus loin que le terminus du train. Bon moment de lecture.
Rebecca. D. du Maurier
Après avoir lu la récente biographie de Daphné du Maurier (« Manderley forever » de Tatiana de Rosnay), je me suis plongée, avec curiosité, dans la lecture de « Rebecca » (1940). Cette nouvelle traduction est une réussite évidente; un moment d’évasion digne d’un superbe livre comme « Gatsby le Magnifique » . Dès la première phrase, la lectrice est conquise et se laisse envoûter par le texte: « J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. » La voix de la narratrice, Madame de Winter, nous embarque dans une fiction pleine de mystère et de rebondissements. Au fil des pages, la lectrice suit l’évolution de cette narratrice maladroite, envahie par son imaginaire mais qui va, peu à peu, saisir les rênes de sa vie. Rebecca est, en réalité, le prénom de la première femme de Maxim de Winter, noyée en mer. Il est donc question de rivalité entre la nouvelle femme de Maxim et le fantôme de l’épouse qui hante le domaine de Manderley en Cornouailles. Le thème de l’obsession domine cette fiction finement construite. Manderley, ce très beau manoir, est, ici, un personnage à part entière qui évolue au fil des saisons pour notre plus grand plaisir de lecture. Avec talent, la romancière dote ses personnages d’une psychologie fine et complexe; l’inquiétante Madame Danvers en est le meilleur exemple. Cette fiction romanesque, qui repose sur un malentendu, tient la lectrice en haleine jusqu’à la dernière phrase; un grand classique de la littérature. Lecture coup de coeur.
Comme tous les après-midi. Z. Pirzâd
Zulma publie, en édition poche, ce joli petit livre couleur pistache. L’auteure iranienne, Zoyâ Pirzâd, nous donne accès à la littérature persane grâce à ces dix-huit courtes nouvelles qui se situent entre le conte et la fable. Dans un langage simple, imagé et poétique, Zoyâ Pirzâd met en scène des personnages caractéristiques qui illustrent les préoccupations quotidiennes des femmes iraniennes . Les principaux thèmes du livre sont ceux de la société, de l’amour, du temps qui passe et de la nature humaine. De ce livre coloré se dégage une force émotionnelle puissante; un recueil de métaphores. « Les fleurs au centre de ce couvre-lit » et « Les pétunias de Raheleh » sont mes textes préférés. Un moment de lecture comme une invitation au voyage.
Chemins. M. Lesbre
Une scène singulière est à l’origine de ce joli roman: un soir, à Paris, Michèle Lesbre aperçoit un homme, assis sous un réverbère, lisant le livre d’Henry Murger « Scènes de la vie bohème » . Alors, elle se souvient, avec émotion, des lectures de son père. C’est vrai que le style de Michèle Lesbre s’apparente à celui de Modiano. Infiniment nostalgique, l’auteure se plonge avec mélancolie dans son passé à la recherche de lieux, de personnes, d’objets et de livres. Son style est poétique,tendre et facilement abordable. La lectrice accompagne volontiers l’auteure dans ce voyage, au bord d’un canal, où entre les peupliers défilent les souvenirs. Il est question, ici, des origines et de la mémoire. Au hasard des chemins et des rencontres, Michèle Lesbre part en quête d’un père trop vite disparu; son intime étranger. Excellent moment de lecture.
ORAHE. La méthode Estelle Lefébure
A quelques années de la cinquantaine, Estelle Lefébure est toujours aussi belle. Son secret? Une philosophie de vie qu’elle confie dans ce livre cartonné, illustré de magnifiques photos. Adepte du paddle, du yoga, de la natation, de la sophrologie et de la marche, la top mène une vie saine entre Saint Barth et la France. Intolérante au gluten et au lactose, elle livre, ici, des recettes faciles et accessibles. Sa méthode, basée sur la nutrition, le sport et la beauté est pleine de bon sens et donne vraiment envie de changer nos mauvaises habitudes de citadines. Mention spéciale pour les astuces de voyage. Moment de lecture zen.
A Lisbonne, j’ai pensé à toi. L. Ruffato
La littérature brésilienne était à l’honneur lors du dernier Salon du Livre de Paris (2015). En achetant ce roman, j’ai découvert un auteur brésilien méconnu au style urbain, réaliste et atypique. Construit à partir de quatre conversations enregistrées entre l’auteur et un clandestin brésilien installé à Lisbonne, ce roman retrace le parcours de Serghino. Après une série d’échecs dans son pays natal, Serghino, le narrateur, part à la recherche de l’eldorado au Portugal. Les phrases, ponctuées de mots exotiques, s’étirent au fil des pages pour mieux captiver notre attention. Pauvre, simple et crédule, Serghino raconte son exil, la tête pleine de rêves de grandeur. Ce clandestin est un personnage attachant coincé dans une existence sans issue. La lecture de ce court roman est un voyage pour la lectrice qui découvre deux pays mais aussi les subtilités entre la langue brésilienne et le vocabulaire lisboète. Luiz Ruffato soulève, avec talent et humour, la question de l’identité. Excellent moment de lecture.
