Pourquoi être heureux quand on peut être normal? J. Winterson

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?

Au moment de terminer la lecture de ce roman autobiographique, j’ai vu la pièce « Sonate d’Automne » d’Ingmar Bergman au théâtre de l’Oeuvre. Rachida Brakni y joue le rôle d’Eva avec justesse et donne la réplique à Françoise Fabian dans le rôle de Charlotte, la mère. Le thème principal coïncide étonnement avec le roman puisqu’il s’agit de la relation mère-fille. Jeanette Winterson, l’auteure du livre, a connu le succès en Angleterre avec son premier roman: « les oranges ne sont pas les seuls fruits ». Dans un style proche de celui de Gertrude Stein, à qui elle fait référence, cette auteure anglaise homosexuelle écrit avec fantaisie, ironie et cruauté à propos de sa relation avec sa mère adoptive Mrs Winterson. Issue du prolétariat de Manchester, à la fin des années cinquante, l’auteure a mené plusieurs combats: la quête de ses origines, de son bonheur, de sa liberté et de sa vérité. Pour y parvenir, Jeanette Winterson donne, très tôt, une place prépondérante à la littérature, cache une bibliothèque clandestine et se réfugie à la bibliothèque municipale. Mrs Winterson,obèse, malade et proche de la démence, fait obstacle avec violence aux projets de Jeanette. La mère adoptive n’est d’ailleurs épargnée à aucun moment: son portrait de mère indigne est empreint de colère et de férocité. Jeanette Winterson nous raconte l’humiliation, les brimades et la souffrance depuis son adoption. « Pourquoi être heureux quand on peut être normal » est la réponse de Mrs Winterson lorsque Jeanette tentera de justifier son homosexualité. Eperdue de liberté, elle fuit le milieu familial hostile pour se retrouver dans des conditions matérielles particulièrement précaires. Tardivement, elle se met à la recherche de sa mère biologique et nous donne un récit sous forme d’enquête qui passionne. Ce livre est un parcours d’émancipation raconté à travers des anecdotes et souvenirs d’une femme, intellectuelle, légèrement mégalo, qui se perd parfois jusqu’à la folie. La religion, le sexe, l’identité et le temps qui passe sont des thèmes d’ importance qui captivent tout au long d’une lecture qui se situe entre tragédie et humour. Prix Marie-Claire du roman féminin 2013.

Tout cela n’a rien à voir avec moi. M. Sabolo

Tout cela n'a rien à voir avec moi

Voici un roman fantaisiste qui sort de l’ordinaire. Monica Sabolo décrit les fragments d’une relation amoureuse désastreuse qui causera un vrai chagrin d’amour à son héroïne M. S. (qui n’a, bien sûr, rien à voir avec l’auteure). M. S. tombe éperdument amoureuse de son collègue de travail alors que celui-ci ne s’investit pas dans leur relation. Elle cherchera alors toutes sortes de tactiques afin de trouver une réponse à son amour. Ce petit roman (couleur amour) bourré d’humour et de dérision est illustré par des sms, mms et photos. La vraie intelligence de Monica Sabolo est d’interroger ce chagrin et d’en rechercher les origines familiales. Le roman est scindé en trois parties qui en disent déjà long: de l’aveuglement, des antécédents et de l’effondrement. Chaque lecteur, lectrice, se retrouvera à un moment ou à un autre à travers la quête de cette héroïne. Un roman qui se lit très facilement dans le métro, chez soi ou en vacances. Bon moment de lecture. Prix de Flore 2013.

Il faut beaucoup aimer les hommes. M. Darrieussecq

Il faut beaucoup aimer les hommes

Marie Darrieussecq publie un roman d’aventure lumineux qui se lit comme on déguste quelque chose de délicieux. Juste, passionné, clairvoyant, ce roman décrit la passion et l’attente d’une femme amoureuse. Les sentiments, les craintes, les émotions de Solange, jeune actrice française fraîchement débarquée à Hollywood, sont méticuleusement décortiqués. Lors d’une soirée jet set, elle craque pour un acteur d’origine camerounaise, Kouhouesso, porteur d’une grande idée. Elle est blanche, lui est noir. Le couple mixte va s’aimer par intermittence avec sensualité et érotisme. Solange, folle amoureuse, va suivre Kouhouesso jusqu’en Afrique, dans la forêt équatoriale, où il dirige un tournage. Ce roman traite de la différence, de l’attente et de l’amour avec intensité. Solange cherche à se miroiter dans le regard de l’homme qu’elle aime et pourtant tout fait obstacle: les arbres de la forêt, les stéréotypes, l’obstination de Kouhouesso à réaliser son idée, les malentendus etc… Beaucoup d’anecdotes et de références viennent nourrir le tissu romanesque de ce roman très actuel. Prix Médicis 2013. Coup de coeur.

