Libres, insoumises et audacieuses. C. Champenois et C. Bendayan

Ce livre nous est présenté comme « un regard sur le monde » ; Claire Champenois expose les portraits de dix-sept femmes venues d’Orient jusqu’en France. Dans le détail, chacune raconte son parcours, parle de sa famille et nous confie une part d’intimité. Pour la majorité, il a d’abord été question d’un combat pour leur liberté et leur indépendance malgré le milieu social, l’éducation et la double culture. Certaines ont bravé la violence, la peur et bien d’autres obstacles pour atteindre le sommet de leur vie professionnelle et gérer une vie de femme, de mère. Rachida Dati ou Najat Vallaud-Belkacem sont, ici, les plus célèbres mais il y a aussi d’autres témoignages stupéfiants: une cinéaste, une astronome, une soprano, une chef d’orchestre, une restauratrice…Les belles photos de Catherine Bendayan contribuent à porter un autre regard sur ces femmes libres, insoumises et audacieuses.

La fille qui n’aimait pas les fins. Y. Hasssan et M. Radenac

Un roman jeunesse, écrit à quatre mains, qui conte l’histoire d’une collégienne amoureuse des livres. Face à sa boulimie de lecture, Maya s’inscrit à la bibliothèque où elle fait la connaissance de Manuelo, un vieux monsieur énigmatique. Les auteurs traitent intelligemment de thèmes très actuels qui poussent nos jeunes lecteurs à la réflexion. Bien sûr, on aimerait que la passion de Maya pour la littérature soit contagieuse. En attendant, le processus d’identification fonctionne chez beaucoup de nos jeunes lecteurs car Maya est une jeune fille sensible qui cherche sa place dans une famille recomposée après une séparation douloureuse. Maya prend la parole puis Manuelo; cette alternance de point de vue est bénéfique pour la compréhension de l’histoire. Beaucoup de fraîcheur dans ce roman constructif. Bon moment de lecture.

Chien de printemps. P. Modiano

Ambiance Sépia pour ce petit roman publié en 1993. Le narrateur revient sur sa rencontre fortuite, trente ans auparavant, avec le photographe Francis Jansen. En 1964, un jeune homme tente de faire de l’ordre dans les archives alors que le photographe disparaît mystérieusement au Mexique. L’écrivain devient alors le double du célèbre photographe et se souvient de son entourage: Colette, Nicole, Gil, Jacques Besse, Eugène Deckers, les Meyendorff etc.. La lectrice retrouve un style, une ambiance mais aussi Paris et les thèmes chers à l’auteur comme celui de l’identité, de la mémoire, du temps qui passe et de la mort. Modiano explore un territoire d’incertitudes et tente de reconstituer ses souvenirs. Cette fois, ce sont des photographies et un film d’action qui permettent, notamment, de retrouver les traces du passé. « Chien de Printemps » est une illusion qui oscille entre rêve et réalité. Bon moment de lecture.

Bain de lune. Y. Lahens

Yanick Lahens nous emmène loin de chez nous. Cette auteure caribéenne conte une saga familiale dramatique qui s’étend sur quatre générations de paysans dont certains opportunistes, en Haïti. Au début du roman, la lectrice est réellement transportée dans ce paysage exotique rural. Munie de son glossaire créole, le dépaysement est total. Malgré cette beauté, la violence, la cruauté et la sauvagerie de certains personnages nous déconcertent. Yanick Lahens raconte, avec ardeur, les histoires d’amour mais aussi les multiples conflits qui déchirent les familles Lafleur et Mésidor, habitants du village d’Anse Bleue. Sous un régime de dictature implacable, il est souvent question de séismes et d’ouragans.  Le style de Yanick Lahens est empreint d’une poésie puissante et tragique: « vivre et souffrir sont une même chose. » L’auteure aborde des thèmes universels comme ceux de l’amour, la mort, la nature, le sacré et l’invisible avec l’immuable île d’Haïti en toile de fond. Bon moment de lecture. Prix Fémina 2014.

