Le poison d’amour. E. E. Schmitt

Le Poison d'amour

Voici le dernier roman d’Eric-Emmanuel Schmitt, un auteur prolifique qui vit à Bruxelles. Dramaturge, romancier, cinéaste…il publie, début octobre, le second volet de son diptyque sur la passion. Dans « Le poison d’amour » , Eric-Emmanuel Schmitt nous parle des premiers émois amoureux à travers le journal intime de quatre amies, adolescentes.  Mais comment croire en l’amour dans une société où les parents se séparent? Au Lycée, Julia et Raphaëlle préparent la représentation théatrale de « Roméo et Juliette » tandis que Colombe et Anouchka s’inquiètent…L’amour est-il un poison? Dans le fond, Eric-Emmanuel Schmitt se pose les bonnes questions et imagine une fiction crédible, sans ennui. Mais dans la forme, il est évident qu’aucune adolescente d’aujourd’hui ne s’exprime dans le langage de l’auteur; trop châtié. Ce roman tragique a cependant le mérite de nous éclairer sur les problèmes psychologiques et sentimentaux de nos adolescents avec une certaine clairvoyance. Bon moment de lecture.

Oona & Salinger. F. Beigbeder

Frédéric Beigbeder a l’audace de retracer, ici, la jeunesse fictive d’Oona O’Neill et de l’auteur américain Jerry Salinger. L’idée est bonne et, dès le début de la lecture, le pari semble gagné: imaginaire, humour et esprit nous emportent. L’auteur ne manque pas d’interpeller son « ami-lecteur » avec intelligence tout en continuant à mélanger réalité et fiction. Début des années quarante, la lectrice assiste aux soirées du « Stork Club », assise non loin de la table six et de la jet set new yorkaise sirotant des vodkatini. Le regard d’Oona croise celui de Salinger et une idylle commence. Beigbeder réinvente avec brio une époque, des personnages et une histoire d’amour fragile. Mais Salinger va partir pour la guerre et connaître la descente aux enfers tandis qu’Oona rencontre l’homme de sa vie, Charlie Chaplin. Beigbeder invente, alors, les lettres échangées entre le soldat Salinger et Oona, à défaut d’avoir pu consulter la vraie correspondance. Au milieu des obus et des blessés, Salinger écrit régulièrement pour lui faire part de sa situation et de ses regrets . Mais le fossé qui les sépare est à l’image du décalage entre la situation de l’Europe et celle des Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale. A ce moment de la lecture, Beigbeder nous plonge dans l’horreur du conflit et dévoile une autre part de la noirceur humaine poussée à son paroxysme. Un instant, la lectrice angoissée croit relire le roman de Pierre Lemaitre (« Au revoir là- haut »), dernier Goncourt. Finalement, toute cette fiction sert de prétexte à Frédéric Beigbeder pour parler de lui et de son amour pour sa femme Lara. En effet, la différence d’âge dans le couple s’impose comme un des thèmes de ce roman tout comme celui du temps qui passe. Il faut donc se laisser emporter par le roman de Beigbeder, maîtriser l’anglais et faire abstraction de la personnalité d’un auteur qui derrière son allure de pitre cache un véritable écrivain. Bon moment de lecture.

Le chat passe à table. P. Geluck

L’unique fois où j’ai croisé mon compatriote, Philippe Geluck, j’ai cru qu’il avait perdu son chat tant il faisait grise mine. Mais notre chat national repart, bel et bien, pour de nouvelles aventures présentées dans un coffret. La lectrice y trouve deux petits livres et, en bonus, « la gazette du chat  » (périodicité aléatoire) avec un horoscope hilarant. Il y a « à boire et à manger  » dans ce coffret où le dessinateur se met à table et se joue de notre société. Parfois cruel, tragique, émouvant ou culotté, Philippe Geluck arrive encore à nous faire rire grâce à cette dix-neuvième saga féline. Mention spéciale pour la pagination. Moment de lecture comique.