La dernière fugitive. T. Chevalier

Tracy Chevalier est une spécialiste du portrait de femme. Comme dans « la jeune fille à la perle  » et « prodigieuses créatures » , la lectrice est plongée dans un univers particulier. Honor Bright est une anglaise qui débarque, en 1850, en Amérique. Appartenant à la communauté des quaker, elle passe son temps à broder des quilts, prier et faire silence. Voyageant avec sa soeur vers l’Ohio, elle se retrouve brutalement seule et fait, alors, la rencontre de plusieurs personnages clés du roman: Donovan (chasseur d’esclaves), Belle (la modiste), Adam Cox, Abigail, Dorcas et surtout Jack. Tracy Chevalier dresse, ici, le portrait intime de cette « dernière fugitive » avec en toile de fond l’Amérique esclavagiste et l’industrialisation. Son style classique, très riche en détails, nous embarque par sa puissance tranquille. Lentement, nous découvrons Honor, ses doutes et ses failles. Ce roman nous raconte comment la jeune femme va évoluer en défiant sa communauté et en imposant ses choix. Très bon moment de lecture.

Esprit d’hiver. L. Kasischke

Esprit d'hiver

Un roman surprenant qui traite principalement de la relation mère-fille et du déni. Holly est une quadra américaine qui, avec son mari Eric, a adopté une petite fille russe. Tatiana a maintenant 15 ans et pourtant, Holly a un pressentiment: « Quelque chose les avait suivies depuis la Russie » . L’intrigue se déroule le jour de Noël,dans la maison familiale où les invités n’arriveront pas, bloqués par une tempête de neige. Eric est absent. Holly se retrouve donc en huis clos avec sa fille adoptive. Il y a quelque chose de particulier dans l’écriture de Laura Kasischke, un style tragique, morbide; un climat pour le moins étrange fait de tensions presque palpables. Beaucoup de détours dans ce roman métaphorique où la narratrice est torturée psychologiquement. La fin du thriller est saisissante, glaciale comme le blizzard qui souffle dehors. Moment de lecture vénéneux et oppressant.


Le meilleur médicament, c’est vous! Dr F. Saldmann

Le meilleur médicament, c'est vous !, Votre santé entre vos mains

Après avoir vu l’interview du docteur Saldmann au 13 heures de France 2, j’ai pu constater l’intérêt de ce livre pour beaucoup de personnes. Tout le monde cherche à améliorer son capital santé. A mon tour, j’ai donc lu ce livre qui me laisse légèrement sur ma faim. En effet, Le docteur Saldmann fait référence à de nombreuses expériences de toutes sortes (longévité, dépression, guérison spontanée…) qui nous informent mais ne nous donnent pas de véritables clés pour nous soigner au quotidien. Les passages qui traitent de notre alimentation et des alicaments naturels sont les plus intéressants. Mais le chapitre qui concerne les allergies, par exemple, ne fait que soulever des questions et n’apporte pas de véritables solutions pour les soigner. Ce livre grand public nous donne finalement des conseils de bon sens, notamment à propos du sommeil, de l’alimentation, de la sexualité ou du fonctionnement du cerveau, qui viennent tout simplement renforcer nos convictions.

Cinq jours. D. Kennedy

Cinq jours, Douglas Kennedy

Dire que ce roman est « le plus bouleversant » de Douglas Kennedy est, d’après moi, très exagéré. Je n’avais plus lu cet auteur depuis « Quitter le monde » (2009) pour cause d’ennui profond. Je viens de terminer son dernier roman « Cinq jours » qui, malgré quelques longueurs et beaucoup trop de dialogues, n’est pas inintéressant. Le thème de l’amour déçu est très actuel et beaucoup de lectrices vont s’y retrouver. L’histoire est celle de deux inconnus, coincés dans leurs mariages respectifs, qui vivent une passion fugace à Boston. Laura est la narratrice de cette intrigue à l’eau de rose. Ce roman, grand public, est fondamentalement américain mais supporte la traduction. Il y est question de maladie, de famille, d’adultère, de passion amoureuse, d’espoir, de reconstruction etc…Un moment de lecture agréable même si Douglas Kennedy n’arrive plus à nous captiver comme du temps de ses meilleurs romans: « L’homme qui voulait vivre sa vie » , « La femme du Vème » , « La poursuite du bonheur » …