La plus belle lettre de St Valentin par Sophie Marie Dumont. Premier prix du concours pour le magazine « Marie France »

Mon amour,

Chaque matin est une promesse de bonheur lorsque je pense à toi. Dès l’aube, j’observe les bateaux glisser sur la Seine comme ton regard qui caresse, à cet instant précis, le papier. Et je me dis qu’aucune sculpture, aucun tableau, aucun livre ou création ne pourra jamais égaler la beauté de mes sentiments pour toi. Je suis celle que tu attends depuis longtemps et je te propose de me découvrir en suivant quelques étapes: en parcourant les petites rues escarpées de Montmartre tu dénicheras mon versant romantique; en croisant les péniches du canal St Martin tu sentiras les tumultes de mon cœur; si tu t’amuses du côté du quartier latin tu connaîtras ma part d’enfance; si tu voyages du côté de Belleville tu découvriras mon goût pour l’exotisme; et si tu croises un couple d’amoureux sur le pont des Arts, tu devineras notre futur bonheur. Je te donne rendez-vous, samedi, dans un petit hôtel romantique de la rive gauche pour, enfin, t’aimer comme personne. A deux pas du Musée d’Orsay, tu ne pourras pas te tromper car tu y croiseras des galeristes, des artistes et quelques habitués de St Germain des Prés. Je te donne un indice: l’hôtel porte le nom d’un écrivain français. A vingt-heures, dirige toi vers la bibliothèque de l’hôtel, je t’y attendrai au coin du feu. Je sais que tu aimes le mystère. Désormais, il te suffit de suivre tout simplement le chemin qui te mène à notre histoire. Mais surtout n’oublie pas: de New-York à Shanghai, d’Amsterdam à Dubaï, quoiqu’il arrive: tu me trouveras au bout du monde.

Remise de peine. P. Modiano

Remise de peine

Ce roman est, pour moi, une des meilleures fictions de Patrick Modiano. En effet, l’auteur donne l’impression de nous faire partager une part plus intime de lui: son enfance avec son frère. Au début des années cinquante, Patrick, alias Patoche, et son frère Rudy sont confiés à de curieuses amies de leurs parents, éternellement absents. L’auteur a vingt-cinq ans lorsqu’il se remémore des lieux, des mots, des personnages, des jeux et des histoires…Ce qui est bouleversant, ici, c’est la capacité de Modiano à se mettre à la hauteur de l’enfant qu’il était et à retracer des souvenirs avec son frère comme leurs peurs et fantasmes liés au château du marquis de Caussade. Il y a, dans ce roman, une touche supplémentaire de mystère et de merveilleux qui procurent, à la lectrice, une vaste palette d’émotions tout au long de la lecture. Excellent moment de lecture.

Rue des boutiques obscures. P. Modiano

Ce roman, publié en 1978, ressemble à un film du cinéaste belge André Delvaux (« Un soir, un train », « Benvenuta », « Rendez-vous à Bray  » …) tant la limite entre l’onirique et le mystère est floue. Les thèmes de la mort et du temps qui passe sont omniprésents dans les deux oeuvres ce qui rend l’atmosphère singulièrement étrange et inquiétante. Modiano est profondément marqué par la Belgique flamande alors que Delvaux est le symbole même du cinéma belge moderne. L’histoire du roman est celle de Guy Roland, un détective amnésique qui part à la recherche de son passé. La lectrice retrouve les pièces du puzzle préféré de Modiano: des noms, des lieux, des bottins, des voix, ses parents, son frère Rudy, l’enfance, l’évocation de l’Occupation, Paris et sa banlieue…L’enquête de Guy Roland le mène de Paris à Mégève jusqu’à Bora Bora et Rome où il retrouve une adresse: 2 rue des boutiques obscures. Comme toujours chez Modiano, le narrateur tente de reconstituer un passé sans vraiment y parvenir. Sous prétexte d’une enquête, Modiano se demande: qu’est-ce qu’une vie? L’excipit du roman: « Elle a déjà tourné le coin de la rue, et nos vies ne sont-elles pas aussi rapides à se dissiper dans le soir que ce chagrin d’enfant? » répond à l’incipit: « Je ne suis rien. » Prix Goncourt 1978.

