Où vont les larmes quand elles sèchent. B. Beaulieu

Où vont les larmes quand elles sèchent par Beaulieu

Par hasard, j’ai trouvé ce roman parmi les plus vendus en France (Septembre 25). Il faut dire que le narrateur a toutes les qualités pour nous toucher en plein cœur tant il est drôle, cynique, sensible et humain. En plein désert médical, la salle d’attente de Jean déborde de patients dont il dresse le portrait : monsieur Soares, madame Moreno, madame Gonzales, Josette… Mais, pour ce jeune médecin, le souvenir le plus traumatisant reste la mort d’un enfant. Depuis, Jean n’a plus de larmes pour pleurer. Ce roman se lit facilement et aborde diverses thématiques : la violence, la souffrance, l’injustice, la mort, l’amour, la vie et la fraternité. Bon moment de lecture.  

Une drôle de peine. J. Levy

Une drôle de peine par Lévy

Justine Lévy cherche indéfiniment sa mère, décédée d’un cancer, il y a vingt ans. Au fil des pages de son nouveau roman, elle se souvient de son enfance bancale, des excès, des voyages, des amants et maîtresses de sa mère, de sa famille maternelle… Sous forme d’enquête, Justine Lévy part sur les traces de cette mère instable pour essayer de mieux la comprendre. A quel moment et pourquoi elle s’est mise à se droguer ?  La lectrice aime tous les livres de l’auteure pour son écriture singulière, bourrée de cynisme et d’humour, dénuée de pathos. Si vous aussi vous avez lu ses romans précédents, certains personnages réapparaissent comme celui du père, de Pablo et Adrien, son ex mari. Il est ici question de sincérité, d’intensité et d’intimité ; un impossible deuil. Excellent moment de lecture.

10, villa Gagliardini. M. Sizun

10, villa Gagliardini par Sizun

Le titre de cet ouvrage correspond à l’adresse de Marie Sizun, à sa naissance. Née à Paris, en 1940, Marie Sizun nous parle de ce lieu singulier, niché au cœur du XXème arrondissement. Au fil des pages, il est question d’intimité, de fusion, de guerre, de divorce…dans ce logement à loyer modéré. L’auteure évoque aussi la place de chaque membre de la famille : son père qui apparaît avant de s’éloigner, son frère et sa sœur qui se disputent l’amour de la mère ; reine du foyer. Dans cette biographie, teintée de mélancolie, Marie Sizun retrace une petite enfance heureuse et une enfance compliquée auprès d’une mère qui doit tout assumer et qui, parfois, vacille. Bon moment de lecture.

La péninsule aux 24 saisons. I. Mayumi

La péninsule aux 24 saisons par Inaba

Si vous aimez les romans aux univers paisibles et poétiques, cette fiction japonaise vous plaira (2011). Après une déception amoureuse et la perte d’une amie, une Tokyoïte s’installe dans le hameau d’une péninsule, éloignée des villes. Derrière une bambouseraie, près d’un marais, sa cabane est rudimentaire mais c’est exactement ce qu’elle souhaitait. En compagnie de son chat, cette femme se reconnecte à la nature, se ballade en forêt, jardine. Dans cet écrin naturel, elle écoute le silence, se laisse bercer par le vent et se retrouve en elle même. De nombreux personnages gravitent autour d’elle : sa mère passionnée par les lucioles, Tachibana qui lui enseigne le calendrier traditionnel, Kayoko qui aime lui offrir une tasse de thé avec un pot de miel sauvage etc… Finalement, face aux falaises escarpées de la péninsule, la narratrice va vivre sa renaissance, au rythme des 24 saisons du calendrier japonais.  Excellent moment de lecture. 

L’affaire de la rue Transnonain J. Chantreau

L'Affaire de la rue Transnonain par Chantreau

Dans ce roman historique, Jérôme Chantreau retrace le terrible massacre de la rue Transnonain, à Paris, en 1834. Dans la nuit du 14 avril, les habitants du n°12 sont violemment tués par l’armée. Cette adresse était-elle un repaire d’insurgés? L’auteur nous immerge d’abord dans le contexte : sous Louis Philippe, et après la révolte des canuts (Lyon), Adolphe Thiers (ministre de l’intérieur) cherche à balayer les troubles. La monarchie réprime durement les émeutes qui gagnent le territoire. Mais comment justifier ce massacre ? Une jeune femme rousse a tout vu. C’est un témoin capital, mystérieusement évaporé après le passage de l’armée. Afin de rendre la justice, le préfet de police lance Joseph Lutz à sa recherche…Si le début du roman est ardu, la lectrice plonge rapidement dans cette histoire captivante. Les personnages, de cette fiction bien construite, sont particulièrement attachants et la lectrice aime suivre leur destinée. Pour nous parler de la place des femmes, Jérôme Chantreau fait revivre le personnage de Suzanne Voilquin, une journaliste féministe de cette époque mouvementée. Tout au long de cette passionnante enquête, le suspense règne en maître pour notre grand plaisir. Excellent moment de lecture. Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2025. 

