L’écrivain de la famille. G. Delacourt

Le premier roman de Grégoire Delacourt figurait dans la liste de mes lectures. L’histoire d’une famille, originaire du Nord de la France, racontée par Edouard, fils déclaré « écrivain de la famille » et narrateur de ce roman. En partant des années soixante-dix jusqu’aux années quatre-vingt dix, l’auteur nous replonge avec justesse dans un contexte musical, littéraire, médical et audio-visuel. Edouard raconte, avec sensibilité, ses failles, ses doutes et ses émotions, au fil des pages de ce premier roman clairvoyant. Nous faisons connaissance avec chaque membre de la famille exposé au destin, « c’est la vie qui choisit  « . De Paris à Bruxelles, la lectrice retrouve, grâce à ce roman, ses propres émotions entre rires et larmes. Grégoire Delacourt manie les mots mieux que personne en ne prenant jamais de gants. Il donne, à cette histoire familiale, un ton universel qui lui est propre et qui plaît à un grand nombre de lecteurs. Ce premier roman révèle, sans aucun doute, la genèse de son parcours professionnel d’écrivain et d’homme (enfin) heureux. Bon moment de lecture.

Chuuut! J. Boissard

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Un roman grand public qui nous infiltre dans une famille de châtelains français. Producteur de Cognac en Charentes, Edmond de Saint Junien règne, avec élégance, sur sa tribu comme sur ses chais. Le roman est construit en chapitres à deux voix. La première voix est celle de Fine (petite fille d’Edmond et Delphine) qui nous raconte ses états d’âme et sa famille. D’autre part, le parcours de Nils (petit fils d’Edmond et Delphine) nous est conté à la troisième personne du singulier. L’auteure manie parfaitement la plume et l’art de l’intrigue: la fille des gardiens est retrouvée assassinée dans le domaine. Même si le suspense est léger, Janine Boissard arrive à capter notre attention. Les thèmes de l’identité, la famille, le secret, l’amour, la maladie, la trahison sont abordés avec finesse. La lectrice entrevoit, à travers ce roman familial,  un milieu aristocratique empêtré dans ses valeurs ancestrales et ses secrets les plus lourds. L’arbre généalogique des Saint Junien, page 8, présente cette descendance constituée de personnages attachants et complexes. L’enquête pour retrouver l’assassin de la petite Maria réserve assurément bien des surprises mais « chuuut! »…

L’Embellie. A. A. Olafsdottir

Une auteure islandaise qui nous dépayse totalement en nous emmenant à la découverte de son pays, toile de fond de ce roman. L’histoire d’une jeune femme, quittée par son mari, qui part à la recherche d’elle même avec le fils de quatre ans de sa meilleure amie. En voiture, ils vont sillonner cette île noire, et ses paysages lunaires, pour y faire des rencontres improbables. Roman fantasque et drôle abordant des thèmes très actuels: la maternité, le divorce, le désir, la crise, l’enfance, l’amour, l’amitié, le réchauffement climatique etc… La narratrice soumise à la chance, à la malchance et au hasard découvre un nouvel aspect de sa vie près de cet enfant sourd et presque aveugle. Quelques bribes de souvenirs nous éclairent sur son parcours d’enfant, de jeune fille, de femme libre. Beaucoup de fantaisie, d’humour, de poésie définissent un style d’écriture à part. La relation qui se développe, au fil des pages, entre cette femme et le petit Tumi, dans ce contexte naturel si particulier, nous émeut. La publication des recettes du roman, à la fin du livre, démontre la singularité de l’auteure déjà connue pour son premier roman « Rosa Candida ». Bon moment de lecture. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.