L’herbe des nuits. P. Modiano

L'Herbe des nuits

Ce roman publié en 2012 est un mélange d’oubli et de mémoire, là où Modiano excelle. Jean, le narrateur de cette quête, remanie son carnet noir, aux notes disparates, afin de reconstituer le passé et comprendre certains faits. A Paris, au cours des années soixante, il rencontre Dannie, une jeune femme aux multiples identités, qu’il va chercher à cerner. « Qu’est-ce que tu dirais si j’avais tué quelqu’un? » lui avait elle demandé; en vain. C’est donc bien plus tard, grâce au commissaire Langlais et son rapport d’enquête, que notre narrateur va pouvoir analyser cette zone d’ombre. Comme d’habitude, dans les romans de Modiano, la frontière entre le réel et l’onirique est floue tout comme la notion de temps: « ..le temps palpite, se dilate, puis redevient étale, et peu à peu vous donne cette sensation de vacance et d’infini que d’autres cherchent dans la drogue, mais que moi je trouvais tout simplement dans l’attente. » Modiano traverse Paris dans un brouillard nostalgique où il croise les fantômes du passé et nous offre une oeuvre cartographique. Bon moment de lecture.

La gaieté. J. Lévy

La gaieté par Lévy

Lire un roman de Justine Lévy, c’est comme ouvrir une boite de bons chocolats: on déguste. Dans ce quatrième roman, Louise, alias Justine Lévy, a décidé d’arrêter d’être triste lors de sa première grossesse. Il est vrai qu’elle en connaît un bout sur la tristesse et le chagrin. Elle se souvient de la rencontre avec le père de ses enfants au moment où elle hésitait « entre la défenestration et le meurtre ». Au cours de la lecture, son mal-être nous empoigne tandis que ses petits remèdes font sourire: « …mes « Nicorette » qui me font zozoter » .  Malheureusement, les grossesses convoquent l’enfance et certains mauvais souvenirs ressurgissent. Louise se pose des questions, cherche les réponses et escamote sa mémoire à volonté. Ce roman ressemble à une confidence encombrée de tristesse. Le style de Justine Lévy est toujours aussi direct, plein de dérision, d’humour et de cynisme. Les phrases sont longues comme ses cheveux d’enfant avant qu’une méchante marâtre ne les coupe. Sa mère est omniprésente; il est également question du père (BHL) qui apparaît toujours comme l’homme fort de la situation. Elle décrit également son quotidien en famille avec Pablo et ses enfants. Il faut bien avouer que les passages les plus réjouissants sont ceux qui racontent justement son quotidien de mère et quelques anecdotes enfantines. Mais Louise est toujours rattrapée par ses peurs, ses angoisses et son éternelle crainte de l’abandon. Alors, la lectrice ressent l’envie de la rassurer, de taire ses incertitudes et de lui préparer un bon couscous au beurre avec des raisins secs. Heureusement, Louise fait barrage aux mauvaises transmissions… Mieux que le Xanax, le Doliprane ou le Cymbalta, espérons que la gaieté fasse bientôt son effet. Bon moment de lecture.

Vestiaire de l’enfance. P. Modiano

Patrick Modiano a publié ce roman intemporel en 1989. La lectrice y retrouve un univers particulier et les obsessions récurrentes de l’auteur: l’enfance, des lieux, des visages, des noms, des fragments de souvenirs… En toile de fond de cette fiction, il y a une ville du sud qui pourrait être Tanger sous un soleil écrasant. Jimmy Sarano y refait sa vie après avoir quitté Paris dans d’étranges circonstances. Expatrié, il rédige des chroniques pour Radio-Mundial. Sa rencontre avec une jeune française va brusquement perturber sa vie: cette femme lui rappelle vaguement quelqu’un. Alors, les souvenirs ressurgissent et le narrateur se replonge dans le Paris des années soixante du côté de la place de Clichy. Pour notre grand plaisir, le style de Patrick Modiano est empreint d’humour et de cynisme dans ce roman original.

Charlotte. D. Foenkinos

David Foenkinos nous surprend en publiant ce roman rédigé sous forme de vers libres. Il confesse son obsession pour Charlotte Salomon, une peintre juive allemande gazée à 26 ans pendant la seconde guerre mondiale. L’auteur voyage, retrace et recompose la vie de cette martyre frappée dès sa naissance par une tragédie familiale. Exilée en France, Charlotte construit une oeuvre picturale heureusement confiée à son médecin. David Foenkinos raconte une histoire tragique sans pourtant analyser en profondeur l’oeuvre de cette peintre énigmatique. Un roman singulier qui traite notamment de l’exclusion, de la barbarie, du désir et de la création. Moment de lecture bouleversant. Prix Goncourt des Lycéens. Prix Renaudot.