La famille Martin. D. Foenkinos

La famille Martin de David Foenkinos (Poche)

Paru en 2020, ce roman nous embarque dans la vie d’un écrivain. En panne d’inspiration, le narrateur choisit une personne au hasard afin d’écrire son nouveau roman. La personne s’appelle Madeleine Tricot, une vieille dame qui accepte de lui conter sa vie, sa famille et ses amours. Tour à tour, le narrateur rencontre les différents membres de la famille Martin. Chacun va lui confier ses préoccupations : Madeleine souhaite retrouver son grand amour, la fille de Madeleine a le projet de quitter son mari qui lui même ne supporte pas l’idée de perdre sa femme. En évoquant son travail dans la mode, Madeleine livre aussi des anecdotes à propos de Karl Lagerfeld. Dans cette fiction où règne le suspens, David Foenkinos évoque la mémoire et fait un clin d’œil réussi au passé. Avec sa touche d’humour, l’écrivain français nous parle d’amour, de destin et de création artistique. Bon moment de lecture.

Panorama. L. Hassaine

Panorama par Hassaine

Ce roman d’anticipation présente une nouvelle France qui a basculé dans l’ère de la Transparence, une société harmonieuse où tout est visible. Les anciennes maisons de pierre deviennent des maisons de verre et chacun surveille son voisin. Nous sommes en 2049 et un couple a disparu, en plein jour, avec un garçon de huit ans. Comment est-ce possible dans cette France pacifiée et transparente? Une enquête, menée par la narratrice, débute. La lectrice suit Hélène, son investigation et ses amours qui viennent malheureusement parasiter la lecture. Talentueuse, Lilia Hassaine a construit son roman d’imagination habilement en explorant des thèmes passionnants. Cependant, c’est, avant tout, la réflexion sur l’évolution de notre société qui captive la lectrice. Prix Renaudot des lycéens 2023.

La saison des bêtises. M. Henzelin

La Saison des bêtises par Henzelin

Mathilde Henzelin est une jeune auteure francophone qui vit en France. Son premier roman nous conte la vie intime d’une femme et de ses addictions. A 25 ans, Victoire est en quête d’identité. Accompagnée de ses amis, elle sort en boite, à la recherche de sensations. Paumée, Victoire boit de l’alcool, danse, consomme de la coke, de la kétamine et, parfois, des amphétamines. Ce qu’elle recherche, c’est le changement d’univers. Mais la réalité rattrape la jeune femme qui se retrouve face à un dilemme. Mathilde Henzelin porte un regard singulier sur la jeunesse d’aujourd’hui et nous éclaire à propos des doutes et des angoisses d’une génération désenchantée. Face à un vide existentiel, Victoire va devoir choisir entre se laisser couler ou vivre sa vie d’adulte. Cette fiction singulière est une réflexion sur la jeunesse actuelle et les choix qui se présentent dans une vie de femme. Un roman d’apprentissage primé par le Grand Prix de l’Héroïne 2025. Bon moment de lecture.

La double vie de Dina Miller. Z. Brisby

La Double Vie de Dina Miller par Brisby

Zoe Brisby nous propose une fiction efficace, bien documentée et captivante. L’auteure y traite des thèmes de la déshumanisation, la haine, la mémoire, le mensonge et la reconstruction. Dans le contexte de l’après Seconde guerre Mondiale, elle construit son roman sur des faits réels : l’opération Paperclip, les expériences scientifiques des nazis sur les prisonniers des camps de concentration, le procès de Nuremberg…Nous voici dans les années 1960, à Huntsville, en Alabama. Le Président Kennedy lance le programme Mercury ; la conquête de l’espace en pleine guerre froide. Dina Miller s’installe à Rocket District. Dans ce quartier, ses voisins travaillent tous pour La Nasa et les femmes au foyer se retrouvent souvent entre elles. Dina se présente à ses voisines comme une jeune veuve qui prend un boulot de serveuse. Mais, en réalité, Dina est venue rendre justice à Hannah, David, Esther, Ismaël, Saul et bien d’autres. Dans cette fiction haletante, c’est le regard porté par Zoe Brisby sur le destin des femmes qui touche particulièrement la lectrice.  Excellent moment de lecture. 

