Des lauriers pour Momo. Y. Hassan

Des lauriers pour Momo

Momo est un élève enthousiaste malgré une vie difficile, à la cité des Bleuets. Mais Momo est admis dans un internat et va devoir quitter sa famille. Yaël Hassan nous fait revivre ce personnage attachant sur fond de crise, de maladie, d’immigration etc… Un livre touchant pour les enfants de 8 à 11 ans qui ont lu les deux livres éponymes précédents. Momo ou comment, derrière les livres, surgit l’espérance. Bon moment de lecture.

Sous le toit du monde. B. Pécassou

Bernadette Pécassou publie un roman qui dévoile la face cachée du Népal, l’envers de la carte postale. En bonne journaliste, elle expose les différentes problématiques liées à ce pays qui tutoie les sommets: le vol des terres, l’émancipation des femmes, les castes, la religion, la violence, le tourisme… Le roman débute par l’authentique assassinat de la famille royale népalaise, le 1er juin 2001. L’auteure s’est, d’ailleurs, inspirée de faits réels mais aussi de vraies personnes au destin parfois tragique. Difficile de ne pas lire ce roman comme un document tant la réalité semble tangible. Bernadette Pécassou connaît bien son sujet. Certains personnages sont particulièrement attachants comme Miss Barney. Le parcours d’Ashmi, jeune journaliste népalaise, captive la lectrice. Ashmi est une jeune fille d’un milieu rural qui subitement accède à la modernité lorsqu’un rédacteur en chef lui demande de rédiger des articles pour son journal. Beaucoup de poésie, au-delà de la violence, dans ce roman qui ne laisse pas indifférent.

La garçonnière. H. Grémillon

Couverture

Après « le confident », je me suis lancée dans la lecture du second roman psychologique d’Hélène Grémillon. A nouveau, la lectrice retrouve en toile de fond une situation de conflit que l’auteure essaie de reproduire avec détails et véracité. Nous sommes en Argentine, à la fin des années 80 après les années sombres de dictature. Le thème principal du roman est la jalousie amoureuse, un sentiment qu’Hélène Grémillon semble particulièrement bien connaître. Lisandra, la femme du psychanalyste Vittorio Puig, est retrouvée morte en bas de chez elle, défenestrée. Sur un air de Tango, une enquête commence pour se terminer de manière théâtrale comme dans « le confident ». La qualité principale de l’auteure est bien sa capacité à maîtriser le scénario jusqu’à la dernière page. Suspense assuré, donc, mais malheureusement de l’ennui aussi. Le roman est un peu trop épais et la lectrice se perd entre les scènes de torture insoutenable, les rites Incas et la liste des pratiques sexuelles. Trop de personnages, trop de profils de culpabilité pour brouiller les pistes. Hélène Grémillon réserve pourtant de belles émotions à la lectrice, tout au long du roman, lorsqu’elle soulève le thème de la maternité.

Le confident. H. Grémillon

Ma chère amie Nelly vient de m’offrir le deuxième roman d’Hélène Grémillon: « la garçonnière » . Avant de débuter cette lecture, j’ai eu envie de découvrir l’auteure avec son premier roman « Le confident ». Ce roman à succès (qui a obtenu 5 prix littéraires) m’a un peu déçu mais je l’ai lu entièrement car une de ses qualités est de tenir la lectrice en haleine. La toîle de fond est la seconde guerre mondiale. En effet, Camille, trentenaire, reçoit des lettres anonymes suite au décès de sa mère en 1975. Les lettres évoquent le passé de plusieurs personnages durant la guerre 40-45. Cette forme épistolaire contribue largement au suspense de ce roman psychologique dans lequel se nouent des drames intimes. Les thèmes sont ceux de la maternité, du secret, de la trahison, du conflit…Le rythme de balancier entre les différents points de vue présentés est particulièrement bien mené par Hélène Grémillon. A noter que son travail de recherche est précis et offre à la lectrice des informations précieuses à propos de la période 1938-42 en France. Vrai coup de théatre à la fin! Un roman à offrir.