La disparition de Richard Taylor. A. Cathrine

Ce roman choral, publié en 2007, n’a l’air de rien et pourtant il réserve bien des surprises tout au long de la lecture. Richard Taylor, un trentenaire anglais marié et père d’une petite fille, décide de disparaître brusquement du paysage londonien. La lectrice a l’avantage de pouvoir continuer à le suivre au fil de ses rencontres. Chaque chapitre laisse entendre une femme: Susan (son épouse), Rebecca (sa collègue), Jean (sa mère), Jennifer (sa voisine)… et chacune nous donne sa version à propos de Richard Taylor. Arnaud Cathrine est un écrivain à la plume franche qui se fout bien des conventions. Les thèmes traités sont ceux du mensonge, de la lâcheté dans le couple, de la disparition, du désir et de l’abandon. La brutalité du style déroute au début mais le ton est juste, réaliste. Finalement, cette fiction noire est composée avec ingéniosité ce qui rend la lecture poignante.

Livret de famille. P. Modiano

Ce « Livret de famille », publié en 1977, est un ensemble de nouvelles surprenantes qui traitent principalement de la mémoire, des origines et du temps qui passe. Patrick Modiano livre des anecdotes liées à son univers intime comme la naissance de sa fille, des moments partagés avec son frère Rudy ou la rencontre de ses parents sous l’occupation. Les figures du père et de la mère reviennent constamment au fil des pages. Certaines nouvelles sont empreintes d’un humour exquis et d’un cynisme étonnant: l’épisode où son père l’emmène à la chasse à courre est réellement irrésistible. Comme à son habitude, l’auteur nous entraîne dans des quartiers, des rues, des cafés, des hôtels où le narrateur rencontre des personnages mystérieux liés à sa famille. Le personnage du « gros » , rencontré à Rome, est particulièrement attachant. Patrick Modiano sonde à nouveau son passé et nous entraîne jusqu’en Egypte et en Tunisie. Pour notre grand plaisir, il offre des réminescences de sa jeunesse et nous réserve, ici, un autre excellent moment de lecture.

Villa triste. P. Modiano

Ce roman publié, en 1975, est véritablement singulier. En effet, même si la lectrice retrouve quelques ingrédients récurrents chez Modiano, quelque chose de différent se dégage de cette fiction. En toile de fond, il y a la ville d’Annecy sous un soleil d’été; une ville de province surannée fréquentée par la bourgeoisie non chalante des bords du lac. Victor, le narrateur, retrace son histoire d’amour, en 1962, avec Yvonne Jacquet, une jolie femme, mannequin et actrice débutante. Pour la séduire, le narrateur se fait passer pour le « comte Victor Chmara » et jongle admirablement bien avec le mensonge. Dans un premier temps, le couple séjourne à l’hôtel L’hermitage puis dans la « villa triste » du docteur René Meinthe, un bourgeois homosexuel se faisant passer pour « la reine des Belges ». A nouveau, Patrick Modiano tente de reconstituer le passé sans vraiment y parvenir. Il situe des rues, des endroits, des cafés et se remémore des personnages avec une certaine nostalgie. Le ton est souvent léger et humoristique dans cette fiction au caractère universel. La force de l’auteur réside essentiellement dans sa capacité à reconstituer une atmosphère élégante et pleine de charme.

Je ne vous quitterai pas. P. Louvrier

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Le premier roman de Pascal Louvrier raconte l’histoire singulière de Jacques Libert, un écrivain proche de Mitterrand. En fin de vie, l’homme revient sur la douloureuse histoire de son couple et sur son amitié avec l’ancien Président de la république française qu’il connaît depuis 1959. Nous sommes en 2012, en France, dans une vieille maison au bord de la Manche. Jacques Libert fait appel à une aide ménagère, Louise, une jeune étudiante mystérieuse à qui il va se confier. Le titre du roman est inspiré des vœux prononcés par François Mitterrand en 1994: « Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas. »  Pascal Louvrier traite de la relativité de la vérité à travers des personnages politiques manipulateurs. Bien renseigné, l’auteur nous dévoile les coulisses du pouvoir sous l’ère Mitterrand et au passage quelques inédits et indiscrétions. Bon moment de lecture.