La prisonnière des sargasses. J. Rhys

La Prisonniere DES Sargasses (L'Imaginaire): Amazon.co.uk: Rhys, J ...

Publié en 1966, le roman de Jean Rhys se lit en trois parties. D’abord, la lectrice découvre l’enfance d’une jolie Créole blanche, Antoinette Cosway. En Jamaïque, au cours des années 1830, Antoinette grandit dans le domaine Coulibri, cerné par d’anciens esclaves en révolte. Délaissée par sa mère, Antoinette évolue dans un jardin sauvage où elle contemple les fougères et les orchidées. L’incendie de la maison familiale fait finalement basculer la mère dans la folie. Antoinette se retrouve dans un couvent jusqu’à ses dix-sept ans. La lectrice écoute ensuite deux narrations : la voix d’Antoinette et celle de son mari anglais qui se révèle infidèle et égoïste. Avec talent, Jean Rhys traite des thèmes de la solitude, de la folie et de la haine. La lectrice apprécie tout particulièrement l’univers du roman et le style singulier de Jean Rhys. Un roman sombre, à relire au cours de cette année dont la cause nationale est la santé mentale. Excellent moment de lecture.

La Psy. F. McFadden

La Psy par McFadden

Après le succès de ses premiers thrillers, Freida McFadden publie « La Psy » dans le même acabit. Il y a pourtant quelque chose d’addictif dans cette lecture. L’auteure américaine propose un roman choral dans lequel plusieurs personnages interviennent en faisant des aller-retours dans le temps. L’intrigue est bien ficelée, les chapitres sont courts et efficaces mais ils sont truffés d’incohérences et de répétitions. Freida McFadden semble suivre une recette marketing dans laquelle elle incorpore du suspense et des rebondissements, au détriment de la crédibilité. Tout est gros dans cette intrigue, comme le manoir que Tricia et Ethan souhaitent visiter. La maison est l’ancienne demeure d’une psy mystérieusement disparue. Malheureusement, une tempête de neige déferle et le couple se retrouve coincé, plusieurs jours, à l’intérieur du manoir. Tricia déteste cet endroit et remarque que des choses étranges se produisent : une lumière allumée, une porte ouverte, des craquements…Freida McFadden a le talent de nous mener par le bout du nez et la lectrice se laisse embarquer dans cette fiction facile à lire. Bon moment de lecture.

Mon vrai nom est Elisabeth. A. Yon

Mon vrai nom est Elisabeth par Yon

Adèle Yon nous offre un premier et formidable essai à propos de la santé mentale. L’histoire débute par le suicide d’un homme de sa famille. En tentant d’expliquer ce geste tragique, Adèle Yon revient sur un secret de famille, une incroyable omerta à propos de Betsy. Au fil des pages, elle retrace la vie chaotique et la terrible souffrance de cette arrière grand-mère, passée sous silence. Sous forme d’une passionnante enquête familiale, il est question de secrets, de maternité, d’internement, de colère et de mémoire transgénérationnelle. Grâce à une polyphonie d’archives familiales, de photos et de documents, Adèle Yon interroge des témoins, publie une correspondance et retrace l’évolution de la psychiatrie dans les années 1950. Le but de l’auteure est de comprendre comment Betsy, mère de six enfants et lobotomisée, a passé dix sept années en asile psychiatrique (1950-1967). Etait-elle réellement folle? Construit en trois parties et dans un style original, ce livre comporte une part émotionnelle intense. A travers l’histoire de Betsy, la lectrice devine la souffrance de toutes les femmes internées à tort, depuis des siècles. Par son titre « Mon vrai nom est Elisabeth » , l’auteure réhabilite son aïeule en lui redonnant son vrai prénom. La lecture de cet essai remarquable éveille une colère mêlée à une soif de vérité. Prix France Télévisions « Essai ».  Prix Littéraire du « Nouvel OBS ». Excellent moment de lecture.