Un héros. F. Herzog

Félicité Herzog est la fille de Maurice Herzog, vainqueur de l’expédition française partie au sommet de L’Annapurna en 1950. Dans ce roman autobiographique, Félicité Herzog nous raconte sa vérité familiale face à un père désigné comme un héros national:  » Il ne semblait jamais être vraiment redescendu de ce versant sur lequel il se dresse en pleine tempête, tenant à deux mains le drapeau français. » Pour l’auteure, cette ascension repose sur un mensonge à l’origine de la maladie de son frère, Laurent, disparu prématurément. La lectrice découvre la face cachée de Maurice Herzog décrit comme un imposteur, séducteur, arriviste, père défaillant abandonnant son épouse. Loin du règlement de compte, Félicité Herzog a eu le courage de publier son premier roman du vivant de son père, malheureusement inatteignable, peut-être dans un dernier élan d’amour. Elle nous livre, dans un style métaphorique et maîtrisé, sa vision des choses avec une profondeur certaine. La lectrice découvre également, au fil des pages, l’univers d’une grande famille héritière française confrontée à sa mémoire. Beaucoup de lucidité et de maturité dans ce roman imprégné d’amour fraternel. Félicité Herzog ne peut se résoudre à oublier ce grand frère, « un étranger au monde « , compagnon atypique de son enfance. Ce roman, bourré d’émotions, est dédicacé à sa mère, intellectuelle rebelle, pour laquelle elle semble ressentir de la compassion malgré tout. Il n’y a pas de héros dans ce roman mais bien une héroïne: une petite fille qui a grandi et qui cherche, malgré sa colère et sa culpabilité, à décrypter la mécanique familiale dans ses mythes et ses mensonges. Excellent moment de lecture.

 

Home. T. Morrison

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Après sa venue, en septembre 2012 au Festival Américain de Vincennes, il fallait lire celle qui vient d’être décorée de la « Presidential Medal of Freedom » des mains du Président Obama. Cette auteure noire américaine, Prix Nobel de Littérature en 1993, révèle dans  » Home  » tout son talent en nous emmenant dans le Sud de l’Amérique au milieu des années cinquante. Tel un conte, la nature est, ici, un élément poétique omniprésent. Les deux personnages principaux nous apparaissent, d’abord, enfants dans une situation tragique. La lectrice suit, au cours des chapitres, le parcours de Frank Money, un noir américain, ex soldat en guerre de Corée, à la recherche de sa petite soeur Cee afin de rentrer au pays, son « Home ». Les principaux thèmes abordés sont ceux de la condition des noirs américains, de la ségrégation, du crime, de la violence, de la guerre et de l’amour fraternel. La voix de Frank vient ponctuer le récit pour livrer ses pensées les plus intimes, les plus secrètes. L’écriture de Toni Morrison est tranchante et condensée, d’une formidable densité. Ce roman en boucle impressionne par sa maîtrise. Excellent moment de lecture.

Certaines n’avaient jamais vu la mer. J. Otsuka

Ce roman très féminin se profile comme un document. En retraçant le parcours de la communauté japonaise installée à San Francisco au début du 20ème siècle, Julie Otsuka nous parle du destin de ces femmes mariées par procuration dont l’exil commence par un mensonge. Belle écriture pour décrire la longue traversée et cette magnifique image métaphorique du bateau qui s’éloigne pour avancer vers l’avenir. Sans personnage principal, l’auteure utilise le « nous », tel un choeur, pour évoquer la misérable vie de ces femmes. Ce roman très poétique traite de l’expatriation, de la trahison, de la famille, de la condition de la femme, du travail, de l’humiliation… Beaucoup de jolies listes malgré leurs longueurs. La lectrice se plonge, ici, dans la culture nipponne et se représente parfaitement ces visages, ces voix, leurs souffrances et leurs joies minuscules. Certaines phrases ressemblent à un Haïku: « je vois encore l’empreinte de tes pas dans la boue, près de la rivière. » Ce second roman, de Julie Otsuka, se termine au moment de la seconde guerre mondiale, ce qui constitue le préquelle de son premier roman. Beau moment de lecture. Prix Fémina Etranger 2012. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.

