Le Goéland. J. Balde

Le Goéland de Jean Balde

Amoureux du Bassin d’Arcachon et du Cap Ferret, voici un roman poétique écrit sous le pseudonyme de Jean Balde, en 1926. L’auteure de cette fiction était,en fait, une écrivaine qui s’appelait Jeanne Marie Bernarde Alleman (1885-1938). Lauréate du Grand Prix du roman de l’Académie Française, la romancière se voulait l’héritière de George Eliot. « Le Goéland » était son roman préféré. Au début du XXème siècle, Jean Balde choisit de situer sa fiction du côté du village d’Arès, aujourd’hui défiguré par la modernité, du temps où Bordeaux semblait loin. « Le Goéland » ressemble à un reportage ébloui, désuet, qui rend hommage à tout un peuple d’ostréiculteurs, de marins, de bergers et de résiniers. Dans un style pittoresque, Jean Balde reconstitue de magnifiques paysages, un langage, des gestes, des costumes, une nature somptueuse….« Autour de ce rond miroir d’eau, le Bassin d’Arcachon, un cirque sinueux profile ses lisières de pins et de sable, boursouflées de dunes, les unes boisées, d’un vert de bronze, d’autres sauvagement nues, aux crêtes d’argent rose, couleur de désert… » Jean Balde nous raconte l’histoire touchante d’un bâtard: Michel, jeune garçon perdu, en quête d’identité. Placé dans une famille, il reçoit parfois la visite furtive de sa mère, Laure, qui détient le secret à propos des origines de Michel; un terrible secret de famille qu’elle finira par dévoiler. Même si l’énigme tient en haleine, il faut admettre que ce sont les descriptions de la beauté de cette région sauvage, d’avant l’anarchie immobilière, qui nous captivent; la découverte d’un éden. Beau moment de lecture.

Une chanson douce. L. Slimani

Chanson douce

Inspiré d’un fait divers américain, ce roman sombre débute par une phrase choc: « le bébé est mort. » Sans attendre, Leïla Slimani nous plonge dans un cauchemar psychologique qui captivera, d’abord, un lectorat féminin. La fiction débute par une épouvantable scène de crime: un double infanticide commis par une nounou. Petit à petit, l’auteure affûte sa plume pour retracer les événements menant au drame. Paul et Myriam sont les parents de Mila et Adam, une charmante famille parisienne.  Après la naissance de son fils, Myriam décide de retravailler malgré les réticences de Paul. Finalement, les jeunes parents rencontrent différentes nounous potentielles dont Louise, une fée du logis quadragénaire: « Son visage est comme une mer paisible, dont personne ne pourrait soupçonner les abysses. » Mais qui est cette femme? Derrière les apparences, Leïla Slimani nous présente une femme dont la santé psychologique est fragile. Dans un style direct, l’auteure aborde différents thèmes de société: le rapport de classe entre une nounou isolée, rongée par les dettes et un couple bobo parisien; l’ambition dévorante de jeunes parents absents qui confient ce qu’ils ont de plus précieux à une inconnue. Au fil des pages, le piège de la dépendance se referme. Louise se positionne comme seconde mère tout en restant une étrangère… un roman efficace aux accents familiers. Excellent moment de lecture. Prix Goncourt 2016.

A la fin le silence. L. Tardieu

Une femme qui porte la vie est particulièrement vulnérable face au monde. En décembre 2014, Laurence Tardieu attend son troisième enfant au moment où la maison de ses grands parents est mise en vente. C’est un bouleversement car cette maison représente, pour l’auteure, l’enfance, un refuge, un ancrage, son histoire. Le besoin d’écrire pousse Laurence Tardieu à débuter un récit pour rassembler ses souvenirs, ne pas tomber dans l’oubli, le silence. Quelques semaines plus tard, surviennent les attentats de Paris. Après ces jours d’effroi et confrontée à un terrible sentiment de dépossession, Laurence Tardieu décide d’entremêler ces drames intimes et collectifs pour construire ce roman lumineux et trouver un écho. Comme dans un journal intime, la romancière fait appel aux sens et aux émotions en nous dévoilant son monde intérieur. Elle nous parle de sa sidération face à l’innommable, sa culpabilité de porter la vie au moment où d’autres donnent la mort. « Reconnaître mon immense chagrin intime, celui de la perte de la maison de mon enfance, reconnaître mon immense chagrin du monde, celui de la perte de son unité, les deux chagrins venant se fondre en moi, absurdement peut-être, indécemment peut-être, comme une mer noire, étale, silencieuse, une mer sans ciel à l’horizon. »  Bon moment de lecture.