Le bureau des jardins et des étangs. D. Decoin

Le bureau des jardins et des étangs

Voici un roman rare à la fois érotique, poétique et sensuel. Didier Decoin nous propose un étonnant voyage au Japon à l’époque Heian; nos cinq sens en éveil. Katsuro et son épouse, Miyuki, vivent heureux de la pêche dans une maison modeste du village de Shimae. Réputé comme étant le meilleur pêcheur de carpes, fournisseur des étangs sacrés de la cité impériale, Katsuro s’aventure un peu plus loin dans le lit de la rivière où il trouve la mort.  Après avoir veillé le corps de son homme, Miyuki décide d’honorer la prochaine commande du « bureau des jardins et des étangs » et d’entreprendre, seule, le voyage jusqu’à la ville impériale d’Heiankyo. L’expédition se transforme en véritable périple pour la jeune veuve, habitée par le souvenir de son mari. Chaussée de sandales de paille, la courageuse jeune femme marche courbée sous le poids de sa palanche; exposée aux dangers et croyances de son époque. En chemin, Miyuki va croiser toute la beauté et la laideur du monde. Arrivée au Palais de l’Empereur, Miyuki est introduite, malgré elle, dans un concours de parfums…Didier Decoin nous parle magnifiquement du couple et de l’amour qui dure après la mort dans cette fiction finement ciselée. Par sa puissance poétique, ce roman semble avoir été construit dans l’esprit d’un haïku japonais. Excellent moment de lecture. Prix des Lecteurs de L’Express/BFMTV.

Encore vivant. P. Souchon

Encore vivant

A l’instar de Gérard Garouste, Pierre Souchon dévoile, dans ce roman autobiographique surprenant, les méandres de sa maladie. Diagnostiqué bipolaire à l’âge de vingt ans, Pierre Souchon est interné une première fois, se fait soigner et jure de ne jamais retourner à l’hôpital psychiatrique. Ardéchois, il déménage à Paris pour trouver un emploi de journaliste, rencontre Garance et l’épouse. Ces moments de plénitude vont alors l’inciter à arrêter son traitement médical. Malheureusement, quelques mois plus tard lors d’une crise maniaco-dépressive, Pierre Souchon se retrouve enfermé en asile psychiatrique, exposé une nouvelle fois au monde médical et à une panoplie de patients paranos, schizophrènes, suicidaires…des personnages hauts en couleur comme Lucas, Jim, Cédric, Mounarelle… Au cours des visites quotidiennes de son père, Pierre Souchon tente de reconstituer l’histoire de ses ancêtres sur la terre Cévenole; délires identitaires. Au fil des pages, c’est bien le regard lucide de Pierre Souchon sur sa maladie, et ses irrémédiables conséquences, qui bouleverse. Son style est plein de fureur, de démesure et d’humour. La lectrice assiste impuissante à la chute d’un homme, troublant d’intelligence, qui tente de s’accrocher: « Ecris. Une fois encore, et pour toujours, tu le sais bien, au fond que nous ne tenons qu’à coups de littérature. »  Le titre du roman « Encore vivant » est inspiré par le nom d’un séquoia à feuillage persistant: « Sempervirens ». Parution: 16 août 17. Bon moment de lecture.

Histoire du lion Personne S. Audeguy

Histoire du lion personne

Amis de la cause animale, voici un roman singulier qui relate la vie d’un lion entre 1786 et 1796. Sur une piste du fleuve Sénégal, un jeune africain orphelin, nommé Yacine, trouve un lionceau abandonné à l’ombre d’un baobab. Yacine adopte le petit félin et décide de l’appeler « Kena » ce qui signifie « Personne » dans la langue de sa tribu; référence à Ulysse dans l’Odyssée. Jean-Gabriel Pelletan, directeur de la Compagnie royale du Sénégal, va finalement recueillir Yacine et « Personne ». Sous son toit, le lionceau grandit et devient l’inséparable compagnon du chien de la maison: Hercule. Ensemble, les deux animaux sont expédiés, en bateau, vers la Ménagerie Royale de Versailles. En 1788, Jean Dubois, naturaliste représentant de la Ménagerie, accueille « Personne » et Hercule au port du Havre. La drôle de petite troupe rejoint à pied la capitale dans une ambiance troublée. Symbole universel du pouvoir, le lion « Personne » devient l’objet de débats. Pour les riches, le lion est une distraction. Pour les autres, une bouche à nourrir inutilement. Le transfert de tous les animaux de la Ménagerie de Versailles vers le Jardin des Plantes, transforme le lion « Personne » en une attraction courue. Stéphane Audeguy désigne le lion comme personnage principal de ce conte qui traite du statut des animaux au XVIIIème siècle. Au fil des premières pages, la vision poétique de la beauté de l’Afrique sauvage, proposée par l’auteur, émerveille. Bien conscient de l’impossibilité de se mettre à la place d’un lion et de lui donner la parole, l’auteur évoque le destin d’un félin domestiqué parallèlement à l’histoire de France. Stéphane Audeguy conte, avec talent, la mutation des jardins d’agrément en parcs zoologiques. Excellent moment de lecture. Prix Wepler 2016. Prix Littéraire de la Fondation 30 millions d’amis 2016.