Dors ton sommeil de brute. C. Martinez

Dors ton sommeil de brute par Martinez

La narratrice de cette fiction singulière s’appelle Eva. Enceinte, la jeune femme ne ressent pas le désir d’être mère mais elle souhaite donner un enfant à son compagnon, Pierre. Lorsqu’elle accouche, Eva compare ce moment à un vol d’oies sauvages. L’enfant se prénomme Lucie. Mais Pierre se sent frustré, devient violent et la vie de famille se complique. Grâce à une ellipse, nous retrouvons Eva et Lucie, huit ans plus tard. Eva a quitté Pierre pour s’installer en Camargue avec Lucie. Loin de tout, mère et fille ont fuit sa violence et celle du monde. Au milieu de la nature, Lucie aime observer les oiseaux, se promener au bord des étangs. Dans ce paysage désertique, la mère et la fille croisent Serge, un géant solitaire. Une nuit, Lucie se met à hurler. Ce long cri se répand sur toute une longitude : de la France aux Pays-Bas en passant par la Belgique jusqu’en Afrique. Les scientifiques se penchent sur ce phénomène étrange et s’aperçoivent que tous les enfants rêvent de la même façon. A la limite du fantastique, Carole Martinez nous conte une histoire singulière, une sorte d’allégorie : la vengeance de la nature sur l’humanité à travers dix rêves d’enfants. La lectrice se laisse porter par cette idée géniale et la jolie plume de Carole Martinez pleine de poésie et d’imaginaire. L’auteure arrive à l’embarquer dans sa fiction surnaturelle même si elle contient certaines longueurs. Le titre fait référence à un poème de Baudelaire : « Le goût du néant  » . Bon moment de lecture.

L’âge fragile. D. Di Pietrantonio

L'Âge fragile par Di Pietrantonio

Donatella Di Pietrantonio nous offre une fiction italienne, à la première personne du singulier. La narratrice se prénomme Lucia. Dentiste, dans son village natal des Abruzzes, Lucia a toujours vécu sur ce territoire sauvage, désormais, très convoité. A travers la fille de Lucia, la lectrice découvre le mal être d’une adolescente italienne ; un mal universel. Nous sommes au moment de la pandémie du Coronavirus lorsqu’Amanda revient habiter chez sa mère. A la fois introvertie, rebelle et silencieuse, Amanda s’enferme dans sa chambre. Lucia voudrait ouvrir le dialogue mais elle n’obtient aucune réponse à ses interrogations. Un jour, le père de Lucia lui fait une donation de terrain et notre narratrice voit ressurgir le terrible drame qui s’est déroulé sur cette terre paysanne, trente ans auparavant. L’auteure fait des aller-retours dans le temps pour nous conter ce récit passionnant, haletant jusqu’à la dernière page. Prix Strega, Prix Strega Giovani. Excellent moment de lecture. 

Hollywoodland. Z. Brisby

Hollywoodland par Brisby

Inspirée par le suicide tragique de l’actrice Peg Entwistle, Zoe Brisby propose une version romancée de son histoire. Au fil des pages, l’auteure décompte les jours, jusqu’à cette nuit tragique du 16 septembre 1932 où Peg s’est jetée du haut du panneau « Hollywoodland » . Bien documentée, Zoe Brisby décrit l’industrie cinématographique de l’époque, la compétition permanente entre les actrices et le climat sexiste qui régnait en coulisses. A travers sa fiction, l’auteure porte un regard empathique sur l’actrice et déconstruit le rêve américain. Le personnage de Peg y est à la fois attachant et incroyablement malchanceux. Emue, la lectrice découvre une jeune orpheline qui possède le talent et la beauté pour réussir à Los Angeles, en attendant son heure de gloire. Judicieux, ce roman met en lumière les sacrifices et les désillusions des actrices, au cours des années 1930. Captivant moment de lecture.

Welcome. E. Lefébure

Welcome

Estelle Lefébure vient de publier son dernier ouvrage dont le thème principal est « Accueillir le temps qui passe » . Les années défilent aussi pour cette ambassadrice de la beauté française, devenue mère et grand-mère. Fille de la campagne normande, Estelle exprime le souhait de vieillir sereinement en se rapprochant de la nature. Active dans la sauvegarde de la faune et la flore sous-marines, elle passe de plus en plus de temps à sensibiliser le public grâce à son association « Spero Mare » . Sans tabou, Estelle décrit aussi la douloureuse période de la ménopause et ses multiples conséquences physiologiques. Quelques courts chapitres sont donc consacrés à adapter notre alimentation, s’hydrater, bien dormir, pratiquer une activité physique et se soigner naturellement. Dans la lignée de sa méthode « Orahe » , la top française livre de nombreux conseils et quelques recettes pour se sentir mieux dans son corps et dans sa tête. Apprendre, transmettre et partager sont désormais au programme. Finalement, l’égérie s’ouvre davantage, de manière plus intime, comme une longue confidence à une amie. Agréable moment de lecture.