On ne voyait que le bonheur. G. Delacourt

Je ne m’attendais pas à une histoire aussi dramatique venant de Grégoire Delacourt. Et pourtant, j’ai beaucoup aimé ce roman qui fait partie de la sélection du Prix Goncourt 2014. Grégoire Delacourt se distingue par un style singulier aux réminiscences d’ancien publicitaire: des phrases courtes mais puissantes. Derrière son humour se cachent une tendresse, une fragilité mais aussi de l’amertume. L’auteur semble régler ses propres comptes avec des éléments du passé. Antoine a 38 ans lorsqu’il apprend la maladie de son père. Assureur, expert automobile, il calcule chaque jour la valeur de la vie des autres. Alors, il va se mettre à chercher la valeur de sa propre vie. Il fait défiler ses souvenirs et raconte le bonheur, les joies mais aussi les mensonges, les trahisons…Ce roman poignant réserve une surprise de taille à la lectrice. Il traite principalement de la famille mais aussi de notre difficulté à exprimer nos sentiments. Grégoire Delacourt nous plonge dans une descente aux enfers particulièrement émouvante et pourtant crédible. La rédemption est le thème central de cette fiction efficace qui nous entraîne jusqu’au Mexique. Excellent moment de lecture.

 

L’amour et les forêts. E. Reinhardt

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Ceci n’est pas un roman narcissique et son auteur n’est certainement pas un écrivain Meetic comme j’ai pu le lire dans « Le Figaro Littéraire  » dernièrement. Au contraire, ce roman très actuel et bouleversant nous parle de la vie d’une femme, une mère de famille, dans la France d’aujourd’hui. L’héroïne d’Eric Reinhardt, Bénédicte Ombredanne, est malheureusement mariée,depuis treize ans, à un pervers narcissique. Professeur de français à Metz, Bénédicte mène une vie morose et triste. Finalement, ce personnage pourrait être une amie, une soeur, une voisine…l’histoire poignante d’une femme qui se trompe de chemin et qui cherche à s’échapper par une trappe donnant sur un monde merveilleux. Le style métaphorique d’Eric Reinhardt, son humour et sa poésie plaisent à la lectrice même si certains passages sont parfois trop salaces ou alambiqués. Grâce au rythme, il n’y a aucune trace de lassitude dans ce roman où l’auteur se met en scène avec son héroïne. Pour notre plaisir de lectrice, Eric Reinhardt fait l’éloge de la littérature à travers les textes de Villiers de l’Isle-Adam. Son travail d’écriture et ses doutes d’écrivain donnent une profondeur à la fiction. Enfin, les traits psychologiques de certains personnages témoignent de la perspicacité d’un auteur ancré dans la réalité. Excellent moment de lecture.

Le château des étoiles. A. Alice

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Cet album s’adresse aux jeunes de plus de treize ans et aux grands rêveurs car certaines planches sont particulièrement techniques. Alex Alice est un auteur doué qui nous conte une histoire fantastique, superbement illustrée. En 1868, à la frontière de l’espace, une scientifique disparaît à bord de sa montgolfière. Un an plus tard, son carnet de bord est mystérieusement retrouvé. Le fils, de la scientifique disparue, et son père vont suivre une piste jusque dans les contreforts des Alpes. Inspiré par Jules Verne, Alex Alice nous propulse dans une incroyable conquête de l’espace. Bon moment de lecture.

Dans l’ombre de la lumière. C. Pujade-Renaud

Dans l'ombre de la lumière par Pujade-Renaud

La première qualité de ce roman est d’être incroyablement lumineux car il dresse le portrait d’une femme sensible et amoureuse. Claude-Pujade-Renaud nous entraîne dans l’Antiquité entre Carthage et l’Italie. Comme toujours, les hommes s’affrontent: manichéens, païens, juifs et chrétiens se battent aux quatre coins de l’Empire romain. Inspirée par les textes de St Augustin, l’auteure puise dans l’audace de ses « confessions » pour romancer la vie d’une femme dont il ne reste aucune trace: la concubine de St Augustin, Elissa, la mère de son fils qu’il finira par répudier. Brisée, elle s’installe chez sa soeur Faonia et son mari potier à Carthage. Malgré le chagrin, Elissa continue de suivre, dans l’ombre, le parcours de St Augustin devenu évêque d’Hippo Regius. A travers la parole de son héroïne, Claude Pujade-Renaud écrit un texte admirable, empreint de poésie et de sensualité. Les souvenirs des temps heureux, auprès de son homme et de son fils adoré, affluent: « Tu aimais la courbe de ma nuque, le parfum de mes cheveux. Ma passion des fleurs, des couleurs, la robe violette achetée à Rome, mes courgettes grillées sur la braise…Tu aimais m’entendre chantonner en me coiffant, rire et babiller avec notre fils. Tu aimais lorsque j offrais mon visage à la pluie de septembre. Tu m’aimais. » De toute beauté, ce roman nostalgique nous parle d’Amour mais aussi de grâce et de péché. Claude-Pujade-Renaud ressuscite une femme, une époque, pour nous transporter au-delà des siècles. Prix du Roman Historique.