Comme les amours. J. Marias

Javier Marias (figure majeure de la littérature européenne; élu à l’Académie royale espagnole en 2006) nous offre un roman profond axé sur l’amour et la mort. En se référant au Colonel Chabert de Balzac, aux Trois Mousquetaires et à Shakespaere, l’auteur disserte magnifiquement. Le roman comporte, toutefois, quelques longueurs et répétitions mais l’auteur tient la lectrice en haleine grâce à son suspense. Maria Dolz est la narratrice de cette histoire qui débute dans un café où l’éditrice madrilène prend son petit-déjeuner. Elle y observe quotidiennement, à la dérobée, un couple offrant l’image rassurante du bonheur. Après l’été, le couple n’apparaît plus: le mari, Miguel Desvern, a été sauvagement assassiné. Maria sort alors de son anonymat pour exprimer sa tristesse à Luisa, la veuve de Miguel. De manière fortuite, elle rencontre celui qui fut le meilleur ami de Miguel, Javier Diaz-Varela. Ensemble, ils entament une discrète liaison. Au fil des pages, le doute sert de moteur à cette intrigue particulièrement bien ficelée. Javier Marias nous parle d’impunité face à beaucoup de crimes, de mensonge, de trahison et de sa déception de la condition humaine qui en résulte. La difficulté de se rapprocher de la vérité et de raconter est également centrale dans ce roman intense qui donne l’opportunité à la lectrice de se forger son opinion: « la vérité n’est jamais nette, c’est toujours un embrouillement. »

Le roman de Zelda. T. A. Fowler

Zelda n’est autre que la légendaire épouse américaine de F. Scott Fitzgerald, un des plus talentueux écrivains du XXème siècle. Si vous aimez l’écrivain alors ce roman vous passionnera car il nous parle de sa vie quotidienne et de l’élaboration de son oeuvre à travers les yeux de sa femme Zelda. Intelligente et douée pour l’écriture, la peinture et la danse, cette jolie brune au caractère affirmé restera, malgré elle, dans l’ombre de son illustre mari. La vie tumultueuse du couple mythique, l’alcool, la jalousie, l’argent et la maladie apparaissent ici comme les éléments qui ont contribué à l’échec de leur mariage. La lectrice assiste, tout au long de la lecture, à la descente aux enfers des deux artistes. Ce roman, écrit notamment sur base du courrier de Zelda, est aussi un formidable témoignage qui nous renseigne sur les personnalités qui évoluaient à Saint-Germain des Prés dans les années 20 . En effet, le couple a longtemps séjourné en France. Ernest Hemingway apparaît, à son désavantage, comme un personnage central de leur vie. Therese Anne Fowler se glisse merveilleusement bien dans la peau de Zelda et nous présente un roman agréable à lire, plein de poésie, de descriptions, d’humour et d’émotions. Le destin de Zelda, épouse, mère et muse surprend et désole. Un roman qui nous parle aussi du rôle et du travail d’écrivain au début du XXème siècle.

 

Momo, petit prince des Bleuets. Y. Hassan

Derrière ce titre bucolique se cache la cité des Bleuets où le petit Mohamed s’inscrit à la bibliothèque. Il fait, alors, la connaissance de monsieur Edouard, un vieux monsieur avec qui Momo tisse des liens tout au long d’un été. Ensemble, ils partagent des aventures…D’après mon fils Hugo (10 ans), ce livre est tout simplement génial! Prix Chronos, Prix du Triolo, Prix de Valenciennes et Prix Pithiviers.

 

Avec une légère intimité. C. Malraux

Cette biographie originale de Madeleine Malraux, écrite par sa petite fille Céline, interpelle la lectrice. Sous la forme d’un journal, le livre retrace le parcours de la troisième femme d’André Malraux, sa vie de mère puis sa carrière de concertiste, de 1944 à 2011. La référence à André Malraux est presque constante au point de se demander s’il s’agit d’une biographie sommaire de l’homme illustre? Pour autant, l’ouvrage est joliment illustré de reproductions de lettres, dessins, photos… invitant la lectrice dans l’intimité de cette grande dame française qui a sacrifié sa carrière de pianiste pour sa famille avant d’être sauvée par la musique. En effet, Madeleine Malraux a malheureusement été rattrapée par des évènements familiaux tragiques. C’est donc le portrait d’une femme singulière et courageuse qui interpelle. Madeleine Malraux est une grande artiste qui a notamment travaillé aux côtés de Georges Balanchine et Isaac Stern. Elle est la témoin d’une époque où se mêlent l’histoire, l’art, la culture et la politique. Prix de l’Héroïne, Madame Figaro, 2013.

La grâce des brigands. V. Ovaldé

J’ai découvert Véronique Ovaldé grâce à son magnifique roman « Ce que je sais de Vera Candida » (cf ce blog). Le roman suivant « Des vies d’oiseaux » ne m’avait pas inspiré. Véronique Ovaldé publie, en cette rentrée littéraire, « La grâce des brigands » qui est, pour moi, une belle surprise. En effet, ce récit, très enjoué, est un vrai plaisir de lecture; accessible comme son auteure. Véronique Ovaldé nous raconte, cette fois, l’histoire de Marie Cristina Väätonen issue d’une famille du grand nord; une famille aussi crasseuse que la couleur rose de leur maison. L’histoire commence dans les années 70 et se prolonge dans les années 90. Marie Cristina quitte la bourgade canadienne à 16 ans pour s’installer sous le soleil de Los Angeles où elle débute sa carrière d’écrivain à succès. Elle y rencontre Rafael Claramunt dont elle tombe amoureuse pour le meilleur et pour le pire. Il est question, ici, de drame familial, de fuite, d’amour, de trahison et de liberté. Véronique Ovaldé dresse, comme à son habitude, un décor onirique où évoluent des personnages farfelus. Son univers est résolument féminin. L’auteure oscille constamment entre le drame et le loufoque avec une bonne dose d’humour, de sexe et de poésie. Elle évoque également la place de l’écriture comme un remède; un moyen d’échapper à une famille étouffante. J’ai particulièrement aimé le rythme du livre et sa singulière atmosphère. Très bon moment de lecture.