Mouche’. M. Lebey

Voici un petit roman détonnant. Avec beaucoup d’humour et dans un style qui n’appartient qu’à elle, Marie Lebey rend hommage à sa maman belge dit « Mouche’ « . La lectrice compatriote se retrouve parfaitement  dans le destin de cette femme qui a vécu sa vie à Paris. Dans la lignée des romans de Nathalie Rheims et de Delphine De Vigan, sans oublier celui d’Amanda Sthers, l’auteure rend hommage, à sa manière, à une femme drôle et cultivée. Beaucoup de poésie et d’émotions au fil des pages de ce roman truffé de précieuses petites listes. Marie Lebey nous fait rire en nous attendrissant: «  Mouche’, y es-tu? M’entends-tu? N’oublie pas, quand tu partiras, de laisser la lumière du couloir allumée. » Lecture coup de coeur!

Je suis la marquise de Carabas. L. Bordes

Lucile Bordes tire avec beaucoup de poésie sur les ficelles de son histoire. A travers ce joli petit roman, elle retrace le parcours de ses ancêtres forains: les fondateurs du Grand Théâtre Pitou. Son grand père, en fin de vie, cachait cette histoire qu’il n’arrivait pas à transmettre. Il était devenu instituteur, lui le dernier acteur de ce tableau familial. La lectrice perçoit derrière les mots, un monde de saltimbanques fait de voyages en roulottes, de costumes et de marionnettes en bois qui s’animent dans de fabuleux spectacles. L’auteure, après une enquête familiale et un travail de documentation, romance la vie de cette troupe et fait des allers retours entre le 19ème et le 20ème siècle. Dans un style ramassé, elle nous raconte le passage de sa famille, sur quatre générations, du Grand Théâtre Pitou au cinéma muet puis au cinéma parlant. Un petit roman qui ouvre les portes d’un monde imaginaire et enchanté. Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.

Eloge de l’Optimisme. Ph. Gabilliet

Voici un essai qui réconforte. Etant membre de la ligue des optimistes de France, j’ai rencontré Philippe Gabilliet lors du premier diner de la ligue, le 12.12.12. Luc Simonet, un belge à l’origine de la ligue, signe l’avant-propos de cet ouvrage facile à lire. L’auteur revient sur l’origine de cette notion et invite à réfléchir sur notre vision des choses en cette période de crise. Il décrit l’optimiste type et ce qui le différencie fondamentalement du pessimiste dans notre société et dans le monde du travail. L’optimisme est un art de vivre, l’antidote de tous les désespoirs, un état d’esprit à transmettre de manière urgente. A lire et à offrir.

La tête à ToTo. S. Kollender

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Sandra Kollender est mère d’un enfant handicapé, atteint du syndrome de West. A travers ce document, qu’elle écrit comme un roman autobiographique, elle invite la lectrice à découvrir sa douleur et son combat. Beaucoup de compassion et d’attendrissement face à cette auteure et les épreuves de sa vie. Dans un style direct et drôle, cynique mais parfois un peu trop féroce, la narratrice décrit sa lutte quotidienne pour l’intégration scolaire de son fils. Un document dont le thème principal est le pouvoir de l’amour maternel. Cette leçon de vie est aussi un cri pour faire évoluer la France et les handicaps: « wake up la France! ». Sélection Grand Prix des lectrices du « Elle » 2013.

Cher Gabriel. H. W. Freihow

Voici un magnifique document, d’un auteur norvégien, qui traite de l’autisme. Cette lettre touchante, d’un père à son fils, est écrite dans un style poétique, bucolique et métaphorique. La nature est, ici, omniprésente. Gabriel nous apparaît tel « Le Petit Prince de St Exupéry », exigeant, entêté, rêveur et naïf, en quête perpétuelle de vérité. L’auteur se questionne par rapport à la maladie de son fils. Il parle en son nom de narrateur mais aussi au nom du couple fragile qu’il forme avec la mère de Gabriel. Un couple qui refuse, avant tout, de capituler face à l’épreuve. Il est question, dans ce document, de l’amour de Gabriel mais aussi de toute l’empathie, la bienveillance et de la compassion ressenties dans l’entourage du garçon. Halfdan Freihow écrit de manière passionnée à son fils cadet pour lui expliquer également à quel point sa maladie entraîne des difficultés. Un père qui va jusqu’à s’excuser de manquer de force et d’énergie face à cet être différent des autres. Poignante définition du chagrin. Traduction imperceptible. Ce document nous captive par toute la beauté et la tendresse qui s’en dégagent. Coup de coeur! Sélection Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2013.