Un pedigree. P. Modiano

Patrick Modiano - Un pedigree.

Cette autobiographie fait allusion au roman du même nom publié par l’écrivain belge Georges Simenon (1948). Patrick Modiano dévoile, ici, des souvenirs épars de son enfance et de sa jeunesse avec une dose de tendresse mais aussi de pitié. Ses parents (un père juif et une mère belge) apparaissent notamment comme des êtres égoïstes, intéressés et manipulateurs: « ...je ne me suis jamais senti un fils légitime et encore moins un héritier. »  Avec distance, Patrick Modiano nous livre des faits et anecdotes sans état d’âme tel un documentaire, ce qui déconcerte. Discret en ce qui concerne l’intime, il ne parle pas d’un événement, pourtant capital, qui le touche: la mort de son frère. La lectrice retrouve des thèmes propres à Modiano: la question des origines et de la famille mais aussi sa constante quête d’identité. Un récit pour tourner définitivement les pages d’un passé qui ne semble pas lui appartenir.

Voyage de noces. P. Modiano

La quête d’identité est le thème majeur de ce roman qui se présente sous forme d’enquête. Un homme désabusé se retrouve à Milan dans la chaleur du mois d’août. A l’hôtel, il apprend le suicide d’une cliente française et fait le rapprochement avec une femme juive rencontrée quelques années auparavant: Ingrid Teyrsen. Bouleversé par sa mort, le narrateur rentre en France et organise sa propre disparition en périphérie de Paris. Il assemble, alors, les souvenirs liés à Ingrid et à Rigaud, son compagnon, auquel il va curieusement s’identifier. Patrick Modiano fait appel aux souvenirs, aux sensations, aux lieux pour évoquer un moment tragique de l’histoire. Au cours de sa lecture, la lectrice retrouve la petite musique caractéristique du style de Patrick Modiano et des thèmes récurrents comme celui du temps qui passe ou celui de la déportation. Excellent moment de lecture.

La petite bijou. P. Modiano

Détails sur le produit

Le titre du roman « la petite bijou » vient du surnom de la narratrice lorsqu’elle avait sept ans. Patrick Modiano se glisse parfaitement dans la peau de Thérèse, la narratrice devenue jeune femme. Inspirée par un personnage de Balzac, « la petite bijou » croise dans le métro de Paris sa mère qu’elle pensait morte. En la suivant jusqu’à son domicile de Vincennes, elle revient sur leur passé énigmatique. Au fil de la lecture, un malaise s’installe chez Thérèse, perpétuellement à la recherche d’elle même. Dans une certaine confusion, la narratrice tente de recomposer le puzzle de son enfance, croise des personnages évanescents et revient sur des lieux qui n’existent plus. Patrick Modiano mêle toutes sortes de souvenirs, images, couleurs et sonorités dans cette fiction troublante, angoissante. L’atmosphère nostalgique du roman donne à la lecture un caractère singulier entre rêve et réalité. Bon moment de lecture.

La robe rouge de Nonna. M. Piquemal et J. Brax

La robe rouge de Nonna par Piquemal

Ce joli album est destiné aux enfants de 10 à 13 ans. Il raconte l’exil d’une famille italienne vers 1922. A la demande de sa petite fille, Nonna retrace son enfance en Italie, avant son exil en France. Avec émotion, la grand-mère se remémore le contexte, évoque sa famille puis les pénuries et l’humiliation sous Mussolini. Ce livre est un précieux témoignage qui traite de nombreux thèmes comme le racisme, l’immigration, l’identité et l’histoire de l’Europe. Inspiré par une histoire vraie, l’album est magnifiquement illustré et reproduit des chants patriotiques italiens. Mention spéciale pour le graphisme. L’évolution des couleurs, au fil des pages, est un plaisir pour les yeux de nos jeunes lecteurs. Bon moment de lecture.