Les vitamines du soleil. M. Dugain
Cette nouvelle est extraite du recueil de Marc Dugain: « En bas, les nuages » (2008). Idéale pour emporter en voyage, cette version Folio (2 euros) relate la rencontre d’un auteur français, expatrié au Maroc, avec une femme mystérieuse . Soleil et vitamines mais aussi suspense, originalité et rebondissements sont les principaux ingrédients de cette nouvelle efficace. Marc Dugain nous parle de ses doutes d’écrivain mais aussi du genre humain et de sa part d’ombre. Bon moment de lecture.
La Lettre à Helga. B. Birgisson
Ce roman déroutant fait partie de la sélection 2015 du Prix du Meilleur Roman des lecteurs de Points. Sa publication, en 2013, a été un vrai succès dans les pays nordiques. Pourquoi? Parce que cette déclaration d’amour est une sorte d’ovni littéraire. La lectrice entre dans un univers intime et sauvage qui traite pourtant des choses simples de la vie comme l’amour, le désir et la mort. Le narrateur est un vieux berger islandais du nom de Bjarni Gislason. En écrivant une lettre à Helga, son grand amour, il revient sur ses choix et sa vie en tentant de trouver des réponses. Le style de l’auteur est aussi rude que le climat d’Islande et la vie à la ferme. Bergsveinn Birgisson ne fait aucun détour, il appelle un chat un chat: « …je te palpais de mes doigts voluptueux et inspectais avec précision les protubérances de la poitrine et la consistance de sa chair. Tu gémissais de bonheur. Te voir nue dans les rayons de soleil était revigorant comme la vision d’une fleur sur un escarpement rocheux. Je ne connais rien qui puisse égaler la beauté de ce spectacle. La seule chose qui me vienne à l’esprit est l’arrivée de mon tracteur Farmall. Arracher l’armature et le carton protégeant le moteur pour découvrir cette merveille éclatante qui allait me changer la vie. » Ce roman qui sent la terre et les bêtes nous parle aussi de tradition, de culture et de transmission. La confidence de Bjarni nous touche et nous bouleverse par sa simplicité. Bon moment de lecture.
Chien de printemps. P. Modiano
Ambiance Sépia pour ce petit roman publié en 1993. Le narrateur revient sur sa rencontre fortuite, trente ans auparavant, avec le photographe Francis Jansen. En 1964, un jeune homme tente de faire de l’ordre dans les archives alors que le photographe disparaît mystérieusement au Mexique. L’écrivain devient alors le double du célèbre photographe et se souvient de son entourage: Colette, Nicole, Gil, Jacques Besse, Eugène Deckers, les Meyendorff etc.. La lectrice retrouve un style, une ambiance mais aussi Paris et les thèmes chers à l’auteur comme celui de l’identité, de la mémoire, du temps qui passe et de la mort. Modiano explore un territoire d’incertitudes et tente de reconstituer ses souvenirs. Cette fois, ce sont des photographies et un film d’action qui permettent, notamment, de retrouver les traces du passé. « Chien de Printemps » est une illusion qui oscille entre rêve et réalité. Bon moment de lecture.
Bain de lune. Y. Lahens
Yanick Lahens nous emmène loin de chez nous. Cette auteure caribéenne conte une saga familiale dramatique qui s’étend sur quatre générations de paysans dont certains opportunistes, en Haïti. Au début du roman, la lectrice est réellement transportée dans ce paysage exotique rural. Munie de son glossaire créole, le dépaysement est total. Malgré cette beauté, la violence, la cruauté et la sauvagerie de certains personnages nous déconcertent. Yanick Lahens raconte, avec ardeur, les histoires d’amour mais aussi les multiples conflits qui déchirent les familles Lafleur et Mésidor, habitants du village d’Anse Bleue. Sous un régime de dictature implacable, il est souvent question de séismes et d’ouragans. Le style de Yanick Lahens est empreint d’une poésie puissante et tragique: « vivre et souffrir sont une même chose. » L’auteure aborde des thèmes universels comme ceux de l’amour, la mort, la nature, le sacré et l’invisible avec l’immuable île d’Haïti en toile de fond. Bon moment de lecture. Prix Fémina 2014.