Laisser les cendres s’envoler. N. Rheims

Nathalie Rheims - Laisser les cendres s'envoler.

Après les très beaux romans maternels de Delphine de Vigan et Amanda Sthers, paraît le tout aussi captivant roman de Nathalie Rheims. Avec lucidité et tendresse, Nathalie Rheims nous livre un très beau texte teinté d’émotions et de férocité dont le thème principal est la défaillance maternelle.  L’auteure nous raconte son enfance et son adolescence comme un conte de fées qui vire au cauchemar. Son style est ciselé, juste parfois cynique mais sans pathos. Elle nous ouvre les portes d’un château enchanté, d’un monde aujourd’hui révolu, d’une dynastie familiale de banquiers réduite en cendres. Nathalie Rheims livre sa part de vérité, ses souvenirs et ses secrets. L’amour maternel est-il vraiment inconditionnel? Même si nous ignorons à quel point ce roman est autobiographique, Nathalie Rheims nous touche au coeur. Beaucoup de compassion pour cette auteure qui apparaît sous un nouveau jour.

L’art de la simplicité. D. Loreau

L'art de la simplicité

Ce manuel, destiné à simplifier notre vie pour l’enrichir, est paru en 2005. Il fait partie des nombreux livres, dont on parle actuellement, sur l’art de vivre dont « l’art de l’essentiel », « l’art de la joie », « l’art des listes »(même auteure), « l’art de la frugalité et de la volupté » etc…Dominique Loreau est une essayiste française qui vit au Japon où elle a pris des notes pendant plus de vingt ans. Elle aborde, ici, le poids du matérialisme propre au monde occidental face aux sources du bouddhisme zen et les joies du minimalisme. Les thèmes du soin du corps, de la beauté et du plaisir de la frugalité sont évoqués dans une deuxième partie. Certains de ses conseils sont très pertinents pendant que d’autres paraissent poussés à l’extrême surtout en matière d’alimentation. La dernière partie du livre, consacrée au mental, est certainement la plus enrichissante car elle évoque, notamment, l’importance de l’écriture et de la lecture. En refermant le manuel, quelques pages blanches nous donnent la liberté de rédiger « la liste de vos 1000 petits plaisirs ».

La maison de Sugar Beach. H. Cooper

Helen Cooper - La maison de Sugar Beach - Réminiscences d'une enfance en Afrique.

Ce document, qui se lit comme un roman, est une occasion unique de découvrir l’histoire du Liberia. Grâce au ton enjoué et l’auto-biographie de l’auteure, la lectrice découvre ce pays d’Afrique créé au XIXème siècle par des esclaves affranchis d’Amérique. Helene Cooper, descendante des fondateurs du Liberia, a grandi dans le milieu des Congos, l’élite politique du pays. Très agréable à lire, ce récit révèle d’abord une auteure touchante, intelligente, profondément attachée à son pays d’origine. Le coup d’Etat qui a marqué de manière irréversible, la vie de cette Libérienne et de son pays, redonne, au milieu du document, un nouvel élan en nous laissant parfois stupéfaits. Les tonalités, les senteurs, l’amitié et l’amour ainsi que les mots choisis par Helene Cooper laissent transparaître, de manière inégalée, les vraies couleurs du Liberia. Excellent moment de lecture. Grand Prix des Lectrices du « Elle » 2012, Document.