La femme de ménage. F. McFadden

La Femme de ménage par McFadden

Ce thriller psychologique nous plonge dans la vie d’une jeune femme, fraîchement sortie de prison. Millie vit dans sa voiture et cherche un emploi de femme de ménage afin de se réinsérer dans la société. Un jour de chance, Nina Winchester l’embauche dans sa maison luxueuse de New-York. Toute la journée, la jeune femme s’occupe de la maison mais aussi de la fille de Nina en plus de faire la cuisine. Le mari de Nina, Andrew, apprécie rapidement les services de Millie qui se fait particulièrement discrète. Après son service, elle remonte dans sa petite chambre du grenier. Mais, au fil des jours, Millie se rend compte de l’instabilité psychologique de Nina et du caractère insupportable de sa fille. Au contraire, Andrew se révèle gentil et assez irrésistible. Pourtant, lorsque Millie croise Enzo, le jardinier italien, celui-ci la met  en garde par rapport aux Winchester. De quel danger parle il ? Freida McFadden nous propose un roman plein de suspense. Jusqu’à la dernière page, l’auteure américaine s’amuse à mettre nos nerfs à rude épreuve. Finalement, la lectrice apprécie cette fiction, particulièrement bien construite, même si la question de la crédibilité l’effleure. Bon moment de lecture.

Misericordia. L. Jorge

Misericordia par Jorge

Voici un roman différent. L’auteure portugaise, Lidia Jorge, a confié un magnétophone à sa mère, au moment où elle résidait dans une maison de retraite : « L’Hôtel Paradis ». Maria Alberta y a raconté son quotidien et ses états d’âme, en 2019. Par la suite, Lidia Jorge s’en est inspiré pour construire ce joli récit où la voix de sa mère résonne singulièrement. Au fil des pages, la lectrice devine la jeunesse de Maria Alberta, ses relations, sa famille et ses amours. Avec humour, Maria Alberta nous décrit son quotidien mais aussi une invasion de fourmis, la mort d’un pensionnaire, les confidences d’une aide soignante et la terrible épreuve de la Covid. Surprenant, drôle et poétique, ce roman dévoile un formidable espoir qui perdure malgré le temps qui passe et la vieillesse. Passionnante, cette œuvre nous interpelle à propos de la fin de vie ; la condition humaine. Excellent moment de lecture. Prix Médicis Etranger 2023.

Parler avec sa mère. M. Rovere

Parler avec sa mère par Rovere

Quelle relation entretenez vous avec votre mère ? Le philosophe, Maxime Rovere, nous propose de prendre du recul par rapport à cette relation intime. Porter un enfant, c’est d’abord vivre une union archaïque, parfaite et fusionnelle dans un corps de femme. Après la naissance, l’enfant grandit et évolue avec d’autres personnes. Au fil du temps, la relation à la mère change et créé parfois des tensions. Pourquoi? D’après le philosophe, parce que les mères ont trop longtemps vécu la maternité comme un accomplissement ; un sacrifice. De son côté, l’enfant peut se sentir redevable et porter une culpabilité. Alors, au-delà de la petite maman, Maxime Rovere propose de la percevoir comme un individu évoluant dans un cosmos, composé d’autres personnes et d’autres éléments qui peuvent également remplir des fonctions maternelles : l’air, l’eau, les animaux, les paysages, les plantes…D’après le philosophe, il faut repenser la famille : un ensemble d’intimités qui a besoin d’être régénéré, depuis la naissance jusqu’à la mort. Finalement, lorsque notre mère atteint le grand âge, c’est l’opportunité de nous resituer dans un grand tout. Cet essai exigeant sur l’amour filial, nous invite à nous reconnecter avec le monde, liquider la dette de culpabilité pour, ensuite, envisager la disparition de notre mère sereinement. Bon moment de lecture.