De tempête et d’espoir. M. Dédéyan

De tempête et d'espoir, Pondichéry

Ce deuxième tome nous entraîne, à nouveau, aux côtés d’Anne de Montfort; héroïne à la recherche de son frère par-delà les océans. Nous voici en 1763, en Inde, du côté de Coromandel. Anne est veuve et débarque dans ce vaste pays où elle rencontre beaucoup de personnages favorables à sa quête. Loin de décevoir, ce roman est tout à fait captivant. Le travail de recherche de Marina Dédéyan semble colossal tant elle détaille avec précision les ingrédients des plats, les coutumes, les vêtements, la décoration des maisons, le plumage des oiseaux etc… Nous voici à nouveau totalement embarqués dans cette aventure de 400 pages, entrecoupée du journal de Jean, le frère d’Anne. Suspense et émotions distillés jusqu’au bout de la lecture. Un roman sur fond de fresque historique orientale. Bon moment de lecture.

Des lauriers pour Momo. Y. Hassan

Des lauriers pour Momo

Momo est un élève enthousiaste malgré une vie difficile, à la cité des Bleuets. Mais Momo est admis dans un internat et va devoir quitter sa famille. Yaël Hassan nous fait revivre ce personnage attachant sur fond de crise, de maladie, d’immigration etc… Un livre touchant pour les enfants de 8 à 11 ans qui ont lu les deux livres éponymes précédents. Momo ou comment, derrière les livres, surgit l’espérance. Bon moment de lecture.

Sous le toit du monde. B. Pécassou

Bernadette Pécassou publie un roman qui dévoile la face cachée du Népal, l’envers de la carte postale. En bonne journaliste, elle expose les différentes problématiques liées à ce pays qui tutoie les sommets: le vol des terres, l’émancipation des femmes, les castes, la religion, la violence, le tourisme… Le roman débute par l’authentique assassinat de la famille royale népalaise, le 1er juin 2001. L’auteure s’est, d’ailleurs, inspirée de faits réels mais aussi de vraies personnes au destin parfois tragique. Difficile de ne pas lire ce roman comme un document tant la réalité semble tangible. Bernadette Pécassou connaît bien son sujet. Certains personnages sont particulièrement attachants comme Miss Barney. Le parcours d’Ashmi, jeune journaliste népalaise, captive la lectrice. Ashmi est une jeune fille d’un milieu rural qui subitement accède à la modernité lorsqu’un rédacteur en chef lui demande de rédiger des articles pour son journal. Beaucoup de poésie, au-delà de la violence, dans ce roman qui ne laisse pas indifférent.

La garçonnière. H. Grémillon

Couverture

Après « le confident », je me suis lancée dans la lecture du second roman psychologique d’Hélène Grémillon. A nouveau, la lectrice retrouve en toile de fond une situation de conflit que l’auteure essaie de reproduire avec détails et véracité. Nous sommes en Argentine, à la fin des années 80 après les années sombres de dictature. Le thème principal du roman est la jalousie amoureuse, un sentiment qu’Hélène Grémillon semble particulièrement bien connaître. Lisandra, la femme du psychanalyste Vittorio Puig, est retrouvée morte en bas de chez elle, défenestrée. Sur un air de Tango, une enquête commence pour se terminer de manière théâtrale comme dans « le confident ». La qualité principale de l’auteure est bien sa capacité à maîtriser le scénario jusqu’à la dernière page. Suspense assuré, donc, mais malheureusement de l’ennui aussi. Le roman est un peu trop épais et la lectrice se perd entre les scènes de torture insoutenable, les rites Incas et la liste des pratiques sexuelles. Trop de personnages, trop de profils de culpabilité pour brouiller les pistes. Hélène Grémillon réserve pourtant de belles émotions à la lectrice, tout au long du roman, lorsqu’elle soulève le thème de la maternité.

