Voici un roman rare et remarquable. Le temps d’une rotation terrestre, Maylis de Kerangal nous raconte l’histoire de Simon (19 ans) victime d’un accident de la route près du Havre. Arrivé à l’hôpital dans un coma dépassé, Simon devient un donneur potentiel d’organes mais il faut réussir à convaincre ses parents. D’un côté de la France, la mort de Simon est annoncée par étapes à une famille subitement terrassée par le chagrin. De l’autre côté, l’espoir illumine l’annonce d’une nouvelle vie à une femme en attente d’un coeur. Le style du roman est unique: Maylis de Kerangal écrit de manière chirurgicale, méticuleuse en n’omettant aucun détail. Elle nous livre une nouvelle définition de la mort dans ce roman qui traite du corps et de la greffe. Sa maîtrise narrative étonne; l’investissement est total. Le rythme est cardiaque frôlant parfois l’hyperventilation. La lectrice dispose de peu de temps pour reprendre son souffle au cours de sa lecture. Les personnages dégagent tous, à leur manière, beaucoup d’humanité. La palette de personnalités est particulièrement riche: la famille de Simon et Juliette la petite amie, la chaîne médicale de l’agence de la Biomédecine composée d’hommes et de femmes efficaces et la famille de Claire. Pour ma part, le chapitre consacré à Virgilio Breva ne me semble pas essentiel même si ce personnage joue un rôle crucial au sein de l’équipe médicale. La symbolique du coeur est singulière et magnifique dans cette histoire bouleversante. Maylis de Kerangal s’approprie magistralement « enterrer les morts et réparer les vivants » inspiré par le Platonov de Tchekhov et nous livre un roman profond, dense, poétique mais qui n’est pourtant pas à mettre entre toutes les mains. Grand Prix RTL-Lire 2014. Prix roman des étudiants France Culture-Télérama 2014.