Ce roman ne fait pas partie de la rentrée littéraire 2015 puisqu’il a été publié en 1931. Marie Gevers est une auteure belge dont le style romanesque est comparable à celui de Daphné du Maurier. « La comtesse des digues » est un roman d’un autre temps, à la fois réaliste et naïf, mais il est, avant tout, un hymne à l’amour, à l’Escaut et à la nature. Comme dans un tableau illustrant la vie des fermiers à la fin du XIXème siècle, Marie Gevers nous plonge, avec talent, dans une époque révolue: celle d’anciens métiers, de vieux estaminets et des rives boueuses de l’Escaut. L’auteure avait la particularité de s’exprimer parfaitement en français tout en vivant en Flandre. Son personnage principal, Suzanne, est, ici, une jeune bourgeoise flamande qui s’exprime en français. Le père de Suzanne meurt alors qu’il était « comte des digues » (Dyckgraef) dans la région du Weert, au bord de l’Escaut. Suzanne rêve alors de reprendre sa place pour gérer les rives du Fleuve. Passionnée par la terre, les éléments, les paysages mais surtout par l’eau, la jeune femme passe ses journées à gérer les digues, les foins et les oseraies. Tiraillée entre deux hommes, elle hésite à se marier. D’un côté le beau Triphon l’attire par sa robustesse et son animalité car il révèle la violence de son désir de femme tout en étant l’incarnation du fleuve. Mais il y a un obstacle: le géant fauve n’appartient pas à sa catégorie sociale. D’un autre côté, Max Larix n’est pas un bel homme mais il est propriétaire, fils de vannier, et partage beaucoup d’intérêts avec Suzanne dont l’amour de la nature. Le cycle des saisons rythme harmonieusement cette fiction poétique particulièrement lumineuse. La lectrice se délecte des magnifiques descriptions de paysages, d’un mode de vie et d’un folklore aujourd’hui disparus. Enfin, quelques mots flamands, aux intonations familières, viennent raviver des souvenirs d’enfance liés à ce plat pays… qui est le mien. Excellent moment de lecture.