Le confident. H. Grémillon

Ma chère amie Nelly vient de m’offrir le deuxième roman d’Hélène Grémillon: « la garçonnière » . Avant de débuter cette lecture, j’ai eu envie de découvrir l’auteure avec son premier roman « Le confident ». Ce roman à succès (qui a obtenu 5 prix littéraires) m’a un peu déçu mais je l’ai lu entièrement car une de ses qualités est de tenir la lectrice en haleine. La toîle de fond est la seconde guerre mondiale. En effet, Camille, trentenaire, reçoit des lettres anonymes suite au décès de sa mère en 1975. Les lettres évoquent le passé de plusieurs personnages durant la guerre 40-45. Cette forme épistolaire contribue largement au suspense de ce roman psychologique dans lequel se nouent des drames intimes. Les thèmes sont ceux de la maternité, du secret, de la trahison, du conflit…Le rythme de balancier entre les différents points de vue présentés est particulièrement bien mené par Hélène Grémillon. A noter que son travail de recherche est précis et offre à la lectrice des informations précieuses à propos de la période 1938-42 en France. Vrai coup de théatre à la fin! Un roman à offrir.

Comme les amours. J. Marias

Javier Marias (figure majeure de la littérature européenne; élu à l’Académie royale espagnole en 2006) nous offre un roman profond axé sur l’amour et la mort. En se référant au Colonel Chabert de Balzac, aux Trois Mousquetaires et à Shakespaere, l’auteur disserte magnifiquement. Le roman comporte, toutefois, quelques longueurs et répétitions mais l’auteur tient la lectrice en haleine grâce à son suspense. Maria Dolz est la narratrice de cette histoire qui débute dans un café où l’éditrice madrilène prend son petit-déjeuner. Elle y observe quotidiennement, à la dérobée, un couple offrant l’image rassurante du bonheur. Après l’été, le couple n’apparaît plus: le mari, Miguel Desvern, a été sauvagement assassiné. Maria sort alors de son anonymat pour exprimer sa tristesse à Luisa, la veuve de Miguel. De manière fortuite, elle rencontre celui qui fut le meilleur ami de Miguel, Javier Diaz-Varela. Ensemble, ils entament une discrète liaison. Au fil des pages, le doute sert de moteur à cette intrigue particulièrement bien ficelée. Javier Marias nous parle d’impunité face à beaucoup de crimes, de mensonge, de trahison et de sa déception de la condition humaine qui en résulte. La difficulté de se rapprocher de la vérité et de raconter est également centrale dans ce roman intense qui donne l’opportunité à la lectrice de se forger son opinion: « la vérité n’est jamais nette, c’est toujours un embrouillement. »

Le roman de Zelda. T. A. Fowler

Zelda n’est autre que la légendaire épouse américaine de F. Scott Fitzgerald, un des plus talentueux écrivains du XXème siècle. Si vous aimez l’écrivain alors ce roman vous passionnera car il nous parle de sa vie quotidienne et de l’élaboration de son oeuvre à travers les yeux de sa femme Zelda. Intelligente et douée pour l’écriture, la peinture et la danse, cette jolie brune au caractère affirmé restera, malgré elle, dans l’ombre de son illustre mari. La vie tumultueuse du couple mythique, l’alcool, la jalousie, l’argent et la maladie apparaissent ici comme les éléments qui ont contribué à l’échec de leur mariage. La lectrice assiste, tout au long de la lecture, à la descente aux enfers des deux artistes. Ce roman, écrit notamment sur base du courrier de Zelda, est aussi un formidable témoignage qui nous renseigne sur les personnalités qui évoluaient à Saint-Germain des Prés dans les années 20 . En effet, le couple a longtemps séjourné en France. Ernest Hemingway apparaît, à son désavantage, comme un personnage central de leur vie. Therese Anne Fowler se glisse merveilleusement bien dans la peau de Zelda et nous présente un roman agréable à lire, plein de poésie, de descriptions, d’humour et d’émotions. Le destin de Zelda, épouse, mère et muse surprend et désole. Un roman qui nous parle aussi du rôle et du travail d’écrivain au début du XXème siècle.

 

Momo, petit prince des Bleuets. Y. Hassan

Derrière ce titre bucolique se cache la cité des Bleuets où le petit Mohamed s’inscrit à la bibliothèque. Il fait, alors, la connaissance de monsieur Edouard, un vieux monsieur avec qui Momo tisse des liens tout au long d’un été. Ensemble, ils partagent des aventures…D’après mon fils Hugo (10 ans), ce livre est tout simplement génial! Prix Chronos, Prix du Triolo, Prix de Valenciennes et Prix Pithiviers.