Devenir soi. J. Attali

Christophe Barbier

Jacques Attali est bien placé pour savoir qu’il ne faut plus rien attendre des politiques et du pouvoir en place. Ce conseiller d’Etat et écrivain nous invite, ici, à chercher le talent qui se cache en nous pour ne plus dépendre de personne ni tenter d’obtenir une assistance permanente. Il dresse, tout d’abord, un tableau pessimiste et angoissant face à notre avenir et dénonce « les désastres » de notre société comme, par exemple, celui du système primaire scolaire. « Devenir soi » passe par une prise de conscience pour poursuivre ensuite un chemin en cinq étapes, sa méthode. Si le fond du livre est construit sur du bon sens, la forme ne motive pas beaucoup la lectrice. Jacques Attali fournit une surabondance d’exemples qui rend la lecture lassante. Il faut attendre la page 150 pour qu’enfin, l’auteur nous livre sa clé du « devenir soi ».

 

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier. P. Modiano

Le dernier roman de Patrick Modiano, Prix Nobel de Littérature 2014, a des allures de polar. Jean Daragane est le personnage principal de cette fiction teintée de mystère et de chagrin. Lorsqu’il perd son carnet d’adresse, un couple énigmatique se présente et lui demande des informations à propos d’un certain Guy Torstel. Malgré lui, Jean Daragane se replonge, alors, dans le Paris des années cinquante et sa banlieue. Entouré de personnages énigmatiques comme celui d’Annie Astrand, sa mère de substitution, Jean Daragane se souvient progressivement de son enfance et d’une maison étrange. Le style de Patrick Modiano est incroyablement subtil et accessible. La lecture de son roman ressemble à une confidence aux résonances nostalgiques. L’omniprésence de la nature ajoute des notes poétiques à ce puzzle délicat. Un roman comme un ravissement. Coup de coeur!

Peine Perdue. O. Adam

Nous ne lisons pas tous pour les mêmes raisons: certains lecteurs cherchent à s’évader, à apprendre, à rêver, à comprendre… Le dernier roman d’Olivier Adam nous parle de la France d’aujourd’hui et de ses classes moyennes. Loin du glamour, l’auteur dresse le portrait d’une vingtaine de personnages à travers lesquels il dépeint une société française à la dérive. Le point de départ de ce roman choral est la mystérieuse agression d’Antoine dans une station balnéaire du Var, hors saison. Père du petit Nino qu’il voit peu, Antoine vit dans une caravane sur la plage. Le foot est son seul point d’horizon comme pour beaucoup de ses camarades. Un matin, quelqu’un dépose Antoine, inanimé,  devant l’hôpital. L’enquête menée par Grindel, un flic désabusé, sera le fil rouge de cette longue fiction. Révélateur du contraste social, le décor a, ici, toute son importance. Les touristes sont partis, les volets des belles villas sont fermés, la ville est déserte, mélancolique. Seuls restent les habitants livrés à leur triste sort. A sa manière, l’auteur relie l’intime au collectif à travers une communauté: des trentenaires paumés, des infirmières, des femmes de ménages, un flic, des voyous, un patron véreux, un couple de bourgeois…En toile de fond, la mer se déchaîne puis se calme, métaphore de la vie. Tout au long de la lecture, le titre s’impose: c’est peine perdue. La lectrice se prend à vouloir faire tourner la roue qui illustre la couverture. Le style d’Olivier Adam est corrosif, pessimiste, teinté de noirceur. Le constat est terriblement morose. Dans la désolation, les personnages subissent leur vie; un destin parfois tragique qui ne laisse entrevoir que peu d’espoir. Beaucoup de caricatures et de clichés dans ce roman social. Bon moment de lecture.

Petit éloge de la nuit. I. Astier

Petit éloge de la nuit - Ingrid Astier

Voici un petit livre très agréable à lire et à emporter pour la modique somme de deux euros! Ces fragments autour de la nuit dévoilent la passion nocturne d’Ingrid Astier. Déjà, la couverture évoque l’importance de la bande-son inspirée par la nuit: ACDC, Metallica, Chopin, dDamage etc…l’auteure évoque aussi des poètes, des cinéastes, des peintres, des romans et certains membres de l’antigang français qu’elle fréquente. Son petit dictionnaire très original rassemble des mots parfois étranges: « paupières nictitantes » , « oniricide » , « nyctalope » …mais aussi des définitions poétiques comme celle du « pyjama: le chat passe sa vie entière en pyjama. » Ingrid Astier est une rêveuse, une contemplatrice qui observe l’obscurité judicieusement. Bon moment de lecture.