Ladivine. M. Ndiaye

Marie Ndiaye possède le talent d’écriture. Son livre, particulièrement profond et riche, nous entraîne dans un récit magnifiquement bien écrit. L’auteure introduit cependant une touche de fantastique qui rend le roman complexe et demande une certaine exigence de lecture. Au-delà de la symbolique, l’auteure offre un questionnement pertinent sur les origines, la transmission, l’amour, la famille, la culpabilité…Sans jamais s’ennuyer, la lectrice suit le parcours de trois générations de femmes portées par les évènements de la vie: Ladivine-Sylla est une femme de ménage noire, mère d’une fille nommée Malinka. Le père de l’enfant a disparu à la naissance. Malinka et sa mère vivent dans un deux pièces en banlieue parisienne. La fille ne supporte pas le poids de l’amour maternel; elle a honte de sa mère qu’elle surnomme « la servante » ou « la négresse ». Pour en échapper, elle part à 16 ans du côté de Bordeaux où elle se fait appeler Clarisse et épouse un concessionnaire automobile, Richard Rivière. A son tour, elle a une fille « Ladivine » et se retrouve, quelques années plus tard, quittée par Richard Rivière. Chaque mardi, elle rend visite, en cachette, à sa mère qui ne sait rien de sa vie. Malinka/Clarisse est, ensuite, sauvagement assasinée par un amant. De son côté, Ladivine va épouser un berlinois et aura deux enfants: Annika et Daniel. Ils partent, en famille, dans un pays tropical mais les vacances tournent au cauchemar… Marie Ndiaye explore, avec finesse et justesse, la psychologie humaine de tous ses personnages. La lectrice termine le roman, envoûtée par la puissance de l’écriture. Grand Prix de l’Héroïne « Madame Figaro » 2013.

BONBEK

bonbek magazine

C’est la rentrée! L’hilarant « Maurice » ouvre les pages de ce numéro spécialement conçu pour les 6-10 ans. Les enfants branchés adorent la petite et la grande histoire mais surtout le graphisme et les illustrations de ce magbook. Coloriage, découpage, puzzle, jeux, choré et recette animent les petits et les grands. Un nouveau numéro déjanté à lire (en tribu) sur le canapé!

L’élégance. N. Rykiel

Couverture du livre L'élégance

Nathalie Rykiel est une femme de mode et une passionnée de littérature. Entourée de 15 invités, elle tente de donner, dans ce manifeste, une définition au thème insaisissable de l’élégance. Le livre est joli et particulièrement bien illustré par Vahram Muratyan. Le premier texte où Nathalie Rykiel se revoit enfant en pyjama observant sa mère, qui se prépare à sortir dîner, est particulièrement touchant car il nous renvoie à nos premiers émois de petite fille face à l’élégance. Nathalie Rykiel oppose, avec finesse, l’élégance au style et nous invite à magnifier la pudeur. Au fil des pages, l’auteure retrace l’histoire de la maison Rykiel et son parcours aux côtés de sa mère. Viennent ensuite les témoignages des invités qui livrent, chacun, leur vision de l’élégance: Sylvie Guillem dans le domaine de la danse, Pascal Cribier dans les jardins, Cédric Villani dans les mathématiques, Pierre Hermé dans la pâtisserie… Izia, chanteuse et comédienne, signe un témoignage plein de fraîcheur et d’intelligence. Malheureusement, la nouvelle inélégante et complètement déplacée d’Emmanuel Carrère, « la brune aux deux orgasmes » , vient entacher l’ouvrage. Pour la lectrice, chercher l’élégance ne peut être un prétexte à écrire tout et n’importe quoi. Si Nathalie Rykiel voulait un ouvrage anti-conformiste: le voici. A la fin du manifeste, Sonia Rykiel répond à « l’élégance en questions  » . Le livre sortira à l’occasion de la fashion week de Paris, fin septembre.