 

Avec une légère intimité. C. Malraux

Cette biographie originale de Madeleine Malraux, écrite par sa petite fille Céline, interpelle la lectrice. Sous la forme d’un journal, le livre retrace le parcours de la troisième femme d’André Malraux, sa vie de mère puis sa carrière de concertiste, de 1944 à 2011. La référence à André Malraux est presque constante au point de se demander s’il s’agit d’une biographie sommaire de l’homme illustre? Pour autant, l’ouvrage est joliment illustré de reproductions de lettres, dessins, photos… invitant la lectrice dans l’intimité de cette grande dame française qui a sacrifié sa carrière de pianiste pour sa famille avant d’être sauvée par la musique. En effet, Madeleine Malraux a malheureusement été rattrapée par des évènements familiaux tragiques. C’est donc le portrait d’une femme singulière et courageuse qui interpelle. Madeleine Malraux est une grande artiste qui a notamment travaillé aux côtés de Georges Balanchine et Isaac Stern. Elle est la témoin d’une époque où se mêlent l’histoire, l’art, la culture et la politique. Prix de l’Héroïne, Madame Figaro, 2013.

La grâce des brigands. V. Ovaldé

J’ai découvert Véronique Ovaldé grâce à son magnifique roman « Ce que je sais de Vera Candida » (cf ce blog). Le roman suivant « Des vies d’oiseaux » ne m’avait pas inspiré. Véronique Ovaldé publie, en cette rentrée littéraire, « La grâce des brigands » qui est, pour moi, une belle surprise. En effet, ce récit, très enjoué, est un vrai plaisir de lecture; accessible comme son auteure. Véronique Ovaldé nous raconte, cette fois, l’histoire de Marie Cristina Väätonen issue d’une famille du grand nord; une famille aussi crasseuse que la couleur rose de leur maison. L’histoire commence dans les années 70 et se prolonge dans les années 90. Marie Cristina quitte la bourgade canadienne à 16 ans pour s’installer sous le soleil de Los Angeles où elle débute sa carrière d’écrivain à succès. Elle y rencontre Rafael Claramunt dont elle tombe amoureuse pour le meilleur et pour le pire. Il est question, ici, de drame familial, de fuite, d’amour, de trahison et de liberté. Véronique Ovaldé dresse, comme à son habitude, un décor onirique où évoluent des personnages farfelus. Son univers est résolument féminin. L’auteure oscille constamment entre le drame et le loufoque avec une bonne dose d’humour, de sexe et de poésie. Elle évoque également la place de l’écriture comme un remède; un moyen d’échapper à une famille étouffante. J’ai particulièrement aimé le rythme du livre et sa singulière atmosphère. Très bon moment de lecture.

Ladivine. M. Ndiaye

Marie Ndiaye possède le talent d’écriture. Son livre, particulièrement profond et riche, nous entraîne dans un récit magnifiquement bien écrit. L’auteure introduit cependant une touche de fantastique qui rend le roman complexe et demande une certaine exigence de lecture. Au-delà de la symbolique, l’auteure offre un questionnement pertinent sur les origines, la transmission, l’amour, la famille, la culpabilité…Sans jamais s’ennuyer, la lectrice suit le parcours de trois générations de femmes portées par les évènements de la vie: Ladivine-Sylla est une femme de ménage noire, mère d’une fille nommée Malinka. Le père de l’enfant a disparu à la naissance. Malinka et sa mère vivent dans un deux pièces en banlieue parisienne. La fille ne supporte pas le poids de l’amour maternel; elle a honte de sa mère qu’elle surnomme « la servante » ou « la négresse ». Pour en échapper, elle part à 16 ans du côté de Bordeaux où elle se fait appeler Clarisse et épouse un concessionnaire automobile, Richard Rivière. A son tour, elle a une fille « Ladivine » et se retrouve, quelques années plus tard, quittée par Richard Rivière. Chaque mardi, elle rend visite, en cachette, à sa mère qui ne sait rien de sa vie. Malinka/Clarisse est, ensuite, sauvagement assasinée par un amant. De son côté, Ladivine va épouser un berlinois et aura deux enfants: Annika et Daniel. Ils partent, en famille, dans un pays tropical mais les vacances tournent au cauchemar… Marie Ndiaye explore, avec finesse et justesse, la psychologie humaine de tous ses personnages. La lectrice termine le roman, envoûtée par la puissance de l’écriture. Grand Prix de l’Héroïne « Madame Figaro » 2013.