Constellation. A. Bosc

Le premier roman d’Adrien Bosc retrace sous forme d’enquête journalistique le crash du Constellation F-BAZN dans l’archipel des Açores, le 27 octobre 1949. Qui était à bord de cet avion « des stars » en partance pour New-York? Le boxeur Marcel Cerdan, la violoniste prodige Ginette Neveu et une quarantaine de passagers (avocat, héritière,créateur, étudiante, bergers basques…) tous réunis par un destin. Ce roman émouvant au style romanesque fait l’autopsie d’un drame collectif. Les correspondances entre certains personnages, les hasards et coïncidences captivent la lectrice au-delà des faits. Le meilleur exemple est celui d’Etienne Vatelot, luthier de Ginette Neveu qui est, ici, le personnage miroir de Marcel Cerdan. En effet, à la demande d’Edith Piaf, le champion de boxe annulera son départ en bateau pour prendre l’avion tandis que le luthier annulera sa place d’avion pour prendre le bateau à la demande de Ginette Neveu. L’auteur pose beaucoup de questions qui restent sans réponse. La lecture de ce roman à part passionne grâce à sa construction qui repose sur l’alternance entre les chapitres liés à l’enquête technique et ceux liés à la vie des passagers. Lecture coup de coeur! Grand Prix du roman de l’Académie Française.

Fleur de tonnerre. J. Teulé

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Mon premier est un repère dans le temps; mon deuxième est situé entre la tête et le corps; mon tout est ce qui terrorisait la plus grande tueuse de tous les temps: l’ANKOU. Début 19ème, sur les terres de Plouhinec parsemées de menhirs , la petite Hélène écoute les terrifiantes légendes bretonnes racontées par son père. Alors, la petite fille baptisée « fleur de tonnerre » s’investit d’une mission morbide et part pour une mortelle randonnée en laissant, derrière elle, sa mère empoisonnée. La plume trempée dans l’encre noire, Jean Teulé raconte; son style pittoresque amuse malgré le funeste destin de Fleur de Tonnerre. Et tandis que des bigoudènes traversent la lande comme une nuée d’oiseaux noirs, Fleur de Tonnerre empoisonne à tour de rôle, perdue entre rêve et réalité. Pourtant, accrochée à la façade de Notre Dame de la Haine, la roue de la fortune tourne, poussée par un auteur exalté.

En face. P. Demarty

Pierre Demarty - En face.

Le premier roman de Pierre Demarty nous embarque dans un voyage immobile: à Paris, Jean Nochez décide de quitter sa femme et ses deux enfants pour s’installer dans l’appartement d’en face, à leur insu. A noter que notre anti-héros est un homme particulièrement terne, sans surprise. Après son déménagement, il se contente de voyager entre son appartement, son travail et le café « les indociles heureux ». Et c’est, précisément, dans ce café qu’il rencontre notre narrateur. Avec beaucoup de cynisme, ce dernier nous raconte cette histoire improbable avec un flot considérable de détails. Le style singulier de Pierre Demarty est empreint d’humour, de détours et de références. Certains diront qu’il en fait beaucoup trop. Pour sa part, la lectrice aurait souhaité plus de profondeur au niveau de la psychologie des personnages. Pourquoi Jean Nochez fait-il ce choix? Comment sa femme, Solange, vit-elle cette rupture? Pierre Demarty est un écrivain prolixe qui interpelle la lectrice à tout bout de champ en jouant sur les mots et en ouvrant toutes sortes de parenthèses. Un roman aux notes poétiques qui fait appel à une solide culture générale.

La bibliothécaire. Gudule

Gudule est une auteure belge à succès. « La bibliothécaire » est un roman illustré particulièrement intéressant pour les élèves de 6ème (1ère secondaire) car il débute par un mystère. L’histoire est celle du jeune Guillaume qui observe, chaque soir par sa fenêtre, une voisine âgée. Guillaume remarque également la présence d’une jeune fille qui sort chaque soir dans la rue. Attiré par sa beauté, il décide de la suivre. La jeune fille le conduit, malgré lui, à la bibliothèque et ils font, enfin, connaissance. Guillaume va, ensuite, l’aider dans sa quête du « grimoire ». Toutes sortes de personnages issus de romans comme « Alice au pays des merveilles » ou « les Misérables » vont surgir au cours de la lecture. Gudule donne, ici, une place considérable au fantastique et rend un bel hommage à la langue française. Bon moment de lecture.