Cadres noirs. P. Lemaitre

Cadres noirs par Lemaitre

Si vous aimez les fictions haletantes, ce roman noir va vous plaire. Alain Delambre est un quinquagénaire au bout du rouleau. Chômeur, il exerce un petit boulot humiliant pour survivre dans un appartement miteux. Marié à Nicole, Alain est également le père de Mathilde et Lucie. Heureux en couple, il rêve de gâter sa femme et de faire des travaux dans leur appartement. Alors, lorsqu’une entreprise s’intéresse à sa candidature, Alain se met en tête de tout faire pour obtenir ce poste dans les Ressources Humaines. Lors du premier entretien, la direction lui propose d’organiser une fausse prise d’otages afin d’analyser le comportement des cadres. Dans son combat pour retrouver sa dignité, Alain accepte cette étrange mission. Mais lorsqu’il apprend que les dés sont pipés, le quinquagénaire vrille complètement. C’est donc une descente aux enfers qu’Alain Delambre va vivre et faire vivre à ses proches. Comme à son habitude, Pierre Lemaitre est un formidable conteur, à la fois intelligent et cynique. Pleine de suspense, cette fiction efficace, happe la lectrice dès les premières pages.  Excellent moment de lecture. Prix « Le Point » du polar européen 2010.

La végétarienne. H. Kang

La végétarienne par Han

Grâce à ce roman singulier, j’ai découvert le style d’Han Kang, une autrice coréenne qui vient de remporter le Prix Nobel de Littérature (2024). Dans ce conte philosophique, le personnage féminin de Yonghye refuse soudain de consommer de la chair animale. Sa famille s’inquiète, tente de l’alimenter de force avant de se résoudre à l’hospitaliser. Le roman est construit en trois parties : le point de vue du mari, du beau-frère et de la sœur. Guidée par un rêve, Yonghye se met en tête de devenir végétale, au sein de l’univers des arbres et des plantes. La structure patriarcale de son couple se retrouve bouleversée car la jeune femme ne cuisine plus et ne sert plus son mari. Obsédé par sa tache mongolique, son beau frère tombe amoureux d’elle, rêve de la filmer et de lui faire l’amour. Pareille à une fleur, cette tache persiste sur son corps de femme et donne l’occasion à l’autrice d’écrire un chapitre particulièrement poétique, onirique et érotique. Avec talent, Han Kang traite du thème de l’animalité des personnages à travers la jouissance et la nudité du corps. Tout au long de la lecture, la lectrice perçoit une forme de violence au sein de la société coréenne. Excellent moment de lecture. Booker Prize International (2016). 

Le livre de Daniel. Ch. de Stoop

Chris de Stoop est un journaliste flamand dont l’oncle Daniel a été sauvagement assassiné. Suite au choc, Chris de Stoop se porte partie civile durant le procès qui se déroule au tribunal de Mons, en 2019. Mais qu’est-ce qui a poussé cinq jeunes hommes à tuer un vieillard et à filmer leur crime ? Le journaliste enquête et dresse le portrait de son oncle Daniel, marginalisé. Endetté, Daniel avait été obligé de vendre des terres agricoles appartenant, jadis, à ses aïeux. Surnommé « le crasseux », Daniel avait pris la mauvaise habitude de planquer une liasse de billets dans sa poche afin de payer ses courses au supermarché. Avec brio, l’auteur confronte le monde paysan à celui de la société de consommation, obsédée par l’argent. Le parcours de chaque protagoniste, de cette descente en enfer, est retracé afin de mieux comprendre la dérive. Il est question de cruauté, de déshumanisation et de repentir. Bon moment de lecture.

Ces femmes-là. I. Pochoda

Ces femmes-là par Pochoda

Ivy Pochoda nous offre un roman coup de poing. Récompensée par plusieurs prix prestigieux, l’écrivaine américaine adopte un ton singulier, empreint de colère, au fil de ce thriller palpitant. Nous sommes en 1999, dans un quartier minable de Los Angeles où treize prostituées ont été assassinées, l’une après l’autre. La police délaisse l’affaire malgré le témoignage d’une prostituée qui échappe miraculeusement aux griffes du meurtrier. Feelia remue ciel et terre mais personne ne l’écoute et, bizarrement, aucun autre crime n’est commis durant quinze ans. Mais la découverte de quatre corps de femmes, en l’espace de deux ans, va signer l’effroyable retour du serial killer. Dans ce roman choral, la lectrice écoute la voix de plusieurs femmes : Dorian (mère de victime), Julianna (strip-teaseuse), Essie (policière), Marella (artiste) et Anneke (mère au foyer). Chacune à sa façon apporte une pièce du puzzle pour reconstituer cette effroyable affaire criminelle, une enquête intense où Ivy Pochoda fait brillamment résonner la voix des femmes. Excellent moment de lecture.