BONBEK

bonbek magazine

C’est la rentrée! L’hilarant « Maurice » ouvre les pages de ce numéro spécialement conçu pour les 6-10 ans. Les enfants branchés adorent la petite et la grande histoire mais surtout le graphisme et les illustrations de ce magbook. Coloriage, découpage, puzzle, jeux, choré et recette animent les petits et les grands. Un nouveau numéro déjanté à lire (en tribu) sur le canapé!

L’élégance. N. Rykiel

Couverture du livre L'élégance

Nathalie Rykiel est une femme de mode et une passionnée de littérature. Entourée de 15 invités, elle tente de donner, dans ce manifeste, une définition au thème insaisissable de l’élégance. Le livre est joli et particulièrement bien illustré par Vahram Muratyan. Le premier texte où Nathalie Rykiel se revoit enfant en pyjama observant sa mère, qui se prépare à sortir dîner, est particulièrement touchant car il nous renvoie à nos premiers émois de petite fille face à l’élégance. Nathalie Rykiel oppose, avec finesse, l’élégance au style et nous invite à magnifier la pudeur. Au fil des pages, l’auteure retrace l’histoire de la maison Rykiel et son parcours aux côtés de sa mère. Viennent ensuite les témoignages des invités qui livrent, chacun, leur vision de l’élégance: Sylvie Guillem dans le domaine de la danse, Pascal Cribier dans les jardins, Cédric Villani dans les mathématiques, Pierre Hermé dans la pâtisserie… Izia, chanteuse et comédienne, signe un témoignage plein de fraîcheur et d’intelligence. Malheureusement, la nouvelle inélégante et complètement déplacée d’Emmanuel Carrère, « la brune aux deux orgasmes » , vient entacher l’ouvrage. Pour la lectrice, chercher l’élégance ne peut être un prétexte à écrire tout et n’importe quoi. Si Nathalie Rykiel voulait un ouvrage anti-conformiste: le voici. A la fin du manifeste, Sonia Rykiel répond à « l’élégance en questions  » . Le livre sortira à l’occasion de la fashion week de Paris, fin septembre.

Manger le vent à Borobudur. O. Germain-Thomas

Après un voyage en Indonésie et une visite mémorable du temple de Borobudur, ce livre s’imposait.Olivier Germain-Thomas est, avant tout, un voyageur qui nous confie ses impressions. Rédigé comme un journal de bord, nous l’accompagnons à Java, Bali et en Asie avant de rentrer en France. De manière générale, Olivier Germain-Thomas se pose beaucoup de questions lorsqu’il mange le vent (marcher en Indonésien). Au hasard de son voyage, l’auteur s’égare parfois dans des considérations philosophiques un peu rébarbatives et ennuyeuses qui ont pourtant le mérite de questionner. Quelques rencontres féminines, éveillant le thème du désir, ponctuent le récit: la mystérieuse Lady B., Samira la prostituée, Kaliji ou Keiko la japonaise. Le thème de la religion est soulevé à de nombreuses reprises lors de ses rencontres avec un moine bouddhiste, un traditionaliste musulman ou un savant déjanté. Finalement, l’intérêt de ce livre repose sur le cheminement de l’auteur à travers l’Indonésie mais aussi à travers les nombreuses questions qu’il soulève. Et comme le disait si justement Montaigne: « Faire des voyages me semble un exercice profitable. L’esprit y a une activité continuelle pour remarquer les choses inconnues et nouvelles, et je ne connais pas de meilleure école pour former la vie que de mettre sans cesse devant nos yeux la diversité de tant d’autres vies, opinions et usages. » Moment de lecture spirituel.

La BD de Soledad

labddesoledad

Depuis la parution dans « Elle » (France) des planches humoristiques de Soledad, je lis mon magazine comme un Manga. Pourquoi? Ses dessins se trouvent toujours au niveau des dernières pages donc je commence la lecture de mon hebdomadaire à l’envers! J’aime son style, son humour décalé et ses dessins qui illustrent si bien les parisiennes, les tracas quotidiens et nos interrogations les plus fantasques. La BD réunie les planches publiées dans « Elle » entre Mai 12 et Mai 13. Mes préférées: « Prenez-vous le métro? » , « Pourquoi doit-on éviter de manger des oeufs de Pâques? » , « Pourquoi est-on si souvent déçue? » …Un bonheur de compile à lire dès le 11 Septembre!