Loving Frank. N. Horan

En littérature, les livres qui laissent une trace indélébile se comptent sur les doigts d’une main. »Loving Frank » fait partie de cette catégorie. Publié en 2007, ce roman américain est prodigieusement bien écrit. Nancy Horan nous raconte l’histoire adultérine, réellement vécue, de Mamah Bortwick Cheney et  de son architecte Frank Lloyd Wright, au début du 20ème siècle. Défrayant la chronique de l’époque, les amants avaient alors fait scandale en abandonnant leurs conjoints et enfants respectifs pour vivre leur romance au grand jour. De ce magnifique roman se dégage, tout d’abord, une atmosphère, une ambiance, un climat très particulier. Les descriptions du style architectural et le travail de Frank, toujours en harmonie avec la nature, donnent du cachet à cette histoire passionnelle. Superbement bien construit, ce roman débute du point de vue de Mamah en traitant des droits de la femme aux Etats-Unis et en Europe. La psychologie des personnages est méticuleusement analysée et nous éclaire par rapport aux tourments émotionnels, conflits familiaux et les disputes qui se produisent régulièrement au sein du couple. Frank est un artiste excentrique bourré de talent mais peu fiable et dépensier. Mamah est une femme intelligente, amoureuse, qui justifie ses choix « pour vivre au plus près de sa vérité et donner un sens à son existence. » Elle traduira notamment les oeuvres de la féministe suédoise Ellen Key. Ce qui frappe tout au long de la lecture, c’est l’amour inconditionnel qui guide ces deux êtres malgré les obstacles. Le jugement moral, la culpabilité, la solitude, la pression de la société et de la famille sont également des thèmes centraux, au coeur de ce roman. Le dénouement est aussi inattendu que violent ce qui renforce le caractère exceptionnel de cette histoire. Nancy Horan a écrit ce premier roman en découvrant, à Oak Park, la maison des Cheney battie par Frank Lloyd Wright. Elle dit avoir voulu déterrer une histoire enfouie sous une chape de silence. Fabuleux moment de lecture.

Un soir de décembre. D. de Vigan

Un soir de décembre

Ce roman date de 2005. Il clôture la lecture de tous les livres signés par Delphine de Vigan. Le désir est l’axe principal de cette histoire d’homme qui, à quarante-cinq ans, va se mettre en danger. Marié à la femme de sa vie, père de deux enfants et écrivain à succès, il se retrouve fragilisé par l’écriture de son roman mais aussi par une histoire d’amour qui le rattrape comme une bulle d’air remonte à la surface. Sara va  réapparaître dans la vie de Matthieu Brin, dix ans après leur aventure. Delphine de Vigan décrit instinctivement la vie de cet homme perturbé, bouleversé, transformé. Elle dépeint parfaitement ses failles, ses doutes, ses fantasmes et son désir obsessionnel pour les femmes. L’écriture à vif, Delphine de Vigan nous parle d’amour et de sexe avec lucidité et cynisme. Roman moderne écrit par une femme moderne dans une société actuelle et parisienne. Bon moment de lecture.

Les jolis garçons. D. de Vigan

Le roman (2005)  le plus excentrique de Delphine de Vigan où  la relation amoureuse est décortiquée dans trois scenarios probables. Une femme de vingt six ans, Emma, face à trois hommes: Mark, Ethan, Milan dans l’illusion et le fantasme de la rencontre: « ..toujours vient le moment où il faut prendre conscience de l’immense imposture qu’est la rencontre de l’Autre. ». Style caustique, cynique mais aussi caricatural et drôle. Delphine de Vigan apparaît ici délurée comme jamais. Ce roman, très différent des autres, lui vaut d’être actuellement scénariste d’une comédie sur le sexe. Bon moment de lecture.

Les Heures souterraines. D. de Vigan

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En ce beau mois de mai, j’ai eu la grande chance de rencontrer Delphine de Vigan grâce à « Madame Figaro » . En parlant de son meilleur roman « Rien ne s’oppose à la nuit », elle m’a demandé si j’avais lu « les Heures souterraines » (2009). Face à ma réponse négative, Delphine de Vigan a proposé de me le faire parvenir. J’ai été très touchée par sa sensibilité et encore plus étonnée de recevoir son livre gentiment dédicacé. J’ai donc lu « les Heures souterraines »; lacune comblée. Les deux personnages principaux vivent à Paris, une ville que l’auteure désigne comme « ce territoire infini d’intersections où l’on ne se rencontre pas » . Mathilde est veuve, mère de trois enfants, cadre dans un grand groupe. Progressivement, elle est mise au placard par son supérieur et découvre l’entreprise comme un lieu totalitaire. Malgré elle, Mathilde continue d’emprunter quotidiennement  les couloirs souterrains du RER D, dans les entrailles de cette ville oppressante à l’air vicié. Mathilde va y perdre son énergie, son côté conquérant comme sa carte de World of Warcraft  » le défenseur de l’aube d’argent » . Parallèlement, Thibault est médecin urgentiste dans cette capitale étouffante où il soigne des hommes reclus comme des rats dans des appartements miteux. La solitude, le manque d’amour, la fin de vie, le harcèlement au travail et l’écoulement du temps sont les principaux thèmes de ce roman particulièrement bien écrit. Le style de l’auteur est direct, brutal, incisif. La lectrice ressent, derrière les mots, l’angoisse, la colère et la violence : la ville telle une menace. « Les gens désespérés ne se rencontrent pas« . Excellent moment de lecture.