La nuit s’ajoute à la nuit. A. Devi

La nuit s'ajoute à la nuit par Devi

Ananda Devi est une écrivaine mauricienne, récompensée à de multiples occasions pour ses œuvres. Son récit, paru dans la collection « Ma nuit au Musée » , est surprenant car l’expérience se déroule dans une prison française et non un Musée. La première question que se pose la lectrice est de comprendre pourquoi Ananda Devi a choisi d’écrire à propos de la Prison de Montluc où Jean Moulin, les quarante enfants d’Izieu et tant d’autres, ont été emprisonnés. Comme Ananda Devi l’écrit, elle même, ce n’est pas son histoire ni celle de sa famille, originaire du sud de l’Inde. Le livre débute donc par une longue présentation de ses origines et de ses motivations. Finalement, les thèmes de la souffrance, la douleur et l’enfermement lui sont familiers. Les crimes de l’esclavage et de la déportation, vers des terres inconnues, ont touché ses aïeux. Par son intelligence, son expérience et son humanité, Ananda Devi nous confie sa difficulté à écrire et son besoin de ne pas oublier la violence des hommes car l’histoire sans cesse se répète ; échos dans la chair du temps. Bon moment de lecture.

Gertrude Bell. C. Mouchard

Gertrude Bell

Gertrude Bell était une héritière anglaise qui a vécu selon les codes de l’époque victorienne. Dès l’enfance, Gertrude se révèle curieuse et douée. Après ses études et avant la première guerre mondiale, la jolie héritière choisit de voyager dans l’Empire Ottoman, loin de l’Angleterre. Au fil de ses expéditions, elle côtoie de nombreux chefs de tribus mais aussi des personnages célèbres comme Lawrence d’Arabie et Winston Churchill. Au milieu du désert, la reine sans couronne devient à la fois archéologue, diplomate polyglotte et agent secret. Finalement, Gertrude Bell est à l’origine du nouvel Etat d’Irak. Entre les lignes de sa longue correspondance, la lectrice décèle pourtant ses failles, ses incohérences, ses souffrances de Lady célibataire. Rigoureuse, Christel Mouchard détaille la vie de cette aventurière qui restera libre de ses choix jusqu’au dernier jour. Pour la lectrice, ce livre est, avant tout, la biographie d’une femme aux blessures secrètes. Bon moment de lecture. 

Ma vie. I. Duncan

Ma vie par Duncan

Depuis l’enfance, la lectrice a entendu parler d’Isadora Duncan et de sa fin tragique : étranglée par son écharpe, prise dans les roues de sa voiture (1927). Mais qu’en est-il de sa vie ? De son art ? Cette autobiographie dévoile la destinée d’une femme américaine, passionnée par la danse du mouvement, le rythme et les sons. Inspirée par la Grèce antique, Isadora bouscule les codes du ballet classique qu’elle compare à une prison ; un carcan. Longtemps miséreuse, la célèbre danseuse va s’affranchir de sa famille et voler de ses propres ailes à travers le monde. En femme libre et déterminée, elle enseigne son art et ouvre une école de jeunes danseuses, en Grèce. Au fil des pages, le récit offre un regard sur la ville de Paris et les célébrités de la Belle époque : le grand Sardou, Rodin, Henry Bataille, Berthe Bady, Roland Garros…Avec sincérité, Isadora Duncan détaille ses liaisons amoureuses, sa maternité, ses drames mais aussi ses joies et ses succès. Finalement, l’ombre de la mort semble toujours planer autour de cette danseuse iconique. Bon moment de lecture.

Journal d’un scénario. F. Caro

Journal d'un scénario par Fabcaro

Fabrice Caro est un auteur français qui traite de thèmes universels avec beaucoup d’humour dans ses publications. La lectrice a particulièrement aimé : « Le discours » et « Broadway ». Cette fois, Fabrice Caro nous propose le journal d’un scénario qui va prendre l’eau, au grand désespoir du narrateur. Dans son journal, Boris décrit les étapes de l’écriture ; la réalisation d’un film d’auteur. Comblé lorsque son scénario est validé par un producteur, Boris imagine déjà Louis Garrel et Mélanie Thierry incarner les personnages de sa fiction ; une histoire d’amour en noir et blanc. Dans l’euphorie de la création, il rencontre Aurélie, une jeune cinéphile passionnée qui se rapproche de lui. Mais au fil du récit, il est question de compromis, de renoncement et de lâcheté pour notre grand plaisir de lecture. De nombreuses œuvres littéraires et cinématographiques sont citées à profusion dans ce roman qui, réservé à un public plus restreint, séduira particulièrement les auteur(e)s de scénarios. Bon moment de lecture.

