Pendant le confinement, nous avons assisté à l’éclosion d’un printemps singulier où la nature a repris ses quartiers : le chant des oiseaux à la place des voitures, la dissipation de la pollution au-dessus des villes, l’éclatante floraison des arbres et des fleurs au grand bonheur des abeilles…un émerveillement qui a ravivé notre besoin de nous reconnecter à un environnement malmené. Trop souvent inattentifs au monde, nous avons oublié les mots pour décrire une simple fleur, un oiseau, un paysage. Dans cet essai, Romain Bertrand évoque notre rapport à la nature, cette méconnaissance et cette incapacité à détailler le monde tout en dressant la chronique de son oubli. L’auteur revient sur le parcours des naturalistes, formidables portraitistes et philosophes, soucieux de bien décrire notre terre afin d’en prendre soin, même si ces passionnés ont finalement basculé de la contemplation à la mise à mort. Car à l’époque de Charles Darwin et Alfred Russel Wallace, les érudits rêvaient la nature entre quatre murs décorés de trophées : animaux empaillés, collections de papillons épinglés… Romain Bertrand dénonce le paradoxe de ces pionniers habités à la fois par le désir insensé d’inventorier l’environnement et de se l’approprier ; l’amour apache. Dans un style poétique, l’auteur explore le territoire de l’histoire naturelle au temps de Goethe et Humboldt lorsque les sciences se combinaient à la poésie, la peinture et la littérature : « Les voyages de Gulliver » de Jonathan Swift, « Robinson Crusoé » de Daniel Defoe. Captivé par son sujet, Romain Bertrand nous fait voyager dans le temps et dans de lointaines contrées en ravivant des sensations bucoliques. Au fil des pages, l’auteur nous incite à renouer le dialogue avec la nature. Bon moment de lecture.