Manger le vent à Borobudur. O. Germain-Thomas

Après un voyage en Indonésie et une visite mémorable du temple de Borobudur, ce livre s’imposait.Olivier Germain-Thomas est, avant tout, un voyageur qui nous confie ses impressions. Rédigé comme un journal de bord, nous l’accompagnons à Java, Bali et en Asie avant de rentrer en France. De manière générale, Olivier Germain-Thomas se pose beaucoup de questions lorsqu’il mange le vent (marcher en Indonésien). Au hasard de son voyage, l’auteur s’égare parfois dans des considérations philosophiques un peu rébarbatives et ennuyeuses qui ont pourtant le mérite de questionner. Quelques rencontres féminines, éveillant le thème du désir, ponctuent le récit: la mystérieuse Lady B., Samira la prostituée, Kaliji ou Keiko la japonaise. Le thème de la religion est soulevé à de nombreuses reprises lors de ses rencontres avec un moine bouddhiste, un traditionaliste musulman ou un savant déjanté. Finalement, l’intérêt de ce livre repose sur le cheminement de l’auteur à travers l’Indonésie mais aussi à travers les nombreuses questions qu’il soulève. Et comme le disait si justement Montaigne: « Faire des voyages me semble un exercice profitable. L’esprit y a une activité continuelle pour remarquer les choses inconnues et nouvelles, et je ne connais pas de meilleure école pour former la vie que de mettre sans cesse devant nos yeux la diversité de tant d’autres vies, opinions et usages. » Moment de lecture spirituel.

La BD de Soledad

labddesoledad

Depuis la parution dans « Elle » (France) des planches humoristiques de Soledad, je lis mon magazine comme un Manga. Pourquoi? Ses dessins se trouvent toujours au niveau des dernières pages donc je commence la lecture de mon hebdomadaire à l’envers! J’aime son style, son humour décalé et ses dessins qui illustrent si bien les parisiennes, les tracas quotidiens et nos interrogations les plus fantasques. La BD réunie les planches publiées dans « Elle » entre Mai 12 et Mai 13. Mes préférées: « Prenez-vous le métro? » , « Pourquoi doit-on éviter de manger des oeufs de Pâques? » , « Pourquoi est-on si souvent déçue? » …Un bonheur de compile à lire dès le 11 Septembre!

Le sel de la vie. F. Héritier

Le Sel de la vie

Ce petit livre, prêté par ma copine Jo, m’a tout de suite intrigué. Comme « la première gorgée de bière » , j’ai découvert une autre liste de sensations et de souvenirs; un style très en vogue depuis « la liste de mes envies ». Et pourtant, Françoise Héritier est une femme qui, l’air de rien, incite à nous découvrir à travers nos sens. Cette chercheuse nous surprend par sa capacité d’émerveillement, d’observation des petites choses qui font le quotidien: « croquer des radis, se lever et dire non, soupeser un melon, pleurer au cinéma »... A travers les mots, elle nous éclaire sur son long parcours de femme. Ses souvenirs d’Afrique sont particulièrement touchants « sortir sur le tarmac à la saison des pluies à la nuit à Niamey et sentir l’odeur chaude et épicée de la terre africaine, avoir une pleine corbeille de bracelets africains, faire le tour d’un énorme baobab, rire encore au souvenir du chaton au bord d’une route togolaise qui mangeait voracement et le poil hérissé des morceaux de viande un peu pimentés… ». Cette liste souvent poétique est faite de joie, de découvertes, d’amitié, d’amour mais aussi de maladie, de peur, de cauchemars et de mort. Un livre à lire en toutes circonstances pour se demander ensuite: quel est le sel de ma vie? A vos plumes!

Le roman du mariage. J. Eugenides

Le roman du mariage par Eugenides

Jeffrey Eugenides est un auteur culte (Middlesex, Virgin Suicides). Il explore, avec brio, ce moment de la jeunesse où les décisions peuvent avoir un impact à long terme dans nos vies. Il est question, ici, d’un triangle amoureux représenté par trois étudiants de Brown University  tiraillés entre la réalité et les théories intellectuelles de la Fac comme « fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes. Madeleine aime Léonard, maniaco-dépressif en proie à l’auto-destruction, qui semble aimer sincèrement Madeleine. L’auteur analyse presque médicalement les aspects de sa maladie mentale et les remèdes préconisés dans les années 80. Mitchell aime Madeleine en secret. Face à sa frustration, il part pour un tour du monde ce qui nous donne des passages réjouissants, spirituels et exotiques. Particulièrement bien structuré, le roman fait l’analyse méticuleuse des émotions, sentiments et comportements des personnages avec humour et une bonne dose de sexe. Le thème du choix est d’importance dans cette intrigue dont la toile de fond est l’Amérique libre de Reagan. Le personnage de Madeleine nous touche par son obstination, et sa naïveté, à vouloir épouser Léonard. Malgré la liberté, l’auteur pose des entraves au bonheur puis donne la possibilité à chacun de se réinventer. « Talking Heads » en bande son, ce livre est aussi le portrait d’une génération aux Etats-Unis. Moment de lecture intellectuel. Grand Prix de l’Héroïne 2013, Madame Figaro.

