Aimer (quand même) le XXIème siècle. J-L Servan-Schreiber

Aimer (quand même) le XXI° siècle de Jean-Louis Servan-Schreiber

Voici un essai qui peut paraître abrupt au fil des premières pages. Et pourtant, Jean-Louis Servan-Schreiber nous donne sa vision du monde actuel et nous ammène à la réflexion avec conviction. Quelques illustrations drôles et réalistes donnent le ton à chaque début de chapître. Pas mal d’humour et beaucoup de cynisme dans ce livre qui est loin de la leçon de morale. L’auteur fait un constat sans prendre de gants et en étant très au fait des technologies. Jean-Louis Servan-Schreiber est, avant tout, un homme qui vit avec son temps. Il nous parle très justement de l’infidélité de nos sociétés, du virtuel comme nouveau réel, de l’endettement temporel, du changement de l’espace-temps où l’individu doit trouver sa place… Avec poésie, il nous invite à: « ne pas oublier d’aller de temps en temps nous coucher dans l’herbe pour écouter le vent. » L’équation du siècle est, selon lui, à quatre inconnues: la paix, la démocratie, la prospérité et l’écologie. L’auteur livre une clé: « pour aimer ce siècle, il faut trouver un sens et être capable de le considérer avec sagesse. » Beaucoup d’optimisme dans cet essai qui  propose une nouvelle « Renaissance ». Moment de lecture constructif.

Tais-toi et meurs. A. Mabanckou

MABANCKOU-2012

Alain Mabanckou nous plonge dans un polar écrit avec une maîtrise incroyable. Son univers d’immigré congolais naïf, installé à Paris avec de faux papiers, n’appartient qu’à lui. La lectrice se laisse balader dans cette intrigue géniale où il est question d’identité, d’origine, de croyances, de dimension culturelle, de sexe et de combines. Julien Makambo est le narrateur de cette histoire qu’il écrit depuis sa prison de Fresnes. Beaucoup de personnages caricaturaux y évoluent pour notre plus grand plaisir de lectrice: Prosper le Nordiste, Désiré le musicien, Bonaventure le premier agent immobilier parisien noir, Willy le mécanicien, Pedro le fausseur et mentor etc… Ce n’est pas le suspense qui nous tient mais bien le style de l’auteur que nous connaissons déjà. Alain Mabanckou écrit de manière percutante, sans rien masquer. Il n’est pas dupe de notre société et la dépeint, encore une fois, avec humour, cynisme et un réalisme déconcertant. Lui seul raconte le Paris « africain » avec autant d’exotisme. Très bon moment de lecture.

Fukushima. M. Ferrier

Fukushima, récit d'un desastre

Fukushima, un titre qui décourage immédiatement la lectrice. Et pourtant, Michaël Ferrier dissèque ce désastre avec un vrai talent. Il raconte, tout d’abord, le séisme par ce mouvement infime, une fêlure, une craquelure puis le frisson jusqu’à la confusion. L’auteur se présente comme un écrivain, à Tokyo, face à un évènement naturel terrifiant. Beaucoup de poésie, de finesse dans son récit comme un éloge à la vie, à la force et la beauté de la nature malgré la mort. Son écriture est teintée de cynisme, empreinte de révolte, d’humour et d’optimisme. Dans ses digressions tectoniques, Michaël Ferrier donne sa vision des choses et puise dans la littérature de nombreuses références qui viennent enrichir la lecture. Il aborde le rôle de l’écrivain face au séisme: le chroniqueur note et l’empereur conjure. Vient ensuite le tsunami, conséquence du séisme, et ses répercussions: « des milliers de drames minuscules dans la grande tragédie du jour. » Vives critiques par rapport aux incohérences des médias, aux bévues et à la lâcheté des hommes. Le dernier tiers du document est plus rébarbatif mais nous renseigne dans les moindres détails sur le désastre nucléaire de Fukushima: l’irresponsabilité des dirigeants de la centrale, le « bricolage total » en ce qui concerne les dégâts, l’évacuation chaotique des populations et les radiations comme une peste noire. Bien évidemment, le parallèle entre Fukushima, Hiroshima et Nagasaki est établi dans ce document. Michaël Ferrier est, avant tout, amoureux de la vie et de sa femme Jun. Il nous présente ce document tel un haïku, en se référant à la nature et aux saisons tout en traduisant une sensation et en incitant le lecteur à la réflexion. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.

Des ombres dans la rue. S. Hill

couverture

Un roman policier épais qui laisse perplexe. Bonne traduction, ce qui n’est pas négligeable, mais le livre comprend trop de digressions. Nous suivons l’enquête de Simon Serailler dans la ville de Lafferton en Grande Bretagne. Entre les prostituées étranglées et d’autres femmes disparues, des pistes menant à des impasses et une ville qui vit dans la peur, la lectrice se sent parfois découragée. Le suspens tient pourtant en haleine et c’est là le vrai talent de Susan Hill. Cependant, elle donne une vision bourgeoise de la société anglaise avec d’une part les pauvres prostituées (le mal) et d’un autre côté les notables (le bien). Son style est direct, dramatique avec beaucoup de descriptions. Quant au titre « des ombres dans la rue » il fonctionne en anglais mais se retrouve dénué de son côté mystérieux en français. Sélection Prix des Lectrices du « Elle » 2013.