Le sel de la vie. F. Héritier

Le Sel de la vie

Ce petit livre, prêté par ma copine Jo, m’a tout de suite intrigué. Comme « la première gorgée de bière » , j’ai découvert une autre liste de sensations et de souvenirs; un style très en vogue depuis « la liste de mes envies ». Et pourtant, Françoise Héritier est une femme qui, l’air de rien, incite à nous découvrir à travers nos sens. Cette chercheuse nous surprend par sa capacité d’émerveillement, d’observation des petites choses qui font le quotidien: « croquer des radis, se lever et dire non, soupeser un melon, pleurer au cinéma »... A travers les mots, elle nous éclaire sur son long parcours de femme. Ses souvenirs d’Afrique sont particulièrement touchants « sortir sur le tarmac à la saison des pluies à la nuit à Niamey et sentir l’odeur chaude et épicée de la terre africaine, avoir une pleine corbeille de bracelets africains, faire le tour d’un énorme baobab, rire encore au souvenir du chaton au bord d’une route togolaise qui mangeait voracement et le poil hérissé des morceaux de viande un peu pimentés… ». Cette liste souvent poétique est faite de joie, de découvertes, d’amitié, d’amour mais aussi de maladie, de peur, de cauchemars et de mort. Un livre à lire en toutes circonstances pour se demander ensuite: quel est le sel de ma vie? A vos plumes!

Le roman du mariage. J. Eugenides

Le roman du mariage par Eugenides

Jeffrey Eugenides est un auteur culte (Middlesex, Virgin Suicides). Il explore, avec brio, ce moment de la jeunesse où les décisions peuvent avoir un impact à long terme dans nos vies. Il est question, ici, d’un triangle amoureux représenté par trois étudiants de Brown University  tiraillés entre la réalité et les théories intellectuelles de la Fac comme « fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes. Madeleine aime Léonard, maniaco-dépressif en proie à l’auto-destruction, qui semble aimer sincèrement Madeleine. L’auteur analyse presque médicalement les aspects de sa maladie mentale et les remèdes préconisés dans les années 80. Mitchell aime Madeleine en secret. Face à sa frustration, il part pour un tour du monde ce qui nous donne des passages réjouissants, spirituels et exotiques. Particulièrement bien structuré, le roman fait l’analyse méticuleuse des émotions, sentiments et comportements des personnages avec humour et une bonne dose de sexe. Le thème du choix est d’importance dans cette intrigue dont la toile de fond est l’Amérique libre de Reagan. Le personnage de Madeleine nous touche par son obstination, et sa naïveté, à vouloir épouser Léonard. Malgré la liberté, l’auteur pose des entraves au bonheur puis donne la possibilité à chacun de se réinventer. « Talking Heads » en bande son, ce livre est aussi le portrait d’une génération aux Etats-Unis. Moment de lecture intellectuel. Grand Prix de l’Héroïne 2013, Madame Figaro.

Le coeur cousu. C. Martinez

Attirée par « les acidulés de l’été » de la collection Folio (jolies pochettes en plastique), je me suis retrouvée face à ce roman qui date de 2007. Après l’épreuve des premières pages, j’ai découvert une oeuvre poétique puissante; incroyablement féminine et harmonieuse. Carole Martinez est indéniablement une conteuse qui sublime l’écriture en effilochant les mots. Frasquita en est le personnage principal et, à travers elle, nous suivons toute la famille Carasco. Cette jeune andalouse, condamnée à l’errance, est issue d’une lignée de femmes qui se transmettent une mystérieuse boîte à couture. L’auteure raconte magnifiquement bien les étoffes, broderies, le bonheur, la cruauté, la mort, les enfants et le monde rural du 19ème siècle en Espagne. Véritable dentellière, Carole Martinez rafistole le monde dans cet hymne à la vie éminemment solaire. Son écriture lumineuse révèle une profondeur remarquable qui donne une atmosphère singulière à ce roman. Les chapitres consacrés à la maladie de José et les combats de coqs regorgent d’une imagination rare propre à l’auteure et à son style. Ma préférence va à la première partie du livre, moins sanglante que la deuxième. A la limite d’un monde onirique, ce conte est un bonheur fait de légendes, de croyances et de mystères, qui nous transporte au loin. Belle surprise! Prix Renaudot des Lycéens 2007. Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs 2007. Prix Ulysse de la première oeuvre 2007.