Le coeur cousu. C. Martinez

Attirée par « les acidulés de l’été » de la collection Folio (jolies pochettes en plastique), je me suis retrouvée face à ce roman qui date de 2007. Après l’épreuve des premières pages, j’ai découvert une oeuvre poétique puissante; incroyablement féminine et harmonieuse. Carole Martinez est indéniablement une conteuse qui sublime l’écriture en effilochant les mots. Frasquita en est le personnage principal et, à travers elle, nous suivons toute la famille Carasco. Cette jeune andalouse, condamnée à l’errance, est issue d’une lignée de femmes qui se transmettent une mystérieuse boîte à couture. L’auteure raconte magnifiquement bien les étoffes, broderies, le bonheur, la cruauté, la mort, les enfants et le monde rural du 19ème siècle en Espagne. Véritable dentellière, Carole Martinez rafistole le monde dans cet hymne à la vie éminemment solaire. Son écriture lumineuse révèle une profondeur remarquable qui donne une atmosphère singulière à ce roman. Les chapitres consacrés à la maladie de José et les combats de coqs regorgent d’une imagination rare propre à l’auteure et à son style. Ma préférence va à la première partie du livre, moins sanglante que la deuxième. A la limite d’un monde onirique, ce conte est un bonheur fait de légendes, de croyances et de mystères, qui nous transporte au loin. Belle surprise! Prix Renaudot des Lycéens 2007. Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs 2007. Prix Ulysse de la première oeuvre 2007.

 

L’île des oubliés. V. Hislop

Un livre de poche à glisser dans vos valises. Victoria Hislop nous raconte une saga familiale qui se déroule en Grèce de 1903 à 1957. La lectrice est vite conquise par cette intrigue romanesque très divertissante au style fluide. Livre contre l’exclusion, c’est d’abord un hymne à la Grèce et à la Crète où chaque détail du quotidien nous renseigne sur les moeurs d’une autre époque. « L’île des oubliés », située face à l’île de Plaka, cache un incroyable secret à l’ombre des ruines d’une forteresse vénitienne. En ce qui concerne les personnages, il y a d’abord Alexis, une jeune anglaise d’origine grecque,qui se trouve en plein questionnement intérieur. Elle décide de se rendre en Grèce afin de comprendre pourquoi sa mère, Sophia, a brusquement rompu avec ses racines grecques. Alexis découvre sur place, grâce à une femme nommée Fotini, la destinée tragique de ses aïeules. L’auteure nous raconte, dans cet épais roman, la vie de la famille Petrakis liée à la famille Vandoulakis pour le meilleur et pour le pire. Rebondissements et coups de théâtre garantis. Prix des Lecteurs 2013.

 

Le Planétarium. N. Sarraute

Grâce à l’émission actuelle « une maison, un écrivain » proposée par Patrick Poivre d’Arvor sur France 5, j’ai lu ce roman si particulier. Nathalie Sarraute (1900-1999) est la figure du mouvement du « nouveau roman » qui se caractérise par des monologues intérieurs, juste avant l’action des personnages. Alain Guimier est le personnage principal autour duquel gravitent d’autres personnages comme Gisèle, la tante Berthe ou Germaine Lemaire. Alain Guimier et sa femme Gisèle sont en conflit avec la tante Berthe à propos d’un appartement. La particularité de Nathalie Sarraute est de réécrire une même scène du point de vue des différents personnages afin de comprendre leur motivation respective au-delà des apparences. Elle propose ainsi à la lectrice une certaine ouverture d’esprit. Beaucoup de thèmes touchant à la famille y sont abordés avec finesse et intelligence. Moment de lecture passionnant.

La solitude des soirs d’été. A. Jeanneret

Après la lecture du cinquième roman d’Anaïs Jeanneret, je dois avouer à quel point mes sentiments sont mitigés. La rencontre d’Alda et de Louis, les personnages principaux si différents l’un de l’autre, intrigue et dérange. Louis, le narrateur, est un jeune homme en quête de lui même. Alda le pousse à l’écriture en l’invitant à séjourner quelques jours, avec sa petite amie Lucy, dans la bastide familiale. Pendant ce séjour, qui s’éternise, Louis observe Alda, à la fois captivé et intrigué par cette femme plus âgée que lui. Alda et Lucy sont deux personnages féminins qui font face, comme elles peuvent, à une blessure d’enfance. Ce roman traite du silence, du secret, de la solitude et du temps qui passe. Le thème de l’inspiration littéraire apparaît sous la plume de Louis et la publication de ses premières ébauches, pas toujours captivantes. L’univers de l’auteure est résolument bourgeois, élégant, posé et la lecture est franchement agréable même si d’inévitables clichés et longueurs ponctuent le roman. La Provence, en toile de fond, ajoute de manière indéniable, une note lumineuse. A lire, au bord d’une piscine, du côté de St Rémy de Provence.