Le poison d’amour. E. E. Schmitt

Le Poison d'amour

Voici le dernier roman d’Eric-Emmanuel Schmitt, un auteur prolifique qui vit à Bruxelles. Dramaturge, romancier, cinéaste…il publie, début octobre, le second volet de son diptyque sur la passion. Dans « Le poison d’amour » , Eric-Emmanuel Schmitt nous parle des premiers émois amoureux à travers le journal intime de quatre amies, adolescentes.  Mais comment croire en l’amour dans une société où les parents se séparent? Au Lycée, Julia et Raphaëlle préparent la représentation théatrale de « Roméo et Juliette » tandis que Colombe et Anouchka s’inquiètent…L’amour est-il un poison? Dans le fond, Eric-Emmanuel Schmitt se pose les bonnes questions et imagine une fiction crédible, sans ennui. Mais dans la forme, il est évident qu’aucune adolescente d’aujourd’hui ne s’exprime dans le langage de l’auteur; trop châtié. Ce roman tragique a cependant le mérite de nous éclairer sur les problèmes psychologiques et sentimentaux de nos adolescents avec une certaine clairvoyance. Bon moment de lecture.

Oona & Salinger. F. Beigbeder

Frédéric Beigbeder a l’audace de retracer, ici, la jeunesse fictive d’Oona O’Neill et de l’auteur américain Jerry Salinger. L’idée est bonne et, dès le début de la lecture, le pari semble gagné: imaginaire, humour et esprit nous emportent. L’auteur ne manque pas d’interpeller son « ami-lecteur » avec intelligence tout en continuant à mélanger réalité et fiction. Début des années quarante, la lectrice assiste aux soirées du « Stork Club », assise non loin de la table six et de la jet set new yorkaise sirotant des vodkatini. Le regard d’Oona croise celui de Salinger et une idylle commence. Beigbeder réinvente avec brio une époque, des personnages et une histoire d’amour fragile. Mais Salinger va partir pour la guerre et connaître la descente aux enfers tandis qu’Oona rencontre l’homme de sa vie, Charlie Chaplin. Beigbeder invente, alors, les lettres échangées entre le soldat Salinger et Oona, à défaut d’avoir pu consulter la vraie correspondance. Au milieu des obus et des blessés, Salinger écrit régulièrement pour lui faire part de sa situation et de ses regrets . Mais le fossé qui les sépare est à l’image du décalage entre la situation de l’Europe et celle des Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale. A ce moment de la lecture, Beigbeder nous plonge dans l’horreur du conflit et dévoile une autre part de la noirceur humaine poussée à son paroxysme. Un instant, la lectrice angoissée croit relire le roman de Pierre Lemaitre (« Au revoir là- haut »), dernier Goncourt. Finalement, toute cette fiction sert de prétexte à Frédéric Beigbeder pour parler de lui et de son amour pour sa femme Lara. En effet, la différence d’âge dans le couple s’impose comme un des thèmes de ce roman tout comme celui du temps qui passe. Il faut donc se laisser emporter par le roman de Beigbeder, maîtriser l’anglais et faire abstraction de la personnalité d’un auteur qui derrière son allure de pitre cache un véritable écrivain. Bon moment de lecture.

Le chat passe à table. P. Geluck

Le Chat, tome 19 : Le Chat passe à table (Coffret 2 volumes) par Geluck

L’unique fois où j’ai croisé mon compatriote, Philippe Geluck, j’ai cru qu’il avait perdu son chat tant il faisait grise mine. Mais notre chat national repart, bel et bien, pour de nouvelles aventures présentées dans un coffret. La lectrice y trouve deux petits livres et, en bonus, « la gazette du chat  » (périodicité aléatoire) avec un horoscope hilarant. Il y a « à boire et à manger  » dans ce coffret où le dessinateur se met à table et se joue de notre société. Parfois cruel, tragique, émouvant ou culotté, Philippe Geluck arrive encore à nous faire rire grâce à cette dix-neuvième saga féline. Mention spéciale pour la pagination. Moment de lecture comique.