 

L’île des oubliés. V. Hislop

Un livre de poche à glisser dans vos valises. Victoria Hislop nous raconte une saga familiale qui se déroule en Grèce de 1903 à 1957. La lectrice est vite conquise par cette intrigue romanesque très divertissante au style fluide. Livre contre l’exclusion, c’est d’abord un hymne à la Grèce et à la Crète où chaque détail du quotidien nous renseigne sur les moeurs d’une autre époque. « L’île des oubliés », située face à l’île de Plaka, cache un incroyable secret à l’ombre des ruines d’une forteresse vénitienne. En ce qui concerne les personnages, il y a d’abord Alexis, une jeune anglaise d’origine grecque,qui se trouve en plein questionnement intérieur. Elle décide de se rendre en Grèce afin de comprendre pourquoi sa mère, Sophia, a brusquement rompu avec ses racines grecques. Alexis découvre sur place, grâce à une femme nommée Fotini, la destinée tragique de ses aïeules. L’auteure nous raconte, dans cet épais roman, la vie de la famille Petrakis liée à la famille Vandoulakis pour le meilleur et pour le pire. Rebondissements et coups de théâtre garantis. Prix des Lecteurs 2013.

 

Le Planétarium. N. Sarraute

Grâce à l’émission actuelle « une maison, un écrivain » proposée par Patrick Poivre d’Arvor sur France 5, j’ai lu ce roman si particulier. Nathalie Sarraute (1900-1999) est la figure du mouvement du « nouveau roman » qui se caractérise par des monologues intérieurs, juste avant l’action des personnages. Alain Guimier est le personnage principal autour duquel gravitent d’autres personnages comme Gisèle, la tante Berthe ou Germaine Lemaire. Alain Guimier et sa femme Gisèle sont en conflit avec la tante Berthe à propos d’un appartement. La particularité de Nathalie Sarraute est de réécrire une même scène du point de vue des différents personnages afin de comprendre leur motivation respective au-delà des apparences. Elle propose ainsi à la lectrice une certaine ouverture d’esprit. Beaucoup de thèmes touchant à la famille y sont abordés avec finesse et intelligence. Moment de lecture passionnant.

La solitude des soirs d’été. A. Jeanneret

Après la lecture du cinquième roman d’Anaïs Jeanneret, je dois avouer à quel point mes sentiments sont mitigés. La rencontre d’Alda et de Louis, les personnages principaux si différents l’un de l’autre, intrigue et dérange. Louis, le narrateur, est un jeune homme en quête de lui même. Alda le pousse à l’écriture en l’invitant à séjourner quelques jours, avec sa petite amie Lucy, dans la bastide familiale. Pendant ce séjour, qui s’éternise, Louis observe Alda, à la fois captivé et intrigué par cette femme plus âgée que lui. Alda et Lucy sont deux personnages féminins qui font face, comme elles peuvent, à une blessure d’enfance. Ce roman traite du silence, du secret, de la solitude et du temps qui passe. Le thème de l’inspiration littéraire apparaît sous la plume de Louis et la publication de ses premières ébauches, pas toujours captivantes. L’univers de l’auteure est résolument bourgeois, élégant, posé et la lecture est franchement agréable même si d’inévitables clichés et longueurs ponctuent le roman. La Provence, en toile de fond, ajoute de manière indéniable, une note lumineuse. A lire, au bord d’une piscine, du côté de St Rémy de Provence.

Les poissons ne ferment pas les yeux. E. De Luca

Un roman trouvé dans une boîte à trésor d’enfant. Erri De Luca, auteur italien, nous parle, ici, de la mutation de l’enfance vers l’adolescence. Notre narrateur a dix ans et, loin des désirs corporels, il commence à conjuguer le verbe « aimer ». Très poétique, ce petit livre nous emmène sur les plages du sud de l’Italie au moment des vacances estivales. Erri De Luca plante un décor sommaire fait de plaisirs marins et de pêcheurs.  La rencontre du narrateur avec une fillette le propulse, alors, vers une plus grande maturité lui permettant de contempler le monde sans fermer les yeux. Face à la jalousie de trois garçons, il découvrira la cruauté et l’injustice. Loin de son père mais proche de sa mère, le narrateur va se responsabiliser face aux choix familiaux. La place des livres et de la littérature a, tout au long du roman, une importance: « les livres sont la plus forte contradiction des barreaux. Ils ouvrent le plafond de la cellule du prisonnier allongé sur son lit. » La capacité de l’auteur à se glisser dans la peau de ce garçon de dix ans et de décrire sa prise de conscience est tout à fait étonnante. Il dépeint, finement, les doutes, les peurs et les plaisirs de l’enfant lors de ce passage fondateur. Un joli roman, plein de soleil, qui résonne en chacun de nous.