Les poissons ne ferment pas les yeux. E. De Luca

Un roman trouvé dans une boîte à trésor d’enfant. Erri De Luca, auteur italien, nous parle, ici, de la mutation de l’enfance vers l’adolescence. Notre narrateur a dix ans et, loin des désirs corporels, il commence à conjuguer le verbe « aimer ». Très poétique, ce petit livre nous emmène sur les plages du sud de l’Italie au moment des vacances estivales. Erri De Luca plante un décor sommaire fait de plaisirs marins et de pêcheurs.  La rencontre du narrateur avec une fillette le propulse, alors, vers une plus grande maturité lui permettant de contempler le monde sans fermer les yeux. Face à la jalousie de trois garçons, il découvrira la cruauté et l’injustice. Loin de son père mais proche de sa mère, le narrateur va se responsabiliser face aux choix familiaux. La place des livres et de la littérature a, tout au long du roman, une importance: « les livres sont la plus forte contradiction des barreaux. Ils ouvrent le plafond de la cellule du prisonnier allongé sur son lit. » La capacité de l’auteur à se glisser dans la peau de ce garçon de dix ans et de décrire sa prise de conscience est tout à fait étonnante. Il dépeint, finement, les doutes, les peurs et les plaisirs de l’enfant lors de ce passage fondateur. Un joli roman, plein de soleil, qui résonne en chacun de nous.

Le dernier Léonard De Vinci. F.McLaren

Voici un document qui a nécessité sept années de travail. A la mort de son père, Fiona McLaren s’intéresse à un tableau familial mystérieux pour émettre une hyptothèse qui bouleverse toute la chrétienté. Consciente de la fragilité de sa théorie, l’auteure interpelle souvent la lectrice pour tenter d’expliquer le bien fondé de sa démarche. Croyante, Fiona McLaren sait parfaitement à quel point ce document questionne. La lectrice oscille d’ailleurs entre interrogations et l’envie d’en savoir plus. Fiona McLaren commence par analyser consciencieusement le tableau, ses personnages et le contexte historique. Elle retrace, ensuite, à travers le temps, l’histoire des culdées, des cathares, des mérovingiens ainsi que les codes propres au francs-maçons (la rose, la coquille, le lys…) du chemin de Compostelle à Marseille. La lectrice se sent souvent perdue devant tant de matière heureusement illustrée par quelques photos. La partie consacrée à Louis XIV est la plus intéressante. Un document, sous forme d’enquête, qui ne laisse pas indifférent.

Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013

Pour la seconde fois, me voici lectrice d’un de mes magazines préférés: « Elle » France. Depuis le mois d’août 2012, j’ai lu près de trente livres dans trois catégories: roman, policier et document. Comme vous le savez, je suis jurée littéraire car la lecture fait partie de mes passions. En quoi cela consiste? Après l’envoi d’une lettre de motivation, j’ai reçu trois livres par mois pour lesquels j’ai écrit trois commentaires et attribué des notes à la rédaction du « Elle » . Les 120 lectrices sont désignées par groupes afin d’affiner la sélection. Une fois dans l’année, les lectrices de mon groupe ont reçu six livres dont trois ont finallement été retenus. Idem dans chaque groupe. Ce travail de lectrice est exigeant et demande du temps. Cependant, grâce au « Elle » , je découvre beaucoup de nouveaux auteurs et parfois quelques pépites qui me permettent d’alimenter mon blog régulièrement. Hier soir, la proclamation du 44ème Grand Prix des Lectrices s’est déroulée dans les Salons France-Amériques, avenue Franklin-Roosevelt, Paris-8ème. Les lauréats sont:

Meilleur Roman: Robert Goolrick pour « Arrive un vagabond » (Anne Carrière)

Arrive un vagabond par Goolrick

Meilleur Document:  Rithy Panh et Christophe Bataille pour « L’élimination » (Grasset).

Détails sur le produit

Meilleur Policier: Gillian Flynn pour « Les apparences » (Sonatine).