Sa préférée. S. Jollien-Fardel

Sa préférée par Jollien-Fardel

A quel point l’enfance détermine notre vie d’adulte ? Voici le thème principal d’un premier roman coup de poing. Entre le Valais et Lausanne, Jeanne vit une enfance violente, au cours des années 70. La narratrice, entourée de sa mère et de sa sœur, esquive les coups quotidiens de son tyran de père. Marquée par la violence, Jeanne va réussir à s’extraire de sa famille en se réfugiant à Lausanne. Hypersensible, elle va essayer de sauver sa mère et sa sœur, en tentant de les éloigner des griffes du père. Sarah Jollien-Fardel nous parle ici d’enfermement, de répétition générationnelle, d’émancipation des femmes à une période où la société suisse vivait en plein patriarcat. Grâce à sa plume acérée, trempée dans la colère, l’auteure suisse interpelle la lectrice tout en livrant son amour pour le Valais, son vocabulaire, ses paysages et ses traditions valaisannes. Comment se défaire d’une famille toxique? Ce roman sombre et efficace aborde les thèmes de la violence, de l’emprise, d’inceste, de culpabilité, de lâcheté, d’empêchement et du suicide. Au fil des chapitres, la psychologie fine des personnages insuffle une certaine puissance à l’intrigue. Finalement, cette fiction singulière, pleine d’ombres et de souffrances, nous parle d’universel. Excellent moment de lecture. Prix du Roman Fnac. Prix Goncourt des détenus. Choix Goncourt de la Suisse. Prix de la librairie Millepages (Vincennes-France).

Les enfants endormis. A. Passeron

Les Enfants endormis par Passeron

En matière de littérature du réel, voici un témoignage poignant à propos des années Sida et de l’avancée scientifique. Anthony Passeron revient ici sur un drame familial : la mort prématurée de son oncle Désiré, de sa femme (Brigitte) et de leur enfant (Emilie). Dans les années 80, après des années de toxicomanie, le couple est infecté par un mystérieux virus. A l’instant où la pandémie fait des ravages, les médecins américains et français tentent de trouver un remède. Au détour de ses souvenirs, Anthony Passeron lève un tabou à propos de cette terrible maladie et de l’impact sur ses proches dont sa grand-mère et son père. Au fil des chapitres, l’auteur revient sur la réussite de ses grands-parents, commerçants dans un petit village de montagne, au-dessus de Nice. Des grands-parents qui ont idéalisé leur premier fils, Désiré, sans se douter un instant que le fils prodige était toxicomane. En alternant les chapitres consacrés à l’intime et l’histoire scientifique, l’auteur aborde de multiples thèmes dont ceux du déni, de l’invisibilité, de la honte, de l’amour filial, de la mémoire, de la recherche scientifique… Ce roman nécessaire mêle l’intime à la sociologie en rendant hommage à la solitude des familles confrontées au virus et aux médecins engagés dans une course contre la mort. Bon moment de lecture. Prix Wepler-Fondation de la Poste. Prix Première Plume.

La prochaine fois que tu mordras la poussière. P. Pascot

La prochaine fois que tu mordras la poussière par Pascot

Derrière le chroniqueur bobo de la télévision française, se cache un garçon hypersensible. Dans ce roman autobiographique, Panayotis dévoile des fragments de sa vie sous forme d’écriture automatique. Car si le livre a été vendu, à plus d’un million d’exemplaires, ce n’est certainement pas pour ses qualités littéraires. Tiraillée entre la tentation du rejet et l’empathie, la lectrice découvre des périodes de sa vie, des passages impudiques mais touchants qui concernent différents sujets : le sexe, la dépression, le coming-out, la mélancolie…Finalement, le thème central du récit repose sur ses liens œdipiens au père alors que sa mère « mérite un livre a elle toute seule » . La sincérité est définitivement la première qualité du récit. Panayotis livre toute son intimité sans peur du ridicule. Mais cette crise existentielle n’est-elle pas propre à sa génération ? Bon moment de lecture.