Rompre le charme. A. Sthers

Septième roman pour Amanda Sthers, chiffre porte bonheur. La voici narratrice de son roman familial. L’oncle Benoit se suicide lorsqu’elle a six ans. Le demi-frère de sa mère s’est tué, et par ricochet, la mère d’Amanda est devenue une morte vivante avec le coeur « anesthésié ». L’aînée de la fratrie écrit « pour l’enfant de six ans qui voudrait retrouver sa mère ». Divorce des parents, mensonges et trahisons. « Grandir c’est se taire ».  Benoît vient hanter les rêves d’Amanda qui cherche la délivrance. Amanda Sthers rompt le charme morbide en écrivant ce livre douloureux.  Elle fait, notamment, un voyage au pays de l’enfance de sa mère, Viviane, sur ces terres malgaches pleines de rituels. La narratrice protège son jeune frère Noé, violoncelliste, en excorcisant sa peur. La peur de reproduire le shéma. Sauver Noé en « récurant » la famille. L’écriture comme délivrance; le livre comme un électrochoc. Culpabilité de l’auteure, tout au long du roman: « écrire c’est dégoûtant », c’est « fouiller dans les poubelles du coeur ». Les thèmes du mensonge, du secret, de la transmission familiale et du divorce sont omniprésents. A travers ses mots, l’auteure dresse le portrait, sans équivoque, de notre société moderne. Son style est direct, sans concession. Amanda Sthers est une femme libérée, une mère sincère et sensible, clairvoyante et pleine de compassion pour sa maman. La bande son est le témoin des différentes époques clés de cette famille de « zinzin » qui s’aime, se tait, se déchire, se déteste en silence…La lectrice espère, de tout coeur, que ce ne sera, en aucun cas, le dernier livre d’Amanda. Aina.

Ma vie précaire. E. Fontenaille

Livre Ma vie précaire auteur Elise Fontenaille -Calmann Lévy

Une histoire qui commence particulièrement bien. Une femme actuelle qui se déleste de ses livres, de ses vêtements, de ses meubles, de ses années de matérialisme d’une manière particulièrement poétique et généreuse, à Paris. Une écrivaine à la rue qui va se perdre au fil des pages de St Nazaire à la Guyanne en repassant par Paris. Une écriture lumineuse, une Elise tellement singulière avant qu’elle ne se perde sur « Craigslist » à la recherche de sexe ethnique et tarifé. La vie précaire d’une femme qui s’égare et qui s’accroche à ses amours de passage. Fela sera la résurrection de cette amoureuse de l’ailleurs. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012.

La comtesse de Ricotta. M. Agus

Les trois livres de la quinzaine

Un roman italien sous le climat particulier de la Sardaigne. Trois soeurs qui vivent, chacune à leur étage, leur vie de femme dans le palazzo familial délabré de Cagliari. La comtesse de Ricotta est l’une des trois; maladroite, cassée par la vie, fille-mère d’un petit retardé. Noémie est, elle, la plus terre à terre des soeurs, la plus fonceuse tandis que Maddalena reste la plus sensuelle quoiqu’infertile. La psychologie des personnages nous intéresse particulièrement dans ce roman qui se révèle sous un angle parfois « pathétriste ». Il y a du monde aux fenêtres de ce palais italien où il est aussi question d’amour, de quête du bonheur, de sexe, de perte, d’abandon, de culpabilité et de maternité. La symbolique du vaisselier nous éclaire sur les personnages et les amours d’Ellias et Noémie. Milena Agus nous donne le goût de la dolce vita à travers la nourriture, la musique, la nature, le soleil sur la mer… Un roman lumineux comme un amant italien, passionné et excessif. Littérature féminine. Livre d’escapade. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012.