Détails sur le produit

Voici le déroulement de cette soirée littéraire:

17h10: rencontre entre les lectrices et les lauréats. Je reste près d’une heure en compagnie de Robert Goolrick, un grand monsieur qui est venu spécialement des Etats-Unis pour reçevoir son prix. Il raconte: suite à un licenciement brutal, à la cinquantaine, il se plonge dans l’écriture de son livre « Une femme simple et honnête » puis de « Féroces » un texte autobiographique bouleversant. En ce qui concerne « Arrive un vagabond » , il faut savoir que l’histoire est vraie mais elle s’est déroulée en Grèce il y a quarante ans. Les thèmes de la religion et de l’enfance abusée sont, ici, primordiaux. J’en profite pour poser quelques questions et le félicite à propos de son style que je trouve très poétique. Sourire et remerciement. Une lectrice se propose de nous prendre en photo, je bondis sur l’occasion. Robert Goolrick fait définitivement partie de ma sélection. Ensuite, je reste quelques instants à la table de Christophe Bataille qui parle au nom de Rithy Panh, resté au Cambodge. Ce prix, du meilleur document (cf commentaire blog), récompense son courage d’avoir affronté, une nouvelle fois, son bourreau. En ce qui concerne le prix du policier, je n’ai absolument pas aimé « les apparences » et ne le considère donc pas (cf commentaire du blog).

18h45: photo de toutes les lectrices et des lauréats au pied de l’escalier magistral.

19h00: Séance de dédicace: « Pour Sophie » signe Robert Goolrick. A l’étage, je croise mes copines blogueuses Sophie et Séverine. J’embrasse, ma meilleure lectrice, Nelly et retrouve Nadine, une autre lectrice venue de Marseille.

19h30: L’équipe de la rédaction du « Elle » est très sympa et décontractée. Valérie Toranian et Olivia de Lamberterie prennent la parole et annoncent les lauréats, officiellement, en présence des invités. Ovation méritée pour Robert Goolrick qui fait son discours en français. Christophe Bataille vient chercher son prix et remercie. Gillian Flynn apparaît sur un écran pour manifester sa joie. Deux auteurs américains sont récompensés à Paris: une consécration. Marc Dugain reçoit le Prix des Lycéennes pour son excellent roman « Avenue des géants » (cf commentaire blog).

20h00: Buffet et champagne! Je salue Nathalie Rykiel, Arthur Dreyfus, Augustin, Colombe Schneck, Marc Dugain, Franz-Olivier Giesbert…

21h30: Très chouette soirée en compagnie du « Elle » , de ses lectrices et ses auteurs. Bravo pour cette sélection 2013!

La vengeance de Baudelaire. B. Van Laerhoven

Bob Van Laerhoven est un auteur belge très inspiré. Nous voici dans le Paris des années 1870, en pleine guerre avec la Prusse. Le commissaire Lefèvre et l’inspecteur Bouveroux vont, dans ce terrible contexte, enquêter sur une série de meurtres tous porteurs d’indices liés à Baudelaire. Le grand mérite de l’auteur est sa capacité à dépeindre cette époque, si particulière, avec un soucis du détail témoin d’un long travail de documentation. L’atmosphère du roman est, presque, palpable malgré son côté obscur. Orgies, spiritisme, voyeurisme, subterfuges, prostitution, drogues et incarnation du mal bousculent la lectrice tout au long de la lecture. Un certain mystère et quelques personnages tragiques finissent par convaincre. Bon rythme, vrai suspense. La famille et ses secrets réservent bien des surprises. Bon moment de lecture. Prix Hercule Poirot.

Impossible de grandir. F. Diome

Fatou Diome est une auteure de talent qui traite, ici, de la place des enfants illégitimes dans la société sénégalaise. Le titre m’a, personnellement, beaucoup interpellé et je souhaitais comprendre le parcours de Fatou Diome à travers son inspiration autobiographique. Cependant, ce roman n’est pas à mettre entre toutes les mains car le style métaphorique et le rythme soutenu, des quatre cent pages, sont parfois trop lourds. Ce bouillonnement permanent pourrait lasser certains lecteurs. Ce ne fût pas mon cas. Salie, jeune femme trentenaire, sénégalaise installée en France, est la narratrice. Invitée à un dîner, elle se retrouve subitement confrontée à ses angoisses et ses peurs. Elle se lance, alors, dans une conversation avec l’enfant qu’elle a été, baptisée « la Petite » . Les thèmes traités sont ceux des origines, de l’esclavagisme familial, du respect et de la dignité des enfants illégitimes. Le maillage de réflexions est particulièrement serré; le ton virulent. Salie, dopée au café, règle ses comptes avec sa famille et notamment avec son « tonton despote » : « Devenir adulte c’est faire face aux loups ».  Avec beaucoup d’humour et de verve, Fatou Diome conte son Afrique, l’amour de ses grands-parents, sa douleur et son impossibilité de grandir: « …tremper ma plume dans les plaies béantes et dessiner un autre monde que je voudrais plus doux » . L’exotisme des paysages, du parfum du gonga, des patates douces et des mangues ajoutent une note colorée et épicée à ce roman surprenant. Fatou Diome est une auteure altière, en revendication permanente de sa liberté. La bande son, omniprésente, donne le tempo: « yo solo quiero caminar…tada-tada-tadadan! »