Seins & oeufs. M. Kawakami

Un petit roman nippon résolument moderne et ultra féminin. 3 instantanés de vie de femmes qui s’entrecroisent dans la sphère familiale. L’auteur nous fait découvrir le nouveau visage de la société japonaise en toile de fond. L’identité, la difficulté de communiquer, la relation mère-fille, les cycles et périodes de la vie figurent parmi les thèmes abordés. Ce petit roman nous dépayse même si les personnages sont confrontés à des difficultés féminines universelles. Roman intime tout en rondeur. Traduction méticuleuse. Excellent livre d’escapade. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2012.

Et si l’amour durait. A. Finkielkraut

Et si l’amour durait

Réflexion du philosophe à travers différents textes dont celui de la princesse de Clèves et l’enigme du renoncement. Le livre interpelle, questionne sur la liberté d’aimer à travers le temps. Un livre d’escapade qui pourrait également faire partie d’une remise en question personnelle. Une analyse du verbe Aimer qu’il faut ensuite essayer de conjuguer. Passionnant et court comme un weekend en amoureux.

Ce que nous avons eu de meilleur. J.P. Enthoven

Ce que nous avons eu de meilleur

Un livre à l’écriture poétique, nostalique. Un style envoûtant, une écriture métaphorique. Le narrateur est captivé par Lavinia dont les yeux ont la couleur d’une « jeune pluie sur l’étang qui dort ». Errant à la recherche du bonheur, le narrateur se retrouve souvent entre les murs de La Zahia, un riad historique. Lavinia le ballade mystérieusement entre Marrakech, Rome et Paris. Son ami Lewis n’est autre que BHL et Ariane, Arielle Dombasle. Il y croise d’autres personnages plus emblèmatiques comme bébé d’Alcantara, Simon, Sucre d’orge ou Suzie et nous raconte, avec humour, des anecdotes de circonstances. Les fantômes de la sensuelle Talitha, Maurice Ronet ou Alain Delon hantent la Zahia pour notre grand bonheur de lectrice. Un livre marrakchi à emporter en escapade.

L’Alchimiste-P. Coelho

L’Alchimiste

 

 

 

 

Livre clé, incontournable. L’histoire de Santiago, un jeune berger andalou qui est à la recherche de sa légende personnelle. Il partira à la recherche d’un trésor, vers les pyramides, et rencontrer un tas de personnages dont l’alchimiste qui le guidera dans sa quête. Un livre à offrir ou à lire dans des moments de doutes ou de remise en question.

La couleur des sentiments-K. Stockett

La couleur des sentiments

Roman américain coup de coeur, Grand Prix 2011 du roman, « Elle » magazine France. L’histoire de nounous noires qui élèvent les enfants des « Blancs » du Mississippi dans les années 1960. Une jeune bourgeoise blanche va rassembler les témoignages de toutes ces petites mains, dans l’espoir de changer leurs conditions de travail dans un contexte de lois raciales strictes. Malgré la peur, ces femmes vont se rassembler et témoigner dans un livre en se liant d’amitié. Kathryn Stockett nous peint, avec beaucoup de style, une fresque émouvante de cette Amérique si particulière. Roman féminin par excellence. Excellent livre pour grande escapade.

Chevalier de l’ordre du mérite. S. Testud

 

Chevalier de l'ordre du mérite

 

 

 

 

 

 

 

 

Roman très français, pétillant, léger…Sylvie Testud a un humour contagieux. Elle trace le quotidien d’une trentenaire en couple, une maniaque cherchant à tout contrôler et qui n’y arrivera pas. C’est un livre qui fait du bien et que l’on visualise facilement à travers les mots. A emporter en escapade. Sélection « Madame Figaro » Grand Prix de l’héroïne 2011.