BONBEK

Gagnez le livre Bonbek Jungle (volume 6) avec Mona FM

Un numéro « jungle » trop beau! Il est vert, poilu, touffu et sauvage et les kids le lisent avec plaisir tant il est ludique. La grande histoire: « la loi de la jungle » se lit en français et en anglais. La petite histoire: « sieste sur canopée », de Delphine Perret, séduira les plus petits. A table, on se régalera du gâteau tigré après les croks croks Ananas! Coloriage, cartes à collectionner et jeux créatifs amusent et surprennent. Mais où sont les Houpa? Un moment de lecture et de joie, très tendance, à partager en famille.

A l’encre russe. T. de Rosnay

Tatiana de Rosnay est, pour moi, une auteure à part entière. J’ai beaucoup aimé « elle s’appelait Sarah » qui méritait vraiment son succès. J’ai lu avec passion  « Boomerang » mais surtout « Rose » un roman qui nous entraînait dans le Paris Haussmannien. Cette auteure est particulièrement douée pour manier ses intrigues. A la suite de « trois jours de soleil » à l’Ile de Ré, je commence, donc, la lecture du dernier roman de Tatiana de Rosnay:  « A l’encre russe ». Pour être honnête, ce livre ne m’a pas plu. Comme une mauvaise rédaction, l’auteure s’éloigne totalement du sujet: la réflexion sur l’identité. Au début du roman, tous les ingrédients sont rassemblés pour que l’intrigue fonctionne: un homme à la recherche de ses racines suite à des révélations. Nicolas Duhamel, notre héros, va donc se lancer sur la piste de ses ancêtres pour notre plus grand bonheur. Au lieu de cela, la lectrice se retrouve embarquée, malgré elle, dans un palace en Toscane, contrainte de subir une intrigue d’une platitude désolante. Les marques de luxe omniprésentes, les passages liés aux réseaux sociaux, les clichés sur les belges, sa réflexion sur le monde de l’édition et, surtout, cette dimension érotique consternante ajoutent à l’ennui. Tatiana de Rosnay nous a habitué à un plus haut niveau de lecture.

La part du feu. H. Gestern

gestern

Au départ, Laurence, une des voix de ce roman chorale, se met à la recherche de son père biologique suite à une révélation tardive. Son enquête débute grâce à la découverte de documents fouillés dans les affaires de sa mère. Ses nombreuses interrogations vont la mener au personnage de Guillermo Zorgen, un militant d’extrême gauche, décédé en 1975, dans des conditions obscures. La rencontre avec différents journalistes, amis de sa mère et anciens membres du réseau, vont permettre à Laurence de retrouver des traces d’un mouvement politique anarchiste, d’après Mai 68. Toute la force du roman repose sur cette enquête qui rythme un récit particulièrement bien structuré. Le style est simple et parfois scolaire. De nombreux articles, poèmes, tracts et lettres parsèment le récit et viennent éclairer la lectrice. Pour justifier cette approche documentaliste, très réaliste, Hélène Gestern dit avoir voulu raconter l’histoire de plusieurs points de vue. En ce qui concerne le titre, « la part du feu », il fait référence à un incendie sur lequel Laurence va enquêter. Mais, la métaphore du feu illustre, aussi, la passion ardente de l’amour et celle de l’engagement. La lectrice regrette justement de ne pas ressentir de manière plus forte l’histoire passionnelle du couple « Sonia-Guillermo ». Ce roman est, avant tout, un livre sur l’engagement tel qu’il pouvait rassembler les individus autour d’une idéologie. La part du feu représente aussi « ce que le feu peut brûler pour sauver le reste ». Comme dans son premier roman (« Eux sur la photo »), il s’agit d’une personne à la recherche d’une autre personne. Sélection Prix « Libraire en Seine » 2013.

Heureux les heureux. Y. Reza

Yasmina Reza a un certain talent pour dépeindre l’âme humaine dont elle semble connaître les bas fonds. Dans ce roman chorale, la lectrice découvre les bribes de vie de dix huit personnages: le patriarche Ernest, le médecin homo Philip Chemla, le couple Toscano au bord de la rupture… A la manière d’un jeu des sept familles, la lectrice parcourt ce roman particulièrement rythmé. Dans un style cynique, Yasmina Reza raconte, avec une bonne dose de dérision, ces morceaux de vie tellement proches de notre réalité de mortels. Ne croyant ni au bonheur, ni au couple, l’auteure détaille l’absurdité de la vie avec humour. « Etre heureux, c’est une disposition. » Un roman, bourré d’émotions, qui ne laisse pas indifférent. Sélection Prix « Libraire en Seine » 2013.